J'ai beau avoir lu pas mal de choses sur l'épopée d'
Alexandre le Grand (hé c'est mon homonyme),
Valerio Manfredi m'en apprend encore beaucoup, ou déterre des événements que j'avais oubliés.
Ce deuxième tome nous fait voyager entre les cités grecques d'Anatolie et l'Égypte. Ce voyage sous forme romancé apporte par rapport à un livre d'Histoire une sensation d'écoulement du temps plus lente, plus sensible. On ne fait pas des sauts de sièges en batailles ; on vit presque au jour le jour les déplacements qui nous font sentir les distances incroyables, les périodes où s'installe le doute, la longue durée de la maladie presque fatale d'
Alexandre après qu'il s'est baigné dans le Cydnos. Une sensation plus nette au début, sur les côtes de l'Ionie, que vers la fin où l'auteur a dû sentir qu'il n'avait plus trop le temps de s'attarder.
Comme dans le premier tome, voire plus encore,
Manfredi nous fait faire du tourisme. La description d'Halicarnasse donne envie d'aller la visiter, idem pour Tyr. J'ai été surpris de voir qu'un peu partout en Anatolie, la culture hellène est bien implantée, se mélangeant avec les cultures locales au fur et à mesure qu'on de déplace vers l'est.
Alexandre est petit à petit confronté à la quasi-divination que les peuples octroient à leurs dirigeants. C'est le cas avec Ada la reine de Carie (Filfridi l'appelle « mamie gâteau », lol) ou de la découverte de la tente de Darius après la bataille d'Issos. Pour lui qui mange et dort à la dure, comme ses soldats, cela doit commencer à mijoter dans sa tête.
En termes de tourisme, l'auteur semble s'être donné pour tâche de mentionner les sept merveilles du monde. Cinq sont évoquées ici : le temple d'Artémis à Éphèse (déjà détruit), le mausolée d'Halicarnasse, le colosse de rhodes (pas encore construit), les pyramides et le phare d'Alexandrie (en rêve).
Le chemin n'est pas un long fleuve tranquille. Les batailles sont âpres, les sièges difficiles. Pour la première fois j'ai pris conscience qu'
Alexandre avait eu un adversaire de taille en la personne du mercenaire Memnon de
Rhodes. Eut-il vécu plus longtemps, je ne suis pas sûr que la conquête d'
Alexandre aurait abouti.
Manfredi dédouane encore une fois
Alexandre de la plupart des charges qui pèsent sur lui.
Les destructions à Halicarnasse sont liées à une tactique mal maîtrisée ; les exactions à Tyr suivent la cruauté des habitants vis-à-vis des ambassadeurs d'Alexandre (l'auteur fait d'ailleurs mourir de manière cruelle le vieux maître du conquérant, Léonidas, alors que ce dernier est selon les sources antiques mort dix ans plus tard) ; le traitement infâme qu'Alexandre fait subir à Batis, le défenseur de gaza, est l'oeuvre des drogues absorbées pour résister aux douleurs d'une blessure. J'ai du mal à saisir la raison de ce choix. Il montre cependant parfaitement bien la force de caractère extraordinaire de cet homme – qui dans le désert égyptien m'a rappelé celle de
Lawrence d'Arabie – et son aura qui subjugue son entourage et ses soldats.
Manfredi réussit aussi à varier les effets au cours du roman. Il emploie souvent un humour potache (les mots de passe ridicules de l'espion d'
Alexandre chez les Perses, par exemple), les batailles et les sièges ont une certaine puissance (
Alexandre et ses Compagnons en armure chargeant sur une passerelle à l'assaut de Tyr, on croirait voir une scène des Chevaliers du Zodiaque, lol) et certaines scènes d'amour ou de mort sont vraiment poignantes. Il manque un peu de différenciation psychologique chez les compagnons d'
Alexandre, hormis pour Eumène, Pandémion et Callisthène.
J'ai encore eu la joie de lire ce roman avec Fifrildi que je remercie vivement de m'avoir accompagné. Nos discussions et nos recherches annexes ont permis de donner plus de sel à ce que nous lisions.
Le duo se reformera pour le dernier tome.