Vivre fatigue et autres nouvelles est le titre d'un court recueil de nouvelles noires posthume de
Jean-Claude Izzo. Entre le titre et le nom de l'auteur, vous aurez compris que ce n'est pas la lecture feel good de l'été.
Effectivement, toutes les nouvelles du recueil ou presque se terminent mal. Sauf que ce n'est pas de la bête littérature policière mais de la pure littérature noire. Si les nouvelles finissent mal, ce n'est pas du fait de péripéties quelconques, c'est parce qu'elles commencent mal. Elles commencent mal parce qu'elles mettent en scène des immigrés, des femmes, des ouvriers licenciés… et que face aux fachos, aux patrons et aux mecs, ça ne peut ni bien commencer ni bien finir.
Pas de voyeurisme glauque pour autant, c'est de la littérature réaliste qui nous donne à voir sans en rajouter des pans de la société du point de vue de ses marges. Marges dans tous les sens du terme, celles et ceux qu'elle relègue à ses marges mais aussi celles et ceux qui lui servent de marges d'ajustement. C'est beau, c'est bien écrit, ça sert un peu la gorge, mais sans retourner le bide et ça parle aussi d'amour, de solidarité, d'espoirs. On sent le
Jean-Claude Izzo poète au fil de ces quatre-vingt-seize pages de nouvelles noires.
Jean-Claude Izzo étant
Jean-Claude Izzo, c'est
Marseille qui sert de toile de fond, voir de personnage, à ses nouvelles, mais loin de tout localisme grossier propre aux littératures régionales. Les fans de
Jean-Claude Izzo retrouveront même au coeur d'une des nouvelles le personnage mythique de l'auteur, Fabio Montale. Techniquement, il n'y a pas dans ce recueil de nouvelles purement inédites, mais la plupart avaient auparavant été publiées de façon tellement confidentielle que c'est tout comme.
Un recueil court et dense, concentré de l'essence de la littérature noire, qui se boit d'une gorgée mais est long en bouche, plein de saveurs dont une bonne dose d'amertume, un vrai ristretto. Dernier avantage, ce recueil est paru chez Librio à 2 euros neufs, se trouve donc facilement pour une bouchée de pain, se transporte facilement et se lit sans se fouler le poignet, un bon livre d'été finalement.