Citations sur Chourmo (29)
- Tu vas crever ! (Je l’empoignai violemment par les cheveux, et l’obligeai à soulever la tête.)
Regarde ! Tu vois, c’est l’enfer. Le vrai. Celui des charognes, comme toi ! C’est ta chienne de vie qui vient te bouffer. Pense à Pavie.
Et je donnai un violent coup de crosse sur son poignet. Il hurla et me lâcha le mollet. Je bondis et contournai la maison. Le feu se propageait. Je balançai le fusil le plus loin possible dans les flammes et courut sans m’arrêter.
Mais par rapport à "ceux d'en bas", il y a la vue. Magnifique. La plus belle de Marseille. On ouvre sa fenêtre et on a toute la mer pour soi. C'est gratuit. Quan on n'a rien, posséder la mer - cette Méditerranée - c'est beaucoup. Comme un quignon de pain pour celui qui a faim.
Ce n'était sans doute jamais facile d'élever un enfant. Cela n'allait pas sans douleur. Mais ça valait la peine. S'il y avait un avenir à l'amour.
Il y avait quelques mois , le bar de Hassan avait brûlé...
Hassan avait refait son bar. Les peintures tout ça. Puis, tranquille, comme si de rien ne s'était passé, il avait raccroché au mur la photo où Brel, Brassens et Ferré sont ensemble. A une même table. Pour Hassan, c'était un symbole, cette photo. Une référence aussi. On n'y écoutait pas de la soupe, chez lui. Et la musique n'avait de sens que si elle avait du coeur. Quand j'étais entré, Ferré, justement, chantait :
O Marseille on dirait que la mer a pleuré
Tes mots qui dans la rue se prenaient par la taille
Et qui n'ont plus la même ardeur à se percher
Aux lèvres de tes gens que la tristesse empaille
O Marseille...
La mer
A moitié endormie, me prenait dans ses bras
Comme elle eut accueilli un poisson égaré...
Cûc est aussi une femme qui veut entreprendre, construire, gagner, réussir. C'est le rêve de tous ceux qui, un jour, ont tout perdu. Juifs, Arméniens, Pieds-Noirs, ils sont tous comme ça. Ce ne sont pas des immigrés. Tu comprends ça ? Un immigré, c'est quelqu'un qui n'a rien perdu, parce que là où il vivait, il n'avait rien. Sa seule motivation, c'est de survivre, un peu mieux.
Du ciel à la mer, ce n'était qu'une infinie variété de bleus. Pour le touriste, celui qui vient du Nord, de l'Est ou de l'Ouest, le bleu est toujours bleu. Ce n'est qu'après, pour peu qu'on prenne la peine de regarder le ciel, la mer, de caresser des yeux le paysage, que l'on découvre les bleus gris, les bleus noir, et les bleus outre-mer, les bleus poivre, les bleus lavande. Ou les bleus aubergine des soirs d'orage. Les bleus vert de houle. Les bleus cuivre de coucher de soleil, la veille de mistral. Ou ce bleu si pâle qu'il en devient blanc.
Collectivement, la mort n'existe pas. Plus il y en a, moins ça compte. Trop de morts, c'est comme l'ailleurs. C'est trop loin. Ça n'a pas de réalité. N'a de réalité que la mort individuelle. Celle qui touche personnellement. Directement. Celle que l'on voit de nos yeux, ou dans les yeux d'un autre.
Mais, plus encore que sa beauté, le charme de cette femme opérait sur moi. Je le sentis dans mon corps. Comme un courant électrique qui se propage. Cela arrive parfois dans la rue. On croise le regard d'une femme et l'on se retourne avec l'espoir de recroiser ce regard une nouvelle fois. Sans même se demander si cette femme est belle, comment est son corps, quel est son âge. Juste pour ce qui se passe dans les yeux, à cet instant : un rêve, une attente, un désir. Toute une vie, possible.
Le pastis et la kémia - olives noires et vertes, cornichons et toutes sortes de légumes cuits au vinaigre - faisaient partie de l'art de vivre marseillais. Une époque où les gens savaient encore se parler, où ils avaient encore des choses à se dire. Bien sûr, ça donnait soif. Et ça prenait du temps. Mais le temps ne comptait pas. Rien ne pressait. Tout pouvait attendre cinq minutes de plus. Une époque ni pire ni meilleure que la nôtre. Mais, simplement, joies et chagrins se partageaient, sans fausse pudeur. La misère même se racontait. On n'était jamais seul. Il suffisait de venir jusque chez Félix. Ou Marius. Ou Lucien. Et les drames nés dans les sommeils agités venaient mourir dans les vapeurs d'anis.