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Tucker Caliban, descendant d'une famille d'esclave restée au service de la famille Willsons, épand du sel dans son champ, abat son cheval et sa vache d'un coup de fusil, détruit à coups de hache l'horloge du Général dont il avait hérité, brûle sa maison, sous le regard sidéré de quelques blancs du coin, puis part avec sa femme enceinte et leur enfant en bas âge sans se retourner. Quelques heures plus tard, tous les noirs de l'Etat plient bagage et partent vers le Nord, en bus, en voiture ou en carriole. Quelle est la cause de cet acte de folie ? Les réponses sont suggérées plutôt qu'explicitées, et c'est là la force de ce roman où les personnages sont représentatifs des relations entre noirs et blancs dans les états du sud et illustrent les conséquences dévastatrices de l'esclavage sur les individus. Trois groupes se côtoient : Les Willsons, anciens esclavagistes, qui représentent la classe des riches propriétaires terriens. Ils louent leurs terres et collectent les loyers. Ils sont plutôt progressistes. La classe des petits blancs est constituée principalement de métayers. Pauvres, ils reportent leurs frustrations sur les Noirs qu'ils méprisent. La population noire est représentée par Tucker Caliban, descendant d'esclaves, et Bennett Bradshaw, pasteur de New-York qui ne croit plus aux solutions politiques pour obtenir l'égalité des droits. Les relations entre noirs et blancs, perverties par l'esclavage et ses conséquences, sont basées sur le mépris ou la méfiance. Même les blancs les plus progressistes sont atteints dans leur humanité. Il faudra le courage d'un homme pour briser le cercle vicieux de la soumission et sauver ceux qui peuvent l'être. Un roman percutant, écrit en 1959, au moment du mouvement des droits civiques.
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Une autre vision de la ségrégation

La première chose qui interpelle en ouvrant l'ouvrage se situe sous le titre des pages intérieures. On y trouve en effet la mention « relu et actualisé ». Ne bravant aucun danger, j'ai interrogé la personne qui m'avait fait parvenir le livre… Petites explications liminaires : la traduction originale a été conservé après lecture de celle-ci et de l'édition originale. Cette traduction, aussi intéressante soit-elle, datait de 1965 et a donc été amendée sur d'infimes détails (quelques mots ou expressions). Toutefois, il me faut aussi avertir le potentiel lecteur : le récit étant paru aux Etats-Unis en 1962 et donc traduit en français en 1965, le terme « nègre » a été maintenu dans cette version mise à jour. Choix qui me semble judicieux pour malgré tout rester proche de la société américaine de cette période.

Ce préambule effectué, rentrons dans le vif du sujet. Dans un état fictif du Sud des Etats-Unis, tous les noirs d'une petite ville puis de tout l'état quittent ceux-ci dans un exode qui laisse les blancs pantois puis angoissés et inquiets.

Pour tenter d'expliquer cet exode, William Malvin Kelley s'attache à un personnage en particulier : Tucker Caliban, issu d'une lignée de deux générations d'esclaves puis d'affranchis noirs d'une famille, les Willson, eux-mêmes fils puis petits-fils ou arrières-petits-fils d'un général confédéré.

L'auteur se situe donc volontairement dans un état particulièrement attaché à l'esclavagisme puis au fait que les noirs, alors payés, restent toutefois inférieurs au blanc, un état viscéralement raciste et ségrégationniste. Si ce contexte paraît très daté aujourd'hui, il n'en est en fait rien, ou pas grand-chose. le sujet reste pleinement d'actualité et, si les retouches sont effectivement limitées, le style est particulièrement moderne, renforçant l'impression que cette histoire n'est pas si éloignée du racisme ordinaire qui peut encore se rencontrer dans nos sociétés modernes. C'est toute la force de ce récit qui n'hésite pas on plus à briser quelques frontières de l'époque.

En effet, un membre de la famille du général confédéré s'est lie d'amitié avec une personne de couleur… qui se radicalisera de son côté et deviendra le révérend Bennett Bradshaw qui vient observer la fuite de main d'oeuvre noire qui s'opère… et dont l'instigateur (on pourrait dire le patient zéro tant cet exode semble se propager tel un virus) n'est autre que Tucker Caliban.

Tucker Caliban est central à plus d'un titre : pour les blancs il est l'homme qui a mis le feu aux poudres, pour le révérend il est une figure christique qui a rendu l'événement possible et donc renvoyé le révérend a l'inutilité du rôle de prophète noir qu'il s'était créé, le rendant obsolète, pour Dewey, le dernier des Willson, il est une énigme que l'adulte ne parvient pas à cerner notamment en rapport avec l'enfance commune qu'ils ont pu mener. Chacun, à son niveau, avec ses propres armes (qui la haine du nègre, qui la peur de perdre son utilité, qui la perte de ses repères), tente de décrypter ce qui se joue sous ses yeux.

Au final, le lecteur ne saura pas, pas plus que les protagonistes, ce qui a déclenché chez Tucker Caliban ce besoin de fuir si ce n'est, comme le dit l'un d'entre eux, le fait qu'ils « prennent la liberté, ils n'attendent pas qu'on la leur donne ». Ce qui sous-tend ce récit c'est tout bonnement l'envie de vivre, d'être, de demeurer libre.

C'est donc une aspiration universelle qui semble être le moteur de Tucker et de ses semblables. Un souffle nouveau s'étend sur un Sud ségrégationniste mais qui pourrait s'étendre, de manière presque messianique, à tout le pays ou à d'autres minorités pas si minoritaires en nombre. le révérend pointe de façon pertinente que le racisme n'est pas l'apanage du Sud et que le racisme peut prendre de nombreuses formes : « Voyez-vous, je ne suis pas un spécialiste de la mentalité du Sud, qu'elle soit blanche ou noire. Certes, les mêmes conflits raciaux existent dans le Nord, mais sous une forme beaucoup moins ouverte, beaucoup moins primitive, et sans ce caractère barbare, extrêmement rafraîchissant, que l'on trouve ici. ».

Très belle découverte que ce récit d'une autre époque qui n'a pourtant pas tant disparu que cela.

Lien : https://garoupe.wordpress.co..
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Publié aux USA en 1962, cette histoire est originale et insolente.
Des "noirs" d'un état fictif du sud profond décident d'eux-mêmes de le quitter.
Stupéfaction des "blancs", ceux qui cultivent le racisme ordinaire et ceux qui tentent de s'engager pour une politique raciale plus juste.
Ce roman, injustement méconnu est un coup de poing, même pour les mouvements des droits civiques de l'époque.
Il a la force des grands récits américains.
Très belle découverte.
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Partenariat N°4 du Picabo River Book Club et les éditions Delcourt,

J'aime ces romans où on entre tout de suite dans l'histoire, où il n'y a pas de mise en place laborieuse des différents éléments.
Il y a dans ce roman quelque chose de l'ordre de la légende.
La légende de l'Africain, arrivé sur un bateau négrier, fort comme cent hommes, sauvage comme sa terre natale.

Ce roman m'évoque la tradition orale, celle des griots africains, tradition que je ne connais pas mais qui est surement arrivée à mon esprit à cause de toute l'introduction sur l'Africain. Ça ressemblait à un conte avec toutes les exagération qu'on y trouve et une bonne part de légende un peu magique.

Chaque chapitre, sauf deux, est l'histoire d'un des différents protagonistes , et c'est intéressant parce que ça raconte presque des histoires différentes, selon l'age de celui qui raconte, selon qu'il est un homme ou une femme.

C'est l'époque de la ségrégation, où le racisme n'est pas choquant, sauf pour les noirs et ceux qui les aiment.
Mais même ceux qui les aiment peuvent trouver surprenant que les barrières s'effacent : « Il me parut étrange d'être en voiture avec autant de Noirs, bien qu'ils fussent mes amis »

J'ai eu l'impression d'observer tout ce petit monde à la loupe, comme on observerait un petit peuple de fourmis qui vaque avec chacun ses occupations bien définies, bien prédéterminées.

J'ai beaucoup aimé même si je ne suis pas sure d'avoir bien tout compris. C'est Tucker Caliban, parce qu'il est le descendant de l'Africain et que par conséquent la révolte coule dans ses veines... mais pourquoi spécialement cette réaction là à ce moment là, pourquoi les autres le suivent dans ses actes, dans son exode, dans son envie de partir ? Quel a été le déclencheur ? Est-ce qu'ils étaient en communion spirituelle sans le savoir ?

Quand les choses sont suggérées plutôt qu'expliquées dans un roman, mon esprit se perd, je zigzague d'une hypothèse à l'autre sans jamais vraiment réussir à m'arrêter sur une.

Il y a en tout cas une évidence dans ce roman, c'est que beaucoup d'américains méprisaient les noirs mais qu'ils voulaient quand-même les garder près d'eux.

Merci au Picabo River Book Club et aux Editions Delcourt de m'avoir permis de découvrir ce livre.
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Ce roman a été traduit l'année dernière alors qu'il est sorti il y a très longtemps aux Etats Unis. Pourtant, son contenu résonne encore très fort aujourd'hui, sur le clivage entre noirs et blancs dans certaines communautés américaines. Ici, tous les noirs ont décidé de quitter le village à la suite de l'un d'entre eux qui a brulé tous ces bien, sa maison et ses terres. La forme de ce roman est intéressante, on y suit le point de vue de plusieurs personnages, et c'est ce que j'ai vraiment apprécié. Un autre roman a été traduit cette année pour la rentrée littéraire, je pense m'y plonger bientôt.
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L'auteur a mis en épigraphe de son texte cette citation tirée de Walden de Thoreau "Quand un homme ne marche pas du même pas que ses compagnons, c'est peut être parce qu'il entend battre un autre tambour". Quel est donc cet étrange bruit de tambour qui s'entend dans cette ville, quand tout d'un coup toute la population noire décide de quitter la ville, sans réel bruit, sans explication. Les blancs de la ville, sur leurs vérandas ou la véranda de l'épicerie les voient passer, avec leurs valises. Que se passe il ? L'histoire et certaines légendes vont alors jaillir et l'auteur nous entraîne dans l'histoire de l'Amérique, de l'esclavage, de l'abolition de l'esclavage, des rapports blancs noirs. Il va nous narrer alors cette histoire du point de vue des blancs et de leur questionnement, certains auront des remords, d'autres peu ou voire pas du tout. Un texte percutant quand je découvre de plus qu'il a été publié en 1962 et qu'il s'agit d'un premier roman. Une fable impitoyable et à lire. Merci encore à picabo river book de m'avoir conseillé ce livre
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Nous sommes dans un petit village imaginaire du Sud des Etats-Unis. Là-bas, Tucker Caliban, un descendant d'esclave qui s'est acheté avec ses propres économies quelques arpents de terres, décide du jour au lendemain de partir. Il balance du sel sur le sol, tue ses bêtes, met le feu à sa maison et prend femme et enfants et s'en va. le village entier le regarde. Et ne comprend pas.

A travers plusieurs récits, et plus précisément de la famille Willson (celle-là même qui a acheté l'ancêtre de Tucker Caliban à un négrier), nous allons découvrir toute l'histoire qui a mené à cette décision apparemment hâtive et sans logique.

Quel roman ! Quelle claque quand on sait que c'est le premier roman de William Melvin Kelley (un afro-américain de 24 ans à l'époque) et qu'il est sorti en 1962. Quelle audace de prendre le point de vue des Blancs alors qu'à cette époque encore les Noirs n'étaient que rarement entendus.

Un autre tambour c'est une autre façon de voir les choses. de ne pas se laisser plier par le pouvoir des Blancs, de décider du jour au lendemain de partir. de savoir qu'il y'avait quelque chose qui était là, à proximité, et d'un jour choisir de le saisir, tous ensemble. C'est un roman sur le racisme bien sûr mais aussi sur l'amitié et la cruauté de l'Homme.
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Qu'elle soit vraie ou fausse, cette histoire cache sous ses allures de fable, de bien tristes révélations, qu'elles soient du temps passé ou du temps présent.

À travers la voix des blancs, ce roman choral remonte sur trois générations. L'auteur évoque les questions raciales à travers une histoire étonnante et pose un regard pertinent et avisé sur cette population malgré son jeune âge. À seulement 24 ans, il nous offre un roman surprenant mais au réalisme qui résonne hélas toujours actuellement, le racisme n'étant toujours pas prêt de disparaître.

Publié en 1962 au États-Unis, on ne peut que remercier Kathryn Schulz de lui avoir permis de sortir des oubliettes et féliciter également les Éditions Delcourt de lui avoir donné vie en France.

Un roman de qualité littéraire extraordinaire qui rejoint mon panthéon d'écrivains afro-américains auprès de Toni Morrison et James Baldwin.

” le géant de la littérature américaine » à découvrir absolument.

Lien : https://dealerdelignes.wordp..
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Sutton 1957. Tucker Caliban, descendant d'esclave, détruit ses cultures, tue son cheval et sa vache, brûle sa maison et part sans se retourner avec Bethrah, sont épouse enceinte et leur bébé. Dans les jours qui suivent, la totalité de la population noire va quitter l'état.
Stupéfaits, les blancs tentent de trouver une explication et vont écouter Mr Harper leur narrer l'histoire (ou la légende ?…) de l'Africain, esclave d'une force surhumaine et ancêtre de Tucker Caliban, acheté par Dewitt Willson à New Marsails.
Harry Leland et son fils Harold, âgé de huit ans et surnommé “Monsieur Leland” sont probablement les seuls à Sutton à éprouver une vraie estime pour Tucker Caliban.
Dewey Willson III qui a grandi avec Tucker aimerait comprendre ce qui a pu déclencher ce départ collectif et plonge dans les souvenirs familiaux, non sans un sentiment de culpabilité pour cette vieille histoire de bicyclette …
Et si le prêcheur noir était finalement le coupable ?…
Édité en 1962, on imagine aisément la petite “bombe” littéraire que fut ce texte superbe d'un jeune auteur noir de vingt-quatre ans … Un sobre mais non moins magnifique récit d'un exode programmé afin de tenter de mettre fin à une époque condamnée et condamnable …
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L'auteur est décédé en 2017, il a écrit trois livres, c'est "un homme noir écrivant sur le point de vue des blancs". Après ce troisième livre, il n'est plus arrivé à se faire publier, son deuxième roman seras rééditée par les éditions DELCOURT en 2020.
1957, SUTTON, ville imaginaire, un bateau, des esclaves, DEWIT Wilson est très intéressée par un esclave de stature impressionnante, mais l'homme malgré qu'il soit attaché se rebelle et se sauve, Wilson se mets à sa recherche, et quand il le retrouve et le tue et hérite de son bébé : Tucker qui va élever.
J'ai beaucoup aimé ce livre ou on ressent l'atmosphère de cette époque, qui nous semble impensable à notre époque.
Chaque chapitre est représenté par un personnage différent ou l'exode des noirs est vue par la population de la ville, c'est très intéressant, comme cela nous permet de comprendre plusieurs points de vue de la trame.
C'est vraiment une belle fable, ou l'auteur on comprends vite, ne prends ni le parti des noirs, ni le parti des blancs, il est vraiment neutre.
J'ai vraiment apprécié comment il a dépeint les personnages et la façon qui les as reliés, pour faire une véritable histoire, c'était vraiment très intéressant.
Evidemment, on ne peut qu'être émue et bouleversé, à la lecture de ce livre, les temps sont durs, et je n'ai pas pu m'empêcher de penser que ces années étaient extrêmement effroyables et que c'est incroyable que ces hommes et femmes et leurs enfants ont pu vivre cela, sans une aide extérieure.
J'essayerais de me procurer le deuxième livre de cet auteur, car son écriture est très belle, et on s'imprègne très vite du contexte.
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