Une marmaille nous accompagne en se poussant du coude et en réclamant encore des bonbons, encore des stylos. Des gosses qui ne me comprennent pas non plus, les petits arabes ne parlent plus français. Les souvenirs d'hier ne sont pas pour eux. Ils n'ont rien vu dans la ville coloniale, ni les spahis aux capes rouges, ni les barbes et les tabliers de cuir des sapeurs de la Légion le jour de la fête de Camerone, ni ma robe et mon voile de communiante en organdi blanc sur les marches de l'église Saint Vincent. Ils ne savent rien de mes émerveillements de fillette en Algérie française. Les souvenirs d'hier, d'avant l'Indépendance, appartiennent aux "chibanis" , aux vieux, les seuls qui peuvent partager avec nous des mots, des noms de rues, des photos de cartes postales périmées.