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EAN : 9782916355665
170 pages
Editions Intervalles (24/03/2012)
4.38/5   13 notes
Résumé :
Après une enfance albanaise durant laquelle les minijupes des animatrices de la télévision italienne résument à ses yeux la vie en Occident, Gazmend Kapllani franchit un jour la frontière grecque dans l’espoir d’une vie meilleure.

Mais la Terre Promise ne lui réserve pas l’accueil amical auquel il s’attendait : nulle speakerine légèrement vêtue en signe de bienvenue, et pas la moindre trace d’un sourire bienveillant sur le visage des autochtones.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique

Après Ornela Vorpsi, voici un autre auteur albanais, et il m'en reste une troisième écrivaine originaire de l'Albanie, Anilda Ibrahimi, mais l'ouvrage que j'ai reçu d'elle "Il tuo nome è una promessa" est en version originale et lire un livre en Italien me prend un peu plus de temps, surtout si j'entends en faire une critique.

Dans ma critique du livre d'Ornela Vorpsi "Buvez du cacao van Houten", j'ai écrit une grosse bêtise en disant qu'elle ait été ma première écrivaine albanaise, ce qui est faux, parce que j'ai grandiosement oublié Ismaïl Kadaré. Comment j'ai fait mon compte pour oublier "Le général de l'armée morte" , "Avril brisé", "Printemps albanais" etc. je l'ignore, mais je m'excuse humblement auprès de mes ami-e-s de Babelio et la pauvre Anilda deviendra donc la numéro 4 albanaise.

"Je ne raffole pas des frontières", écrit l'auteur dans la première phrase du préambule du livre. Moi, qui ai pourtant eu la chance de n'avoir jamais été obligé de fuir, je les déteste. Pour des raisons professionnelles et privées j'ai passé des centaines de frontières et j'ai profondément horreur de l'arbitraire et de la désinvolture de certains douaniers et autres agents des frontières plus ou moins qualifiés. Ce qui me gêne particulièrement c'est qu'en cas d'abus de ces braves gens on n'a aucun recours. Où peut-on aller se plaindre lorsqu'un douanier ne rend pas la monnaie de l'achat d'un visa touristique, ou qu'il vous confisque des cartouches de cigarettes qui vont directement dans sa besace personnelle, comme cela m'est arrivé à la frontière austro-roumaine ? Comme simple individu l'on y est sans défense. Dans un aéroport international on peut aller protester auprès de la direction, au risque naturellement de manquer ainsi son vol.

Et la droite nationaliste, pour des soi-disantes raisons de sécurité, veut renforcer les contrôles frontaliers, même à l'intérieur de l'Union européenne, comme si c'est aux postes-frontières que l'on arrête par hasard les grands terroristes et criminels !

Les "inconvénients" aux frontières qui nous irritent comme citoyens européens sont évidemment négligeables en comparaison des excès en tous genres auxquels les migrants et réfugiés sont continuellement confrontés.
Pas étonnant que Gazmend Kapllani, venant de sa lointaine Albanie, avoue qu'il a attrapé "Le syndrome de la frontière", dont il énumère et explique les symptômes dans son ouvrage.

D'abord un mot sur la longue dictature communiste d'Enver Hoxha (ou Hodja), le staliniste-maoïste qui a régné 43 ans, de 1941 jusqu'à sa mort en 1985. L'Albanie du "Guide Éternel" - titre qu'il affectionnait - était une grande prison pour les simples citoyens et sauf la nomenclature autour de ce despote et quelques fous fanatiques, tout le monde ne rêvait que de partir, d'aller chercher le bonheur ailleurs.

Ce fût notamment le cas de Gazmend Kapllani, qui, en janvier 1991, à l'âge de 24 ans, a entrepris la longue marche de 125 kilomètres de Korçë (Koritsa) en Albanie à Kalambaka dans la province de Thessalie en Grèce.
Comme l'auteur le note dans son épilogue "Mon but n'était pas de parler de moi, mais du syndrome de la frontière.

Et effectivement le bref récit de son périple vers et dans sa nouvelle patrie, la Grèce, sert surtout à illustrer la réalité du pauvre immigré, en l'occurrence albanais, chez le voisin grec où il n'a jamais été invité, ce qu'on lui fait ressentir pratiquement de façon systématique.

La nécessité d'apprendre la langue du nouveau pays, de trouver un boulot pour survivre et un coin pour s'installer, qui ne soit pas trop taudis ou porcherie, forment les grands impératifs immédiats pour tout nouvel arrivant.

L'auteur en arrivant connaissait un mot en Grec moderne, "efcharistó" (merci) et, en 2006, il a écrit cet ouvrage dans cette langue, tout comme "Je m'appelle Europe" en 2010. Il est vrai qu'il avait entrepris de sérieuses études de philosophie, sciences politiques et histoire à Athènes, où il a obtenu un doctorat à l'université Panteion.
En 2015, au bout de 24 ans de vie en Grèce, mécontent que l'État grec lui a refusé la citoyenneté, il est parti définitivement pour les États-Unis. Actuellement, il assure des cours à l'université DePaul à Chicago. Kapllani, qui a entretemps 52 ans, peut être contacté sur le site "gazikap.blogspot.com".

En route, l'auteur fait la connaissance de quelques autres réfugiés avec qui ils forment un petit groupe. Il y a 2 chauffeurs de camion qui rêvent de faire un jour la route Berlin-Bagdad, comme chauffeurs de poids lourds ; le débrouillard Djemaĺ et le jeune qu'on a surnommé "le Petit obsédé" parce qu'il phantasme de rencontrer une superbe nana, mais qui s'appelle en réalité "Marenglen", un prénom fabriqué de Marx, Engels et Lénine. Arrivé dans la ville portuaire d'Igoumenítsa, où l'équipe voit pour la première fois de leur vie une télé en couleurs grand format, le jeune s'exclame, tout étonné, "mais il n'y a pas de sexe !" Chez lui à Tirana, il avait trafiqué son antenne de télé pour capter certaines émissions spéciales diffusées par certaines chaînes privées de l'autre côté de la mer adriatique.

La grande valeur de cet ouvrage réside, à mon avis, dans l'évocation des sentiments des réfugiés, qui savent que pour eux il n'y a pas de retour possible et que malgré leurs efforts ils n'arrivent pas à se faire accepter, une situation schizophrénique, et ils continuent d'être considérés comme "un immigré illégal, illicite, illégitime..." Ce que l'auteur qualifie aussi comme "la névrose de l'enracinement impossible".

La veille d'une journée qu'ils savent sera très dure, 2 immigrés discutent et l'un essaie de faire rire l'autre ; et Gazmend Kapllani de conclure : "... l'humour du bouc émissaire est un crédit éphémère que le ciel consent à l'enfer".
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Partir de chez soi, parce que la patrie qui vous a vu naître n'offre aucun d'espoir de vie décente pour un être humain;
Partir, parce que l'on croit, qu'à côté, la vie est meilleure, que l'on peut faire la fête, que les filles sont faciles;
Partir aussi, parce que chez soi, c'est la prison à ciel ouvert, que la liberté se trouve forcément de l'autre côté.

Et une fois que l'on a franchi la frontière, est-ce vraiment le bonheur?

Kapllani nous dit crûment que oui quand, lui-même, quitte l'Albanie : une nation de méfiance, de peur, de corruption, de délation et à l'avenir peu encourageant.
Soulagé, il l'est quand il tourne le dos à la terre qui l'a vu naître.
Mais craintif, tout à coup dans le territoire qui le reçoit (ou plutôt qui le récupère). L'albanais n'est pas le bienvenu en Grèce. Là-bas, on aime l'étranger qui a des sous. On sourit à l'américain qui essaie de parler le grec avec un accent, mais on ne sourit pas à l'albanais.

Celui-ci (et tous les migrants du monde entier d'ailleurs) fait peur. Il est pauvre, mal habillé et il bouleverse les équilibres locaux. Et il le sait parfaitement. Alors, il se fait tout petit, il accepte n'importe quel métier. Il se fait humilier.

Kapllani signe ici une sorte de petite philosophie de la migration, efficace mais pathétique, qu'il a vécu au début des années 90.
Dans ce livre, vous êtes vraiment dans la peau d'un immigré.

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Ce petit guide de "survie" des frontières est un récit reprenant la vie de l'auteur d'origine albanaise. Il remet sur papier ses mémoires de jeunes albanais confiné dans un pays autarcique et autoritaire voyant le communisme comme dogme et affirmation de leur utopie. L'auteur retrace son aventure passée à tenter l'autre monde, celui qui se présente par-delà la frontière Albano-Grecque.

L'auteur romance cette période marquante de sa vie lorsqu'il prend son courage à deux mains et s'engage en 1991 à traverser la frontière clandestinement lorsque l'Albanie de Hoxha s'ouvre progressivement sur l'extérieur.

Le récit est merveilleusement bien écrit, l'histoire est captivante et on se glisse dans la peau du protagoniste qui découvre progressivement l'Autre Monde, celui des lumières, celui décrié et mis en garde par les autorités nationales albanaises.

Cet ouvrage met en valeur la condition humaine, celle qui fait l'Homme face à ses incertitudes, celle qui fait de nous un étranger un réfugié ou déraçiné.

J'ai lu ce livre dans sa version originale, en Grec. La traduction en français devrait être proche.

Pour les hellénophones, sachez que l'ouvrage est écrit dans un style et un soin remarquable des mots !

A mettre dans toutes les mains. Il fut un exemple pour moi, une vraie référence pour mon premier ouvrage: "Ces Balkans qui me parlent"...

J'ai pu bénéficier en plus d'une dédicace et d'une discussion avec Gazment le 30 avril 2010 dans un petit café d'Athènes, quelques années avant qu'il ne décide de quitter le pays pour les Etats-Unis.

Depuis, je suis toutes ses oeuvres, son parcours et les traductions de ses ouvrages qui ne m'ont jamais déçue.
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Gazmend Kapllani est un auteur albanais qui vit en Grèce et écrit en Grec.

Je l'ai trouvé au hasard des algorithmes de Babélio ou d'Amazon, téléchargé "à l'aveugle" sans critique 4ème de couverture, ni recommandations et ce fut une excellente surprise.

Ce livre est double : un journal de bord , récit de l'émigration du narrateur, , imprimé en caractères italiques et des chapitres d'une typographie droite qui s'intercalent dans le récit réfléchissant surla condition de l'émigré, sur le mode méditatif, souvent ironique. Les chapitres alternent, action et réflexion, datés 1991 et intemporels, albanais et universels.

Le narrateur raconte d'abord les conditions de vie et l'enfermement des Albanais sous le régime d'Enver Hodja.

"Plus les années passaient, plus l'isolement de l'Albanie se radicalisait, et plus le monde-au-delà des frontières se transmuait en une autre planète. Paradisiaque pour quelques-uns...."

Il généralise son cas personnel, albanais à une condition universelle:

"Le véritable immigré est un égoïste, un narcissique invétéré. il pense que le pays où il est né n'est pas digne de lui"

J'ai aimé cet humour, cette ironie, nécessaire pour la survie aussi bien de ceux qui étaient asservis par la dictature que ceux qui en exil , dans les pires conditions veulent rire pour survivre


J'ai aimé aussi l' ouverture aux autres qui lui fait citer les Grecs en immigration aux Etats Unis qui fait de son livre non paas un livre sur les Albanais en Grèce mais le livre de tous les migrants. 


Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le véritable immigré est un égoïste, un narcissique invétéré. Il pense que le pays où il est né n'est pas digne de lui. Il n'a pas mérité une telle pauvreté, une telle absence d'avenir, une telle violence, une telle corruption, tant de saletés, tant d'hypocrisie et si peu d'amour.
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En Grèce, quand un nouveau livre paraît, on prononce ce voeu :
" Qu'il tienne bien la mer ! "

(page 155).
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"le rire des hommes des frontières est le meilleur des masques. en riant, c'est comme s'ils disaient à la mort : "ne compte pas sur nous pour être tes clients. Tu vois bien que si nous rions, c'est que que nous n'avons rien à faire de toi"
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