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sur 178 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« … ce livre a simplement pour intention d'essayer de montrer qu'Alain Laprie n'a pas été correctement jugé. Que la gendarmerie et la justice n'ont pas accompli sérieusement la mission qu'elles sont censées accomplir. »
Après La petite femelle, La serpe et Au printemps des monstres, Philippe Jaenada a décortiqué à nouveau une affaire judiciaire. Cette fois-ci, c'est dans l'urgence qu'il a épluché un dossier puis écrit car Alain Laprie est en prison, qu'il souffre quotidiennement de conditions de vie atroces, condamné à quinze ans de réclusion, Sans preuve & sans aveu.
Le mercredi 17 mars 2004, Marie Cescon (88 ans) a été découverte baignant dans son sang, dans sa maison en partie détruite par le feu, à Pompignac, près de Bordeaux. Avec son talent habituel, Philippe Jaenada traite le dossier, raconte, évalue, dénonce, argumente. C'est précis, détaillé et très intéressant à lire.
Une fois de plus, l'auteur prouve qu'une erreur judiciaire s'est mise en place et a été facilitée par des gendarmes et des juges sûrs de leur opinion, s'acharnant sur un homme que toute enquête sérieuse, ne dédaignant aucun détail, permettrait d'innocenter.
L'affaire de l'assassinat de Marie Cescon est avant tout une histoire de famille que Philippe Jaenada détaille parfaitement. On parle d'héritage, d'argent bien ou mal géré, cet argent au sujet duquel toute famille peut se déchirer.
J'apprends qu'Alain Laprie était « le neveu préféré » de Marie Cescon, qu'il était son héritier désigné dans son testament mais que d'autres membres de la famille n'acceptaient pas ce cadeau.
De plus, il y a cet incendie partiel de la maison, le gaz ouvert ou fermé, le feu qui couvait ou non. Tout cela avait une importance capitale pour les horaires de la soirée et rien n'est vraiment tiré au clair.
Alain Laprie subit des gardes à vue, est incarcéré, libéré, acquitté lors d'un premier procès. Hélas, le Parquet fait appel et un second procès est même interrompu, renvoyé pour arriver à celui qui inflige la condamnation facilitée par la projection d'une vidéo. Il s'agit de la confrontation entre Alain Laprie et son oncle, Georges, décédé, frère de Marie Cescon, auteur d'une révélation qui a fait basculer l'affaire sans la moindre preuve.
Il faut lire Sans preuve & sans aveu pour comprendre comment la vie d'un homme peut s'effondrer sur de simples présomptions, des accusations infondées, des rapports d'experts bien arrangeants et sur la négligence d'éléments prouvant l'innocence d'Alain Laprie.
Philippe Jaenada, contrairement à son habitude, évite les longues digressions, pourtant très intéressantes, de ses précédents livres. Malgré tout, cela ne l'empêche pas de glisser quelques clins d'oeil qui font sourire et détendent un peu la lecture.
C'est la vie d'un homme qui est en jeu, toute sa famille qui est brisée Sans preuve & sans aveu. Malgré les belles formules comme la présomption d'innocence ou le bénéfice du doute, la réalité est tout autre. Manque de moyens du système judiciaire, formation insuffisante des gendarmes enquêteurs, les exemples similaires foisonnent et il serait temps de remédier à cela, de faire cesser ces scandales car l'intime conviction ne doit jamais remplacer les faits, les preuves, l'absence d'aveux. Cette solution de facilité cause trop de dégâts humains irréversibles pour être la règle.

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Le 17 mars 2004, à une vingtaine de kilomètres de Bordeaux, deux jeunes gens, Julien et Damien s'apprêtant à aller retrouver des amis, aperçoivent de la fumée, beaucoup de fumée, des flammes aussi, s'élevant du toit de la vieille maison voisine.
À l'intérieur, est retrouvée, la tête ensanglantée, Marie Cescon, 88 ans. Inanimée, elle est saisie par ses voisins et extraite de la maison. Les pompiers ne pourront pas la réanimer...
Les enquêteurs se focalisent dès le départ sur un homme Alain Laprie, le neveu préféré de Marie.
Mis en garde à vue le 22 juin 2004, il est remis en liberté 11 heures après.
Quelques années plus tard, pour se délivrer d'un lourd secret dit-il, son oncle Georges, un frère de Marie, intéressé par l'héritage, l'accuse. Il déclare aux gendarmes que son neveu s'est confié à lui quelques jours après le décès de l'octogénaire, qu'il lui a révélé être l'auteur du crime : « C'est moi qui ai fait le coup », cette confession de l'oncle sera répétée devant le juge d'instruction.
Le procès prévu à Bordeaux le 20 juin 2016 est annulé et renvoyé au 26 novembre 2018. Alain Laprie est acquitté au bénéfice du doute, le témoignage bien tardif de l'oncle, décédé en 2014, et nié par l'accusé, étant le seul élément du dossier.
Dix jours plus tard, le parquet général fait appel de la décision.
Après seize années d'instruction, le 17 février 2020, au palais de justice d'Angoulême, sans témoin, sans preuve et sans aveu, la cour d'assises condamne Alain Laprie à 15 ans de réclusion criminelle.
Il est remis en liberté le temps que la justice examine son pourvoi en cassation. La cour de cassation rejette le pourvoi et il dort en prison depuis le 2 septembre 2021.
En août 2021, alors que le dernier (et excellent) roman de Philippe Jaenada vient de paraître, roman sur lequel il a passé près de quatre ans à travailler, celui-ci souhaite passer à autre chose et peut-être arrêter avec ce genre de sujet.
Et à quelques jours de l'incarcération d'Alain Laprie, c'est à l'issue d'une signature au Cap Ferret, que son ami libraire lui parle de cette histoire de fous, de cet ami qui a un gros problème avec la justice et il le lui présente.
Touché par cet homme et son histoire, l'auteur ne se contente pas de sa seule intuition et se plonge dans le dossier d'instruction de l'affaire, dossier qui va le convaincre qu'il ne peut s'agir que d'une erreur judiciaire.
Décortiquant et épluchant minutieusement le dossier judiciaire comme il l'a déjà si bien fait dans ces précédents bouquins que ce soit dans La petite femelle pour réhabiliter Pauline Dubuisson, dans La Serpe pour Henri Girard ou Au printemps des monstres pour Lucien Léger, cette fois sans digressions sur ses problèmes de santé ou la vie de ses proches, sans se rendre sur les lieux, sans rencontrer personne, il écrit ce livre, dit-il, dans l'urgence afin de réhabiliter un innocent accusé dans une affaire où l'enquête a été menée entièrement à charge. Un acharnement de l'instruction pour pouvoir le déclarer coupable sans pour autant qu'il y ait la moindre preuve, notamment avec cette histoire de feu qui a couvé.
Dans ce dossier de rivalités familiales, maintes choses l'ont interpellé et Philippe Jaenada explique et décrit tout cela très bien. C'est assez technique et parfois, de longues phrases ont été nécessaires pour bien faire visualiser et comprendre, un schéma des lieux en début d'ouvrage permet de bien suivre le cheminement de sa pensée. Pas la moindre preuve. le témoignage de son oncle, sur lequel vont s'appuyer les jurés est complètement invraisemblable. de nombreux éléments sont en sa faveur et il a notamment un alibi. Mais, persuadés qu'ils ont trouvé le coupable, les gendarmes et les juges d'instruction se fiant à leur intime conviction vont s'acharner sur lui pour démontrer que ce ne peut être que lui.
C'est ainsi qu'une dernière expertise finit par mettre en avant que le feu a pu couver, contrairement à ce qu'avaient conclu les experts précédents et ce pour que cela puisse coïncider avec la présence d'Alain Laprie dans la maison. Autre acharnement avec la bouteille de gaz ouverte...
Cette enquête focalisée sur une seule personne montre de nombreuses incohérences. de graves insuffisances également sont à déplorer. Aucune analyse d'ADN n'a été faite auprès des voisins ou de l'entourage, pourtant, sur un mégot retrouvé près du corps, il y avait un ADN n'appartenant ni à Alain, ni aux cousins…
Pourquoi Alain Laprie pour lequel aucune preuve ni aveu n'est dans le dossier a-t-il été condamné ?
La présomption d'innocence comme c'est le cas dans cette affaire, qui est prévue par le code pénal, ne doit-elle pas, au bénéfice du doute, bénéficier à l'accusé et l'empêcher d'être condamné ?
Mais l'on sait malheureusement qu'il existe de nombreuses histoires comme celle-ci, où le bénéfice du doute et la présomption d'innocence n'existent pas.
Cette affaire révèle les failles d'un système judiciaire fort mal en point, en train de se déliter par manque de moyens, d'énergie et de volonté.
J'ai été convaincue par l'analyse méticuleuse et détaillée du dossier de cette affaire menée avec tellement de précision et de sérieux par Philippe Jaenada et été entièrement persuadée de sa sincérité.
J'ai été scandalisée et bouleversée à la lecture de ce livre, incrédule et atterrée devant la manière dont a été menée cette enquête et effarée sans pour autant être complètement surprise par l'inefficacité de notre système judiciaire. En effet, des erreurs judiciaires ont déjà été commises, on le sait et une amie avocate à qui l'écrivain parlait du projet de son livre confirme : « C'est loin d'être rare, crois-moi. »
Sans preuve & sans aveu, selon son auteur a pour seul objectif d'obtenir la réhabilitation d'un innocent. Mais ce livre propose en fait une profonde réflexion sur le fonctionnement de la justice.
En attendant, un homme est privé de liberté et croupit en prison, laissant femme et enfant désemparés tandis que le ou les coupables courent toujours.
Seul un fait nouveau permettrait un procès en révision mais l'espoir est ténu car l'on sait qu'il s'agit d'une procédure qui aboutit rarement.
Incompréhension et colère sont les sentiments qui m'ont animée tout au long de ma lecture et ne sont pas prêts de s'éteindre.

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Sans preuve & sans aveu, c'est du Philippe Jaenada, qui fait du Jaenada sans en faire.
Comprenez qu'ici, point de pavé de 600 pages, pour un roman à rallonge dans lequel il arrive que le lecteur vienne se perdre.
Non, là, notre écrivain va à l'essentiel ("enfin !" s'écrient les mécréants qui se lassaient de ses digressions habituelles).
L'affaire Alain Laprie dont il s'empare ici, ça ne vous dit peut-être rien ?
À lui non plus, jusqu'à ce qu'il le rencontre.
À moi, encore moins, jusqu'à ce que je lise cet ouvrage.
Laprie vient d'être condamné à 15 ans de prison pour le meurtre de sa tante Marie en... 2004.
Oui, la justice aura pris son temps, on peut le dire.
Lui reprocherait-on, s'il n'y avait et Jaenada s'emploie ici à le démontrer, bien des zones d'ombre dans cette affaire.
Enquête mal menée (et, ici, malmenée par l'auteur) et justice aveugle et sourde (c'est le moins que l'on puisse dire tant les incohérences sont nombreuses).
Tout ceci pour aboutir à une condamnation très lourde qui brise un homme et une famille, qui crient à  pleins poumons à l'innocence.
Jaenada, pas plus que le lecteur, ne s'érige en justicier.
Il s'étonne, simplement, de la façon dont a été traitée cette affaire :
De l'évidence de certains oublis, de la charge menée contre un seul homme sans preuves ni aveux, ou de témoignages que l'on pourrait qualifier de douteux.
Philippe Jaenada, là on le reconnaît bien, décortique, éléments par éléments, toutes les invraisemblances qui ont conduit Laprie derrière les barreaux.
Il crie à l'injustice.
Il hurle à la justice.
Le lecteur, lui, abasourdi, tente de se faire une idée.
Je me suis demandé ce qu'avaient bien pu faire les défenseurs de l'accusé. Pourquoi, eux n'avaient pas relevé tout ce qu'a trouvé l'enquêteur Jaenada.
C'est un homme en colère qui écrit, révolté par la tournure qu'a pris cette dramatique affaire.
N'oublions pas qu'il y a une mort, au départ de tout ça.
Il y a donc un (une ? des ?) coupable.
Laprie ?
Peut-être.
Mais, et si ce n'était pas lui ?
Je crois qu'au final, le lecteur partage les convictions de l'auteur et qu'il souhaite un miracle pour sauver le soldat Laprie...
Ce bouquin est une bombe, explosera-t-elle ?

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Prise de position très dynamique et pourquoi pas un polar.
D'entrée de jeu, Philippe Jaenada déstabilise par rapport à ce que je croyais connaitre de lui, et cela même si, comme nombre d'écrivains, il a probablement encore quelques belles facettes cachées.
Il prend la parole, en son nom, en son âme et conscience.
Dès les premières pages les faits et les détails sont minutieusement répertoriés, un peu façon rapport. Mais le coeur y est déjà, ça c'est indéniable.
Toujours cette écriture au style parfait à mes yeux. Toujours cette conviction de tout ce qu'il défend : la justice. Et dans « Sans preuve & sans aveu » on est bien entre justesse des mots et justice pour tout homme.
Au début on pense qu'on va se perdre avec tous ces noms de personnages gravitant autour du décès de Cescon Marie, 88 ans, retrouvée ensanglantée et sortie trop tard du feu de sa maison. Mais, comme j'ai réussi à suivre, tout le monde y arrivera :-)
La vie et l'emploi du temps d'Alain Laprie, le suspect de cette fin tragique, sont minutieusement décortiqués. Ils ne collent pas au montage qu'en font les enquêteurs : travail d'enquêteurs que Jaenada présente respectueusement et sans les attaquer frontalement. Il observe, constate leur travail. Tous les rapports, toutes les expertises, ainsi que la motivation du jury, s'accrochent à un fait qui est sensé démontrer la culpabilité de cet homme de 66 ans. Et cela Philippe Jaenada le réfute.
Imbroglios familiaux et héritages sont inévitablement abordés.
Une autre chose marquante, la stupéfiante densité des recherches. Une somme de données vérifiées qui ne peut que confirmer que cet auteur sait ce que préparer son sujet veut dire.
Ce livre a été rangé sous des notions comme « erreurs judiciaires » et « récits personnels ». Pour ma part je trouve qu'il aurait autant sa place sous « romans policiers ». Oui, pas polars contemporains, mais romans policiers.
Quelle plume ! Quel homme respectable vous nous donnez à voir, cher monsieur Jaenada !
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Alain Laprie est condamné à quinze ans de prison pour le meurtre de sa tante perpétré en 2004.
Devant le mur qui s'élevait devant lui, l'homme aux abois n'avait trouvé comme dernière solution que de rencontrer Philippe Jaenada et le convaincre de s'intéresser à son cas.

Philippe Jaenada que l'on connaît pour ses livres remarquables «La Petite femelle », « La Serpe » et « Au printemps des monstres » accepte et rapidement, mais profondément, compulse dossiers, témoignages, procès, etc…
Un livre de justicier? Non, le livre d'un homme qui croise un autre homme et dont la détresse le poussera à tenter de comprendre.

Contrairement à ses livres précédents qui parlent d'anciennes affaires judiciaires, nous sommes ici dans la contemporéanité.

2004 : un meurtre
2021 : une condamnation sans aucune possibilité de révision.

Entre ces deux dates, de nombreux rebondissements, un procès ajourné, des témoignages qui se contredisent, des éléments mis de côté, des études malmenées, des dérapages, des contradictions de tous bords, etc…

Une famille qui se déchire, l'argent maudit qui se décline selon les uns et les autres.
La jalousie qui enlaidit les âmes.

Essentiellement l'écoute de ceux qui sont convaincus de la culpabilité, la mise de côté de ce qui pourrait contredire les faits ou les paroles, une impression de condamnation dès le départ…

Un regard sur les gendarmes concernés, sur les avocats, les juges qui met le lecteur mal à l'aise tant les manquements, les mauvaises interprétations voire les dérives de ce qui est dit sont mises en exergue par l'auteur.
L'importance du paraître (cfr la vidéo - confrontation entre l'accusé et son oncle), son influence sur ceux qui regardent et perçoivent nous est décrite et laisse pantois.

La justice mise à mal, le déroulement de l'enquête démonté, « l'intime conviction » (une très belle page) remise en question et nous voilà perdus et dans le doute bien que Philippe Jaenada s'oriente vers l'innocence de cet homme.
L'absence de preuves, l'absence d'aveu, une preuve qui semble fabriquée, le doute et une condamnation… voilà qui rend dubitatif voire révolté.

L'urgence est là et ce livre existe pour la dire.
Un homme enfermé, privé de sa famille proche, vit et appelle à une aide ultime : celle que la justice devrait lui octroyer avec une enquête plus approfondie, étudiant tous ces éléments mis de côté… Un homme qui se heurte à une voie sans issue.

Comment peut-on condamner quand il y a doute?
Comment peut-on ne pas chercher et commettre l'hallali sur un seul homme?
Le livre nous pousse à une réflexion intense devant cet embrouillamini infernal.

Comme le dit Jaenada, pas de littérature dans ce livre…
Mais elle n'est pas nécessaire quand la vie d'un homme dépend des mots qui pourraient amener à une conscience.
Et c'est réussi!
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Aujourd'hui je vais évoquer Sans preuve & sans aveu le nouvel opus de Philippe Jaenada. Il est notamment l'auteur d'Au printemps des monstres et de la serpe. Une fois de plus il s'empare d'un fait divers, le décortique et réalise un travail de justicier. Il est en colère ; comme l'indique le titre il est persuadé que son personnage a été condamné en dépit du bon sens et du respect des règles minimales de la justice.
Sans preuve & sans aveu est composé en deux parties : ce texte de deux cent cinquante pages est relativement bref par rapport aux précédents romans de Jaenada. Dans un premier temps il raconte les circonstances qui le conduisent à s'intéresser au cas d'Alain Laprie et au meurtre de Marie Cescon. Puis il rapporte les principaux éléments de l'affaire avant dans un second temps de tout reprendre et de passer les faits dans la broyeuse des fourches caudines de son analyse scrupuleuse. A la différence par exemple de Lucien Léger personnage central d'Au printemps des monstres, Alain Laprie est toujours vivant et depuis juin 2021 cet homme de soixante-cinq ans, condamné pour le meurtre (sans réel motif avéré) de sa tante de 88 ans, est incarcéré pour purger sa peine de quinze ans d'emprisonnement. le style de Jaenada ne varie pas, il multiplie digressions et parenthèses, il convie le lecteur à suivre le cheminement de sa réflexion. Il a relu le dossier d'instruction, consulté des archives. Il explique dans les premières pages son choix de ne pas nommer la plupart des parties-prenantes et d'utiliser des pseudonymes (mois et légumes c'est-à-dire par exemple Novembre, Juin, Avril, Poivron, Cerise, Kiwi, Framboise). Ce subterfuge (pour éviter probablement des procès) un peu déstabilisant au début n'entrave pas la lecture ni la démonstration de l'auteur. Il explique son intention : « qu'on croie Alain Laprie innocent ou non n'est pas la question, on peut croire ce qu'on veut. Simplement, une justice sérieuse et digne, honnête, ne pouvait pas l'empêcher de poursuivre sa vie sans raison valable, ne pouvait pas le priver de sa liberté, de sa famille, de ses amis, de ses années de retraite, en faisant mine, avec cynisme, de s'appuyer sur un dossier qui ne contient que du vide, trouble, des inepties, des leurres, des ruses, des mensonges, des erreurs. C'est de la non-justice, de l'injustice. » Autant dire que ce constat le révolte et le motive à écrire ce livre qui est un cri du coeur, une demande de révision du procès pour garantir la justice. Les faits débutent le 17 mars 2004 lorsque le corps de Marie est retrouvé ensanglanté dans sa maison girondine en train de brûler. La piste du suicide est rapidement écartée, Alain est le dernier à l'avoir vue vivante, il sera le suspect idéal pour les enquêteurs. D'autant que la rumeur, portée par les Novembre, d'une fâcherie entre la tante et le neveu préféré et d'une possible révision du testament intéresse les gendarmes locaux. Leur enquête sera principalement à charge, bâclée (bien que durant de longues années avant le procès) et basée sur une intime conviction liminaire jamais remise en cause. Trois juges d'instruction successifs seront en charge du dossier qui traine ; les auditions et la collecte d'indices sont pour le moins légères. Un premier procès est reporté suite à l'intervention (farfelue) d'un gendarme. Alain Laprie est une première fois acquitté par la cour puis condamné en appel. Cette histoire racontée avec brio et méticulosité (il faut croire Jaenada faute d'être en capacité de vérifier ses propres éléments et déconstructions des preuves, notamment relatives à l'incendie et à l'alibi de Laprie) est stupéfiante.
Sans preuve & sans aveu est un texte rapide et acharné, écrit dans l'urgence pour exprimer une révolte. Philippe Jaenada apparait comme un brave type qui consacre son temps et son talent à défendre l'honneur d'Alain Laprie qu'il croit innocent et surtout condamné en l'absence d'élément tangible et avéré.
Voilà, je vous ai donc parlé de Sans preuve & sans aveu de Philippe Jaenada paru aux éditions Miallet-Barrault.

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Du très lourd, non ce n'est pas un roman, tout est vrai dans ce nouveau livre coup de poing de P.Jaenada, et c'est ça le pire, pour l'accusé je m'entends.
C'est toujours le même style brillant, en plus condensé qu'habituellement (l'auteur s'en explique dès le départ), première partie où l'auteur raconte le crime, sa scène et les protagonistes et la deuxième partie il démonte (le mot est pesé) toutes les phases de l'enquête.
On ressort abasourdie devant le fait qu'aujourd'hui en France quelqu'un est en prison à cause d'un aveu d'un parent qui ne vous aime pas à cause d'une jalousie et qu'une enquête faite par des pro (gendarmerie, proc) peut mener en prison si l'on veut faire de vous le coupable.
Chapeau à P Jaenada qui à ecrit une bombe, en espèrant qu'elle éclate
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Un texte rédigé dans l'urgence, un récit de circonstance jeté sur le papier, un plaidoyer pour une cause presque perdue broyée à la moulinette d'une justice expéditive. Ici Philippe Jaenada reprend avec talent, obstination et minutie l'enquête qu'il qualifie de "gendarmesque", pour ne pas dire bâclée. Répondant à la sollicitation de proches du prévenu, le détective de l'impossible reprend dossiers, témoignages et autres éléments, relevant les incohérences des investigations et une certaine forme d'acharnement envers Alain, le neveu préféré, qu'on accuse du meurtre de Marie, cette octogénaire retrouvée dans une mare de sang à son domicile en 2004. Outre le sordide de l'affaire et les nombreux protagonistes, l'auteur parvient à rouvrir le dossier avec brio, avec ses modestes moyens. Un texte nécessaire, les fameuses parenthèses enchantées en moins, pour conjurer l'arbitraire.
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Après son roman monstre paru à la rentrée 2021, Jaenada nous surprend avec cette sortie, un récit beaucoup plus bref, écrit en urgence.
Il y a un ans, un homme à été condamné à 15 ans de prison sans preuves et sans aveux, l'auteur l'as rencontré, et interpellé par son histoire à décidé de mettre son nez dans un vieux dossier de justice.
Vous résumer cette enquête serait inutile. Il faut lire ce livre qui dénonce certaines pratiques et failles de notre système.
Un grand merci à Jaenada qui devient, plus qu'un talentueux écrivain, un lanceur d'alerte.
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Il y a une règle en droit pénal qui doit impérativement être respectée: il vaut mieux un coupable en liberté qu'un innocent en prison.

Dans le cas d'espèce, il y a visiblement de véritables lacunes dans le dossier et dans la manière de l'avoir traité, et je pèse mes mots. Ce que l'auteur démontre parfaitement.

J'avais déjà été scandalisée en visionnant le dossier criminel ou autre faites entrer l'accusé qui traitait de cette affaire mais constater qu'effectivement Alain Laprie a été condamné à une lourde peine sans que le dossier n'ait pu réellement démontrer la culpabilité me laisse perplexe. J'ai vraiment l'impression que depuis l'affaire de Patrick Dils et autres erreurs judiciaires, la justice n'a toujours pas réussi à faire son propre procès.

Il est à mes yeux totalement insupportable qu'une personne se fasse assassiner mais que sous prétexte qu'il faut trouver un coupable, les services d'enquêtes chargent une personne sans enquêter à charge et à décharge et en résulte l'enfermement d'un innocent est d'une injustice destructrice. Parce que dès lors, le véritable coupable court toujours et pour la victime, il y a de quoi se retourner dans sa tombe.
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