Drôle mais profond, cynique mais pertinent, désespérant mais éclairant, ce roman ne laisse pas indifférent. Ma lecture terminée, j'ai parcouru de nombreuses critiques, les positives et les négatives et je choisis, sans hésiter, le camp des pour.
Que lui reproche-t-on ? Tout, je cite, du plus stupide au plus respectable : « juste un livre qui pue des pieds… consternant… INFECTE. MISOGYNE, RACISTE, ISLAMOPHOBE, SEXISTE, HOMOPHOBE etc. etc. » C'est vrai qu'en majuscules, on se fait toujours mieux entendre, surtout quand on a des choses pertinentes à dire. Poursuivons : «Je n'ai senti qu'au bout de quelques jours de lecture les réactions neuronales qu'a eues ce roman sur mon faible esprit, à savoir : tristesse, déprime, lassitude, ras-le-bol, agacement…
Oui, certaines écritures, certains personnages ont le don de nous gâcher l'existence. Ils vont mal, très mal… c'est bien triste. » « L'autre point négatif c'est le sexe… les remarques sur la société pourraient être intéressantes mais elles sont noyées dans cet excès de sexe, de violence. Aucune empathie pour les personnages masculins, les personnages féminins ne sont pas non plus épargnés…un roman à ne pas lire si vous êtes dans une phase un peu noire de votre vie, à ne pas lire si vous approchez la quarantaine, à lire si vous avez envie de découvrir une vision noire de notre société. »
Moi, j'ai passé un excellent moment et voici pourquoi :
J'ai aimé la dérision qui entoure le personnage de Bruno, espèce de Jean-Claude Dusse, champion incontesté de la poursuite de « l'ouverture » et de l'éjaculation précoce. Derrière ces passages drôles, il y en a d'autres qui le sont moins (les satanistes), mais qu'y voir sinon la dénonciation de cette société consumériste qui a fait de la jouissance l'alpha et l'omega de nos vies ? Trop de sexe, ont dit certains. Ils ont certainement raison, je comprends que cela puisse lasser, « Cachez ce sein que je ne saurais voir » mais en réalité, dans nos sociétés, dans nos vies, le sexe, ses fantasmes et son industrie règnent… Douze pour cent de tous les sites web sont des sites pornographiques. Il y a 4.2 millions de sites Web pornographiques… 420 millions de pages web pornographiques et 68 millions de requêtes quotidiennes pour des sites pornographiques via les outils de recherche internet. C'est-à-dire 25% de toutes les requêtes de recherche Internet.
L'industrie de la pornographie sur le Web a rapporté 97 milliards en 2006. https://www.psycho-ressources.com/bibli/stats-pornographie.html
Trop pessimiste, trop noir, disent les autres : moi, j'ai beaucoup souri et j'avoue une crise de fou rire à la lecture du passage de l'atelier d'écriture (les pages 109 à 118 de la version poche sont à lire si vous hésitez à cause du côté triste, noir et morbide que certains mettent en avant). Je confesse également avoir fait mon miel du sort réservé aux « 68tards », aux hippies et autres « newageards », dépeints sans ménagement comme ce « hippie plus âgé, aux longs cheveux gris, à la barbiche également grise, au fin visage de chèvre intelligente… ». Ce n'est pas bien de se moquer, je sais, mais oui, ça me plait et ça me réjouit. Woody Allen n'est pas loin.
D'autres disent que c'est une vision noire de notre société à ne pas lire si vous approchez de la quarantaine. Ma quarantaine légèrement dépassée depuis peu (un bon moment ? une éternité ?), je m'y suis pourtant risqué et n'ai pas encore constaté de séquelles post-traumatiques. Sur la forme, ils n'ont pas tort, mais peut-on reprocher à un auteur de permettre à ses lecteurs (personne n'étant obligé, n'est-ce-pas, enfin pour l'instant, de lire) d'ouvrir les yeux sur le monde dans lequel ils vivent. Nous avons là une brillante étude sociologique des bouleversements intervenus à la fin des années soixante (libération sexuelle, télévision, publicité, chute des idéologies et des religions) débouchant sur la fabrication insidieuse d'un nouvel Homme Nouveau. Lorsqu'on connait le résultat des précédentes tentatives (Stalinisme, Nazisme, Castrisme, Khmers rouges, Califat), on peut, bien sûr, apprécier le côté indolore (à coups de publicité, de propagande, de diabolisation et de déconstruction) de ce nouvel essai. Mais doit-on toujours se mettre la tête dans le sable comme l'autruche ou trouver, comme la grenouille baignant dans une casserole sur le feu, que la température du bain est idéale?
Et terminons-en avec les contempteurs à mantras … « INFECTE. MISOGYNE, RACISTE, ISLAMOPHOBE, SEXISTE, HOMOPHOBE etc. etc. » à l'aide d'une citation, une seule, que je dédis à ma grand-mère :
« Cette femme avait eu une enfance atroce, avec les travaux de la ferme dès l'âge de sept ans, au milieu de semi-brutes alcooliques. Son adolescence avait été trop brève pour qu'elle en garde un réel souvenir. Après la mort de son mari elle avait travaillé en usine tout en élevant ses quatre enfants; en plein hiver, elle avait été chercher de l'eau dans la cour pour la toilette de la famille. A plus de soixante ans, depuis peu en retraite, elle avait accepté de s'occuper à nouveau d'un enfant jeune, le fils de son fils. Lui non plus n'avait manqué de rien - ni de vêtements propres, ni de bons repas le dimanche midi, ni d'amour. Un examen un tant soit peu exhaustif de l'humanité doit nécessairement prendre en compte ce type de phénomènes. de tels êtres humains, historiquement, ont existé. Des êtres humains qui travaillaient toute leur vie, et qui travaillaient dur, uniquement par dévouement et par amour; qui donnaient littéralement leur vie aux autres dans un esprit de dévouement et d'amour; qui n'avaient cependant nullement l'impression de se sacrifier; qui n'envisageaient en réalité d'autre manière de vivre que de donner leur vie aux autres dans un esprit de dévouement et d'amour. En pratique, ces êtres humains étaient généralement des femmes. »
Est-ce vraiment trop difficile de comprendre que ce que l'auteur regrette le plus de la civilisation qui disparaît c'est l'Amour ? J'admets que ce livre soit dérangeant et effrayant pour beaucoup. Ce n'est pas pour rien que nous sommes de grands consommateurs de tranquillisants, de drogues plus ou moins dures (combien de consommateurs se soucient des ravages que provoque ce trafic dans les pays de production ?) et d'arrêts maladie de convenance. Comment expliquer autrement le succès de politiciens surgis de nulle part promettant le beurre « et en même temps » l'argent du beurre ? Cette nouvelle civilisation a besoin de consommateurs, or un consommateur inquiet ne consomme pas, il épargne pour les temps difficiles. Alors le système médiatique fournit les lunettes roses et le consommateur ne veut pas qu'on lui parle de choses qui dérangent. La poussière, sous le tapis !
Nous sommes, la plupart du temps bien malgré nous, « En Marche ». Personne ne se demande vraiment dans quelle direction. Houellebecq nous l'indique, ce n'est pas rassurant mais seuls des hommes inquiets pourraient avoir l'audace de faire machine arrière.
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Il me sera plutôt difficile de parler avec détachement de ce roman, qui par le plus grand des hasards évoque des réalités, des personnes et des faits que j'ai bien connus. La plume du romancier réaliste agit ici comme un scalpel qui dépouille les souvenirs d'enfance du lecteur de leur prestige ou de leur charge de terreur, et je conseille à toute personne qui a été enfant dans les années qui ont suivi 1968, et bien sûr dans les milieux qui en ont été affectés, de lire ce roman à titre curatif, voire vengeur. C'est ici que l'on verra combien les bons romans sont des romans qui désenchantent le réel, et libèrent l'esprit par l'ironie. Désenchanter est bien la mission essentielle du roman occidental, ce qui place Houellebecq à contre-courant de toute cette littérature de propagande, de grandes causes ou de "feel-good" qui caresse le lecteur-consommateur dans le sens du poil.
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Un choc. Malgré mes préjugés très négatifs à propos de cet auteur surmarketé, je dois dire que j'ai été complètement bluffé. Ce livre est extrêmement original et tout à fait passionnant. Il est aussi, il faut le dire, très déprimant. Mais il y a incontestablement une acuité d'analyse tout à fait remarquable – même si parfois il en fait beaucoup trop sur l'étalage de connaissances scientifiques du reste impossibles à vérifier pour le commun des mortels, et sans doute utilisées de façon risible aux yeux des spécialistes –, une habileté de construction du récit, une série de contradictions plus ou moins nettes qui donne à penser, un ton, le plus souvent dû à des coq-à-l'âne incroyables, tout à fait nouveau, un humour très corrosif. Je comprends fort bien tout ce qui peut déplaire et même exaspérer chez cet auteur, aussi bien dans ce livre, que dans ses poses et son utilisation des média (c'est pour cette dernière raison que j'ai si longtemps refusé de le lire, à tort ! ). J'ai été paradoxalement un peu rassuré par la lecture d'éléments biographiques concernant l'auteur, et le constat qu'il existe de nombreuses références autobiographiques dans ce roman ; je comprends mieux d'où lui vient son regard si noir, et je me dis que s'il voit le monde ainsi, c'est parce qu'il a eu cette vie-là, et donc – d'où mon soulagement relatif – que le monde n'est pas vraiment ainsi !
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Enfin ! Je l'ai lu ce monument bizarroïde de la littérature, adulé par certains, vilipendé par d'autres... Si je suis allée au bout c'est que j'y ai trouvé un intérêt certain, notamment la psychologie des personnages. Pourtant je ne crois pas connaître des individus tels que Bruno et Christiane dans ma vie de tous les jours (ou alors sans le savoir) mais l'intérêt d'un roman est bien de changer parfois de cadre... Eros et Thanatos, sex and death... (sexe et mort) sont à mon avis les thèmes centraux de ce roman.
Depuis sa date de parution – 1998 - bien des choses ont changé comme l'avènement du tout internet avec le meilleur et le pire, mais je peux comprendre que ce roman choque. Toutefois, Bruno et Christiane, échangistes invétérés m'inspirent plutôt de la sympathie et d'avantage de la pitié que du rejet. L'un exorcise son enfance difficile dans sa quête effrénée et hédoniste et l'autre était amoureuse et fidèle à son mari avant qu'il ne la quitte ! Y aurait il une morale ? Probablement, vu ce qu'il leur arrive (surtout Christiane). Donc, plutôt conservateur finalement ce bouquin malgré les passages « sex » !
L'indifférence réelle ou supposée de Michel me déconcerte d'avantage mais il est un contre pied ou l'autre face de son demi-frère Bruno. L'un comme l'autre réussissent professionnellement (enfin surtout Michel) mais échouent dans leur vie sentimentale... Toutefois, ils donneront la vie chacun à leur manière même si leur progéniture finit par leur échapper... (il faudra que je relise et comprenne mieux la fin du livre pour la « création » de Michel...)
J'avoue sans difficultés que je n'ai pas réussi à comprendre les passages scientifiques les plus ardus (pourtant je m'intéresse à la génétique) mais cela ne gène en rien la compréhension de l'histoire. En fait c'est une lecture « à plusieurs niveaux » selon sa culture générale, étendue ou non, et ses centres d'intérêts allant du sexe le plus basique à la philo la plus élevée. Pour ma part ce sont les quelques paragraphes liés à l'éthologie qui m'ont intriguée comme « l'animal oméga ». J'ai également apprécié l'initiation à la sociologie d'une époque vécue et pas si lointaine. Les flash-backs et récits dans le récit s'enchaînent plutôt bien sans nuire à la compréhension et donnent du rythme à la narration. La gamme est variée puisque l'on flirte aussi avec l'horreur (relatée avec dégoût par Bruno) et l'uchronie à la fin du livre.
De ce fait, j'ai rajouté sur ma pile à lire « la carte et le territoire » (qui aborde l'art et non plus les sciences) et que j'espère découvrir prochainement.
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