Comment sortir de la grisaille et de la sombritude de Bouysse et voguer vers des horizons dégagés et insouciants ? Se fier à la luminosité d'une couverture aguichante où le bleu et le jaune emplissent l'espace. Mais ne serait-elle pas trop kitsch et tape à l'oeil ? Ce livre a la « cote » au vu des notes obtenues. L'histoire se passe sur la « côte », avec le ci
el, le soleil et la mer. Et puis il y a la falaise, c'est balaise, ça en impose comme point de vue. Oui, mais falaise rime aussi avec malaise. Mais que fait donc cet hôtel en contrebas ? On peut déjà prédire la chute, c'est inéluctable, c'est le destin. Mais non,
le festin, avec un f comme falaise.
Je vais donc me régaler, faire ripaille avec les ouailles, ou bien faire bombance sans manigance, à chacun ses convenances. Un grand rassemblement, avec des mets succulents, se retrouver tous ensemble, juste avant que la terre tremble. Car bien sûr, il y a une faille, il est grand temps qu'on se taille.
Aïe ! Si je continue ainsi, ça va faire des vagues, aller à contre courant, ce n'est pas dans l'air du temps. Et puis je sens la digression, «
les vagues »,
Virginia Woolf, une autre histoire de bord de mer, avec des descriptions de paysages, peu de personnages qui se la racontent à tour de rôle , une atmosphère étrange et unique, mais faut pas faire d'histoires, d'ailleurs , y en a pas chez Virginia d'histoire. Alors que là, chez Margaret, l'hôtel se remplit, les personnages sont nombreux. Trop ? Je me suis perdu dans les prénoms, je vous le disais, quitter un Bouysse avec deux protagonistes pour s'échouer dans un hôtel isolé à l'abri (!?) d'une falaise, ça change la donne. Surtout que la crique va faire crac, avec tous ses occupants, qui s'étaient tous dévoilés, avant de se dévoyer.
Paru pour la première fois en 1950 sous le titre
La Fête, ce roman est un prodige de technicité. Comment faire cohabiter sept personnages survivants à la catastrophe, pendant sept jours tout en révélant leurs travers en décrivant les sept péchés capitaux ? C'est toute l'ambition de cette folle aventure, à grands renforts de dialogues percutants et enlevés. Une sorte de huis clos mais qui se passe en liaison directe avec l'environnement, et la falaise qui va jouer un rôle crucial.
Alors, intérieur ou extérieur ? C'est là que je vois la faille. L'intensité des sentiments mis à jour n'a pas son répondant dans le décor. J'aurais aimé plus de lien avec la mer et la falaise, qui aurait supposé des descriptions à couper le souffle et à faire rebondir le scenario. En dehors de la chute, trop peu d'éléments naturels se greffent à l'imbroglio créé par le regroupement de ces gens en un lieu unique.
Ce festin a un goût d'inachevé, je reste sur ma faim, même si les mets proposés avaient dès l'entrée une odeur attirante. Les éditions de la table ronde ont mis le paquet pour remettre au goût du jour cette autrice anglaise.
Mais la couverture faisant la part belle à la nature n'était finalement, à mes yeux, qu'une illusion. J'aimerais que d'autres autrices anglaises, en premier lieu
Elisabeth Goudge et
Mary Webb, grandes conteuses de la nature ambiante, puissent avoir la même résurrection.
Cela n'engage évidemment que l'auteur de cette critique, qui ne renie aucunement le talent de Margaret Kennedy pour cuisiner ses personnages.
Je n'ai juste pas festoyé autant que ne me laissait supposer la nourriture proposée.