L'AMITIÉ : UN MONDE À CONQUÉRIR.
Bucéphale est majestueux.
Bucéphale est fort.
Bucéphale est impétueux.
Bucéphale est indomptable.
Cependant,
Bucéphale se sent l'inverse de tout ce qu'il représente au regard des hommes. Il faut expliquer que
Bucéphale est un cheval - bientôt, il deviendra légende - et qu'il a peur de ce monstre noir qui le suit partout... comme son ombre !
Un tout petit être de pas encore grand'chose, un gamin prénommé Alexandre, qui a encore tant à prouver, et d'abord à son père, un certain Philippe de Macédoine, va chercher à comprendre ce qui effraie ce fier destrier, là où tous les adultes, pourtant sûrs de leur force et de leurs compétences, vont finir par abandonner le combat contre cet animal décidément trop récalcitrant.
Ces deux-là vont s'aimer, très vite. le premier, parce qu'il a compris ce qui effrayait l'énorme et puissant animal, ce monstre lugubre qui s'est lié aux sabots du cheval, où qu'il aille. le second, parce qu'une confiance sans borne, impérieuse, irréversible va s'emparer de l'esprit de cette "plus belle conquête de l'homme".
La légende dit que ces deux-là conquerront le plus grand empire de ces temps lointains. Cette même légende conte que, inconsolable de la mort de son impérieux ami à quatre jambes (n'oublions pas que le cheval, du fait de son importance pour l'homme durant des siècles, eut droit aux "jambes" quand presque tous les autres n'ont que des "pattes"), Alexandre devenu le Grand bâtit un magnifique mausolée qu'il mit au centre d'une ville portant son nom, Bucéphalia (en grec Alexandria Boukephalous), devenue la pakistanaise Phalia : Imaginez un seul instant qu'une ville existe encore, fondée pour rendre hommage à un cheval... Qu'elle a donc un peu plus de deux mille trois cents ans...! Quelle plus belle preuve d'amour possible ?
Et puis... Il y a cette surprise absolue, dans le regard et dans la voix, d'une petite fille de trois ans et demi - notre Aliénor, testeuse maison avérée et définitive de livres : album, contes, BD, documents, livres-jeux, etc. Elle est insatiable. Pour le plus grand bonheur de ses parents ! - lorsque celle-ci découvre en arrivant à l'école ce si bel album reposant vaillamment sur le porte-manteau qui lui a été attribué. J'oublie de préciser : cet album fait parti de la sélection "3-5 ans" dite "Minimax" proposée par l'École des Loisirs dans les classes (sans aucune obligation, il va sans dire) que les enfants peuvent recevoir directement à l'école (les frais de ports sont alors gratuits). Je n'hésite aucunement à leur faire une publicité désintéressée : deux albums déjà et deux franches réussites, sur des thématiques fort différentes. Celui-ci étant bien parti pour devenir un best-seller chez nous !
Il faut dire que l'album est superbement réalisé, sous la plume de
Pénélope Jossen. Certes, il n'en dit que le minimum sur l'histoire légendaire de cet Empereur démesuré et de son si fidèle équin, mais à cet âge, c'est déjà une somptueuse entrée en matière dans un univers tellement éloigné de nous et si complexe à la fois. Il s'agit d'ailleurs d'une version conte bien plus que d'un documentaire et le style direct, simple (sans être simpliste) et précis accompagne parfaitement les grands crayonnés très vivants, très mobiles représentants tour à tour la furia de l'intrépide mais ombrageux cavale, la petitesse relative de l'enfant roi, ou la fougue amoureuse du couple humain-cheval une fois cette confiance mutuelle accordée. L'association texte-dessin est à la hauteur de l'éternel couple homme-cheval !
D'ailleurs, depuis deux jours, "Petit-tonnerre", le cheval à bascule d'Aliénor a été rebaptisé au moins provisoirement
Bucéphale (et, croyez-moi, ce n'est pas rien, tant le poney, ami du papoose Yakari, compte, ici. Au moins depuis un an sans interruption), tandis que, fière comme Artaban (ou Alexandre), notre fille se vêt désormais d'une magnifique cape grise à pois blanc, dégotée sur la pile de plaid de la maisonnée, "parce que les Rois, ils mettent des capes pour être plus forts"...
Bucéphale, ou comment une amitié prodigieuse a pu changer la face du monde (et le regard amoureux des bêtes d'une petite fille de trois ans et demi).
PS : quant à la véritable histoire/légende de ce fougueux animal, je vous conseille vivement la très belle critique de claudialucia, à la fois très complète et très juste.