Les jeunes ne savent pas ce qu’ils disent. C’est pour ça que je les aime bien.
Les hommes sont tous prisonniers du temps. et ceux qui sont atteints d’Alzheimer sont enfermés dans une prison dont les cellules rétrécissent de plus en plus vite. J’étouffe.
La honte et la culpabilité. On peut avoir honte de soi. Mais c’est le regard des autres qui nous rend coupable, le critère c’est donc les autres, pas soi-même. Se sentir coupable, c’est avoir honte devant les autres. Il existe sans doute des gens qui se sentent coupables sans pour autant avoir honte d’eux-mêmes. Ces gens-là redoutent la sanction des autres. Moi c’est le contraire. Je n’ai jamais eu peur du regard ou du jugement des autres, mais j’éprouve un honte profonde envers moi-même.
Mais dans l’esprit de tout artiste, il est parfois nécessaire de réserver une petite place aux travaux de secrétariat. Ce n’est qu’à cette condition que le compositeur et sa musique pourront passer le cap des générations.
Je n’arrive pas à m’endormir, alors je vais faire un tour dehors. Des centaines d’étoiles scintillent dans le ciel nocturne, c’est magnifique. Dans ma prochaine vie, je veux naître dans la peau d’un astronome, ou d’un gardien de phare. Quand je repense à mon passé, je me dis que le plus dur a été de fréquenter les autres membres de l’espèce humaine.
Vivre avec la maladie d’Alzheimer, c’est comme être un voyageur qui arrive perpétuellement un jour trop tôt à l’aéroport parce qu’il s’est trompé de date.
Ce monde dénué de sons et de vibrations rétrécit progressivement, jusqu’à n’être plus qu’un point, une poussière dans l’univers. Non, même cette poussière disparait.
Les hommes sont tous prisonniers du temps. Et ceux qui sont atteints d'Alzheimer sont enfermés dans une prison dont les cellules rétrécissent de plus en plus vite. J'étouffe.
Sur les bords de la route à l'entrée de mon village natal poussaient des cerisiers, plantés à l'époque de l'occupation japonaise. Au printemps, les gens venaient en foule se promener sous le tunnel de fleurs. Je faisais un grand détour pendant toute cette saison pour ne pas passer par là. Contempler des fleurs me faisaient peur. Quand je croisais un chien féroce, je pouvais le chasser à coups de bâton, mais pas les fleurs. Elles sont trop cruelles et impudiques. Je repense souvent à ce chemin bordé de cerisiers. Pourquoi en avais-je aussi peur ? Ce n'étaient que des fleurs, après tout.
Lors de son premier cours, il m'a fait rire en énonçant la phrase suivante d'un air très sérieux : "Un poète est un être qui saisit les mots et finit par les assassiner, comme un tueur expérimenté." A l'époque, j'avais déjà "saisi" et "fini par assassiner" des dizaines de proies, avant de les enterrer. Mais je doute qu'on puisse appeler cela de la poésie.