Citations sur Les Belles Endormies (112)
Désirant rester ainsi, le vieillard pressa la main de la fille sur ses deux yeux. L'odeur de la peau qui se communiquait à ses globes oculaires était telle qu'Eguchi sentait remonter en lui une vision nouvelle et riche. À pareille saison tout juste, deux ou trois fleurs de pivoine d'hiver', épanouies dans le soleil de l'automne tardif au pied du haut mur d'un vieux monastère du Yamato, des camélias sazanka blancs épanouis dans le jardin en bordure du promenoir externe de La Chapelle des Poètes winirés, et puis, mais c'était au printemps, à Nara, des fleurs de ptéris, des glycines, et le "Camélia Effeuillé" couvert de fleurs au Tsubaki-dera...
L'univers le plus inhumain devient humain par la force de l'habitude.
Pouvait-il exister chose plus horrible qu'un vieillard qui se disposait à passer une nuit entière aux côtés d'une fille que l'on avait endormie pour tout ce temps et qui n'ouvrirai pas l'œil ? Eguchi n'était-il pas venu dans cette maison pour rechercher cet absolu dans l'horreur de la vieillesse ?
Les désirs rêvés à perte de vue par de misérables vieillards, les regrets des jours perdus à jamais, ne trouvaient-ils pas leur aboutissement dans les forfaits de cette maison mystérieuse ?
Peut-être était-ce une des pitoyables consolations des vieillards que de s’abîmer dans le souvenir des femmes d’un passé à jamais révolu, en tripotant une belle qui ne pouvait s’éveiller de son profond sommeil, mais Eguchi éprouvait plutôt une chaude sérénité empreinte d’un sentiment de solitude. Il s’était contenté de vérifier du bout des doigts que les seins de la fille n’étaient pas mouillés, mais après cela nulle idée trouble n’avait surgi, comme par exemple d’effrayer la fille quand elle se réveillerait bien après lui-même, et qu’elle découvrirait du sang sur son sein. La forme du sein lui avait semblé belle. Cependant le vieillard se demandait distraitement comment il avait pu se faire que le sein de la femelle humaine, seule parmi tous les animaux, avait, au terme d’une longue évolution, pris une forme si belle. La beauté atteinte par les seins de la femme n’était-elle point la gloire la plus resplendissante de l’évolution de l’humanité ?
Chapitre 1
Une femme plongée dans le sommeil, qui ne parle de rien, qui n’entend rien, pour un vieillard incapable désormais de se comporter en homme avec les femmes, n’était-ce pas comme si elle était prête à parler de tout, prête à tout entendre ? [...] Soumise à tout et ignorante de tout, étendue là, avec son visage ingénu, plongée dans un sommeil léthargique, elle respirait paisiblement. Peut-être certains vieillards caressaient-ils la fille par tout le corps, et certains peut-être pleuraient-ils bruyamment sur eux-mêmes.
Chapitre 1
Le corps de sa fille n’était pas fait autrement que celui de toute femme. Il était fait pour subir la loi de l’homme.
Chapitre 2
Les camélias, qui laissent choir leurs fleurs entières comme têtes coupées, sont tenus pour fleurs de mauvais augure, mais celui du Tsubaki-dera est un grand arbre que l'on dit vieux de quatre siècles, qui porte des fleurs de diverses couleurs et dont les fleurs doubles, au lieu de tomber tout d'une pièce, effeuillent leurs pétales, raison pour laquelle, paraît-il, on l'appelle le « Camélia effeuillé ».
Au vieil homme la mort, au jeune homme l'amour, la mort une seule fois, l'amour je ne sais combien de fois!
L'univers le plus inhumain devient humain par la force de l'habitude.