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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Général, Général, qu' allait-tu arracher ces morts à la terre d' Albanie où ils étaient tombés!?
L' Albanie, ce pays d'austères montagne, érigé comme une forteresse et que l' Adriatique sépare de la botte italienne... Botte fasciste de 1939, dont le talon et la semelle s'abattirent sur le royaume de ce souverain au nom étrange: Zog.
... Mais la paix finit toujours par revenir. Et la botte, cette fois, envoie rien moins qu'un général pour ouvrir les tombes et en exhumer les corps tombés dans une guerre aussi vaine que meurtrière.
Tout est si bien organisé, pensez-donc! le général part pour l' Albanie, muni de listes et de cartes, des accords et autorisations nécessaires. Il est gonflé, cet officier, du sentiment de la mission sacrée de ramener les cendres d'une armée à la terre d'origine... Empli des prières de parents des morts d' Albanie.
Gageons, cependant, que ce général rabattra de sa morgue et de sa superbe, et que la mission à lui assignée sera plus longue que prévue.
Ismaïl Kadaré, dont c'est ma première lecture, m'a subjugué en m'emmenant dans cette terre d' Albanie tellement tournée vers ses montagnes que nous la connaissons si peu.
La mission de ce Général de l' Armée morte semble interminable (d'ailleurs, sera-t-elle vraiment terminée?) mais reste passionnante au gré des aventures de ces fossoyeurs de l'inutile... Au cours de la quête des restes humains d'un fiasco militaire.
Et puis, il y a ce mystérieux Colonel Z d'un certain Bataillon Bleu tout particulièrement recommandé par la veuve et la mère: Il faut retrouver les restes du colonel Z.
Ah! le beau livre, sombre et gris comme cet hiver albanais dans lequel s'enfoncent le général, le prêtre, l'expert et l'équipe d'ouvriers. Rude et beau comme le récit de souvenirs de morts, de combattants ou de combattus qui émaillent le chemin de croix du général.
Je sors du récit, comme en revenant d'un pays qui me serait devenu à la fois familier et davantage inconnu. L'un de ces états si proche et si lointain, vite atteint mais si peu visité.
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Le mystère d'Ismail Kadaré c'est le rapport entre la formidable contrainte de son espace de création et la formidable profondeur de son oeuvre
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Dans le général de l'armée morte d'Ismail Kadaré, un général italien accompagné d'un prêtre est envoyé en Albanie, vingt ans après la fin de la seconde guerre mondiale, pour retrouver les restes des soldats italiens tombés pendant les combats afin de les ramener dans leur pays. Il rencontrera au cours de ses recherches un lieutenant-général allemand qui accomplit le même travail de mémoire que lui.
Le général, imbu de lui-même, se sent un héros, investi d'une grande mission, entouré du respect des familles des disparus et des espoirs qu'elles placent en lui. Mais les deux années qui vont suivre, nécessaires pour mener à bien ces recherches vont se révéler une épreuve redoutable, tout aussi horrible que celle vécue par les soldats pendant le combat.

"- … C'est un espèce de duplicata de la guerre que nous faisons.
-Peut-être même pire que l'original."

Cette macabre entreprise lui enlève toute sa superbe, la guerre n'a rien de glorieux. C'est une évidence qui s'impose à lui d'une manière triviale, tels ces ossements qu'il récolte, « enfermés dans des sacs de nylon ».

Peu à peu, la mort s'impose, précède le cortège formé par le général, le prêtre, l'interprète et les ouvriers. « C'était une marche dans les ténèbres de la mort » . Elle place l'officier italien, d'une manière hallucinatoire, à la tête d'une armée morte. Elle s'attache à ses pas, elle s'insinue jusque dans ses rêves. Elle va frapper encore, en tuant un ouvrier albanais infecté par le cadavre d'un soldat italien qu'il a déterré, comme si le disparu avait attendu vingt ans pour prendre sa revanche.
Des récits racontés par des témoins, des extraits de journaux écrits par les soldats fusillés ou les déserteurs, ressuscitent des personnages parmi ceux, anonymes, qui ont perdu la vie dans ces âpres montagnes.
C'est sous la pluie, dans la boue, le froid et le vent que le général enlisé mène ses recherches morbides, recueillant les dépouilles des soldats, les identifiant à leur plaque, sous le regard plus ou moins hostile mais aussi, parfois, railleur et méprisant de la population qui n'a pas oublié les exactions commises par l'armée italienne, en particulier par le Bataillon bleu, une division punitive commandée par le colonel Z, criminel de guerre. Une scène très forte, peut-être la plus marquante du récit, est celle où le cadavre du Colonel Z est retrouvé, lors d'un repas de mariage pendant lequel le général force l'hospitalité des habitants ! C'est un grand moment du roman !

Kadaré peint son pays, l'Albanie sous des dehors farouches, inhospitaliers mais en même temps d'une grande beauté. Il montre un peuple fier que l'on « ne peut réduire par la force » comme le constate le général lui-même. Un pays « tragique », traversé par les envahisseurs, ravagé par les guerres, régi par des coutumes austères et sévères, par un climat rude et âpre. Même les chants qui ont une si grande importance dans la vie des habitants sont lugubres. Et pourtant c'est un peuple qui sait être magnanime en n'achevant pas les ennemis tombés à terre. Ainsi les Albanais n'ont pas massacré les soldats italiens vaincus et retenus dans leur pays sans possibilité de fuir. Il montre aussi que le côté belliqueux des Albanais n'est pas inné mais a été créé par des siècles d'occupation et de violence. On sent toute l'admiration de Kadaré pour son pays et le peuple auquel il appartient.

Dans le général de l'armée morte éclate tout le talent de l'écrivain dont c'est le premier roman ! Kadaré fait de la mission du général, une véritable danse macabre dans la boue et la pluie, orchestrée par les chants du pays, lancinants, les voix des morts qui reprennent vie au cours du roman. Il montre aussi l'horreur de la guerre, et dresse une peinture satirique des officiers et, à travers le personnage du prêtre, de l'église. le général de l'armée morte est aussi poésie de la terre, de ce pays grandiose et sauvage. Un grand livre !

Lien : https://claudialucia-malibra..
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Parfois, il y a des choses bizarres …c'est peu avant mon départ en Grèce sur mon nouveau voilier de 45' que je me suis perdu dans le songe d'une éventuelle incursion en adriatique en me posant la question, à savoir si j'abordais les côtes Albanaises que pourrais-je trouver dans un pays qui fut si longtemps coupé du monde.
J'ai retrouvé un repère au fond de ma mémoire du nom d'Ismail KARARE et par voie de conséquence son ouvrage le plus connu, le général de l'armée morte.
Une autre façon d'aborder le thème du désert des Tartares, l'opposition entre le militaire de temps de guerre et celui de temps de paix. Ce ne sont pas les mêmes…il est peut-être plus facile de donner sa vie pour son pays que se résigner aux tâches ingrates qui nous sont assignées et qui pourtant font partie du devoir de servir et d'obéir, quel que soient nos états d'âmes, ou nos convictions.
En tout état de cause, l'ouvrage sent le phosphore et vous en imprègne. Ce qui m'interpelle le plus, c'est le malaise que le général nous fait partager. Si les corps ou plutôt les ossements sont extraits du champ de bataille et identifiés pour être envoyés dans leur pays d'origine, l'armée est finalement définitivement morte…il préfèrerait ne pas les retrouver. Il lui faut être talonné, sermonné par son compagnon d'infortune, un prêtre catholique pour aller au bout de cette mission.
Je n'ai pas trouvé de réponse à ma question initiale mais en revanche, j'ai fait la découverte d'un auteur franco-albanais dont l'écriture mérite le détour.
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