Telle une mouchette de grêle dans une toile d'araignée, voici un polar glacé et minimaliste, qui nous vient de Norvège. Si vous rêviez de cocotiers et d'ambiances festives, remballez votre baume solaire et passez votre chemin. En revanche, si vous aimez les atmosphères hitchcockiennes sous un climat polaire, enfilez deux moumouttes et lovez-vous dans cette historiette tirée du classique de 1909 du romancier et journaliste
Sven Elvestad (1884-1934), inconnu à mon bataillon avant cette lecture.
Dessinateur à part dans mon cercle d'incontournables, je ne m'enfièvre jamais vraiment pour le travail froid de JASON, ses personnages inexpressifs et romantiques, son monde apathique, son action molle et sans mouvement, et pourtant, ensorcelé, j'adore le retrouver ! Ça tient de la drogue. L'addiction cachée. Comme la promesse d'une boîte de sardines, on n'y trouve pas la haute gastronomie, on n'y pense jamais en premier, mais une fois l'envie évoquée, ça nous turlupine toute la journée, nous obsède, faut rassasier la bête, on ne s'en passerait pour rien au monde, on a besoin d'une dose, un filet, avec ou sans arête, on aime ça, profondément, et c'est bien l'essentiel.
Je lui reconnais d'ailleurs de vrais atouts, à ce natif de Molde ! En bon viking qui se respecte, John Arne Sæterøy vogue toujours à bon niveau, il mène son drakkar comme personne, avec une approche personnelle, une vraie « patte » reconnaissable, et une ligne éditoriale bien à lui. Je lis tout de l'homme, avec plus ou moins d'enthousiasme, mais rarement de déceptions. C'est ce que l'on appelle « une valeur sûre ». Jamais mauvais, toujours digne d'intérêt.
Ici, le polar est tenu de A à Z. Les personnages attachants, l'intrigue classiquement ficelée. Détective à la sauce anglaise, la sorte d'Hercule Poirot est très appréciable, on sent qu'il a les cartes en main et se joue de nous et des protagonistes. Il se dégage même une forme d'humour à reculer le dénouement.
Deux bémols seulement : j'aurais aimé plus de gourmandises dans le texte. Pour le reste, ce n'est pas vraiment une critique, mais un parfum de reviens-y : on en voudrait clairement plus, je dois l'admettre, on n'aurait pas été contre une deuxième boîte de sardines, une marinade au citron, une goulée d'huile pour faire trempette ! On s'y sentait si bien, dans ce polar du Nord, que 100 pages de plus, on aurait pris ! C'est plutôt bon signe, non ? Pour ma part, je vais me contenter en cuisine, huile d'olive et romarin. Et vous ?