AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Kiruna (28)

J’ai voulu descendre dans la mine, passer la tête sous la peau de la planète comme on passe la tête sous la surface de la mer afin d’entrer dans une autre réalité aussi déterminante et invisible que l’est l’intérieur du corps humain. J’ai voulu vivre cette expérience, j’ai voulu l’écrire : je suis partie à Kiruna.
Commenter  J’apprécie          206
À Kiruna, fin novembre, la rue est feutrée, le vent siffle, et le bruit de mes pas s’étouffe dans la neige. Le froid qui aiguise la ville est le portant sonore de tout ce qui va, de tout ce qui marche, roule, glisse, crisse, de tout ce qui craque, et réverbère le moindre souffle comme un micro géant. Je perçois parfois la vibration de la mine, sourde, qui semble s’intensifier la nuit quand la ville dort, ou bien ce grondement sec quand on dynamite la roche à plus d’un kilomètre dans le fond de la terre. J’écoute.
Commenter  J’apprécie          190
Les villes ont des empreintes sonores. Elles ont un rythme, un flow, une tonalité et cette bande-son les distingue, joue comme un moteur d’identification aussi puissant qu’une marque olfactive, aussi immédiat que la vue qu’on en a : on ferme les yeux, on tend l’oreille et l’on sait où l’on est.
Commenter  J’apprécie          182
Elle s’exprime, je l’entends, avec un léger accent anglo-saxon : cinq ans à vivre et travailler en anglais, son français a bougé.
Commenter  J’apprécie          164
Pour gagner le fond, on emprunte un tunnel qui bascule vers l'avant et plonge vers le sous-sol terrestre − c'est un moment qui impressionne. J'essaie de me représenter la scène en coupe, la voiture de profil dans le boyau, Lars et moi à l'intérieur, et la hauteur de roche qui ne cesse d'augmenter au-dessus de nos têtes, qui s'accroît à mesure que nous basculons dans la matière.
Commenter  J’apprécie          150
J’ai cherché une mine comme on cherche un point de passage dans le sous-sol terrestre, un accès aux formes qui le structurent, aux matières qui le composent, aux mouvements qui l’animent, à ce qu’il recèle de trésors et de ténèbres, à ce qu’il suscite comme convoitise et précipite comme invention. Je l’ai cherchée comme on cherche la porte de cet espace inconnu sur quoi s’appuient nos existences, espace dont je ne sais s’il est vide ou plein, s’il est creusé d’alvéoles, de grottes ou de galeries, percé de tunnels ou aménagé de bunkers, s’il est habité, s’il est vivant.
Commenter  J’apprécie          150
La question des repas - le goût mais surtout la quantité puisqu’il faut avant tout se caler l’estomac - joue, on s’en doute, un rôle capital dans la vie des mineurs : une bonne table apaise la main d’œuvre tandis qu’une mauvaise peut déclencher la révolte.
Commenter  J’apprécie          120
Je veux connaître la vie d'Alice, je veux savoir comment la gamine qui a grandi dans un village de la Beauce, sur les affleurements calcaires du Bassin parisien, fille unique d'un couple de pharmaciens cossus, se retrouve à moins de trente ans géologue à Kiruna. J'imagine la fillette savante et dégourdie, toujours dehors à s'aventurer sur ce sol fertile, cette couche de limon et de lœss, collectionneuse de minéraux et de mystères enfouis façon héroïne du Club des cinq, disposant sur l'étagère de sa chambre des pierres aux noms merveilleux qu'elle récite par cœur, les calcites et les quartz, les schistes et les basaltes, les amphiboles fibreuses, les améthystes violettes, les gypses limpides, les muscovites feuilletées, les fluorines et les pyrites, le soufre.
Commenter  J’apprécie          110
Lui, j’aurais bien aimé le rencontrer. Pour cela, j’aurais fait preuve de patience, je me serais tenue prête à l’intercepter à sa descente de cheval, de traîneau, du train. Ou alors je me serais mise dans sa trace, bien qu’il soit endurant et adepte de longues distances. C’est encore un homme de grand format, idéaliste, énergique, mélange de scientifique tout-terrain et d’esthète romantique. Ce que je perçois de lui quand je le regarde, c’est une cordialité, non pas la bonhomie du patron éclairé, corpulent et barbichu, mais une bienveillance souveraine, une façon de se tenir parmi les autres, au milieu d’eux, qu’il s’agisse des membres du board de LKAB en 1901, de ses amis lors d’un bal costumé dans sa demeure de Kiruna, ou des Sámis réunis devant sa mine - et alors il a l’œil rieur de celui qui tire la langue au bébé dans le dos de sa mère.
Commenter  J’apprécie          20
En un siècle d’existence, l’exploitation intensive du gisement a modifié le sous-sol de la ville : un milliard de tonnes de minerai ont été sorties de terre créant un réseau souterrain de voies, de tunnels, de boyaux, et tout cela a contribué, on s’en doute, à une déstabilisation générale du terrain. Affaissements, éboulis, fractures : plus la mine s’étend sous terre et plus les fissures apparaissent en surface. Ce phénomène de réplique, qui n’est pas propre à la mine de Kiruna, semble avoir évolué ici plus rapidement que prévu, finissant par menacer directement des maisons situées le long de la veine et par entraîner des évacuations urgentes, effectuées au coup par coup et sans plan établi dès les années 60. Depuis l’exploitation a progressé, suivant l’orientation de la veine de minerai qui s’enfonce en plan incliné sous la ville, et les galeries se sont dangereusement rapprochées du centre de l’agglomération. Dès lors, ce que l’on anticipait il y a un siècle se précipité, inéluctable : la ville s’effondre, elle est peu à peu engloutie par la mine. Des visions d’apocalypse surgissent – gouffres, brèches, glissements de terrain, maisons et silhouettes aspirées par le fond de la terre – quand il s’agit d’une menace plus insidieuse : édifices qui se froissent, béton qui se lézarde, trottoirs qui se fendillent comme du biscuit sec, béances et craquèlements.
Intimement liés, les destins de la mine et de la ville sont désormais pris dans une même impasse : si la mine continue de s’étendre sans que rien ne bouge, les habitants, menacés, finiront par vider les lieux. Or la mine a besoin des hommes pour fonctionner, et du cadre de vie que leur donne la ville pour les retenir dans cette région des confins, enfouie dans la nuit polaire ou baignée du soleil de minuit. Si la mine fermait ou si le rythme d’extraction du minerai ralentissait afin de préserver ce qui peut encore l’être, alors Kiruna se viderait sans doute d’au moins la moitié de ses habitants : il n’y aurait plus assez d’emplois pour retenir ici ceux qui vivent, directement ou non, de cette ressource.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (126) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Quelle guerre ?

    Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

    la guerre hispano américaine
    la guerre d'indépendance américaine
    la guerre de sécession
    la guerre des pâtissiers

    12 questions
    3206 lecteurs ont répondu
    Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

    {* *}