AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,78

sur 34 notes
5
4 avis
4
8 avis
3
6 avis
2
1 avis
1
0 avis
Emma rencontre Marcelle à un bal. Adolescente Emma n'ose la regarder, Marcelle est en dehors des codes de l'époque. Pourtant elles s'aimeront. D'autres jeunes filles graviteront autour de cette étoile double, quelques garçons aussi. Amour et désamours en ces temps d'insouciance au détour de la fin des années vingt.
La narratrice, la fille d'Emma, retrouve les lettres de Marcelle au fond d'un placard. La tuberculose les a séparées, Marcelle se retrouve en sanatorium à l'autre bout de la France. Emma s'entiche de Thérèse. Marcelle, elle se désespère, avec ces lettres, elle essaye encore d'ensorceler, d'envouter, de retenir Emma.
Avec des mots bien choisis, emplis de poésie, Claudie Hunzinger, nous fait revivre au travers de leur correspondance la vie de ses femmes. Leurs quotidiens, leurs espoirs, leurs coups de gueules, leurs déprimes …
Dans ce placard au secret, Claudie n'y trouvera pas que des lettres, s'y trouve aussi un uniforme. Un uniforme surgit du passé. Un uniforme chargé de secret.
La lecture est un peu déstabilisante au début, l'auteur nous livre les événements pas forcément dans un ordre chronologique. Elle les écrits comme les lettres viennent et nous révèle par petite touche une histoire de famille.
Ce tableau prend tout doucement forme, comme un puzzle avec une myriade de couleurs ou les asphodèles se balance tout doucement dans le vent protégeant une couleuvre verte endormie à leurs pieds.
Commenter  J’apprécie          330
C'est un roman singulier que nous livre Claudie Hunzinger, un roman-immersion dans l'histoire de sa mère, Emma, la belle Emma qui fascine tant, un roman-plongée dans ses amours avec Marcelle, cette relation débutée à l'adolescente et qui se prolongera dans le temps. L'auteure, au gré de la lecture de lettres que sa mère écrivait à/ recevait de Marcelle, va exhumer le passé pour tenter de comprendre sa personnalité insaisissable.

Claudie Hunzinger flirte avec les genres littéraires, autobiographie, biographie, autofiction, elle dialogue avec le passé et restitue une époque, des moments de vie à partir d'extraits de lettres, de photos ou même de ses propres interrogations. Elle intervient régulièrement dans le récit et interpelle Marcelle, cette fille au désir si brûlant et qui elle aussi a souffert de l'abandon de la belle Emma. Marcelle finit d'ailleurs par occuper totalement l'espace du récit, l'on vit avec elle cette maladie qu'il ne faut pas nommer -la tuberculose-, son amour pour Emma, et la perte de ses amies.

Les premières pages de ce récit m'ont beaucoup déstabilisée et auraient pu me faire sortir de ces mots. Il y règne une certaine confusion, celle de la mémoire qui tente de se souvenir, celle de ces lettres qu'on lit, qu'on ne comprend pas tout de suite, mais qui finissent par s'imbriquer pour compléter le puzzle. Mais le contraire s'est produit. Je me suis plongée moi aussi dans cette découverte d'Emma, dans cette rencontre avec Marcelle sans pouvoir m'arrêter, et cette Marcelle tourmentée, je l'ai énormément appréciée. J'ai eu le sentiment que Marcelle -l'aimée-, celle qui a vécu dans l'ombre de Marcel-l'élu- était soudain libérée et prenait vie dans ce qui, en plus d'être une sorte d'enquête sur une femme, est aussi le fidèle reflet d'une époque. le récit est vraiment très efficace et nourri par une plume travaillée, portée par la simplicité du coeur.

D'ailleurs, je n'espère qu'une chose, que viendra aussi celui de Marcel, le père de Claudie Hunzinger, ce fantôme qui flotte entre deux lignes et qui ressurgit ponctuellement pour nous rappeler sa présence. Il m'a réellement interpelée, ma curiosité est piquée.

Ce roman est le deuxième volet d'une trilogie, je vais vite me procurer le premier.
Lien : http://lelivrevie.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          290
L'incandescente... ou la brulure d'un amour passion...
Je découvre l'écriture de Claudie HUNZINGER sous les yeux de Marcelle et Emma qui tisse une histoire d'amitié profonde et sur la durée...
Je traverse ce temps d'avant au temps des non-dits... Même si toujours encore il y en existe aujourd'hui. Livre poème littéraire ode à l'amour classique... Histoire d'adolescence vers le monde adulte. Une jolie découverte...
Commenter  J’apprécie          210
« J'aime ton sommeil mieux que ta vie. Tu m'appartiens mieux quand tu dors. Au moins tu ne changes pas. Tu ne ris pas avec d'autres. Je ne voudrais pas que tu aies de petites intrigues avec d'autres. Je ne suis pas capable comme tes nouvelles camarades de vivre dans la haute atmosphère des livres. »

WOW quel roman ! Je viens vraiment de vivre une belle rencontre littéraire, à la fois tendre et intense. J'aurais tellement voulu que cette histoire ne prenne jamais fin et que je puisse la retrouver chaque soir, ne serait-ce qu'à travers quelques lignes, que je parvienne à lire entre les marges les sentiments amoureux qui y sont évoqués avec fougue et spontanéité. L'auteure et narratrice, Claudie Hunzinger, nous raconte les amours de sa mère Emma, dont elle ignorait l'existence jusqu'à ce qu'elle reçoive à ses funérailles un colis contenant des centaines de lettres. En parcourant les pages de ces mots tendres, elle redonnait vie à un amour plus grand que nature. Un amour passionnel, foudroyant, celui de sa rencontre avec Marcelle au début du siècle dernier, vers 1907.

L'auteure se souvient de sa mère comme d'une femme peu affectueuse, distante et incapable de proximité. Elle se questionne sur les raisons qu'elle a eu de rester toute sa vie silencieuse sur les sentiments qu'elle éprouvait envers Marcelle. Elle avait 17 ans à l'époque quand, dans un village de la Côte-d'Or, Marcelle et sa famille viennent s'installer tout près de chez Emma. Elles s'aperçoivent de loin, d'abord farouchement, puis se revoient à un bal du village. Au cours d'une deuxième rencontre, lors d'un mariage, elles se regardent à peine, toutes en émotions retenues. Marcelle « 2 ailes E », femme casse-cou, sauvage, troublante, excessive et « hautement inflammable » - est-ce suffisant pour la décrire tant le personnage est beau ? - a été amoureuse de sa mère. Elles ont vécu deux années d'amour passionné, période durant laquelle Emma est devenue femme, jusqu'à ce qu'une distance se crée. Marcelle, souffrante, la supplie de revenir, de se souvenir de leurs nuits et du désir profond installé sous les draps de leurs jouissances. Emma s'intellectualise. Dans le fossé qui s'est creusé entre elles, cette intellectualisation n'y est pas pour rien… Jalouse du savoir d'Emma, qui la plonge dans un sentiment douloureux d'infériorité à son égard, elle tente tout pour lui plaire. En vain…

Il y aura aussi Thérèse, Lucie, Marguerite… Mais le coeur du roman pivote autour de cet amour entre Emma et Marcelle. Déchirement de chaque instant, elles se quittent, renouent, se quittent encore jusqu'à la rupture finale. Claudie Hunzinger revient souvent sur la souffrance infligée par sa mère à sa partenaire. Elle exprime ouvertement lui en avoir voulu, ne pas comprendre, puis finit par se prendre d'affection pour Marcelle, l'incandescente. Sa mère pousse l'audace jusqu'à lui demander l'autorisation d'en aimer une autre. Qui était donc cette femme, secrète, puissante, indépendante et spontanée ?

Quoi qu'il en soit, les femmes qui habitent cette histoire sont toutes éprises de liberté. Elles vivent hors d'une époque, affirmées et rebelles. Elles sont belles et vivantes. Et l'auteure nous les raconte en épousant leurs sentiments aux beautés de la nature. Ce récit est une grande métaphore, un poème d'amour…

« Emma, vous avez l'amour de l'équilibre ; moi, celui des excès. Vous, plus de puissance de compréhension ; moi, plus de puissance de sensation. »

******************

« Vous êtes la fille la plus vivante que j'ai jamais rencontrée »
Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
Commenter  J’apprécie          140
De toute façon, c'est vrai, je suis une inconditionnelle de Claudie Hunzinger : je guette son nom sur les présentoirs des librairies et lorsqu'un livre d'elle sort, je me jette littéralement dessus. Je ne le lis pas tout de suite, oh non… je fais durer le plaisir. Je le tourne et le retourne, scrute dans les moindres détails la couverture, lis quelques pages, par ci, par là, pour me mettre l'eau à la bouche, et puis j'y vais, je fonce.
Je ne suis jamais déçue. Jamais. Je reconnaîtrais son écriture entre mille, pleine de sensualité, de poésie, de couleurs, d'odeurs, de sensations. Parfois je m'arrête dans ma lecture, comme frappée de beauté : une phrase toute simple, là, inattendue, légère, pleine de poésie, me transporte. C'est magnifique. Je fais une pause et la relis.
Et je crois que pour L'incandescente, Claudie Hunzinger s'est surpassée (mais je dis peut-être ça à chaque fois que je termine un de ses livres !)
Le sujet ?
La narratrice (Claudie ?) a quinze ans lorsqu'elle trouve, au fond d'une vieille armoire de famille, dans les affaires de sa mère disparue, un carton de lettres de jeunes femmes, des « enfants terribles », condisciples de l'École normale d'institutrices. Celles qui retiennent particulièrement son attention sont signées : Marcelle.
La narratrice, en parcourant cette correspondance, se rend compte que la jeune femme « habitait un recoin » de sa famille, qu'elle était là, sans être là.
Parce que sa mère l'avait aimée.
Marcelle écrit beaucoup, plusieurs fois par jour. «Voulant vous cacher que vous me plaisiez, je ne vous cachais pas que vous me déplaisiez ». Elle est une séductrice, Emma ne résiste pas.
Les deux femmes sont très différentes : « Si dès le début, Emma écrivait avec un projet littéraire derrière la tête, Marcelle, elle, écrivait pour envoûter Emma. »
Marcelle ne compte pas, elle donne, elle s'offre, écrit des « lettres sauvages, exquises, vénéneuses ». Elle aime les fleurs, en dispose dans toute sa maison, en envoie par la poste, en parle dans ses lettres : « Je voudrais voir des roses, je voudrais voir du lilas, du lilas lourd, du lilas chaud, du lilas qui s'écroule ». Elle a « des crises d'adoration pour les fleurs ».
Tandis que l'une veut devenir adulte, l'autre court dans l'autre sens, appelle les adultes « les barbares », grimpe aux arbres, court pieds nus dans la neige, se disperse, jaillit, rayonne, fille de feu insoumise. Elle « dit que le monde la possède et qu'elle veut le posséder en retour. » Emma, la sérieuse, la puissante, apprend, travaille, se concentre, aime aussi mais supporte mal que Marcelle lui fasse « connaître l'insoutenable expérience de la dépossession d'elle-même. » Elle a besoin de « garder le contrôle », de se maîtriser.
La fille d'Emma va donc écrire le roman de Marcelle. Peut-être est-ce ce qu'Emma aurait voulu. Qu'elle « prenne en charge ce ballot de lettres ».
Deux ans mythiques, de folies amoureuses, de danses dans les herbes. Puis, la séparation : Marcelle prend un poste en maternelle à Châtillon-sur-Seine, Emma poursuit en troisième année à Dijon et écoute attentivement les cours de Mademoiselle Aymé.
Marcelle écrit : « J'aime ton sommeil mieux que ta vie. Tu m'appartiens mieux quand tu dors. », « Je déteste Mademoiselle Aymé et son règne qui vous intellectualise. Vous allez disséquer même mes lettres. », « J'exige votre affection », « Emma, vous avez l'amour de l'équilibre ; moi, celui de l'excès. Vous, plus de puissance de compréhension ; moi, plus de puissance de sensation. »
1928, Marcelle tombe malade : la tuberculose. Elle doit se rendre au sanatorium des Instituteurs de Sainte-Feyre, dans la Creuse, « genre de paquebot immobilisé au milieu du murmure des eaux… On y meurt atrocement. On meurt sans en avoir l'air. Lentement. »
« Emma, si je meurs, m'écrirez-vous ? » lui demande-t-elle…
On y vit aussi, comptez sur Marcelle pour faire du bruit, rire aux éclats, lire des poèmes… un vrai gang de jeunes filles tenant à peine debout et qui courent à perdre haleine dans les couloirs et les jardins… au risque de se faire renvoyer.
Chaque jour, la narratrice, fille d'Emma, se plaît à lire les lettres de Marcelle, à retrouver Marcelle. Elle lui ressemble, songe-t-elle…
Il y aura aussi les autres filles : Hélène, Thérèse, Marguerite dont les portraits et les mots parcourent les lettres : « Des êtres un peu fantastiques, hybrides, moitié chevelure de fée et sabre, moitié dragon et pieds nus. »
Des femmes qui resurgissent, qui renaissent à travers les lettres : elles ont étudié, se sont aimées, ont souffert. Certaines sont mortes bien prématurément, d'autres ont été torturées, anéanties par l'Histoire. Mais, elles ont vécu. de chacune d'elles, il eût été possible d'écrire un livre, la tentation est grande parfois de s'aventurer du côté de Thérèse, petite Antigone, ou d'Hélène.
Et puis, il y a un autre paquet de lettres dans l'armoire : celles de Marcel avec un seul l, écrites en allemand… C'est l'Histoire qui s'invite, « avec sa grande hache », comme disait Perec. le mari d'Emma s'appelait Marcel : « les deux grandes passions d'Emma portaient le même prénom ». Il est des hasards dans la vie… En 1940, suite à l'annexion de l'Alsace par l'Allemagne, il faisait partie de ceux qui avaient dû se reconvertir par la force « de Français en nazi ».
Parler du père aussi, peut-être, un jour…
Des portraits flamboyants, généreux et sauvages de femmes vivantes et aimantes, sans retenue. Un hymne à la vie et à l'amour à l'état pur comme un diamant. Un texte de toute beauté qui brûle de sensualité et de folie, la folie de celles qui aiment, malgré tout.

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          120
L'incandescente de Claudie Hunzinger est le deuxième tome d'une trilogie mais il peut parfaitement se lire de façon indépendante : c'est ce que personnellement, j'ai fait.

L'histoire racontée ici est inspirée de la vie de l'auteure elle-même et de celle de sa mère, Emma : petite, elle découvrit des lettres cachées adressées à sa mère par une dénommée Marcelle. L'auteure grandit donc avec en elle cette découverte de la vie cachée de sa mère dont elle nous fait part aujourd'hui.

Je vous arrête tout de suite : il ne s'agit pas d'un roman épistolaire. Ni d'un récit habituel. Ici, l'auteure mélange les genres, les registres, et nous livre une biographie/fiction qui se veut poignante mais qui n'a pas réussi à me toucher.

J'ai eu du mal à entrer dans l'histoire : tout au long de ma lecture, je suis restée en retrait de ce jeu fascinant qui prenait place sous mes yeux et j'ai parfois eu l'impression d'être de trop, comme si ma place n'était pas ici. C'est une impression assez étrange à décrire mais la dimension personnelle de l'auteure est si présente dans le texte que j'avais du mal à m'attacher aux personnages. de plus, la limite entre passé et présent est très floue, notamment au début du roman, ce qui peut facilement déstabiliser.

J'ai tout de même apprécié la belle plume fluide de Claudie Hunzinger qui est le point fort que je retiendrai du livre.
Commenter  J’apprécie          60
Second tome d'une trilogie dont je n'ai d'ailleurs pas lu le premier, je vous rassure tout de suite cela ne gène en rien la lecture de ce roman. C 'est un roman sur la mère de l'auteur, il est donc assez personnel et ça se ressent dans l'écriture et ajoute une dimension supplémentaire pour le lecteur. L'action se situe dans les années 30, il s'agit d'une correspondance épistolaire entre deux femmes Emma (la mère de l'auteur) et Marcelle, elles seront les premières enseignantes , mais la tuberculose touche Marcelle et les antibiotiques ne sont pas encore monnaie courante et l'on meurt souvent de ces maladies. C'est une course contre la montre, course contre la mort que le lecteur vit au rythme des lettres entre les deux femmes. On espère, on a peur, on est ému, touché , c'est une très belle histoire à travers laquelle on peut vivre toute une époque, une période historique, sociale.

Les deux femmes sont très différentes l'une est solaire, l'autre plutôt lunaire, une est posée quand l'autre est un peu fofolle... C'est deux façon de vivre sa vie, deux destins différents. C'est aussi l'histoire de l'émancipation de la femme, la quête de la liberté qui a tant coûté à certaines femmes. On ne mesure jamais assez ce que nos ancêtres ont dû sacrifier, combien elles ont dû se battre pour que nous puissions être libres de nos jours.

L'écriture est belle, l'histoire aussi et j'ai donc découvert un auteur vraiment sympa. Je vais sûrement lire les autres. C'est un très beaux textes, des très beaux portraits de femmes, des lettres émouvantes et beaucoup de sensualité. C'est un livre qui questionne et que l'on oublie pas sitôt fermé.

VERDICT

Une très belle histoire et des personnages touchants et forts, ce roman plaira aux lecteurs aimant les histoires de femmes fortes et indépendantes.
Lien : https://revezlivres.wordpres..
Commenter  J’apprécie          50
Une vieille armoire, réouverte. Des liasses de lettres, éparses. Des bribes d'un passé, insoupçonné. Des mots posés sur des existences, étourdissantes. Celle d'Emma, l'incandescente et Marcelle, la virevoltante. Amies, amantes, âmes soeur. Les années 20, les années 30. le tourbillon de la vie. Et la narratrice, fille d'Emma, qui des décennies plus tard, parcourt ces vies, à travers les lignes, au détour des phrases, entre les mots. Et envisage, au-delà de la page. À cela se mêlent les souvenirs d'enfance de la narratrice – l'auteure... –, qui tour à tour les éclairent et les assombrissent. S'esquissent alors la pudeur, la crainte, la tendresse, la confusion, et les perceptions, les sentiments, les couleurs du temps, le parfum des fleurs. Quant au personnage de Marcel – sans « 2ailesE » –, déroutant homonyme, le futur mari et père des enfants d'Emma dont l'esprit plane au-dessus des lettres, il se fait jour au fur et à mesure des réminescences de l'auteure augurant un prochain livre qui le révélera.
Pour l'heure, nous suivons le fil de l'histoire de Marcelle. Celle qui a tant aimé Emma. Un amour qui commence à l'adolescence sur les bancs de l'école. Deux jeunes filles aux caractères opposés, mais fascinées l'une par l'autre. Marcelle est vive, légère, naturelle et spontanée, proche de la nature et des éléments. Emma est réfléchie, cérébrale, elle veut tout maîtriser, tout dominer. L'air et le feu. Marcelle deviendra maîtresse d'école, pas à la hauteur d'Emma qui elle, poursuit ses études pour enseigner la littérature. Un jeu de correspondances s'installent alors entre les deux jeunes femmes. Emma répond avec parcimonie aux lettres de Marcelle, s'éloignant doucement au bras d'une certaine Thérèse... mais Marcelle persévère... jusqu'à ce que la tuberculose s'insinue dans sa vie. le sanatorium, la mort qui rôde, la rencontre et la perte d'amies, la peur, la souffrance, les soubresauts de la vie.
Un roman de l'intime, de l'amour, de la mort, de la mémoire, de l'embrasement. Des fragments de vies, restitution et rêverie entrelacées. Et le rayonnement d'une phrase, que je n'oublierai pas : « La littérature n'est-elle pas l'enfance retrouvée. »
Lien : https://lesmotsdelafin.wordp..
Commenter  J’apprécie          51
Claudie Hunzinger avait commencé son exploration familiale avec Elles vivaient d'espoir (Grasset, 2010) où elle racontait l'histoire de sa mère, d'abord amoureuse d'une jeune fille, Thérèse, puis d'un homme, Marcel. Fort heureusement pour nous, elle n'en avait pas fini avec l'amour fou. Car avant Thérèse, il y a eu Marcelle, qui a précédé Marcel, le père de Claudie. En rangeant des cartons, elle a retrouvé des lettres, des dossiers, des cours de littérature de Marcelle. Des souvenirs fascinants pour l'auteur qui est aussi artiste et qui à la nostalgie de cette époque révolue où on s'envoyait des lettres et où on les gardait. «Peut-être ma civilisation sait-elle en secret que rien ne lui survivra» écrit-elle au moment de repartir en exploration, en cherchant à reconstruire l'histoire de sa mère et des femmes qui l'ont accompagnée tout au long de sa vie.
«Tout avait commencé le premier soir des grandes vacances. Emma avait dix-sept ans, et c'était l'été 1923 à Puligny-Montrachet, un village ancien en Côte-d'Or.» Elle ne sait pas encore que la voisine qui vient de s'installer à quelques mètres de chez elle bouleversera son existence. Très vite, Emma sera «fascinée par Marcelle comme par une joueuse de flûte» et très vite les deux jeunes filles vont devenir inséparables. Après la bac, elles s'inscrivent toutes deux à l'école normale et passeront deux années inoubliables, leur amour étant renforcé par leurs découvertes littéraires et par le talent de leur professeur Suzanne Aymé, la grande soeur de Marcel, qui fut «un professeur d'existence, enseignant la dimension esthétique de la vie, c'est-à-dire affective».
Nommée enseignantes, elles doivent prendre des chemins séparés, mais s'écrivent beaucoup. Et bien. Car Emma a un projet littéraire et Marcelle écrit pour envoûter Emma. «Le temps d'Emma», titre de cette première partie lumineuse et exaltante, se lit aussi comme une ode à la liberté. « La voix de Marcelle me parvenait de si loin, je l'entendais, tout près, comme une injonction à ne jamais suivre les foules qui se rassemblent, à désobéir aux mots d'ordre, à refuser la terrible uniformisation qui s'est abattue sur nous.» Un don pour la rébellion dont la jeune femme aura besoin quand la maladie va la gagner et qu'elle doit partir pour le sanatorium.
Pour Emma et pour Marcelle vient alors le temps de nouvelles rencontres. D'un duo, on passe à un quatuor avec Hélène et Marguerite qui sont également soignées au sanatorium et que Marcelle entend séduire. Les parties suivantes du livre leur sont consacrées. Emma pour sa part croise le chemin de Thérèse, son Antigone. Car les destins tragiques semblent se confondre avec l'humeur d'un pays qui va oublier les années folles pour la montée des périls.
Jusqu'au «Champ des asphodèles», la dernière partie de ce roman tour à tour solaire et lunaire, on comprendra la fascination de l'auteur pour une mère obligée de fuir, de peur de se consumer, se retrouvant avec «ses douleurs. Ses hontes. L'enfer. L'ange exterminateur, amoureux et broyé.»
Après avoir rencontré Marcel dans les Vosges en 1935 – un père dont les différentes facettes restent encore à explorer – Emma s'installe en Alsace alors que le nazisme gagne tous les jours du terrain. Avec ses quatre enfants Manon, Bruno, Claudie et Christel, «Emma s'est réfugiée dans la littérature qui est l'enfance retrouvée». Apprendre le français à Colmar à ce moment-là, c'est encore être libre, insoumise. C'est aussi offrir à sa fille les moyens de nous enchanter, bien des années plus tard avec ce petit bijou de sensualité.

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          40
Ce roman aurait pu être présentée uniquement sous une forme épistolaire : c'est à partir des lettres retrouvées, échangées entre Emma et Marcelle que la narratrice retrace l'histoire des deux jeunes filles. Ce n'est pas le cas, fort heureusement : il y a une vie entre les lettres, après les lettres. Il y a, surtout, toute la période où elles furent ensemble et n'eurent pas besoin de s'écrire, les périodes de retrouvailles, et la fin de leur correspondance.
Je vous rassure : la narratrice ne nous gâche pas la lecture en nous racontant comment leur histoire s'est terminée. Si elle anticipe certains événements, ce sont uniquement ceux qui la concernent directement, elle, ses parents et ses frères et soeurs. Ou comment Emma, sa mère, a aimé Marcelle, puis Marcel, troublante homonymie. En lisant ce livre, nous découvrons à la fois l'histoire des deux épistolières, mais aussi l'histoire de la narratrice en train de lire ces lettres, de s'interroger sur l'attitude d'Emma, de le rapprocher de la manière dont elle se comporta envers sa fille, comportement dont elle ne détient pas encore l'explication, juste des interprétations possibles. Emma ne se laisse pas deviner si facilement, contrairement à Marcelle ou à Thérèse, une autre jeune fille dont elle fut très proche.

Oui, ce livre nous montre un univers presque exclusivement féminin, ce qui ne signifie nullement qu'il est niais ou éthéré. Les jeunes filles que nous croisons sont toutes les aspirantes enseignantes, les toutes premières quasiment, hussardes noires qui allaient être envoyées aux quatre coins de France, si leurs résultats le leur permettaient. Leurs résultats, et leur santé. J'ai eu envie de rentrer sur la pointe des pieds dans cet établissement où étaient envoyées Marcelle, Marguerite,Hélène et toutes celles qui n'avaient pas de prénoms, pour soigner leurs poumons malades. Elles sont unies, parce que quasiment seules avec la maladie, le médecin qui autorise ou non telle ou telle traitement selon la gravité de leur état. C'est Marcelle, toujours (forcément) qui écrit, avec une lucidité parfois effrayante. Nous ne sommes pas à la douce époque où l'on parle de pensées positives, de la volonté qui permet de guérir, et autres discours fades. L'on est à une époque où il manque l'essentiel pour guérir : un traitement réellement efficace. Nous voyons ces jeunes filles profiter de la vie malgré tout, malgré l'avis des médecins parfois. Marcelle parvient à faire rentrer, à travers les défis qu'elle se lance, à travers la nature qu'elle observe, une énergie poétique.
Ouvrir les portes des établissements de soin, ouvrir son coeur, dire ce que l'on a à dire, même si c'est définitif, ouvrir les armoires, les lettres, et ouvrir la fin du roman pour dresser un pont vers un autre roman. Qui sait ? Marcelle, l'incandescente, invite à ne pas renoncer, à vivre plus fort.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
Commenter  J’apprécie          40




Lecteurs (79) Voir plus



Quiz Voir plus

Un chien à ma table

Comment s’appelle le lieu-dit où habitent Sophie et Grieg ?

Les Bois-Bannis
Les Bois-Damnés
Les Bois-Maudits

12 questions
14 lecteurs ont répondu
Thème : Un chien à ma table de Claudie HunzingerCréer un quiz sur ce livre

{* *}