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Citations sur Professeurs de désespoir (15)

Libre comme un mort-né : Emil Cioran

Je pense souvent à notre mère (...), et surtout à sa mélancolie dont elle nous a transmis le goût et le poison. (p.97)
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-L'asphyxie: Thomas Bernhard-

La famille Bernhard habite à cette époque le village de Seekirchen. Et dans ce village, l'endroit préféré du petit garçon est le cimetière. (On se rappelle les crânes humains avec lequel Emil Cioran jouait au foot, et le faible de Molloy, personnage de Sam Beckett pour l'odeur des cadavres en décomposition.) Thomas est un Hamlet précoce: "Les morts, dit-il, étaient déjà mes confidents les plus chers, je m'approchais d'eux sans contrainte. Des heures entières j'étais assis sur l'entourage d'une tombe quelconque et je ruminais sur ce qu'est être et son contraire" (p.182-183)
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D'une certaine façon, bien sûr, l'expression même de "professeur de désespoir" est une contradiction dans les termes, car si l'on est vraiment désespéré on ne professe rien, on écrit rien, on sombre dans le silence et on se laisse glisser vers la mort. Écrire, c'est déjà espérer. c'est apporter un soin à la forme, au style, à la syntaxe, à la manière de dire - estimer donc que quelque chose en vaut la peine. Comme le fait remarquer Romain Gary, "on ne peut pas aimer passionnément dans un don de soi total et proclamer l'insignifiance, l'insuffisance ou l'absence de l'amour et le néant au cœur de l'homme". En d'autres termes, même si, dans ces livres, le fond dit : Il n'y a que boue, la forme dit : Cette boue, je suis capable de la transformer en or, en art, en chose solide, pas transitoire, quasi immortelle.
Pour devenir nihiliste, il ne suffit donc pas d'être désespéré. Il faut que, de privé, votre désespoir devienne public, qu'il s'affiche comme votre passion exclusive, votre raison d'être, votre message au monde. La plupart de ces auteurs, on l'a vu, consacrent énormément de temps et d'effort à polir leur oeuvre : Beckett se sert de l'humour lapidaire, Cioran de l'élégance syntaxique, Kundera d'un tissage dense de fiction et de théorie, Bernhard d'une énergie verbale irrépressible et ainsi de suite. la forme, pourrait-on dire, sert d'antidote au poison du message manifeste. Et, tout en affichant une attitude de mépris à l'égard des foules, l'on offre le fruit de son travail à ses mêmes foules (à qui d'autre l'offrir?). Il est donc question malgré tout d'échange, de transmission et de don ; il ne peut en être autrement. Les néantistes sont doués, et ils donnent. Leur don les empêche de sombrer ; c'est pourquoi ils décrivent l'activité artistique comme la seule chose qui confère un sens à leur existence.
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L'art en tant que tel, et peut-être surtout la littérature, est un refus du monde tel qu'il est, l'expression d'un manque ou d'un mal-être. Ceux qui sont bien dans leur peau, amoureux de la vie en général et satisfaits de la leur en particulier, n'ont aucun besoin d'inventer un univers parallèle par le truchement des mots. (p.20-21)
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[...]le royaume du néantisme. Dans ce royaume il est interdit de vouloir aller mieux. On doit chérir son malheur, choyer ses pulsions suicidaires, s'ériger en héros tragique de sa propre dépression. Loin de chercher à sortir de la souffrance, on doit l'entretenir, la nourrir et la pouponner, pour en faire une œuvre grandiose.
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Tout se passe comme si l'oeuvre d'art avait pour fonction de racheter, de rédimer nos péchés politiques. Au lieu d'aller à l'église écouter le curé nous expliquer le sens de nos souffrances, nous achetons des livres ou assistons à des spectacles qui nous assurent qu'elles sont inévitables, que tout est misère, méchanceté et oppression... et nous rions, applaudissons, parce que c'est bien dit - qu'est-ce que c'est bien dit ! Nous partageons ainsi la culpabilité et sommes heureux de la voir dire, proclamée et revendiquée ; en posant le livre ou en sortant du théâtre, nous nous sentons étrangement allégés. Au moins ces oeuvres contiennent-elles des certitudes, alors que les horreurs du monde nous plongent dans un paroxysme d'incertitude. A réalité trop mobile, littérature immobile. A réalité trop humaine, philosophie inhumaine.
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Pour devenir nihiliste, il ne suffit donc pas d'être désespéré. Il faut que, de privé, votre désespoir devienne public, qu'il s'affiche comme votre passion exclusive, votre raison d'être, votre message au monde. La plupart de ces auteurs, on l'a vu, consacrent énormément de temps et d'effort à polir leur oeuvre : Beckett se sert de l'humour lapidaire, Cioran de l'élégance syntaxique, Kundera d'un tissage dense de fiction et de théorie, Bernhard d'une énergie verbale irrépressible, et ainsi de suite. La forme, pourrait-on dire, sert d'antidote au poison du message manifeste. Et, tout en affichant une attitude de mépris à l'égard des foules, l'on offre le fruit de son travail à ces mêmes foules (à qui d'autre l'offrir ?). Il est donc question malgré tout d'échange, de transmission et de don ; il ne peut en être autrement. Les néantistes sont doués et ils donnent. Leur don les empêche de sombrer ; c'est pourquoi ils décrivent l'activité artistique comme la seule chose qui confère un sens à leur existence.
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«D'une certaine façon, bien sûr, l'expression même de «professeurs de désespoir» est une contradiction dans les termes, car si l'on est vraiment désespéré, on ne professe rien, on n'écrit rien, on sombre dans le silence et on se laisse glisser vers la mort. Écrire, c'est déjà espérer. C'est apporter un soin à la forme, au style, à la syntaxe, à la manière de dire -estimer, donc, que quelque chose en vaut la peine.»
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"Je m'étais préparé à la solitude, commence-
t-il. Heureusementj'ai eu le temps de m'y pré-
parer... Mais ce avec quoi je n'avais pas compté,
c'est l'absemce. Son absence. Celle de Geneviève.
Ça, c'est dur, je n'aurais pas pu prévoir, à quel
point. Ce que ça fait de ne plus pouvoir frotter
mon esprit comtre le sien." (Sans le savoir, il
vient de paraphraser Montaigne : !frotter et limer
notre cervelle contre celle d'autrui...") Pour Kun-
dera, au contraire, prendre la parole dans une
conversation est acte belliqueux, "une révolte
brutale contre une violence brutale, un effort
pour libérer notre propre oreille de l'esclavage
et occuper de force l'oreille de l'adversaire".

p. 249

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"Nous communiquons avec eux dans la transposition esthétique du malheur."
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