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sur 10499 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Jamais je n'ai lu un récit comme celui-ci !
Court, totalement prégnant, il m'a complètement siphonnée !

Je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre en l'ouvrant mais dès la première phrase j'ai fait la connaissance de Gregor, un jeune représentant de commerce itinérant, qui se réveille seul dans sa chambre et n'est plus du tout un jeune homme mais un monstrueux insecte, une sorte de cafard gigantesque !

Dès les premières pages, je me suis sentie oppressée comme si c'était moi qui avait été transformée. Je comprenais avec une acuité extraordinaire à quelles pressions Gregor était soumis de la part de sa famille, de son employeur et de lui-même. Jamais encore un récit fantastique ne m'avait donné autant d'émotion en si peu de pages. Car nous parlons bien ici d'un récit fantastique. Personne, ni Gregor, ni le lecteur et peut-être encore moins le narrateur ne sait pourquoi et comment ce jeune homme qui fait de son mieux pour entretenir sa famille se transforme du jour au lendemain en monstre et est ainsi exclu de la société, même de celle de sa famille.

Le malaise que j'ai ressenti pour Gregor s'est matérialisé physiquement dès les premiers chapitres ; je n'ai pu tenir plus longtemps entre mes mains l'édition Librio à la couverture cauchemardesque, j'ai compris que je ne pourrais pas continuer sans couvrir le livre, ce que je fis le plus vite possible pour pouvoir me replonger dans ma lecture (ceux qui connaissent ladite couverture me comprendront).

En deux heures de lecture, jamais aucun sentiment de pitié ou de compassion ne m'a habitée, au contraire. Je me suis effrayée moi-même en pensant exactement comme les parents et la soeur de Gregor, c'est à peine si je pouvais soutenir les passages qui le décrivent ; moi aussi, comme eux, j'ai eu envie d'en finir avec lui et j'ai été soulagée quand...

Au-delà de sa forme, ce roman, proche de la nouvelle par son style, ouvre plusieurs portes de réflexion sur des sujets de premier ordre comme la dépendance, le travail, les rapports sociaux et la famille. Bien des questions sont soulevées mais le lecteur est seul pour trouver les réponses, pour trouver ses réponses.


Challenge ABC 2012 - 2013
Challenge AUTOUR DU MONDE
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Un livre essentiel pour mes coups de "cafard".
Un jour, Gregor, qui gagne son salaire pour toute la famille, s'aperçoit qu'il ne peut pas se lever, il y a un truc de bizarre. Mais comme le souligne Camus dans "Le mythe de Sisyphe", ce ne sont pas les antennes qui poussent, les points blancs sur le ventre ou la voix qui mue qui le préoccupent, mais le fait qu'il va être en retard au boulot, lui, le fonctionnaire ponctuel.
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Comme le souligne Camus, Kafka est un des plus grands romanciers de l'absurde, car il lie parfaitement l'extraordinaire artistique au quotidien banal, et, pour moi, c'est à la fois plaisant et cauchemardesque de vivre ces situations ubuesques où le père et le fils se courent après autour de la table, le fils mué en cafard. Kafka me fait penser à Zweig, même si les thèmes sont complètement différents, chez l'un il y a obsession absurde, chez l'autre c'est une situation absurde indépendante de sa volonté ( La métamorphose, le Procès ).
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Je reprends donc ce que je disais au début : ce livre, lu assez jeune, m'aida à passer mes coups de cafard. En effet, constamment rabaissé, je me suis longtemps dévalorisé. Et je me disais, en prenant les extrêmes : je pourrais être un cafard, comme Gregor. Je suis quand même mieux là où je suis, dans le pays où je suis.
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Kafka m'a aidé à provoquer ma résilience, même si je ne connaissais pas, à l'époque, la signification de ce concept. : )
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Il était une fois un Cancrelat nommé Grégoire Samsa qui rêvait qu'il était un Cancrelat nommé Franz Kafka qui rêvait qu'il était un écrivain qui écrivait sur un employé nommé Grégoire Samsa qui rêvait qu'il était un Cancrelat! Voici la version que tira le grand écrivain Augusto Monterroso de la métamorphose. Monterroso qui considérait Kafka et Borges comme les deux plus grands comiques! Cela s'explique puisque l'auteur tchèque lui-même éclatait de rire en lisant des passages à ses amis qui avaient eux aussi la même réaction.

La métamorphose nous rapporte une histoire à la fois comique et amère! Métamorphosé, le jeune homme Grégoire qui s'occupait de sa famille, se retrouve isolé, seul! Pire que le sentiment de Drogo de retour de son désert des Tartares lors de son premier congé! On sent toute l'atrocité de l'ingratitude et de la dégradation des sentiments les plus doux (paternel et maternel!)...On vit et on partage toutes les angoisses de Grégoire.

Le recueil contient aussi d'autres nouvelles (quinze). D'abord ce Verdict, nouvelle assez curieuse qui décrit le conflit du fils et du père, il n'est pas physique comme celui de Julien Sorel et de M. Sorel ! Il est plutôt verbal. Un dialogue animé où le père acariâtre prend le dessus et ne laisse plus aucune issue à son fils. Ensuite, on trouve la fameuse Chacals et Arabes, un long dialogue entre le narrateur et les chacals qui abhorrent les arabes. Puis la Parabole de la loi (issue du Procès), le Rapport pour une académie qui est assez singulière où le héros est un singe qui est devenu civilisé, Un message impérial qui nous rappelle Borges, Les Onze fils où Kafka nous brosse minutieusement onze portraits...

Ce recueil nous propose différents aspects de l'art de Kafka mais toujours dans la même veine.
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Malaise et dégoût.
Après une nuit agitée par de mauvais rêves, Gregor se réveille transformé en cancrelat. Une situation pour le moins cocasse et bouleversante : on hésite souvent au fil des pages entre ces deux sentiments.
Le récit nous fait vite perdre pied car Gregor, confronté à cette horrible mutation, n'a pas les réactions attendues. Cette hideuse transformation l'inquiète moins que ses conséquences forcément funestes sur sa vie professionnelle et familiale. Les premières pages alternent entre la description détaillée de son nouveau corps et sa peur panique d'être renvoyé de son travail. Une absurdie qui nous renvoie à nos propres comportements. Confrontés à un désastre individuel ou collectif, nous avons tous, je crois, les mêmes réactions : nous digérons l'événement pour ensuite mieux nous consacrer à notre propre survie.
Le comportement de la famille est à l'image de l'énormité de la transformation physique de Grégor : répugnance, dégoût, violence, abandon et, pire que tout, le ressentiment. L'aigreur des proches à l'égard de ce sale gosse qui à l'impudence de troubler la quiétude d'une honnête famille en se transformant en cafard est édifiante.
Les dernières pages sont effroyables. Les sourires béats du père, de la mère, et de la soeur, une fois le problème « Gregor » résolu, soulève littéralement le coeur. En réponse à ce torrent de haine et de malveillance, Gregor évoque son immense solitude, son incompréhension, son insondable tristesse et son sentiment d'échec total.
On ne compte plus les analyses psychologiques, freudiennes ou sociétales dont ce livre a fait l'objet, car ce récit, par son outrance, son exagération, est le miroir à peine déformant de notre propre conformisme, de notre résilience, de notre force morale face un drame qui anéanti les fondements d'une existence. de nos angoisses et de notre incapacité d'aimer aussi.
Une oeuvre magistrale.
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Baygon jaune, Baygon vert. Michel Leeb, sors de ce corps !
Entomologiste de cette drôle de bestiole qu'est l'humain, Kafka, qui a su transformer ses déprimes en chefs d'oeuvres, n'est pourtant pas à l'origine de l'expression avoir le cafard. Je vais cafarder, mais le mot vient de l'arabe « Kafir » qui désignait un mécréant, et c'est Baudelaire, le roi du spleen, un autre sacré comique, qui a usé de la métaphore pour imager ses idées noires.
C'était l'incipit Wikipédant pour étaler ma science… de copiste.
Cette nouvelle, non relue depuis le lycée dans le cadre de ma propre métamorphose acnéique, c'est l'incarnation absolue du cauchemar. Alors que le petit jour délivre normalement des mauvais rêves Grégor Samsa, voyageur de commerce qui habite dans un appartement avec ses parents et sa soeur, se réveille dans le corps d'un insecte monstrueux, et il ne s'agit pas des effets secondaires d'une gueule de bois d'anthologie. C'est de la magie littéraire, un postulat posé dès la première phrase.
Fils nourricier et dévoué d'une famille de parasites, Grégor va devenir le parasite de sa famille. Reclus dans sa chambre, humilié et répugnant, Grégor est peu à peu rejeté par les siens qui ne l'incite pas à sortir de sa carapace et finit comme un rebus.
La soeur docile et serviable se transforme en ingénue, le père retrouve un travail et une autorité débonnaire et la mère théâtralise ses émotions à outrance pour endosser le rôle de victime et immuniser son fils de tout conflit oedipien.
Si la cellule familiale brille davantage par sa honte que par sa compassion, que les liens du sang semblent solubles dans la dépendance, la Métamorphose constitue également une extraordinaire critique de l'aliénation de l'individu par le travail. Grégor se lamente moins de son sort que des conséquences immédiates de son absence à son poste. Ses tentatives pathétiques pour sortir de son lit et de sa chambre pour aller au turbin sont d'extraordinaires trouvailles kafkaïennes.
Dans le génie de l'absurde, je place La Métamorphose au panthéon de la nouvelle avec le Bartleby de Melville.
Côté construction, c'est tout simplement parfait. Pas une ligne de trop, une histoire taillée sur mesure pour une nouvelle, des passages inoubliables, pas de temps faible.
Bizarrement, malgré l'immense pitié qu'inspire Grégor, la réputation des blattoptères ne s'est pas améliorée depuis l'écriture de ce grand classique en 1912. A ma connaissance, aucune association ne milite pour la préservation des cafards. Pas de trace du club « Les amis des blattes » ou du slogan « Sauvons les cancrelats ». Pas un défenseur de la cause animale ne semble prêt à adopter une petite colonie de ces innocents insectes. Pourtant, ce n'est pas plus moche qu'un Chihuahua ou un chat sans poil. Ni plus bête. Quels snobs !
Cette lecture peut soigner les phobiques des insectes mais le risque est de développer une allergie à leurs congénères.
D'ailleurs cette nuit, I have a dream. Et si certains cafards se réveillaient en hommes ?
Je vais enchainer par une rediffusion de « La Mouche » de David Cronenberg et offrir mon corps à quelques moustiques tigres jaloux de ma considération pour d'autres nuisibles.
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Jeune représentant de commerce, Gregor Samsa, se réveille un matin dans son lit et se rend compte qu'il ne peut pas bouger : il s'est métamorphosé en insecte. Malgré ses efforts, il n'arrive pas à se lever et donc ne peut pas se rendre à son bureau. Or c'est lui qui fait vivre sa famille.

Comment s'adapter, apprendre simplement à se mouvoir dans ce nouveau corps, alors qu'il a toute sa tête ; il est capable de raisonner mais ne peut plus parler. Il est enfermé dans son corps, et toute communication avec l'entourage devient de plus en plus difficile.

Il se retrouve enfermé aussi au sein de sa propre famille ; sa soeur, ses parents le regardent avec horreur, répulsion ; il faut le cacher à tout prix, ne pas révéler son état aux autres. Peu à peu, ils finissent par se demander même si on doit le nourrir.

Le rejet s'installe de plus en plus profondément, surtout son père de naturel violent qui veut à tout prix l'exterminer et ne réussit qu'à le blesser, blessure qui s'infecte…

Kafka nous raconte, sous la forme d'une étrange fable, non seulement la métamorphose physique du héros, mais aussi celle de sa famille, qui devient de plus en plus intolérante à sa différence. Dans un premier temps, on cache ce qu'on ne veut pas voir (ou ce qu'on ne veut pas que les autres voient) par crainte du jugement, puis on tente de tolérer et pour finir on tente d'éliminer le gêneur…

On pense aussi, en lisant ce livre, à la manière dont on pourrait réagir, soi-même devant une telle situation, ferait-on comme eux ou serait-on capable de compassion et d'amour ?

J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, le style de Kafka qui nous entraîne dans un voyage en « Absurdie », mais en posant des questions importantes sur le bien et le mal, la cruauté, la trahison, le matériel face au spirituel, sur la société en général, et aussi sur la relation père-fils: dans cette famille, on se demande qui est le plus « misérable », le plus bestial : Gregor en cloporte, ou eux.

Franz Kafka pousse son lecteur à réfléchir aussi sur la notion de handicap; en effet, doit-on faire disparaître l'individu qui n'est plus productif ? On emploie souvent le terme de parasite dans nos sociétés capitalistes…

Cette nouvelle a été écrite en 1912, et étrangement elle m'a fait penser à une phrase de Goebbels : « je ne hais pas les juifs, on ne hait pas les cafards, on les écrase! »

J'ai lu « le Procès » à l'adolescence et ce roman m'avait beaucoup marquée déjà. J'ai encore « le château » et « Lettre au père » dans ma PAL…

Merci au site ebooksgratuits.com , grâce auquel j'ai pu lire cette nouvelle.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Que se passe t'il quand le soutien de famille devient tout à coup une charge? Que se passe t'il quand cette charge se reporte du surcroit sur une famille plutôt oisive?

Mais surtout comment accepter son état, de devenir un incapable, sans pouvoir exprimer son ressenti et son identité auprès de ses proches? Survivre ou en finir? C'est bien ce que vit Gregor Samsa enfermé dans son corps et pourtant gardant toute sa lucidité, ne pouvant communiquer avec le reste du monde que par des borborygmes. Son apparence hideuse, cette transformation, peut être apparentée ici à la représentation qu'il se fait de lui-même et que les autres se font de lui.

Cette métamorphe est-elle exceptionnelle ou n'est elle pas une situation banale à laquelle chacun peut être confronté? Peut être est-ce par déformation professionnelle mais je n'ai pas pu m'empêcher de faire le lien avec les situations de rupture et de dépendance auxquelles sont confrontées nombre de personnes suite à accidents ou maladie et les répercutions plus ou moins avouables que cela a sur l'environnement familial et / ou le couple. D'autre part, la vieillesse n'est-elle pas elle même une lente mais inéluctable métamorphose?

Quand l'être aimé perd de son utilité sociale, devient une contrainte, voire une honte peut-on souhaiter qu'il disparaisse ou du moins le cacher du regard des autres? Je pense que Kafka répond à quelques uns de ces questionnements dans un contexte familial particulier j'en conviens, et je suis sûr que la plupart du temps, l'amour et la fidélité surpassent tous obstacles liés à la dépendance.

Vous pouvez constater que je me suis certainement laissé embarqué un peu loin dans mes préoccupations personnelles et éloigné un peu du sujet, mais c'est bien à ces réflexions que Kafka m'a étrangement amené à la lecture de sa métamorphose...
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Ce qui me plaît dans la « Métamorphose », c'est son aspect expressionniste. Pour mieux montrer le malaise de la société, les artistes utilisent une certaine distorsion de la réalité, en insistant sur le côté déviant/dévié du monde. En peinture, même un bouquet de fleurs peut se voir d'une manière complètement hallucinée. Dans ce court roman, le jeune homme, en se réveillant sous les traits d'un cafard de dimension humaine, témoigne d'un dérèglement. Au sein de sa famille et de la société. Écrit en 1912, c'est la vision d'un monde détraqué qui annonce un désordre encore plus extrême. Prémonitoire, Kafka ? Au-delà de l'intrigue familiale, c'est ce point de vue qui m'interpelle.
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Vous est-il déjà arrivé de vous réveiller transformé ? Vous me répondrez que certaines nuits sereines vous rendront dès le lendemain matin la meilleure des personnes, affable et disponible aux autres et, qu'à l'inverse, une nuit horrible et peuplée de cauchemars fera de vous la personne qu'il faut absolument éviter de toute la journée. Parfois, l'envoûtement d'un rêve érotique vous fera devenir, qui une Aphrodite, qui un Adonis, pour le plus grand plaisir de la personne qui partage votre toit et même votre couche... Ici, le mot couche est à prendre bien sûr dans son sens ancien, noble et littéraire...
Mais non, ce n'est pas sur ce terrain que je veux vous entraîner ce soir. Je vais vous préciser ma question : vous êtes-vous réveillé transformé physiquement ? Totalement transformé, pas simplement ébouriffé, bouffi, ballonné ou les yeux cernés, ce qui est à peu près les seules transformations que la nature daigne généreusement nous accorder dès potron-minet...
Je veux dire : transformé à la manière dont se réveille un fameux matin Gregor Samsa. C'est-à-dire avec de petites pattes grêles et velues et une carapace à la place du dos.
De quoi surprendre et réveiller définitivement l'être cher encore légèrement endormi à vos côtés qui glisse cependant vers votre corps une main lascive et audacieuse !
Gregor Samsa, qui se réveille un beau matin en cancrelat, est le personnage principal de ce court roman de la taille d'une nouvelle. Gregor Samsa est un représentant de commerce harassé par la charge de son travail et par l'oppression de son employeur. Ce n'est pas tant le fait de découvrir sa métamorphose en monstre qui l'émeut ou le terrorise, mais le fait que toute cette histoire risque de le mettre en retard et menace de lui faire perdre son emploi.
C'est une expérience la plus absurde qui soit, non seulement se réveiller ainsi, mais surtout réagir ainsi...
Le fondé de pouvoir en sa personne arrive aussitôt au domicile de Gregor Samsa au grand émoi des parents et de la soeur de celui-ci, tandis que la porte de la chambre du jeune homme demeure close, tandis qu'il cherche désespérément à trouver les gestes qu'il faut réapprendre pour s'extraire de son lit et aller ouvrir l'huis où l'on cogne furieusement...
Cette histoire est le récit inouï et absurde d'une métamorphose irréversible, à laquelle le lecteur n'assiste pas finalement puisque tout est accompli déjà lorsque viennent les premières phrases, c'est-à-dire lorsque se réveille Gregor Samsa.
Récit fantastique ! me direz-vous.
Texte fantastique ? Réalisme pur ? Réalisme imaginaire ? Oscillation entre le naturel et le surnaturel ? Et s'il était impossible de situer ce texte ? Et si c'était ce que voulait Kafka justement ?
La force du récit tient plus dans sa dimension absurde que fantastique et dans sa manière de décrire le comportement des proches de Gregor Samsa, c'est-à-dire notamment ses parents criblés de dettes et qui vivent à son crochet ainsi que sa soeur.
Dans ce début d'animalité pour ne pas dire de monstruosité qui vient frapper notre jeune représentant de commerce et qui scelle la fin de son humanité, Franz Kafka déroule avec une froideur et un réalisme implacables les conséquences qui s'ensuivront, des enchaînements logiques et irrémédiables, qui vont mener cette métamorphose jusqu'à son terme.
On ne sait rien du pourquoi de la chose, ce qui s'est passé durant la nuit qui a précédé son passage d'être humain à cancrelat.
Sa métamorphose en fait un monstre du jour au lendemain et nous assistons à son rejet progressif, à son exclusion de la société, à commencer par la cellule professionnelle, puis celle familiale. Gregor Samsa n'est plus qu'un insecte et dès lors il ne compte plus pour personne...
Dans cette métamorphose, on découvre que l'existence de Gregor Samsa était alors ployée sous l'oppression de sa famille ainsi que de celle de son employeur.
J'ai cherché alors un semblant d'humanité dans les battements d'ailes d'un cancrelat et je l'ai trouvé.
La question posée n'est pas simplement celle de la métamorphose corporelle : que reste-t-il de Gregor Samsa alors qu'il pense, devient brusquement lucide sur sa condition humaine d'avant et qu'il n'a plus son corps d'être humain ?
La vraie métamorphose de ce récit ne serait-elle pas alors la métamorphose sociale, cette famille qui change de regard, cet employeur qui considère différemment ses employés dès lors que ceux-ci n'entrent plus dans la norme... ?
Je vous vois venir...
On voudrait y voir une allégorie, un symbole de la condition humaine. On voudrait croire que ce texte continue d'avoir du sens un certain 05 août 2022.
« Pas de métaphore ici », disait Franz Kafka. Tout de même Franz, vous exagérez un peu, non ?
Si vous en êtes d'accord, je propose de désobéir à ce cher Franz Kafka.
Gregor Samsa se souvient d'une vie aliénante, de voyageur de commerce, harassé, passant sa vie dans les trains et les hôtels, il se souvient de ce que sa vie avait d'inhumain... Il se souvient qu'il travaille exclusivement pour solder la dette de ses parents... Sans compter la pression qu'il se met sur le dos. Toute cette vie est inhumaine, voyons...
La paradoxe de la métamorphose en cancrelat révèle l'inhumanité de sa vie d'avant.
Gregor Samsa est presque plus humain en cancrelat dans son lit que lorsqu'il était un voyageur de commerce faisant son travail comme une petite fourmi...
C'est un jeu de renversement où l'animal permet de découvrir l'inhumanité qui est tapie en l'homme.
Il y a un génie de la description chez Kafka, le lecteur est présent à l'intérieur de chaque phrase. On vit la même douleur, physique, morale, qu'évoqué ici dans celle que ressent Gregor Samsa dans sa chair...
L'horreur du récit tient à si peu de choses. Tout de même, certaines descriptions sont insupportables et l'on voudrait être rassuré en n'y voyant qu'un récit fantastique. Mais voilà, le texte surprend par quelque chose qui nous échappe, le narrateur nous met mal à l'aise dès le départ et nous le croyons, c'est terrible, c'est sidérant, nous prenons acte de son malheur non pas pour entrer en compassion. Ce qui est terrible dans ce texte, c'est que le lecteur est pris d'une envie de prendre une pelle et un balai et de se débarrasser de cet horrible insecte qui traîne et gesticule sous nos yeux.
Au-delà de sa forme, ce roman ouvre plusieurs portes de réflexion sur des sujets de premier ordre comme le bien et mal, la dépendance, le travail, les rapports sociaux et la famille.
Longtemps, Kafka vécut au crochet de sa famille, une sorte de Tanguy avant l'heure, à tel point qu'un jour son père le traita de parasite. Faut-il y voir ici un clin d'oeil espiègle, même si j'ai le sentiment que le mot espiègle ne convient pas totalement à la personnalité de Kafka ? J'ai du mal en effet à imaginer Franz Kafka en boute-en-train, mais on connaît mal les gens...
Il est des lectures qui métamorphosent à jamais le lecteur...
J'espère que nous n'aurez pas le cafard en lisant ma chronique.
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Un matin, Gregor se réveille transformé en insecte. Ce n'est pas un rêve, d'ailleurs il essaie de se sortir de son lit au prix de grands efforts dans ce nouveau corps. Sa famille et son patron s'inquiètent...


Pourquoi les préjugés et a-prioris littéraires existent-ils ? Combien de fois ai-je entendu parler de cette nouvelle en pensant que c'était trop alambiqué, compliqué et bizarre pour moi ? Combien de fois suis-je passée devant dans une librairie, une mine de dégoût se formant sur mon visage ? Combien de fois ainsi donc ai-je été bête et cruche, sans parler d'une imbécile de première ??
Ce récit est admirablement écrit, on ne peut s'arrêter de le lire avant la fin. Il y a un quelque chose, ce fameux je-ne-sais-quoi qui rend cette histoire touchante, originale, puissante et profonde. Sa portée réelle est matière à débats, j'y ai personnellement reconnu la métamorphose de la famille en même temps que celle de Gregor, qui doit s'effacer pour redonner une place à ses parents et sa soeur dans la société. Lui qui avait pris leur sort sur ses épaules, se révélait en fait une enclume à leur épanouissement. Ce que je regrette par contre et comprends moins, c'est leur façon d'oublier leur fils et frère si rapidement. Peut-être parce qu'ils ressentaient eux-même sa présence comme un poids, se sentant plus légers une fois celui-ci envolé ?
Kafka ne devrait pas faire peur, au contraire. Et je suis ravie d'avoir enlevé mes oeillères.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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