Etrange livre, voire parfois terrifiant, terrifiant devant la solitude de l'enfant qu'était l'auteur, Eva et ses 11/12 ans, l'absence de services sociaux pour la protéger contre sa mère et l'univers dans lequel elle évolue.
Surprenant aussi, ce texte qui replonge le lecteurs dans les années 70, 80 et les nuits parisiennes : la main bleue, le Palace ... Un univers obscène où une enfant déconstruite par sa mère et transformée en objet sexuel pédophile, tente de grandir. Mais comment grandit-on dans un monde où rien n'est sûr ? La scolarisation plus que chaotique de l'auteur, son besoin de s'évader par quelque moyen que ce soit de la laideur de sa vie ordinaire et qui l'emmène des boîtes de nuit parisiennes à 12 ans, aux quartiers de la prostitution féminine comme masculine, aux maisons Haussmanniennes, défilés de Haute Couture et à l'injection de substances dangereuses ... Quelques îlots de miracle : son pote Christian, ainsi que Vincent, son arrière grand-mère recluse dans son rabicoin ... mais c'est si peu de choses et même temps beaucoup déjà.
Eva me semble une vieille femme dans un corps d'enfant : le terme de vieille n'est pas péjoratif pour moi, il exprime la lassitude qu'on peut ressentir avec l'âge et la dégradation du corps. Eva qui rêve au grand amour qui la sauvera : elle en aurait bien besoin d'un amour au sens large du terme, mais comment sauver quelqu'un qui se noie ?
J'ai été aussi surprise par la précision saisissante des souvenirs de l'auteur, d'années qui auraient dû se dissoudre dans l'alcool, les substances dangereuses et le temps.
Ionesco fait renaître avec acuité cette époque, sa haine/amour de cette époque où beaucoup d'enfants se sont fait dévorés par les monstres pédophiles en toute impunité. Etrangement dans cet écrit et même si Eva n'a aucun rapport avec l'auteur
Eugène Ionesco, j'ai retrouvé le sens de l'absurde, d'effroi et d'émerveillement face à l'étrangeté du monde, qui me semble-t-il, forme les racines de l'auteur de "
Rhinocéros", de "
la cantatrice chauve" et du "Roi se meurt.