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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Gjenerali i Ushtrisë së vdekur
Traduction : Jusuf Vrioni
Introduction : Eric Faye


Sorti en 1963, ce roman est le premier d'Ismaïl Kadare (ou Kadaré), l'auteur albanais le plus lu certainement dans le monde occidental. Malgré la simplicité apparente de la trame de l'action, il s'agit d'un roman difficile à investir - je n'y suis personnellement parvenue qu'à la moitié du texte, c'est vous dire. Pourtant, les phrases sont simples, sèches même mais, curieusement, on a l'impression que cela joue contre l'écrivain. Si simples, si sèches, avec une pointe de maussaderie çà et là : comme si l'auteur s'en voulait (ou se retenait ?) d'écrire. Mais à la réflexion, on se dit que Kadare cherchait peut-être tout simplement son style.

Néanmoins, si l'on persévère, le discours du "Général de l'Armée morte" finit par toucher son lecteur. L'histoire est simple, répétons-le : une bonne vingtaine d'années après la fin de la Seconde guerre mondiale, les représentants d'une puissance européenne ayant combattu et occupé l'Albanie, un général et un aumônier ayant rang de colonel, sont expédiés dans la dictature communiste d'Enver Hoxha afin d'y rassembler les restes de leurs soldats, gradés ou non, jadis tombés et inhumés en terre albanaise. Les deux hommes sont particulièrement soucieux de ramener la dépouille d'un certain colonel Z., issu de l'une des familles les plus influentes de leur pays.

Selon toute vraisemblance et bien que l'auteur les laisse dans un anonymat absolu, le général et l'aumônier sont italiens. Au cours de leur périple dans la boue noire de l'hiver albanais, ils croisent un lieutenant général et un bourgmestre probablement d'Allemagne de l'Ouest, venus eux aussi récupérer leurs morts. Moins heureux que leurs homologues italiens, les Allemands ne disposent ni des cotes, ni des descriptions physiques qui leur permettraient de creuser et d'exhumer sans risque excessif d'erreur.

La funèbre expédition des deux Italiens, entourés d'un expert et de terrassiers albanais, les amène à s'enfoncer dans l'Albanie profonde, dans des villages où ils constatent que rien ne semble avoir été oublié. Cette rancoeur toujours en éveil de l'occupé face à l'ancien occupant culmine avec la scène du mariage durant lequel la vieille Nice, une paysanne dont le mari a été fusillé et la fille de quatorze ans violée par le colonel Z. en personne, jette aux pieds du malheureux général le sac dans lequel, vingt ans plus tôt, elle a enseveli le cadavre de Z., qu'elle avait exécuté de ses propres mains.

"Le Général de l'Armée morte" est aussi une tentative, au début assez timide, puis carrément triomphante et même exaltée, de glorification du caractère de l'Albanais : follement nationaliste, toujours prêt à régler la moindre dispute en faisant parler les armes, fier et tout d'une pièce. La critique du régime d'Enver Hoxha est ici à peine esquissée mais on sent bien, en tous cas lorsque le général et l'aumônier réintègrent la grande ville, une menace latente, celle d'un pouvoir militaire qui ne se pose pas de questions et frappe à tout-va.

Jamais peut-être, pour un "premier roman", aucun auteur ne s'est autant cherché que Kadare dans celui-ci. Si l'on passe le cap de la moitié du roman, ces tâtonnements, cette espèce d'étonnement qu'on sent chez l'auteur face à son propre pouvoir d'écriture, son irritation aussi devant son impuissance à faire vraiment ce qu'il veut des mots (ce n'est un mystère pour personne que l'écrivain a révisé nombre de ses textes, mettant et remettant vingt fois sur le métier des ouvrages qui avaient pourtant été publiés avec son aval) et l'ambiguïté qu'on lui devine envers le régime qui asservit ses compatriotes (il l'asservit certes mais il est aussi farouchement pro-albanais), finissent par inciter à se procurer au moins un autre livre de Kadare. Pour voir. Pour approfondir. Pour comprendre cette fascination que lui-même et son univers semblent avoir exercé et exercer encore sur l'Occident.

Nous en reparlerons. ;o)
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Un roman lent, presque répétitif, mais tellement profond.
C'est la première fois que je découvre un roman d'un écrivain albanais, et je n'ai pas été déçue.
Il m'a permis, au-delà de la beauté du texte et des réflexions philosophiques sur la gloire, la vanité, la mort auxquels il amène, de découvrir une facette de la seconde guerre mondiale dont je ne connaissais jusqu'à présent que peu de choses.
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A la suite d'Avril brisé et de Chronique de la ville de pierre, je poursuis la relecture des romans de Kadaré qui dorment bien sagement sur l'étagère, avec les livres que j'ai aimés dont je ne me séparerais pas, mais que j'ai un peu oubliés.

le Général de l'Armée morte raconte l'histoire d'un général italien, dans les années soixante, chargé de rapatrier les corps des soldats morts pendant la dernière guerre afin de les rendre à leurs familles. Cette mission en temps de paix s'avère pénible, dans les montagnes escarpées d'Albanie, dans la boue de l'automne et le froid hivernal. le Général est accompagné d'un prêtre catholique qui lui sert de traducteur, de conseiller et de confident.

Après les négociations avec les autorités nécessaires pour entreprendre ces chantiers, le Général est pénétré de la solennité de sa mission, de son étrangeté aussi :

« et puis, ces derniers temps il m'arrive quelque chose d'étrange. Dès que je vois quelqu'un, machinalement je me mets à lui enlever les cheveux, puis ses joues, ses yeux comme quelque chose d'inutile, comme quelque chose qui m'empêche même de pénétrer son essence, j'imagine sa tête rien que comme un crâne et des dents (seuls détails stables) vous me comprenez? J'ai l'impression de m'être introduit dans le royaume du calcium…. »

Ils doivent extirper de la boue des ossements, mais aussi le passé de cette invasion repoussée par les montagnards albanais qui contraignirent à la retraite. Cette campagne ne fut pas très glorieuse et le Général en a conscience. Comme il craint l'hostilité des paysans que ses fouilles peuvent causer.

« il y a vingt ans, vous écriviez les mots d'ordre du fascisme sur les poitrines de nos camarades et maintenant vous vous révoltez à propos de cette phrase écrite sans doute par un écolier.[…..]Vous évoquez souvent les Grecs et les Troyens. pourquoi ne devrait-on pas parler de ce qui se passait il y a vingt ans? »

le général voulant fêter la fin de la campagne de fouilles, s'invite à une noce où les paysans chantent et dansent, une vieille femme fait resurgir sa douleur et on frôle le drame. Tout le roman est écrit sur le fil de l'ambiguïté. Générosité de celui qui offre l'hospitalité mais aussi méfiance vis à vis de l'ancien ennemi.


J'avais d'abord fait une lecture sur le plan allégorique, mythique, tragique. Maintenant que je me suis familiarisée avec le monde de Kadaré, je replace les événements dans leur contexte historique : l'occupation italienne, Kadaré l'a raconté plus tard dans la Chronique de la ville de pierre. J'ai retrouvé au moins deux épisodes commun aux deux livres : celui de l'installation du bordel dans la ville et l'histoire du pilote anglais qui avait perdu une main. Une autre histoire, celle du prisonnier italien devenu valet du meunier a été racontée de manière analogue par Argolli dans l'Homme au canon. Dans les deux cas, l'italien, prisonnier ou déserteur avait écrit un journal intime.

L'auteur accorde une importance à la poésie des traditions, chants et musique des montagnards. A plusieurs reprise il s'attarde pour nous en faire ressentir la beauté étrange et sauvage :

» – moi je frémis à les entendre, ils m'effraient

tout leur folklore épique est ainsi, dit le prêtre.
– le diable seul saurait dire ce que les peuples expriment par leurs chants, dit le général; On peut fouiller et s'introduire facilement dans leur sol mais quant à pénétrer leur âme, ça jamais…… »


C'est donc encore un roman tragique, prenant.

J'ai préféré dans le genre tragique Avril brisé et dans le genre historique,La chronique de la cité de pierre avec le regard naif de l'enfant.j'ai eu du mal à rentrer dans l'histoire, je ne suis laissée emporter qu'après une centaine de pages.
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Voici un nouvel ouvrage dévoré en 4 jours au plus près de l'Albanie!

Je l'ai dévoré tel un "bookworm" en lisant les pages par groupes de 50 lors de mes transports. Ce livre est mon troisième d'Ismaïl Kadaré avec le Printemps Albanais par exemple. Présenté comme le premier roman de Kadaré, la préface était très alléchante...Le roman était très bien défendu avec une foule de superlatifs laissant apparaître la richesse et l'exceptionnelle avancée de cette histoire.

Je m'attendais ainsi à une histoire qui allait me tenir en haleine. Finalement, je dois dire qu'il s'agissait tout de même du premier roman de l'auteur et que celui-ci n'était pas encore doté du style que j'avais pu découvrir dans Printemps Albanais.

Si l'histoire est très originale avec ce général qui retourne 20 ans après en Albanie pour rapatrier les morts de son armée, je dois dire que le déroulé est assez plat dans sa grande généralité. J'ai attendu les rebondissements annoncés par l'auteur de la préface, mais je suis resté sur ma faim.

J'ai attendu les éléments replaçant l'histoire dans son cadre géographique, avec des rapports à la société albanaise. Mais là encore, je suis resté sur mes attentes.

Au final, les amateurs de Kadaré peuvent découvrir ce livre, mais il est nécessaire de ne pas être trop exigeant pour le fil de l'histoire et le style employé. Jamais je n'ai pensé abandonner, j'étais pressé de connaître la fin du roman, de découvrir le final de cet odyssée d'un général et d'un prêtre à la recherche de l'armée morte. On parle de Gjirokastër et du peuple mais c'est trop saupoudré à mon avis pour vouloir lire ce livre en attente de découvrir ce petit pays...

La fin m'a laissé un goût très plat, j'attendais plus mais tant pis... je replongerais un autre jour dans un autre roman de Kadaré, un livre publié une fois sa célébrité scellée dans le paysage littéraire en Europe!
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Remarquable ne serait-ce que par l'originalité du sujet il nous surprend justement par les situations et les dialogues improbables, loufoques ou macabres lors de la récupération des corps de soldats morts en Albanie pendant la deuxième guerre.
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une lecture au style simple et au contenu bien moins simple
ode a l'albanie, anti militariste et une ambiance de desert des tartares,
a decouvrir
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Ismail Kadaré est né en 1936, il a consacré sa vie à l'écriture, avec une omniprésence de la dénonciation du totalitarisme, avec souvent en toile de fond la région des Balkans et son pays, l'Albanie. Traduit dans plus de 45 langues, il a longtemps eu maille à partir avec les autorités de son pays en raison du contenu de ses écrits, ce qui l'a poussé à émigrer vers la France en 1990.

Dans le général de l'armée morte, un général étranger se rend en Albanie une quinzaine d'années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour y rechercher des restes de compatriotes militaires inhumés sur le territoire ennemi durant le conflit. Il est accompagné d'un prêtre capable de traduire la langue albanaise. L'homme se sent investi de sa mission officielle : avant le départ pour l'Albanie, il avait reçu beaucoup de visites de gens le priant de retrouver les ossements des proches tués.

Très rapidement, cette recherche s'avère être très éprouvante pour le général. L'homme fier, qui dans sa tête revivait le conflit en s'imaginant comment il aurait pu inverser l'issue de la bataille au profit de son pays, commence à souffrir d'insomnie. Les recherches s'avèrent difficiles : tous les corps ne reposent pas dans des cimetières, certains ayant été inhumé à la hâte dans des endroits mal renseignés ou difficiles d'accès. Parfois, c'est l'hostilité de la population locale qui vient freiner le général et le prêtre ; d'autres fois, c'est une autre délégation étrangère qui a reçu la même mission et qui empiète sur leurs fouilles.

Dans son billet, Passage A l'Est citait le traducteur David Bellos mentionnant que Kadaré est un conteur exceptionnel. En lisant cet ouvrage, j'ai compris la pertinence du propos. Dès l'ouverture du roman, Kadaré utilise un vocabulaire qui laisse à penser que de nombreux obstacles vont se présenter à la délégation. La description du relief, du temps qu'il fait, renforce cette ambiance si bien restituée. Les divers épisodes mentionnés, tels celles d'une prostituée « morte pour la patrie » ou encore d'un vieux paysan qui a déterré le corps de son valet de ferme, un déserteur ayant laissé son journal, nous font revivre certains aspects de cette guerre. Enfin, Kadaré tient également en haleine le lecteur à propos d'un certain général Z, chef du Bataillon Bleu, dont le corps est manquant et qui aura une importance particulière dans le livre. C'est donc un roman qui imprègne le lecteur.

J'ai également beaucoup apprécié les considérations historiques. Même si l'on ne connaît jamais le nom du général et du prêtre, ni leur nationalité d'ailleurs, le général de l'armée morte se déroule en Albanie, et à travers les épisodes relatés, on lit avec intérêt les considérations sur le peuple albanais, que ce soit son rapport avec les armes ou encore la tradition du chant. Quand nos deux protagonistes majeurs entendent une chanson qui relate la vie soldat tombé en Arabie, on se dit que le territoire albanais a longtemps été l'objet de souffrances :


Cette noble mission se terminera finalement par un épisode peu glorifiant pour le général et cela met un point final pour bien montrer le côté absurde de cette guerre.

***Livre chroniqué par Patrice***

Lien : https://etsionbouquinait.com..
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