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EAN : 9782809710847
160 pages
Editions Picquier (06/03/2015)
3.97/5   188 notes
Résumé :
Un ex-tueur en série décide de reprendre du service. Seul problème : il a soixante-douze ans et vient d'apprendre qu'il est atteint de la maladie d'Alzheimer.
Sous ses dehors de vieillard inoffensif s'adonnant à ses heures perdues à la poésie et la philosophie, se cache un redoutable meurtrier qui a assassiné sans remords des dizaines de personnes. Aujourd'hui il repart en chasse alors que rôde autour de sa maison un homme qui menace de s'en prendre à sa fill... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (65) Voir plus Ajouter une critique
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En littérature on retrouve habituellement deux sortes de tueurs : d'un côté les psychopathes dont les crimes se nourrissent le plus souvent d'évènements traumatiques liés à l'enfance, pénalement responsables ils sont conscients de leurs actes, organisent méticuleusement leurs crimes, infligent sévices et tortures, enterrent leurs victimes ; de l'autre les psychotiques, qui à l'inverse ne préméditent pas leurs crimes, n'ont pas conscience de leurs actes puisqu'ils répondent à une pulsion violente et désorganisée. Mais alors à quelle catégorie appartient Kim Byeong le narrateur de ce récit ? Je vous avoue qu'au commencement de ma lecture j'avais opté pour la première catégorie, me disant, oui, Kim Byeong est un tueur psychopathe, du moins il l'était, comme on peut l'être quand on découpe en petits morceaux l'amant de sa femme et qu'on le balance dans une porcherie ou que l'on tue froidement la mère de sa fille adoptive mais à l'issue de ma lecture je ne sais plus, je suis pleine de compassion et d'indulgence envers le personnage.

Dans ce récit qui fait moins de 200 pages Kim Young-ha nous livre les confessions d'un tueur pas comme les autres, il donne la parole à un homme vieillissant et fragilisé par la maladie qui pourrait être votre voisin, votre père, votre grand-père si ce n'est qu'il a commis son premier crime à l'âge de 15 ans en étouffant son géniteur avec un oreiller pour protéger sa mère et sa soeur, prémices d'une pulsion meurtrière qui ne le quittera plus durant près de trente ans.

Mais aujourd'hui Kim Byeong a 70 ans, il aspire à une retraite paisible, l'art de la poésie a remplacé l'art du meurtre depuis près de deux décennies, il ne tue plus, il compose des poèmes, nous cite le Sûtra du Coeur, nous conte Ulysse. Une retraite bien méritée, pourrait-on dire cyniquement, pour celui qui était pris des années durant d'une frénésie de nettoyage et faisait disparaître les cadavres de ses victimes en les enterrant dans le petit bois dont il a la propriété situé juste derrière sa maison en contrebas de la montagne, les cadavres de tous les malheureux qui ont eu la malchance de croiser son chemin, devenus désormais le terreau fertile dont se nourrissent les hauts bambous dont les tiges trônent fièrement vers le ciel comme dans une dernière prière à la mémoire des trépassés dont les meurtres sont restés non élucidés à ce jour, certains ayant même été attribués aux espions nord-coréens dans les années 80.

De ses motivations à tuer nous saurons peu finalement si ce n'est une certaine foi et une certaine recherche du bonheur dans l'acte meurtrier car l'ancien tueur froid et insensible, peu enclin aux remords, perd ses mots, perd peu à peu sa raison d'être et d'exister, il est atteint de la maladie d'Alzheimer qui ronge sournoisement sa mémoire, faisant de lui un être sans passé et sans futur et ce qu'il redoute le plus encore : un être dépendant, un poids pour sa fille adoptive Eun-hee qui ne le reconnait plus et envisage de le placer dans une structure adaptée. Alors pour la première fois de sa vie Kim Byeong doute. Il doute quand il se réveille le matin en un lieu inconnu, il doute quand il cherche le chien de la maison qui n'existe pas, il doute car sa fille fréquente depuis peu un individu louche répondant au nom de Pak Ju-tae qui pourrait bien être le tueur en série qui sévit depuis peu dans la région. évènement qui va le pousser à se battre contre un ennemi silencieux et redoutable qui n'est autre que lui même avec un seul but, chaque jour, celui de parvenir à recoller les morceaux de sa mémoire défaillante qui filent pareils à des petits bouts de papier dans un tourbillon de vent, le laissant sans cesse essoufflé de sa course effrénée à les rattraper.

Un récit sombre empreint d'une belle poésie, duquel parviennent à s'échapper quelques rais de lumière, qui nous est narré sous la forme d'une confession et dont la force réside dans la dualité et le caractère ambigu de son personnage principal qui dès les premières pages nous entraîne avec lui dans un jeu de piste troublant dont les indices et l'itinéraire se brouillent au fur et à mesure que nous progressons dans la lecture. Un juste retour des choses, une punition divine nous dit-il, résigné à accepter son sort. Peut-être bien car semble venu le temps des aveux et de la rédemption.

Bien évidemment le personnage qui m'a touchée dans ce récit n'est pas le tueur impassible qui ne connaît pas le remord mais l'homme fragilisé par la maladie, emmuré dans son présent, peinant à discerner la réalité, semant le trouble et la confusion chez le lecteur qui, arrivé en fin de lecture, n'aspire plus qu'à une seule chose : sortir du brouillard dans lequel il s'est empêtré et voir enfin apparaître la vérité. Mais quelle vérité ? Celle d'un tueur indifférent au sort de ses victimes ou celle d'un homme confus qui n'a plus toute sa raison ?

Un excellent polar noir dont le dénouement est particulièrement réussi, adapté sur grand écran par Won Shin-yeon en 2017 (je visionne le film ce soir) mais surtout une belle réflexion sur la maladie d'Alzheimer que je vous invite vraiment à découvrir.



* Merci à Sandrine (HundredDreams) et à la dame Michka (Mh17) dont les critiques ont motivé ma lecture.
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Un roman dérangeant et qui fait froid dans le dos. Un roman qu'on ne peut pas aimer tant il est chargé de fiel et de dédain, mais qu'on lit jusqu'au bout, emporté par son incroyable vigueur. Il parle de la terreur des temps modernes ; celle de la disparition de la mémoire, de la perte totale d'identité, de la vieillesse tremblotante : la maladie d'Alzheimer. Avec un style froid et caustique, Kim Byeong-su, sud-coréen de soixante-dix ans, raconte sa lente dérive et ses tentatives vaines et pathétiques pour résister contre l'effacement progressif de son moi. En premier, c'est la mémoire récente qui s'estompe, s'effiloche, se décolore… Ces gens qui lui parlent, cette rue qu'il traverse, ces objets qui l'entourent ont un rapport intime avec lui. de toutes les fibres de son corps, il le sait, mais il ne parvient pas à s'en souvenir. Quoi de plus effrayant ? Mais Kim Byeong-su n'est pas un homme comme les autres : c'est un tueur en série qui, toute sa vie durant, a tué sans relâche avec un plaisir morbide. Ses crimes ont accompagné l'histoire mouvementée, brutale et sanglante de la péninsule coréenne. Dans ses mots, dans ses souvenirs épars, de plus en plus fragmentés, l'homme se montre cruel et arrogant. Malgré son déclin, il se dégage encore de lui une force inquiétante et maléfique. Il jette sur ses congénères, tous de potentiels victimes, un regard de grand fauve solitaire et considère cette maladie comme une punition divine.
Un roman fort, perturbant et angoissant.
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Voici les premières lignes de ce roman singulier :

« Mon dernier meurtre date d'il y a vingt-cinq ans. Ou vingt-six ? En tout cas c'est à peu près ça. Je n'ai pas tué mes proies sous le coup d'une pulsion ou à cause d'une quelconque perversion sexuelle, contrairement à ce que les gens croient en général. J'étais plutôt mû par un sentiment de regret, ou par l'espoir d'éprouver un plaisir toujours plus entier. Chaque fois que j'enterrais une nouvelle victime, je me disais : « Je ferai mieux à la prochaine. » Si j'ai cessé de tuer, c'est parce que cet espoir a disparu. »

L'histoire est particulièrement originale car nous entrons dans la tête de Kim Byeong-su, un ancien tueur en série, amateur de poésie et de philosophie, souffrant de la maladie d'Alzheimer.

« Les mots disparaissent. Mon cerveau me fait de plus en plus penser à un concombre de mer, gluant et percé de petits trous. Tout s'en échappe. le matin, je parcours le journal de la première à la dernière page, mais une fois que j'ai terminé, j'ai l'impression d'avoir oublié plus de choses que je n'en ai lu. Malgré tout, je lis, même si déchiffrer une phrase est pour moi aussi ardu que d'essayer de monter un meuble dont il manque les principales pièces. »

Son dernier meurtre remonte à 25 ans, mais lorsque plusieurs femmes sont assassinées près de chez lui, il est persuadé qu'un nouveau tueur en série sévit dans la région. Convaincu d'avoir identifié l'homme comme étant le petit ami de sa fille, il décide de reprendre du service et de l'éliminer avant que la maladie ne l'en empêche.

« Il rôde autour de moi comme un loup autour de sa proie et surveille tous mes faits et gestes. Quand j'essaie de m'approcher de lui pour lui adresser la parole, il disparaît en un clin d'oeil. »

*
Raconté sous la forme d'un journal intime relatant ses crimes, ses sentiments, ses craintes, nous sommes pris dans l'engrenage de sa mémoire défaillante. Au fur et à mesure, le récit se fragmente, se désagrège, la réalité, les souvenirs anciens et fabriqués se mélangent et il est de plus en plus difficile de faire le tri entre le réel et l'illusion.

L'écriture très immersive permet de se glisser aisément dans la peau de cet homme atteint de démence. On perçoit l'altération graduelle de sa mémoire défaillante et la confusion de sa pensée. C'est intelligent et très bien amené.

« Les hommes sont tous prisonniers du temps. Et ceux qui sont atteints d'Alzheimer sont enfermés dans une prison dont les cellules rétrécissent de plus en plus vite. J'étouffe. »

*
Kim Byeong-su n'a rien de particulièrement sympathique, mais, étrangement, on s'attache à ce vieil homme malade et diminué. On ressent de l'empathie envers lui alors qu'il n'en a aucune envers ses nombreuses victimes. Est-ce parce que l'histoire est racontée à la première personne du singulier ? Toujours est-il que son récit est froid, sobre, dépourvu de chaleur humaine.

« Au fait, c'est quoi le bonheur ? Se sentir vivant, c'est ça ? Dans ce cas, mes moments les plus heureux ont été ceux où, chaque jour, j'envisageais et planifiais un meurtre. En ce temps-là, j'étais tendu comme les cordes d'un instrument de musique. Tout comme aujourd'hui, seul existait le présent. Il n'y avait ni passé ni futur. »

Mais l'auteur arrive tout de même à nous transmettre des émotions par sa relation avec sa fille qu'il veut protéger de ce prédateur. C'est un combat à mort que se livrent ces deux hommes, l'enjeu étant la jeune femme.

Le dénouement, très surprenant et totalement inattendue, nous laisse nous interroger sur ce qui s'est réellement passé. C'est assez troublant, je dois dire.

*
Sombre, macabre, intense, cette petite nouvelle offre une réflexion intéressante sur la mémoire, la maladie, la nature humaine dans son aspect le plus méprisable et la jouissance dans le meurtre.
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Vieillard paisible, Kim Byeong-su profite de sa retraite pour lire les grands philosophes et composer des poèmes. Il vit avec sa fille adoptive Eun-hee, dans une maison isolée de la campagne coréenne. Mais depuis un moment, sa vie est perturbée par des absences et des pertes de mémoire. le verdict est sans appel : Byeong-su souffre de la maladie d'Alzheimer. Alors il écrit, il enregistre, il tente de gérer le quotidien et sa mémoire à court terme qui disparaît. Parce qu'en ce qui concerne le passé le vieil homme n'a rien oublié, il se souvient parfaitement de son ancien hobby : tuer. Depuis son premier meurtre, à l'âge de 15 ans, jusqu'à l'interruption de sa ''carrière'' de tueur en série quand il en avait 44, Byeong-su n'a cessé de tuer des hommes, des femmes, des enfants sans jamais attirer l'attention de la police. Mais malgré l'âge et la maladie, les souvenirs qui s'effacent et se mélangent, il est contraint de reprendre du service. Un autre tueur sévit dans la région et il rôde autour de Eun-hee. Byeong-su le sait, il doit tuer cet homme avant qu'il ne s'en prenne à sa fille.

Peut-on prendre en pitié en tueur en série ? Oui quand il est faible, vieillissant et tourmenté par une mémoire défaillante. Oui quand il se bat avec ses lambeaux de souvenirs dans le seul but de sauver sa fille. Oui quand il use de toutes les ficelles de la mauvaise foi pour justifier sa vie et ses actes. Oui quand on le voit sombrer dans le trou noir de la maladie d'Alzheimer.
Mais bien sûr cela ne va pas sans un sentiment de malaise, grandissant à mesure que l'on découvre ses ''exploits'', au fil de son récit qui se découd, qui n'est pas fiable, qui jongle entre le réel et les souvenirs modifiés par une mémoire défaillante. Car Young-ha Kim se joue de son lecteur. Après l'avoir amadoué avec cette histoire d'un pauvre vieux diminué par l'âge et attaché à sauver sa fille en danger, il le retourne en lui montrant la vérité, l'horreur et la mort.
Maître du suspense et de la manipulation, Kim livre ici un roman noir et anxiogène, teinté de poésie et de réflexions sur la vie, la vieillesse, la maladie et la mort. Une belle découverte, originale et cruelle.
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Pourquoi Oedipe assassine-t-il son père biologique, qui l'avait abandonné ? Parce qu'à un carrefour, le vieux lui avait coupé le passage.
Pourquoi épouse-t-il sa mère ? parce qu'il est devenu un mythe, et qu'elle a besoin de lui, peu importe l'âge .
A-t-il tué par plaisir ? par nécessité ? par haine ? non, rien de tout ça, les circonstances, le destin.
Car, dit Kim Young Ha, « il arrive souvent que le malheur soit le fait du hasard ».
Serait-ce le cas de Kim Byeong-su, son personnage , cherchant un plaisir éphémère dans le fait de tuer, ayant commencé par le père, comme Oedipe, ne trouvant pas la satiété, et continuant…. Jusqu'à ce qu'une opération du cerveau l'en empêche. Il retrouve alors le train-train de la vie, pas folichon, et cet enfoiré de chirurgien lui a sûrement greffé une pilule pour qu'il oublie.
Tiens, comme Oedipe, qui s'est aveuglé lui-même et qui a préféré tout oublier : Oedipe atteint par Alzheimer ?
En ce cas, comme Kim, voilà.
Qui a le temps de réfléchir sur le temps : si la mémoire doit programmer « mémoire du futur »= il ne pas oublier de prendre mes médicaments, elle est aussi mémoire du passé ( les différents meurtres que le narrateur a commis, dont il essaie de se souvenir, et en a par prudence écrit les épisodes).
Par prudence, parce qu'il risque d'oublier.
Sans danger, il y a prescription.
Notre narrateur est donc condamné au présent. Il ne peut anticiper, il ne peut se souvenir, le présent est pire qu'une prison de métal, qu'il souhaiterait presque.
Parce qu'Alzheimer, c'est pire qu'une prison.
A-t-il un chien ? Comme sa fille adoptive semble le dire ?et parfois aussi, le nier ? Comme Ulysse, qui lui aussi avait sans doute été atteint durant dix ans de cette maladie de l'oubli et avait été reconnu par son chien?
Ecrit à la première personne, sur un ton enlevé, supérieur, se moquant de beaucoup de locutions comme « attention, vous pouvez risquer de vivre trop longtemps »(de la part d'une démarcheuse en assurance –vie, !) il rumine aussi, oublie que contre son alz( oups, j'ai oublié le nom exact de cette maladie) il doit prendre des médicaments, mais justement, il oublie, au lieu de ne pas oublier.

Comme si le Dieu qui pilote avait lâché la manette de contrôle, et ça, de plus en plus.

Pour Kim Young Ha, l'auteur, non pas des meurtres mais du livre, rester emmuré dans le présent revient à réduire son existence à celle d'un animal .Il est prisonnier d'un temps erroné.
Son mot de la fin, où il revendique être l'auteur du livre, où il montre la difficulté du fait d'écrire, où il le dédie à son père luttant contre la maladie, donne un singulier relief d'après la jubilation, car « Ma mémoire assassine » est drôle, la réflexion philosophique sur le présent, l'interrogation sur le mal et nous submerge d'émotion : un fils qui rend hommage à son père.
Après quadruple incitations, dans le désordre : Sandrine, mh17, Gaëlle, Sandrine57, bonheur de cette lecture
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Citations et extraits (106) Voir plus Ajouter une citation
Mon père est à la genèse de mon histoire. Je l’ai tué en l’étouffant avec un oreiller, cet homme qui frappait ma mère et ma petite sœur Yeong-suk dès qu’il était saoul. Pendant que j’appuyais sur sa tête, ma mère maintenait son corps et ma sœur lui bloquait les jambes. Elle avait à peine douze ans. L’oreiller s’est déchiré en deux, déversant du son de riz. Ma mère l’a raccommodé l’air de rien pendant que Yeong-suk balayait et ramassait les grains éparpillés. J’avais quinze ans. A l’époque, juste après la guerre de Corée, la mort était omniprésente, aussi personne ne s’est penché sur le cas de cet homme mort chez lui dans son sommeil. Nous n’avons même pas eu de visite de la police. Nous avons dressé une tente dans la cour pour recevoir les condoléances des voisins et de la famille.

A quatorze ans, j’étais déjà assez fort pour porter sur le dos un sac de riz de quatre-vingts kilos. Et dans mon village, lorsqu’un garçon parvenait à porter cette lourde charge, plus personne n’avait le droit de lever la main sur lui, pas même son père. En revanche, ma mère et ma petite sœur étaient constamment victimes de la violence de mon père. Il lui est arrivé de les chasser de la maison, toutes nues, dans le froid glacial du plein hiver. Le tuer était la seule solution. La seule chose que je regrette, c’est d’avoir impliqué ma mère et ma sœur dans ce meurtre, alors que j’aurais très bien pu me débrouiller tout seul.
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Je passe une IRM. On m'allonge sur une table pareille à un cercueil blanc et j'entre dans la lumière; ça ressemble à une expérience de mort imminente. J'ai une hallucination, j'ai l'impression de sortir de mon corps et de me regarder d'en haut. La mort est tout près de moi, je la sens, et je vais bientôt quitter ce monde.
Une semaine plus tard, le médecin me soumet à un test neuropsychologique. Il me pose des questions et je lui réponds. Les questions sont simples, malgré tout, j'ai du mal à trouver les réponses. C'est comme plonger la main dans un aquarium et essayer d'attraper des poissons qui vous glissent sans cesse entre les doigts. Qui est l'actuel président de la République ? En quelle année sommes-nous ? Répétez-moi les trois mots que vous venez d'entendre. Combien font dix-sept plus cinq ? Je suis sûr de connaître les réponses, mais elles refusent de surgir dans ma tête. Je les connais et, en même temps, je ne les connais pas. Comment une chose aussi absurde est-elle possible ?
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L’inspecteur Ahn, toujours en train de fumer, revient d’un pas vif vers la galerie extérieure sur laquelle je suis assis, comme s’il venait d’avoir une idée.

- Vous n’avez pas de famille ?

- Si, j’ai une fille.

- Ah…

Il doit être à la recherche d’un homme qui vit seul depuis longtemps, un loup solitaire. Au lieu de suivre les étudiants partis faire un tour dans le quartier, Ahn vient s’installer à côté de moi et laisse pendre ses jambes du haut du maru.

- Ça me gêne de dire ça à quelqu’un de votre âge, mais en vieillissant, mon corps commence à me lâcher.

Sur ce, il se tapote les genoux. Vus de l’extérieur, nous devons avoir l’air de deux vieux amis du même village.

- Où avez-vous mal ?

- J’ai du diabète, des rhumatismes, de l’hypertension, il n’y a plus rien qui fonctionne normalement. Tout ça à cause de ces foutues planques au boulot, je déteste ça.

- Vous devriez vous reposer un peu, maintenant, dans un endroit paisible.

- Je me reposerai dans ma tombe.

- Pourquoi pas ? C’est l’endroit le plus calme qui soit, après tout.
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Je lis peu de romans, les seuls textes littéraires que j’ai lus sont ceux que l’on trouve dans les manuels scolaires de coréen. Et là-dedans, il n’y a pas les phrases dont j’aurais besoin. C’est pourquoi j’ai commencé à lire des poèmes.

Grave erreur.

Le conférencier qui donnait des cours de poésie à la maison des associations culturelles était un poète, un homme de mon âge. Lors de son premier cours, il m’a fait rire en énonçant la phrase suivante d’un air très sérieux : « Un poète est un être qui saisit les mots et finit par les assassiner, comme un tueur expérimenté. » A l’époque, j’avais déjà « saisi » et « fini par assassiner » des dizaines de proies, avant de les enterrer. Mais je doute qu’on puisse appeler ça de la poésie. Le meurtre se rapproche plus de la prose que des poèmes. N’importe quel tueur vous le dira. C’est une tâche plus complexe et encombrante qu’on ne le croit.
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Il y a quelques années, dans la salle d’attente du dentiste, j’ai feuilleté un livre sur le bonheur de se passionner pour quelque chose. L’auteur décrivait avec conviction combien il était important de se plonger pleinement dans un sujet ou une activité, et quelle grande joie cela pouvait procurer. Hé, monsieur l’auteur, quand j’étais enfant, les adultes s’inquiétaient de voir leur progéniture se passionner pour une seule chose, persuadés que leurs enfants allaient devenir des individus à l’esprit borné. A l’époque, seuls les fous n’avaient qu’un unique centre d’intérêt. Si vous saviez combien j’ai été accaparé autrefois par le meurtre et quel grand bonheur cela m’a apporté, mais aussi combien c’était risqué de se consacrer à cette seule activité, vous la fermeriez. Oui, c’est dangereux la passion. C’est aussi pour cette raison qu’on en tire du plaisir.
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