J'ai lu l'édition augmentée de cette oeuvre de
Daniel Keyes. Elle contient la nouvelle originale (1959), le roman qui en a été tiré (1966), ainsi que l'autobiographie «
Algernon, Charlie et moi, trajectoire d'un écrivain »(2000).
J'ai commencé ma lecture par le roman, qui fait à peu près 300 pages.
Je me suis souvent fait la réflexion que les 4ième de couverture en disaient beaucoup trop. Cela casse le charme de la découverte…
Dans le cas de ce roman, on sait à quoi s'attendre dans les grandes lignes, à savoir qu'une équipe de scientifiques expérimentent une toute nouvelle technique sur un simple d'esprit, pour augmenter artificiellement son intelligence. Charlie Gordon sera le premier être humain à être « utilisé », après Algernon, la petite souris blanche.
Heureusement, ce sont les petites lignes qui ont le plus d'importance. La dimension psychologique et émotionnelle de Charlie, tout au long du processus de croissance de son intelligence et sa prise de conscience sur son état au fur et à mesure que la lumière se fait dans son esprit.
Charlie doit écrire régulièrement des comptes rendus sur ce qu'il pense et ressent, avant et après l'opération, afin que les scientifiques mesurent sa progression, en terme de vocabulaire et complexité de langage.
Le récit ainsi présenté, et l'emploi du « je », fait d'emblée entrer le lecteur en empathie avec Charlie. On ne reste pas simple spectateur de tout ce qui lui arrive, non, puisqu'on devient Charlie, on s'installe au coeur de sa pensée, ses émotions, ses interrogations, ses doutes, ses craintes, ses souvenirs.
Dans tous les domaines de la vie, et dans celui de l'intelligence en particulier, tout est relatif. Mais je pense que l'auteur a voulu mettre en scène des extrêmes, afin de bien montrer le fossé qui peut être creusé entre des personnes de QI différents… Un Charlie attardé mental, avec un QI de 70, face à des scientifiques et il a l'impression que ce sont des génies !
Même ses collègues de travail, pourtant pas très instruits, lui paraissent très intelligents…
Après l'opération qu'il subit au cerveau, et tous les traitements qui s'en suivent, il change, devient de plus en plus intelligent… Notre sympathique Charlie accède petit à petit à ce qu'il a toujours ardemment souhaité depuis sa plus tendre enfance, sa plus grande motivation : être comme tout le monde, être aussi intelligent qu'eux.
Sauf que son ascension va aller plus loin, car il va tripler son QI en quelques mois à peine, et va finalement se trouver une nouvelle fois en décalage face au reste du monde. Un génie incapable de communiquer même avec des scientifiques, qu'il voit désormais comme des imposteurs, se trouve même déçu de leur manque de connaissances, leurs limites intellectuelles…
D'où la théorie de la relativité universelle : « chacun d'entre nous est le génie de quelqu'un, et peut, parallèlement, être le con d'un autre ».
La petite souris blanche, avec ses petits yeux noirs cerclés de rose, a son nom dans le titre du livre, et même si elle n'est pas l'élément central du récit, elle a une grande importance dans l'incroyable expérience que va connaitre Charlie. D'abord parce qu'elle a subi la même opération que lui, avant lui. Et puis parce qu'elle sera son éclaireur sur le chemin de la progression de l'intelligence, puis de la régression…Il anticipera donc son avenir proche, avec tout ce que cela implique en préparation mentale et conflits émotionnels.
En parlant de conflits émotionnels, Charlie va aussi connaitre une courbe de croissance dans ce domaine, mais en décalage par rapport à l'intelligence… Un génie avec le niveau émotionnel d'un petit garçon. Totalement immature donc, bloqué et plein d'appréhension lorsqu'il s'agit d'approcher la femme dont il est amoureux.
En choisissant un sujet comme Charlie, l'auteur met également en lumière le comportement des gens dits « normaux » intellectuellement vis-à-vis des simples d'esprits. Les jugements négatifs, les moqueries et la dévalorisation. Ironie du sort, notre héros lui-même tombera dans ce piège en oubliant ce qu'il fut dans un passé pas si lointain…
Une belle leçon de tolérance et d'acceptation. le niveau du QI n'exclut pas certaines personnes de la catégorie des êtres humains !
Mes sentiments au cours de cette lecture ont varié en fonction de l'état de Charlie.
De l'espoir et de l'enthousiasme avant l'opération. Puis de la curiosité et de l'émerveillement pendant le processus de l'éveil à l'intelligence. Comment Charlie réagit en sortant petit à petit de la brume de son esprit, découvre le plaisir d'apprendre et de se rappeler, fouille dans ses souvenirs pour faire ressurgir des scènes de son passé afin de mieux comprendre son état émotionnel.
A l'apogée de son intelligence de génie apparaît l'inévitable frustration, l'agacement de constater la bêtise du reste du monde! Hé oui, il n'est pas bon d'être dans les extrêmes..
Le pire a été la prise de conscience que tout cela allait prendre fin très rapidement. La chute inexorable qui l'attendait au bout du chemin. Un sentiment d'impuissance, de course contre le temps.
Comment accepter un retour dans le noir après avoir connu la lumière?
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