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EAN : 9782227473010
332 pages
Bayard (09/10/2003)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Karl Jaspers (1883-1969), célèbre pour son intervention, après la Deuxième Guerre mondiale, sur la "culpabilité allemande", n'a cessé de se confronter à Nietzsche pour tenter de penser autrement, et non plus sur le mode héroïque, le rapport de l'individu à un monde moderne désenchanté. Nietzsche et le christianisme est un livre qui n'a plus été publié depuis presque quarante ans et qui fait ainsi figure d'inédit en français. C'est sans doute l'exposé le plus concis ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Personne n'a abordé avec autant de profondeur, de justesse et d'honnêteté le rapport compliqué, passionnel et apparemment contradictoire de Nietzsche au christianisme que ne l'a fait Jaspers. J'ignore pourquoi ce texte ne se trouve pas dans le gros livre sur Nietzsche de Jaspers, car il en constitue un complément incontournable.
D'autre part, on ne peut trouver mieux que l'ensemble de conférences publiées sous le nom de Raison et existence pour s'initier en profondeur à la pensée de Jaspers. On y trouve à la fois un condensé de son interprétation des sources principales de sa réflexions que sont Kierkegaard et Nietzsche, une exposition détaillé du concept d'englobant, une réflexion sur la possibilité de la communication et une mise en valeur de la rationalité. L'ensemble permet d'esquisser l'attitude la plus convaincante qu'il soit possible de d'adopter pour demeurer authentique sans sombrer dans le postmodernisme, c'est-à-dire, de philosopher « le regard fixé sur l'exception » (283).
Détail surprenant, dans son avant-propos à Raison et existence, le traducteur Robert Grivard écrit que le chef d'oeuvre de Jaspers, Philosophie, n'a pas encore été traduit en français. Or, la même Jeanne Hersch qui est la traductrice du Nietzsche et le christianisme publié dans ce volume en a pourtant fait une traduction française dont je possède un exemplaire publié chez Springer-Verlag en 1989.
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D'une certaine manière, le thème "Nietzsche et le christianisme" est un prétexte pris par Jaspers pour appliquer à ce penseur sa conception de la façon d'aborder un philosophe et son oeuvre, idées qui sont reprises, d'une façon plus générale, dans "Introduction à la philosophie": respect, approfondissement, imprégnation puis prise d'autonomie.

Ce qui donne, ici:
"Certes, chez Nietzsche, les développements polémiques sont bien plus riches, et l'attaque fait bien plus de bruit; il faut pourtant chercher dans son oeuvre les phrases rares, chargées de silence, qui reviennent ça et là sous sa plume jusqu'à sa dernière année de travail.",
et
"quiconque cherche à pénétrer dans la pensée de Nietzsche doit donc avoir en lui une voix il laquelle il puisse se fier….Se laisser séduire par Nietzsche, accepter la sophistique de simples formules, céder aux illusions d'un faux savoir, se laisser griser par les extrêmes, s'abandonner au hasard des instincts, c'est avoir été atteint dès le début par sa malédiction.",
ou encore
"Nietzsche paraît dire n'importe quoi, même des choses opposées et contradictoires....Tout ce qui est formulé chez Nietzsche a pour fonction d'être illusoire, et c'est seulement en tant que totalité- présente partout et nulle part- que ce langage peut être l'expression de la vérité"
pour conclure
"On dirait que Nietzsche se refuse. Tout dès lors dépend de nous. Seul est vrai ce qui par lui vient de nous-même."
Belle leçon d'art de penser en étudiant tout en restant libre.

Le "prétexte" pourtant n'est pas choisi par hasard car il a fourni à Nietzsche ses formules parmi les plus mémorables, qu'évidemment, je ne rappellerai pas ici, par égard pour la thèse de Jaspers.
La méthode suivie par celui-ci est rigoureusement énoncée au début de l'essai... et respectée ensuite:
"Les grandes lignes de l'analyse critique que nous voulons entreprendre découlent de ce qui précède. Nous observerons d'abord que c'est sous l'effet d'impulsions chrétiennes que Nietzsche mène la lutte contre le christianisme, et nous chercherons à voir jusqu'à quel point il en est conscient. Nous verrons ensuite que ces impulsions se manifestent chez lui dès le début, alors que tout contenu dogmatique a déjà disparu. le christianisme est devenu pur élan. Cela nous permet de comprendre , en troisième lieu, que le chemin de Nietzsche, ce chemin qu'il suit en renversant toutes ses positions antérieures, devait le mener d'abord, au nihilisme. ...Ce faisant, il ne veut pas rester nihiliste, mais découvrir une source entièrement nouvelle qui permette une réaction au nihilisme. C'est devant cette nouvelle philosophie que naîtront enfin nos questions: A-t-elle encore quelque chose à faire avec la solution chrétienne? A-t-elle-même une réalité quelconque? Si oui, de quelle réalité s'agit-il?"
Merci professeur, c'est top!

Qu'apparaît-il clairement?
Que "l'histoire du christianisme est caractérisée, aux yeux de Nietzsche, par la conquête des âmes au moyens de valeurs dénaturées dès le début".
La façon dont Nietzsche considérait Jésus: "il était plein de respect devant la loyauté de sa règle de vie, mais en même temps, il repoussait le type d'humanité décadente dont cette règle de vie lui paraissait l'expression. Car elle signifie une autodestruction du moi."
Mais l'ambiguïté par rapport à Jésus et les contradictions de Nietzsche sont patentes: "tantôt il le combat, tantôt il s'identifie à lui; tantôt il lui dit non, tantôt oui".
En effet: "Il [Nietzsche] voyait en lui-même le type de la décadence. Mais cette décadence, il pensait qu'en ayant touché le fond il l'avait vaincue en lui-même grâce à une santé plus profonde."
Au-delà des impulsions-répulsions chrétiennes ressenties par Nietzsche et l'ayant conduit au nihilisme, Jaspers discerne l'amorce d'une nouvelle philosophie : "les éléments positifs de réaction philosophique contre le nihilisme se trouvent résumés chez Nietzsche dans les mots suivants: vie, force, volonté de puissance-surhomme-, devenir, éternel retour, Dionysos." Cette réaction agrège des lignes de force telles que "le rejet des oppositions"- ""c'est la faiblesse du nihilisme de se cantonner dans des antithèses."" , la préférence donnée à la mesure sur les extrêmes -""Dieu est une hypothèse beaucoup trop extrême"" et ""lesquels s'avéreront les plus forts? Les plus modérés, ceux qui 'ont pas d'articles de foi extrêmes"".

Au terme de l'analyse, la méthode de Jaspers semble toutefois toucher ses limites quand, alors qu'on l'imagine proche de conclure, il s'interroge encore: "Cependant, devant l'antichristianisme de Nietzsche, se pose une question décisive: d'où lui vient cette hostilité et par quoi est-elle limitée?"…. Sans apporter de réponse.
Serait-ce un aveu d'échec?
Je ne le pense pas mais plutôt, commençant par une question et finissant par une autre, une belle illustration que ce que peut, en toute sincérité et modestie, être la philosophie.

Nota: les doubles guillemets"" indiquent Jaspers citant Nietzsche.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Personne ne sait où doivent aller l'homme et sa pensée. Puisque l'être-là, l'homme et son monde, ne sont pas à leur fin, il ne peut pas plus y avoir une philosophie achevée qu'une anticipation du tout. ... La philosophie comme pensée est constamment en même temps la conscience de soi s'achevant pour cet instant, et cette conscience sait qu'elle n'aurait aucune consistance dans une expression d'elle-même qui serait définitive.
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Video de Karl Jaspers (1) Voir plusAjouter une vidéo

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