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sur 1172 notes
Quel bonheur de retrouver la plume et la noirceur de Gaëlle Josse, oui sa plume noire si singulière, celle qui a su déjà avec « Une longue impatience » m'étreindre pour ne plus me lâcher, celle qui trace des mots nerveux et authentiques, des mots vrais et à vif, en creusant des ombres violines de plus en plus brunes au fil du récit. Ondes concentriques autour d'un centre névralgique qui fait surface peu à peu. Croute grattée au sang jusqu'à la prochaine cicatrisation.
Si « Une longue impatience » dressait un formidable et troublant portrait de femme écorchée vive, c'est le père, cette fois, qui est au centre des attentions. le père dont la nuit étend ses couleurs sombres et son emprise sur la famille. Cendres pétrifiantes sur âmes rose tendre.
Je trouve la couverture du livre à ce propos très bien choisie, la vision de cet homme surplombant et avançant malgré tout sur cette masse sombre, compacte, un obstacle à franchir ce passé trouble, fardeau pour tous.

Héritons-nous toujours de la nuit de nos parents, de leur part obscure, de leurs secrets inavoués, de leur part non révélée ? Est-ce dans nos gènes, dans la singularité des dysfonctionnements propres à chaque famille, dans ce que nous ressentons intuitivement sans pouvoir le nommer, dans ce que nous haïssons parfois et subissons, usant nos forces toute notre vie à créer une histoire à contre-courant, en opposition ? Chacun d'entre nous y réagissons de façon différente mais sommes-nous les résultats des traumatismes de nos ainés ? Notre quête éternelle porte-t-elle toute notre vie sur ce que cette nuit a pu créer en nous comme manques ?
J'ai tendance à le penser du fait de ma propre histoire et de la psychogénéalogie suivie pour tenter de comprendre cette course de relais perpétuel. Je me suis toujours demandé si vieillir, ou s'épanouir tout simplement, c'était précisément arriver à comprendre cette part inavouable transmise, l'accepter, l'accueillir et ainsi savoir pardonner. En déceler même la part lumineuse, malgré et contre tout, des clairières dans toute cette forêt. Mais avant cette compréhension, sans doute nous-même, avons-nous transmis ce que cette nuit a fait germer dans notre inconscient. Comme un poison qui se transmettrait de génération en génération. Et la parole, l'écriture, les mots constituent comme autant d'antidotes possibles.

Gaëlle Josse fait de toutes ses interrogations le thème central de son dernier livre « La nuit des pères », faisant vibrer douloureusement l'intime en moi. La nuit des pères, la nuit des mères, celle des parents, cette nuit pouvant être ténue, infime ou infinie.
Elle axe son propos sur le père d'Isabelle et Olivier. Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l'oubli.
Après de longues années d'absence, elle appréhende ce retour. C'est l'ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer. Trois jours dans la maison de l'enfance qu'Isabelle a quitté très jeune, traversée par l'urgence de la fuite, par l'impatience des ailleurs, tournant le dos à la montagne pour descendre au fond des océans. Trois jours durant lesquels les souvenirs affluent, sans relâche. Un père très difficile pour ne pas dire odieux, une mère quasi invisible, mais si douce, tentant de faire rempart entre ce mari dont elle connaissait les secrets et qu'elle aimait et les deux enfants. Au contact de ce père désormais amoindri, la colère, voire la haine, fait place progressivement à l'indulgence, puis au pardon lorsque les deux enfants enfin comprennent l'horreur vécu par le père.

« Voilà où j'en suis. Et toi mon père qui avance à pas lents vers les ombres qui vont t'ensevelir vivant, où en es-tu ? Je m'aperçois que je ne te connais pas. Je me sens perdue moi aussi. Chacun dans sa pénombre. La tienne me fait une peine infinie. Je ne m'attendais pas à éprouver cela. Que puis-je faire pour te retenir parmi nous ? »

L'écriture de Gaëlle Josse est une merveille. Tout d'abord dans sa façon de parler directement au père, de s'adresser à lui, lettre écrites durant ces trois jours, non envoyées, reflets d'un journal troublant. Cette interpellation convoque l'intime, le profondément enfoui, ne met aucune distance entre elle et son père. Ensuite dans l'écriture même, à la fois délicate et puissante, ciselée et poétique, envoutante et obsédante, avec ses phrases courtes au rythme hypnotisant, une écriture dense qui creuse son sillon pour remonter à contre-courant, retour aux sources des douleurs enfantines. Des redondances, il est vrai, comme autant d'obsessions à peler, à creuser, à mettre à nue. Nécessaire. Des fulgurances de douceur et de tendresse aussi, parfois.

« Maman, impératrice des écorchures soignées et des beignets aux pommes, maman raconteuse de Roule galette et de Boucle d'or, chuchotés à l'orée du sommeil, tu es là, avec nous, bien plus que sur cette photo installée sur la cheminée, avec son cadre argenté, avec mise en plis et rouge à lèvres exprès pour la photo. Bien présenter toujours. Sourire, toujours. Se tenir. La peau si fine de tes bras dévorés de tâches de son. Ai-je connu plus grande douceur ? ».

Un petit livre poignant, bouleversant, débouchant sur un apaisement, une note d'espoir. J'aime profondément sa façon d'écrire, sa façon de creuser, sa façon d'interroger si paradoxale, à la fois délicate et obsessionnelle. Une auteure qui arrive à me toucher comme peu d'auteurs y parviennent. A ce point.

« Face à nous, le soleil se levait, éclairant peu à peu l'espace, repoussant la nuit. L'aurore aux doigts de rose, a-t-il murmuré, la voici. Autour de nous, de l'or et du rose, en longs filaments lumineux. Tu vois nous renaissons chaque jour ».
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Avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, Gaëlle Josse conte une histoire familiale bâtie autour de ce père qui commence à souffrir de « la maladie de l'oubli ».
L'histoire débute le vendredi 21 août 2020 lorsque la narratrice principale, Isabelle, revient dans le village de montagne où elle a grandi. Là, Olivier, son frère, médecin, vit toujours près de leur père.
Olivier attend sa soeur en gare de Chambéry. Avant de se retrouver dans ses « bras enveloppants, tendres et légers », Isabelle s'est adressée à son père, mentalement, pendant son voyage depuis Paris.
Elle se dit brouillonne, pressée, curieuse et compare son caractère avec celui d'Olivier, qui est patient et généreux. Leur père, guide de montagne réputé, a quatre-vingts ans. de sérieux symptômes de cette maladie de l'oubli n'ont pas manqué d'alerter Olivier. Ce dernier était revenu au village à la mort de leur mère survenue dix ans auparavant.
Les confidences, les réflexions d'Olivier et d'Isabelle sont toujours d'une extrême délicatesse. Leur respect mutuel est parfait et Gaëlle Josse mène admirablement échanges et réflexions sans jamais lasser. Ainsi, j'apprends que ce père, considéré comme un héros dans la vallée, est colérique et qu'il a surtout négligé sa fille qui lui en veut toujours. Il ne s'occupait que d'Olivier, si bien qu'Isabelle encore petite, avait décidé d'être un garçon. Pour cela, elle avait coupé elle-même ses cheveux avec une paire de ciseaux : un désastre ! Avant que sa mère ne tente de masquer un peu les dégâts, elle avait déjà reçu deux claques de son père.
Autre élément important du récit, pas le moins émouvant : la mort de Vincent, le mari d'Isabelle. Celle-ci est une réalisatrice réputée de reportages sous-marins – peut-être par opposition à cette montagne qu'elle hait – et Vincent plongeait pour filmer ce qu'elle demandait. Hélas, un jour…
Avec ça, Isabelle continue à confier ses souvenirs, ses regrets, les vexations et les punitions venant toujours de ce père qui, pourtant, la reçoit bien, paraissant en parfaite possession de ses moyens mais qui, subitement, oublie ce qu'il veut faire alors qu'il vient juste d'en parler. Il demande même des nouvelles de Vincent, mort depuis un an !
Fête des Pères rejetée par le principal intéressé, inspection sévère des chambres des enfants, lecture indiscrète et traumatisante du journal intime de sa fille, les exemples de mauvais souvenirs remontent à la surface. Malgré tout, il a veillé sur elle pendant ses dix jours de coma, suite à une grave chute avec son vélo rouge offert à Noël.
Surtout, il y a cette montagne qui cannibalise la vie familiale, ces colères subites, violentes, inexpliquées et ces hurlements, ce long cri de terreur que le père poussait chaque nuit.
Gaëlle Josse donne enfin la parole à cet homme qui, face à ses deux enfants, se met enfin à raconter son embarquement, à Marseille, le 9 mars 1960, à bord du Sidi Ferruch. Lui qui, sursitaire, se préparait à être prof de lettres, a fait partie de tous ces appelés du contingent envoyés en Algérie. On lui parlait d'événements et d'une indispensable pacification…
Il s'est trouvé qu'au moment où je lisais La nuit des pères, la chaîne de télévision LCP a diffusé un formidable documentaire réalisé par Georges-Marc Benamou et Benjamin Stora : C'était la guerre d'Algérie. Bien conseillé par mon épouse qui n'avait pas manqué les présentations dans Télérama, j'ai pu voir et revoir tous les éléments d'un drame qui a causé d'innombrables victimes et laissé des traces indélébiles.
La nuit des pères et C'était la guerre d'Algérie se sont complétés et enrichis mutuellement.

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En août 2020, à la demande de son frère Olivier, Isabelle revient avec beaucoup d'appréhension dans ce village des Alpes où ils sont nés tous les deux afin de revoir son père. Ce père ancien guide de montagne est aujourd'hui octogénaire.
À cette phrase prononcée par son frère, au téléphone deux mois plus tôt : "Ça serait bien que tu viennes, depuis le temps. Il faut qu'on parle de papa", elle s'est entendue dire « d'accord », pensant qu'elle était en fuite depuis trop longtemps.
C'est ainsi que nous allons entrer dans l'intimité de cette famille.
Olivier, lui, après avoir exercé comme kiné en ville pendant vingt ans, était revenu au village, dix ans plus tôt, à la mort de leur mère, pour être près du père.
Après des années d'absence, Isabelle affligée par un deuil récent, appréhende ce retour et « ce retour, elle l'accomplit à reculons. »
Elle reste marquée par l'indifférence, la rudesse et la colère de ce père destructeur, muré dans le silence, qu'elle n'a jamais pu approcher. Elle a pourtant tenté d'attirer son attention à plusieurs reprises, tant elle avait besoin de son regard, de son amour, mais en vain…
Pour ne plus vivre avec cette tension sans fin, pour ne pas être enterrée vivante sous ses emportements, dès le Bac, elle a fui, est devenue documentariste, passionnée par le monde sous-marin. Au coeur de ce monde bleu, elle n'entendrait plus crier son père.
Ce que son frère a à lui dire c'est que leur père, s'il est toujours en excellente forme physique a la maladie de l'oubli, sa mémoire commence à lâcher.
Isabelle restera quatre jours et c'est elle qui, en s'adressant au père sera la narratrice. Vont s'entremêler passé et présent. Passé avec l'évocation de ses souvenirs d'enfant blessée et présent avec l'altération de la mémoire paternelle. Sa voix ne sera interrompue qu'une seule fois par ce père et fera l'objet d'un chapitre. Il va enfin réussir à parler et à exprimer « ce regret, cette honte qui ne l'a jamais lâché » et raconter « la seule fois où il a eu froid la nuit, c'était là-bas ». Gaëlle Josse laissera la parole au frère pour le dernier, celui de la conclusion.
La nuit des pères est un roman qui m'a profondément touchée.
J'ai été bouleversée par cette histoire familiale, par la colère de cette gamine en soif d'amour paternel qui se heurte perpétuellement soit au silence de son père soit à ses emportements. L'histoire du vélo rouge ou celle du sacrifice des belles mèches brunes m'ont profondément remuée.
Gaëlle Josse réussit avec beaucoup de pudeur de sobriété et de poésie à évoquer cette terrible maladie d'Alzheimer, qu'elle préfère nommer avec beaucoup de tact et d'exactitude la maladie de l'oubli.
Avec la prise de parole du père, c'est un moment extrêmement fort que nous donne à vivre l'auteure. Un seul chapitre résume à lui seul un sombre épisode de l'histoire de France avec ce qu'ont pu vivre ces jeunes arrachés parfois à leurs études et envoyés en mission de pacification pour ce qu'on a toujours appelé « les évènements ». Ce sera grâce à cette confession inespérée qu'Isabelle et Olivier vont enfin trouver l'amour de leur père.
C'est avec justesse, délicatesse, beaucoup de sensibilité et d'humanité que Gaëlle Josse dépeint les relations entre les membres de cette famille meurtrie et comment peu à peu ces ultimes retrouvailles vont réussir à adoucir cette tension.
La nuit des pères de Gaëlle Josse, est un livre poignant qui m'a emportée dès les premières pages et que je qualifierais de long chemin vers l'apaisement.
J'ai été ravie de découvrir le talent de cette auteure déjà récompensée par de grands prix pour ses ouvrages antérieurs.

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"Tu ne seras jamais aimée de personne"

"Tu vas rater ta vie"

Comment se construire sur de telles injonctions ? Quel autre choix que de couper les ponts et mettre de la distance, même si celui qui a proféré ces sentences est l'auteur de vos jours ?

Et pourtant des années plus tard, Isabelle revient sur les lieux de son enfance, où vit encore son père. Son frère le lui a demandé, le temps effectue un travaille de sape sur les souvenirs du vieil homme. Avant qu'il ne soit trop tard, la rencontre est nécessaire.


Les lieux ressuscitent les images de l'enfance, des jours heureux et des heures qui blessent. Mais surtout enfin, le vieil homme parviendra à livrer ce qu'il a tu toute sa vie, et qui pourrait sinon excuser, du moins éclairer son caractère taciturne et l'apparente haine qu'il vouait à sa fille.


Tout à tour, Isabelle, Vincent et le père nous livrent leurs états d'âmes, la violence des secrets, d'autant plus virulents qu'ils restent enfouis sous des années de mutisme.
Autour du père affaibli, se rafistole les bases d'une famille aux liens distendus. Pas de reconstruction mais l'amorce d'une suite apaisée.

Comme toujours, c'est avec sobriété et élégance que se construit ce récit intimiste et émouvant.
Un roman qui vient s'inscrire avec harmonie dans l'oeuvre de l'autrice.

173 pages Notabilia 18 Août 2022

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Une histoire qui pourrait sembler presque banale magnifiée par l'écriture de Gaëlle Josse, écriture si belle et si sensible qui a su me toucher encore une fois, me bouleverser par moments.
Une fille Isabelle, exilée du lieu de sa jeunesse, fuyant un père sauvage, enfermé dans une colère dont elle ne connait pas la cause, un fils resté au village, le père qui vieillit et sa mémoire qui commence à faire défaut. Elle va revenir pour quelques jours et affronter ses souvenirs, essayer de retrouver son père tant qu'il n'est pas complètement parti. Cette fille, qu'il n'a jamais su voir, va nous raconter en s'adressant directement à ce père, sa souffrance, celle de l'enfant qu'elle était, celle de la femme qu'elle est devenue, en la présence affectueuse de ce frère en apparence solide, mais blessé lui aussi.

Je disais donc une histoire presque banale, une famille qui ne fonctionne pas, un quotidien rythmé par les colères du père, et ses cris la nuit. Cette peur au ventre, pour les enfants, ne jamais savoir comment se passera la soirée, si elle sera calme ou non. Ce ne sont pas les coups qui sont craints, mais une atmosphère sombre, étouffante, qui pèse, qui détruit la légèreté de l'enfance. Un père dont le passé sera expliqué pendant ces quelques jours de retrouvailles un père qui n'aura jamais su surmonter les évènements qui l'ont changé à jamais et dont la souffrance sera celle de toute sa famille. Sa femme ne réussira pas à le sauver, elle saura seulement parfois amortir la dureté, réconforter les enfants.

Une histoire cependant plus originale par la forme, celle d'une longue lettre qui dit tous les mots qui n'ont jamais été échangés. Ces deux là ne se parlaient pas. le retour d'Isabelle va raviver tous les souvenirs, et les écrire va lui permettre face à ce père amoindri de dépasser sa rancoeur. Elle l'aimait ce père, qui ne la voyait pas.
« C'est un perpétuel jaillissement de beauté, ta montagne. Je comprends que tu l'aies tant aimée. Mais moi, c'est toi que j'aimais. »

Beaucoup de noirceur dans ce livre, beaucoup de colère, beaucoup de dureté. Mais tout cela exprimé d'une écriture poétique, précise, envoutante. Un livre qu'on ne peut lâcher tant les mots nous happent. Et qui se termine sur une note plus légère, une promesse de mieux-être.
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Sommes-nous le résultat des traumatismes de notre enfance (si petits ou si grands soient-ils), à la recherche continuelle de ce qui nous a manqué, comme ici l'amour et la reconnaissance d'un père ? Gaëlle Josse tente une réponse avec Isabelle, son héroïne, qui déroule dans une litanie sans fin la douleur de n'avoir pas été aimée par son père. Un homme qu'elle retrouve alors qu'atteint d'une maladie de la mémoire il semble enfin apaisé, prêt à lui donner ce qu'elle a toujours attendu, et incidemment à révéler le traumatisme fondateur de son attitude passée.
Un roman attractif au début qui m'a paru ensuite bien long malgré ses seulement 192 pages. La redondance et le manque de crédibilité du propos, le style parfois artificiel et emphatique du récit ont fait que ne parvenant pas à le pénétrer sa lecture m'a lassée. Pourtant il existe des moments forts qui m'ont touchée comme quand Isabelle évoque Nietzsche : « Un jour, j'ai lu une histoire qui m'a fait trembler. Turin, le 3 janvier 1889, piazza Alberto. le jour où Nietzsche s'est jeté à la tête d'un cheval de fiacre épuisé, frappé jusqu'au sang par son cocher, jusqu'à s'écrouler au sol, jambes brisées. Nietzsche a enlacé le cheval comme un frère humain, il l'a embrassé dans un geste de consolation impossible, désespéré. Ensuite, il s'est écroulé, a perdu conscience. La grande absence. Tout a lâché, le corps et l'âme, la maladie mentale ne l'a plus quitté, jusqu'à la fin, dix ans plus tard. Humain, trop humain, je crois que j'ai compris là ce que ça pouvait vouloir dire. »
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Voilà des années, une éternité sans doute, qu'Isabelle a laissé derrière elle ses montagnes alpines natales et surtout ce père qui n'a jamais su l'aimer. Mais, il y a deux mois, elle reçoit un coup de fil de son frère, Olivier, l'intimant de venir pour parler de papa. Étonnamment, elle lui en fait la promesse. Aussi, en cette fin août, elle retrouve Olivier, l'attendant sur la quai de la gare. En route vers la maison familiale, il lui apprend que leur papa, bien qu'en pleine forme physique malgré ses 80 ans, lui, l'ancien guide de montagne, a la maladie de l'oubli. Si elle appréhende ces retrouvailles, elle garde, malgré tout espoir, de pouvoir renouer avec ce père si distant, avant qu'il ne soit trop tard...

Le temps de quelques jours, qu'elle passera en compagnie de ce père si difficile à aimer et de ce frère qui n'a jamais quitté ces montagnes, Isabelle va lever le voile sur ses blessures, passées et présentes, sur les raisons qui l'ont poussée à quitter définitivement son petit village des Alpes et va croire en l'espoir, aussi infime soit-il, de pouvoir renouer avec son père. Ces quelques jours seront alors l'occasion pour chacun des membres de cette famille meurtrie et fragile de régler quelques comptes mais de sortir finalement grandi de ces retrouvailles, malgré la dure réalité qui se profile. Dans cette confession émouvante, bouleversante, sous forme de journal au coeur duquel Isabelle s'adresse à son père, Gaëlle Josse, dénoue et tisse de nouveaux liens, empreints de pudeur affective et émotionnelle. L'auteure donne voix, également, au cours d'un chapitre au père dont l'histoire, poignante et toujours profondément ancrée en lui, émeut, et un autre qui donne la parole à Olivier et conclut, avec justesse et beaucoup d'émotions, ces retrouvailles.
Un roman remarquable, à la fois court et dense...
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Je ressors de cette lecture avec un sentiment de malaise.
J'ai tourné les pages avec hâte, assez pressée d'en finir avec cette histoire pesante dont je n'ai pas réussi à saisir les ressorts.
Isabelle reçoit un appel de son frère Olivier qui lui demande de venir voir leur père.
La demande est incongrue, Isabelle est en froid avec son père depuis de nombreuses années et a coupé les ponts. Pourtant, sans (se) poser de questions, la voilà qui fait son sac et prend le train pour Annecy, pour retrouver la maison de son enfance.
Une fois sur place, Olivier lui explique que le père commence à avoir des absences, des trous de mémoire, Alzheimer a toqué à la porte et donne des premiers signes d'impatience.
Ce père, taiseux et violent, porte un secret. Il est en proie à des cauchemars récurrents depuis de nombreuses années, et décide subitement de se livrer à ses enfants, sans raison apparente, alors qu'il a soigneusement évité de leur parler et de leur faire confiance toute sa vie.
Le fantôme de la mère, morte depuis des années, usée d'avoir fait rempart permanent entre ses enfants et la colère du père, semble discrètement errer dans la maison…
Isabelle porte en elle une autre douleur, celle du décès de son compagnon, lors d'un accident de plongée dont elle s'estime en partie responsable.
So what serais-je tentée de dire. Aucun des personnages ne m'a semblé attachant, je me suis passablement ennuyée, je n'y ai pas cru, tant les relations entre personnages m'ont paru incohérentes. Les flash-backs dans le passé faits d'une multitude d'anecdotes finissent par tourner à vide et s'avèrent sans grand intérêt.
J'ai eu l'impression de lire une histoire en partie autobiographique, dès le début Isabelle et Gaëlle m'ont semblé ne faire qu'une. L'auteure semble avoir gratté une croute et se complaire de constater que dessous la plaie est toujours bien là, vivante, douloureuse, à vif. Des souvenirs de son enfance m'ont semblé mêlés à d'autres faits plus romancés, d'où un manque de cohérence, comme si les pièces d'un puzzle avaient été trop modifiées pour pouvoir s'imbriquer aux autres.
Un premier rendez-vous raté, Gaëlle Josse a une belle plume, mais les sentiments des personnages restent trop en surface à mon gout, la litanie d'Isabelle sur le manque d'amour donné par son père se fait redondante et finit par plomber le récit et pousser le lecteur dans une certaine déprime…
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Petite réflexion personnelle : pourquoi ce titre « La nuit des pères », alors que Gaëlle Josse parle de son père à elle, qui ne l'a pas aimée, qui n'arrive pas à traverser sa propre nuit, et qui hurle chaque nuit , toutes les nuits, dans son sommeil ?
Les nuits du père.
Qui hurle aussi tout le temps « impatience à fleur de peau, courroux toujours prêt à éclater » : je peux ouvrir le livre à n'importe quelle page, je trouve, écrit de façon admirable la même litanie.
C'est une longue lettre, une mise à mal, une dénonciation d'une fille, Isabelle, sûrement un complexe d'Oedipe pas résolu, puisqu'elle dit qu'elle aimerait alors qu'elle est adulte, à la fin du livre, qu'il la prenne dans ses bras, son odeur, son contact, ainsi que le ferait une amoureuse rejetée. Et malgré tout désirante.
Avec des phrases poignantes, un non-dit que nous attendons depuis le début, car il n'est quand même pas normal qu'un père rejette obstinément non seulement sa fille, mais aussi tous les plaisirs ( la petite chienne avec qui il jouait, riait et chahutait, se fait assassiner par lui à cause de cela, le plaisir qu'elle lui a donné), qu'il ne décolère pas et répand la peur, Gaëlle Josse nous fait participer à son enfance sans doute et peu importe, à une enfance dévastée par le manque d'amour.
La mère se tait, elle se tait même un peu trop, sans doute par peur d'y passer elle aussi, puisqu'elle veut de toutes ses forces garder le non-dit, et ne pas mettre sa fille au courant du drame du père.
Très étrangement, j'ai souligné plusieurs passages dans presque toutes les pages, aimé la langue qui chante, pleuré avec cette petite qui ne grandit pas, lui ai reproché de ne pas le faire et, parallèlement, jugé vraiment longue cette complainte où les sentiments de révolte de la gamine de 8 ans se transforment en une vague acceptation, toujours accompagnée de terreur, et qui , en réalité, ne se transforment.
Car ni le père, ni la fille, ne changent.
La montagne n'offre même pas au père la respiration positive. le fond des mers choisi par sa fille lui offre la mort de son conjoint.
A moins que Gaëlle Josse veuille justement nous transmettre cette impossibilité à oublier les blessures d'enfance : de résilience, dont au fur et à mesure de ma longue vie je commence à me fatiguer, il n'est pas question ; l'oubli, c'est la plongée dans l'Alzheimer du père ; le pardon n'existe pas.
En cela, elle nous implique dans un drame que nous avons, à des degrés divers, vécus, elle l'exagère pour nous forcer l'empathie, et, en cela, elle est, presque, géniale.
« Que la douleur et un archipel dont on n'a jamais fini d'explorer les passes et les courants. »
Douleur infinie. Une épine dans le coeur.
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Secrète rebelle, Isabelle
Court toujours après l'amour
D'un père en colère, distant
Un père cachant ses tourments
Partie très vite, le coeur lourd
Elle essaie d'éloigner tout
Les vifs chagrins de l'enfance
Les brisures ,le deuil terrible
Olivier son frère l'appelle
La maladie de l'oubli
Ronge le père aimé haï
Dans ce huis-clos tous les trois
Vont réapprendre la famille
Jaillissent enfin les émois
Ouvrant coeurs émiettés
La montagne refuge dernier

Coup de coeur pour cette histoire poignante, un retour aux sources des souffrances enfantines, face à cette montagne maudite, qui prend le père, absent des sentiments. Se sentir rejetée, transparente, quelle douleur! Un retour qui permettra pourtant la libération...

de son écriture toujours aussi délicate et poétique, Gaëlle Josse capte avec justesse les rapports complexes d'une famille écartelée, et de l'obscurité , timidement, naîtront des lueurs de vie, de la chaleur...A lire, assurément !




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