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4,52

sur 2469 notes
« Et vous, oui, vous ! mon très cher lecteur ! Vous vous prélassez bien au chaud, sur votre coussiège favori ou dans la cathèdre de votre cabinet de lecture, en tournant d'une main indolente les pages de ce volume où je risque bien de perdre ma santé, ma vie, sans compter ma réputation. Est-ce que vous mesurez seulement ce que j'ai sué, d'angoisse et de labeur, sur l'ouvrage que vous avez le culot de parcourir comme un conte divertissant ? Vous vous rendez compte de ce que je risque, à vous dévoiler ainsi les dessous de la politique ciudalienne ? Vous croyez peut-être que je fais ça uniquement par plaisir ? Ou par malveillance ? Vous croyez qu'on accouche d'un pavé pareil seulement pour l'agrément de cafarder ?
Tant de légèreté, tiens, ça me dégoûte ! »

Benvenuto Gesufal est un personnage objectivement fort peu sympathique : tueur à gages sans pitié, traître professionnel, violeur occasionnel… le tout au service d'un des politiciens les plus en vue de la République de Ciudalia, le Podestat Leonide Ducatore, qui brille surtout par ses manoeuvres. Elles ont toujours plusieurs coups d'avance sur celles de ses opposants. Ce qui est indispensable si on veut se maintenir sur le dessus du panier de crabes de cette ville corrompue, entièrement sous la coupe de nombreuses factions menées par d'autres familles influentes.

Malgré tout on en vient assez rapidement à apprécier cet animal dangereux qu'est Benvenuto. D'autant plus que la narration de cet ample roman est entièrement menée à la première personne. Il faut dire qu'il a beaucoup de répartie. Un ton gouailleur, argotique parfois, donne de la légèreté à ce catalogue d'horreurs diverses et variées. Il commet des atrocités mais, à sa décharge, les autres en font tout autant.

Batailles navales, guerre civile, surnaturel, épreuves physiques et mentales de son héros rythment ce vaste récit, qui m'a marqué par son style brillant et pourtant original. Il faut beaucoup de souffle pour mener un tel roman à sa conclusion maîtrisée et Jean-Philippe Jaworski n'en manque pas.

Un petit bémol tout de même : même lu (relativement) rapidement, ce roman de près de mille pages serrées, a mis en difficulté ma mémoire de lecteur tant le foisonnement de personnages secondaires est important. Il faut dire que ce roman déborde de matière : certains aspects, à peine esquissés ici, dans d'autres mains auraient donné lieu à de nombreux tomes supplémentaires !

Si vous avez du goût pour la Fantasy francophone et originale, n'hésitez pas à vous lancer dans l'aventure de la lecture de ce roman au long cours peu tranquille.
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Attention : ce livre est un véritable chef d'oeuvre qu'il ne sera possible de délaisser qu'une fois la dernière page tournée, la dernière phrase (et quelle dernière phrase !) lue et digérée. Car elle va susciter un de ces fous-rires ! Autant le dire et le répéter : Jean-Philippe Jaworski renoue avec les (més)aventures de Benvenuto Gesufal pour nous offrir un récit excellent et immersif à souhait.

Le seul point qui tranche et déçoit un peu concerne la Compagnie folle, le ralliement de notre Chuchoteur favori et tout qui s'y rattache (par exemple replacer ici la rivalité entre les elfes et les nains). Il est de bien piètre importance, même si certain pourront y trouver ici leur bonheur. Car de manière générale, le contexte de l'oeuvre est sombre. Il va être question de guerre, de trahisons, de fourberies, de tortures, de meurtres… Ames sensibles s'abstenir. Voici de la dark fantasy comme on l'aime. Oublié Glen Cook qui du coup peut prétendre à devenir scénariste chez Disney !
La narration est le point fort de ce roman. Car c'est Benvenuto qui écrit, ou qui parle et quelle langue ! Que dire de plus sinon qu'elle est châtiée. le lecteur découvrira un nombre impressionnant d'insultes originales à utiliser pour briller en société ! Un effort manifeste a été fait pour que jusqu'au bout (et même dans les remerciements !) le lecteur s'imagine avoir entre les mains une véritable chronique d'un temps passé. Oublié la narration de Robin Hoob. Car le style de Benvenuto lui est propre. Son côté acariâtre, fort en gueule ne va pas quitter le lecteur… d'autant qu'il en fera les frais à de nombreuses reprises ! Car dès le premier chapitre le ton est donné ! Tour à tout, le narrateur s'adresse, se moque, surprend son lecteur avec talent et panache. Sa personnalité est attachante (un anti-héros mais avec des faiblesses éloignées des poncifs du genre).
L'histoire est prenante du depuis à la fin ! Même le passage par Bourg-le Preux suscite l'attention ! Elle ravira les réfractaires du genre. L'auteur s'inspire tout à la fois de la République romaine d'avant les Césars, de la Perse, de l'Empire ottoman, de l'argot parisien, De La Renaissance italienne, sans oublier un dose de mystères et de magie ! le résultat est un vrai délice fait de multiples rebondissements : un pur chef d'oeuvre. Que dire de l'intrigue ? Très bien ficelée, bien équilibrée, la fin est étonnamment bien menée ! A lire d'urgence !

Si la lecture de Janua Vera est fortement recommandée, son absence n'aura pas de conséquence.
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Mazette, quelle plume !

Bien après toute la communauté SFFF, j'ai le roman le plus connu de Jean-Philippe Jaworski, et je m'y suis plongée avec délice.

Pourtant, ce n'est pas un homme respectable, ce Benvenuto. Dans une Ciudella imaginaire inspirée des villes de la Renaissance italienne et dont le système politique a des airs de République romaine, cet ancien tueur à gages, membre de la Guilde des Chuchoteurs, est devenu l'homme de main du Podestat Ducatore — l'un des deux chefs élus par les grandes familles. Envoyé dans une guerre avec Ressine, inspirée par l'Orient, notre « héros » est impliqué dans les pires coups tordus, avant de revenir dans sa chère ville puis s'exiler un temps à Bourg-Preux, bourg moyenâgeux. le surnaturel est rare mais sombre et puissant : quelques sorciers qui tirent les ficelles dans l'ombre, des elfes inquiétants, des sorts terrifiants et des spectres à faire frémir.

Benvenuto trucide, trahit et est trahi, s'enfuit et retombe sur ses pieds avant d'être à nouveau en très mauvaise posture. Les jeux de pouvoir diaboliques, les plans sous les plans, les faux-semblants, les complots et les meurtres sont l'âme de cette ville. et Benvenuto, le jouet du destin. Mais on ne va pas le plaindre : être amoral sans être cruel, rugueux et talentueux, il nous offre une virée époustouflante.

J'avais lu que Jean-Philippe Jaworski était sans doute le plus grand styliste actuel de la langue française, et je suis d'accord. N'importe quel autre auteur nous aurait conté les aventures de Benvenuto en deux ou trois fois moins de pages. Mais Jaworski aime écrire, décrire, relater, jouer d'une gouaille virevoltante entre les bas quartiers et les ors de la République (hu hu), entre les lascars de mauvaise vie et les chefs impitoyables. Il aime les mots, et cisèle une plume travaillée, à la fois légère et exigeante, fine et caustique, lettrée et irrévérencieuse.

Pas un seul personnage du roman n'est positif : homme, femme, vieillard, criminel endurci ou fils de grande famille, tous offrent un tableau acide de l'âme humaine. Benvenuto, notre narrateur, n'est pas le pire d'entre eux. Il nous permet de découvrir les arcanes d'un univers très développé et les secrets de la politique, avec une fin de haute volée.

Des pages et des pages dans les profondeurs d'une âme acerbe, qui se bat et défouraille à tout va, désabusé et tacticien hors pair, manipulé par plus stratège que lui. Et c'est jouissif.

Bref, si vous ne connaissiez pas Gagner la Guerre, ne faites pas comme moi : n'attendez pas.

Lien : https://feygirl.home.blog/20..
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Je n'ai pu m'empêcher de penser aux « Précieuses Ridicules » de Molière en lisant ce livre. « Je découvris ainsi une vue imprenable sur les reliefs montueux de la Première Concubine et sur la démesure généreuse de sa panse et de sa mamelle. Il est des visions, pour horrifiques qu'elles soient, qui n'en tétanisent pas moins l'esprit du mâle normalement constitué.» On imagine très bien l'auteur s'extasiant sur chaque mot tel le Mascarille de Molière avec son « tapinois ». On sent que Jaworski aime les mots compliqués à tel point que j'ai eu l'impression qu'il écrivait avec son Catalogue des armes et ustensiles désuets du XVIIIe siècle et son Dictionnaire des adjectifs pompeux à portée de main et qu'il s'est évertué minutieusement à remplacer tous les mots trop courants de son livre par une formule empesée (presque tous les personnages sont gros, mais le mot gros n'est jamais employé). le vocabulaire est artificiel et volontairement compliqué alourdissant le lecture, les descriptions compliquées se mêlent à l'action, au point qu'on reste englué dans un maëlstrom de mots, les périphrases s'accumulent jusqu'à l'écoeurement, cassant complètement le rythme de l'action, nous enfonçant dans l'ennui et l'agacement. Chaque personnage à chaque fois qu'il est cité est affublé d'un adjectif redondant et de préférence peu courant et les périphrases s'accumulent jusqu'à l'indigestion. Pendant les 50 premières pages, à chaque coin de phrase, Jaworski nous pond une référence au mal de mer de son héros sans écrire les mots « mal de mer » (quel exploit!) et même quand le personnage n'est plus sur la mer. L'action pourrait se passer de la quasi-totalité des adjectifs, descriptions, périphrases, qui n'apporte que de la lourdeur, j'ai fait l'expérience de lire en diagonale pour me rendre compte que la compréhension de l'histoire y gagnait en clarté. Ses personnages sont antipathiques, ils ne connaissent qu'un seul sentiment, ils se méprisent tous les un les autres, sans nuances, l'auteur semble éprouver le même sentiment pour ses personnages. Quand je suis tombé sur le mot « scrofuleux » je me suis étonné qu'il n'ait pas réussi à le sortir plus tôt et quand je suis tombé sur « translittératives » je me suis dit qu'il valait mieux arrêter là les frais. Il y a des auteurs qui s'amusent à utiliser des mots savants, mais c'est en général avec une certaine complicité avec le lecteur, avec humour, ou avec un souci didactique ou de justesse. Ici, l'usage d'un tel style donne l'impression que c'est pour afficher une sorte de supériorité et un dédain pour les lecteurs qui ne seraient pas familiarisés avec son vocabulaire. Pour moi, ce roman est une apologie du snobisme et je n'en retiendrais que de la prétention de son auteur. Il y a des romans qui me tombent des bras parce que je m'ennuie à mourir, que le sujet n'a aucun intérêt, que les personnages sont sans reliefs ou parce que c'est écrit avec les pieds, mais ce livre affiche en plus de tout ça une prétention monumentale et je n'hésiterais pas à le mettre numéro 1 des livres que j'ai le plus détestés.
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Je découvre Jaworski et je comprends les avis élogieux qui concernent ses récits.

Nous suivons Don Benvenuto. Un homme sans scrupules, doté d'une gouaille sans pareille et disposé à dire et faire des choses abjectes. Qu'on se mette d'accord, il y a quelques TW à prendre en compte dans cette lecture. . Rien que pour ça, on le déteste ce protagoniste. Aucun attachement n'est possible, du moins pour moi. On me l'avait dit, je m'y étais préparée. Il n'en reste pas moins que certaines scènes m'ont glacée d'effroi.

On a donc un protagoniste qui est une âme sombre à n'en pas douter. On a surtout un protagoniste qui est l'assassin personnel du Podestat, l'une des plus hautes figures politiques de la République de Ciudalia. Ainsi par ce protagoniste, c'est toute la politique de ce pays qu'on suit ainsi que les actes et motivations du Podestat. Et quelle politique! Trahison, complot, vendetta, ... On est servi pour notre plus grand plaisir. Et ce avec une narration qui nous place dans la tête même de l'assassin. Une narration insolente, railleuse, ironique, sarcastique, avec une belle maîtrise du français de surcroît. Bref, j'ai adoré la plume. Certains l'ont trouvée désuète. Pour ma part, j'ai trouvé qu'elle cadrait tout à fait avec l'ambiance du récit.

Si je devais lui trouver quelques défauts ( et vous remarquerez que ça n'entache pas la note), j'ai trouvé un passage long. Cette longueur est d'autant plus renforcée que notre auteur n'est pas un adepte des chapitres courts... et des récits courts non plus. Aussi sur quasi 1000 p., ce sont 200 p. ni plus ni moins que j'aurais préféré raccourcies même si j'en comprends la teneur. Ca donne juste l'impression d'un tension oubliée pendant un temps...

Cet univers si riche, si maîtrisé me donne cependant envie d'y retourner, d'approfondir. Jaworski semble s'inspirer de l'Antiquité romaine et de l'Italie moderne pour ciseler l'ambiance de ce récit et je ne doute pas qu'il emprunte à d'autres périodes de l'Histoire pour concevoir ses autres récits qui, si j'ai bien compris, restent dans le même univers. Nul doute que je découvrirai dans un avenir proche un autre titre de lui.
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Suivre les aventures Benvenuto Gesufal est un vrai régal.
En effet, le maître espion du podestat Ducatore de Ciudalia est un formidable coquin, une magnifique canaille, une horrible crapule et un assassin. Et pourtant, je l'adore… Quel personnage !
Empêtré dans les machinations de son patron, il se retrouve au coeur des démêlées de la République maritime, des complots entre familles patriciennes prises entre tentation du pouvoir absolu et vendettas.
Sa ruse, son courage, son insensibilité, sa grande gueule, mais aussi sa loyauté ne seront pas de trop pour l'aider à mener à bien ses missions mais aussi, et peut-être surtout, pour se sortir en vie des guêpiers dans lesquels il va se fourrer : batailles navale ou rangée, guet-apens, emprisonnement dans des geôles immondes, évasion spectaculaire, courses-poursuites, charmes de sorciers et mauvais sorts…
Ce héros est formidable. J'adore même ses mauvais côtés : machiste, raciste, homophobe… Il a tous les défauts. Son ironie, son cynisme, son autodérision m'ont véritablement réjouie. Que de fois j'ai souri ou même ri tellement son culot, mais aussi la justesse de ses remarques m'ont surprise par moment.
Car j'ai été « derechef » la confidente des confessions de Benvenuto. C'est bien au lecteur qu'il s'adresse, qu'il prend à témoin des combines dans lesquelles son patron l'engage et quoiqu'il ne lui fasse pas absolument confiance car il sait que Ducatore est converti à la maxime machiavélique de « la fin justifie les moyens », il y va, pour notre plus grand plaisir.
J'avais lu « Gagner la guerre » il y a quelques années déjà et j'appréhendais cette relecture, sachant par expérience que parfois je me retrouve déçue, ne retrouvant l'emballement de la découverte. Cette nouvelle expérience n'a fait que confirmer tout le bien que je pensais de ce roman et de l'écriture de Jean-Philippe Jaworski, ciselée, au lexique d'une très grande richesse, mêlant le soutenu à la plus grande grossièreté…
C'est de la fantasy si bien maitrisée que par moment on pourrait penser à une page d'histoire : celle de la Sublime République ?
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C'était pas gagné d'avance car ce bouquin, je ne l'avais pas choisi et son pitch n'était a priori pas trop ma tasse de thé. Mais je ne peux désormais que remercier celui qui me l'a offert car, à part un coup de mou sur la partie teintée de fantasy qui se déroule hors de Ciudalia, le moins que l'on puisse dire est que je me suis régalée.
Quel bonhomme ce Benvenuto, quelle crevure, un beau salaud comme on les aime! C'est qu'il a de la ressource, du bagout et pas trop de scrupules le bougre, et il a bien raison vu la tripotée de dirigeants machiavéliques, de janissaires sanglants et de brutes perfides qui l'entourent: à la guerre comme à la guerre! Bains de sang, trahisons, mensonges, coup de billard à cinq bandes, attaque de galère, passage à tabac, un poil de magie vive par là-dessus pour arriver à ses fins: rien ne nous est épargné dans ce roman au rythme trépidant, dont tout le charme tient à l'univers construit, la vivacité ciselée de la plume, et la personnalité de ce tueur espion de Benvenuto qui en prend littéralement plein la tronche. Jubilatoire!
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Victoire, mes amis, victoire ! En ce jour de liesse, la République de Ciudalia vient d'écraser l'armée du Chah de Ressine, envoyant par le fond les trois quarts de sa flotte de combat. Bien sûr, tout le monde ne peut pas être à la fête… Sur la galère qui fend les flots vers Ciudalia pour annoncer la glorieuse nouvelle, il y en a un qui n'en mène pas vraiment large : penché au-dessus du bastingage, don Benvenuto Gesufal, maître-espion du podestat Leonide Ducatore – le co-dirigeant de la République – est bien trop occupé à vider tripes et boyaux par-dessus bord pour se mêler à l'enthousiasme général. Mais que diable vient-il faire sur cette galère, don Benvenuto, lui qui exècre cordialement toutes aventures maritimes ? Et bien, pas des choses jolies-jolies… Car sous l'appellation pompeuse de « maître espion » se dissimulent les véritables fonctions de Gesufal auprès de son excellence Ducatore : don Benvenuto est un assassin – et pas un vulgaire coupe-jarret, attention : un des meilleurs de toute la République, le nec plus ultra des trancheurs de gosiers !

Et dans les jours à venir, le podestat Ducatore aura bien besoin des services de son redoutable homme de main. Car si le conflit avec Ressine est terminé, une autre guerre ne va pas tarder à débuter, souterraine celle-ci, mais non moins redoutable et cent fois plus perverse, car il s'agit maintenant de déterminer à qui profiteront les richesses et le pouvoir acquis. Cette guerre-là se livrera à la pointe des poignards et de la langue, une guerre de pots-de-vin, de ruses sinueuses, d'influences et de cruelles traitrises. En vérité, le programme s'annonce fort chargé pour l'ami don Benvenuto ! Trimballé des bas-fonds de Ciudalia (Cité-état fort semblable à la Sérénissime Venise) aux splendeurs de la Cour de Ressine par les manigances machiavéliques de son patron, il devra déployer toutes ses ressources homicides, ainsi que toute son ingéniosité et tout son bagout – non négligeables l'une comme l'autre – pour protéger les intérêts de ledit patron et tenter de conserver sa propre tête intacte sur ses épaule. « Gagner la guerre », oh oui, mais à quel prix…

S'il fallait définit le roman de Jean-Philippe Jaworski en une phrase, ce serait celle-ci : « Gagner la guerre » est un roman d'intrigues dans une Renaissance italienne uchronique, mais raconté par le bras droit du grand méchant de l'histoire. Si, si, vous voyez bien : le type là-bas qui se tient habituellement derrière le dos de son maître, les bras croisés et la mine patibulaire. Car, qu'on ne s'y trompe pas, don Benvenuto n'est pas un « gentil gredin » : c'est un hargneux, un violent, un tueur, le genre de type que l'on ne souhaiterait pas rencontrer dans une ruelle sombre. Mais c'est aussi un fabuleux conteur ! Sous sa plume acérée, débordante de vie, d'humour noir et de rage, les aventures les plus terrifiantes et les complots les plus sournois nous deviennent des délices. On sourit, on rit, autant que l'on grimace de dégoût ou d'effroi. On se laisse séduire et emporter, au point d'en oublier quelle fieffée canaille est notre aimable narrateur.

Intrigues à tiroirs parfaitement construites, style épatant mêlant argot et envolées lyriques, dialogues superbes, personnages passionnants (outre don Benvenuto que l'on ne peut qu'adorer, mon petit coeur sensible va spontanément vers son enflure de patron, le très brillant et très cynique podestat Leonide Ducatore, digne émule d'un Machiavel ou d'un Rodrigo Borgia, mais j'aime aussi Sassanos le sorcier de son excellence, au coeur noir et à la magie plus noire encore, Clarissima sa petite garce de fille et bien d'autre)… Un délice, je vous dis ! le genre de livre que l'on dévore à toute vitesse et que l'on abandonne avec une pointe de regret cuisante. C'est qu'on l'aurait bien suivi pendant encore quelques centaines de pages supplémentaires notre bon camarade Gesufal… Car comme il le dit si bien lui-même « quoique vous sachiez que je suis une inqualifiable crapule, n'êtes-vous pas un peu mon ami ? »

Santé, don Benvenuto !
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Deux ans et trois mois après l'achat, j'en suis toujours au même point. Il est temps de passer à autre chose. Je sais que la réputation de ce livre est énorme, malheureusement je l'ai trouvé toujours plus pénible au fil de ma lecture. Je n'ai lu que 21% mais ses défauts m'en rendent la lecture rédhibitoire, désolé.

Mes reproches ? D'abord, les personnages n'attirent pas la sympathie, mais ça j'étais prévenu, et c'est peut-être plus une question de préférence qu'un réel défaut du livre.

Les défauts sont le rythme et le style. le roman progresse au rythme d'un escargot asthmatique qui trainerait un boulet. Jarowski étire chaque scène, et même chaque instant, comme un gamin tire sur son malabar. Une action qui dure une minute prend dix minutes à lire, les chapitres s'éternisent, ma patience s'use.

Quant au style, il ravit certainement les amateurs d'un style d'avant-guerre (de cent ans). Jarowski m'apparait simplement comme un auteur pédant qui pense trouver l'élégance avec un style désuet.

Quant à l'histoire, difficile de se prononcer, car en deux cents pages elle n'a pas progressé suffisamment pour que j'ose un commentaire.
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Quel récit mes aïeuls !

Gagner la guerre sort vraiment des sentiers battus et prouve, s'il était besoin, que nous, pauvres français, n'avons rien à envier aux anglos-saxons question littérature SFFF.

Dois-je revenir sur l'écriture de Jaworski ? Une écriture reconnaissable entre toutes grâce à son panache, son vocabulaire si riche et si varié (passant d'un registre soutenu à un registre argotique), ses évocations si imagées, son humour à toute épreuve. L'écriture est pour beaucoup dans le plaisir de lecture chez Jaworski, même si l'intrigue n'est pas en reste.

Car Gagner la guerre est un récit de cape et d'épée dans lequel notre héros, Benvenuto Gesufal, n'est rien d'autre qu'un assassin professionnel au service du Podestat Léonide Ducatore. Que de rebondissements ! J'ai eu peur d'être perdue parmi les intrigues politiques, les assassinats sur contrat, les manigances : que nenni ! L'auteur connait si bien les chemins qu'il fait emprunter à son lecteur que celui-ci ne s'y perd jamais.

Et que dire des personnages? Comme le dit si bien Benvenuto lui-même : "Vous qui êtes en train de me lire (...), quoique vous sachiez que je suis une inqualifiable crapule, n'êtes-vous pas un peu mon ami?" Eh bien si, et plutôt deux fois qu'une ! C'est si plaisant d'être du côté du méchant, capable du pire comme du meilleur. Il faut dire que la crapule est loin d'être la seule à hanter Ciudalia, ville décadente, au bord du gouffre, à la fois République et Empire.
Les personnages sont nombreux mais tous prennent de la place, quitte à la payer cher. Pour ma part, j'ai un faible pour le Sapientissime, qui n'a d'ailleurs pas résolu tous les mystères le concernant, ainsi que pour notre cher podestat (plus calculateur tu meurs).

Un seul petit bémol à noter : quelques longueurs une fois le départ de Bourg-Preux. A partir de cet instant, le récit aurait gagné à perdre une bonne centaine de pages.

Pour faire bref : un récit haut en couleurs qui scotche son lecteur dès le 1er chapitre, des personnages inoubliables et une écriture à la verve déjà très populaire. Un chef-d'oeuvre de la fantasy quoi !

Challenge Multi-défis 2016
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