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Critique de BillDOE


Un chef d'oeuvre avant-gardiste, déconcertant, révolutionnaire.
L'histoire : les déambulations physiques et les pérégrinations mentales de Léopold Bloom à travers Dublin pendant une journée.
Le roman se compose de dix-huit épisodes dont les dix-huit titres que l'auteur ne voulait pas mettre au départ, représentent les personnages de la mythologie grecque que l'on retrouve dans l'Odyssée d'Homère et dont il fait allusion à travers les tribulations de Bloom.
Le roman de James Joyce est une cathédrale symphonique de mots. C'est une expérience intérieure mystique. La narration rappelle parfois celle du « Cantique des cantiques ». Il y a aussi de l' « Ubu roi » d'Alfred Jarry (1896), de l' « Alice au pays des merveilles » de Lewis Caroll (1865), dans cette monumentale histoire. le personnage principal, Léopold Bloom (Ulysse) fait penser à Ahasvérus, le juif errant de cette légende moyenâgeuse qui a inspiré bien des écrivains.
James Joyce cultive l'art du monologue intérieur. La phrase réduite parfois à sa plus simple expression de mot est magnifiée. Son texte donne l'impression d'être chanté plus que lu. le style changeant d'un épisode à un autre est déroutant. Il fait parfois penser à de l'écriture automatique. En fait, il s'agit plus d'une écriture au débit épileptique, saccadée car l'auteur a pris un soin méticuleux à construire son récit, l'enrichissant de citations latines, de références à l'histoire de son pays, l'Irlande, et aux personnages illustres qui l'ont écrite. Il fait aussi souvent référence aux auteurs illustres tels que Shakespeare, Byron et bien d'autres. L'oeuvre est imprégnée de son éducation jésuite.
Style décousu, écriture psychédélique, le roman de James Joyce contient les outils dont s'inspireront plus tard William S. Burroughs, « le festin nu » et sa technique du « cut-up », ou Jack Kerouac, « on the road » et beaucoup d'autres auteurs de la Beat Génération ou pas.
L'architecture novatrice du roman de James Joyce bouleverse l'académisme antique de ses contemporains. Il va même jusqu'à inventer son propre vocabulaire en collant les mots pour en former d'autres et rendre son texte pratiquement illisible.
La musicalité de la narration est un des éléments essentiels du texte de James Joyce. On y retrouve son goût immodéré pour l'opéra, Verdi, Mozart, dont l'auteur sera un spectateur assidu, jusqu'à acheter des places pour voir huit ou dix fois d'affilé la même représentation. Dans « Ulysse », on retrouve ce chant, cette construction lyrique.
Extrait : Les Lotophages, épisode V.
Tellement chaud. Sa main droite une fois encore plus doucement passa sur son front et ses cheveux. Puis il remit son chapeau, soulagé : et repris sa lecture : mélange premier choix, provenant des meilleurs variétés de Ceylan. L'extrême orient. Un chouette coin que ça doit être : jardin du monde, grandes feuilles paresseuses sur lesquelles dériver, cactus, prairies en fleurs, lianes-serpents qu'ils les appellent. Va savoir si c'est vraiment comme ça ? ces Cingalais lambinant au soleil, dolce far niente. Ne remuant pas le petit doigt de la journée. Dorment six mois sur douze. Trop torride pour chercher querelle. Influence du climat. Léthargie. Fleurs de l'oisiveté.
« Ulysse » de James Joyce fait partie des romans dont la lecture ardue décourage nombre de lecteurs et c'est bien compréhensible, à croire que c'est un fait exprès. Jacques Aubert, spécialiste de Joyce recommande (source France Culture) :
1. Ne pas commencer par le début
2. Ne pas voir "Ulysse" comme un roman qu'il FAUT avoir lu. Il s'agit non pas de lire pour terminer un livre, mais de lire pour "faire acte de lecture"
3. Ne pas chercher à élucider toutes les allusions. le lecteur d'Ulysse doit donner plus d'importance à l'énonciation qu'aux énoncés.
4. le lire en anglais... si possible !
5. Comparer ses échecs de lecture et leur trouver des points communs. Pour sortir de ce "face à face mortifère entre le lecteur et l'oeuvre", il suggérait que celui qui se trouve en échec devant Ulysse tente de discerner, par rapport à d'autres textes ayant eu le même effet sur lui, à chercher ce qu'il y a de commun et de différent entre ces échecs de lecture.
On ne rentre pas dans le roman de James Joyce comme dans une auberge. Il faut de l'humilité, de la réflexion et beaucoup de patience pour arriver à appréhender une fraction de la réflexion de l'auteur. Il a réécrit neuf fois son roman avant qu'il ne soit publié par la librairie parisienne « Shakespeare et compagnie » dirigée par Sylvia Beach, le 2 février 1922, jour de son anniversaire.
Autre date emblématique, le 16 juin 1904, l'auteur rencontre Nora Barnacle qui deviendra son épouse. L'action d'« Ulysse » se déroule le même jour. le Blooms Day en Irlande, a lieu à cette date commémorative, et donne lieu à un festival de lectures d'extraits de l'oeuvre de James Joyce, les participants habillés dans les costumes du début du XXe siècle.
La lecture de « Ulysse » de James Joyce frôle souvent le calvaire mais heureusement tous les épisodes ne se valent pas. Après certains passages infernaux, un rayon de soleil peut parfois illuminer l'obscurité du propos de l'auteur. le dernier épisode, « Pénélope » est certainement le plus savoureux. Néanmoins, le surréalisme de l'écrivain fait de son oeuvre une véritable expérience éprouvante de lecture.
Traduction et édition sous la direction de Jacques Aubert.
Traduction de Jacques Aubert, Pascal Bataillard, Michel Cusin, Sylvie Doizelet, Patrick Drevet, Stuart Gilbert, Bernard Hoepffner, Valery Larbaud, Auguste Morel, Tiphaine Samoyault et Marie-Danièle Vors.
Editions Gallimard, Folio, 1659 pages.
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