Ce tome fait suite à
Kamandi, tome 1 (épisodes 1 à 20). Il comprend les épisodes 21 à 40, tous dessinés par
Jack Kirby. Il écrit les scénarios des épisodes 21 à 37 ; les scénarios des 3 derniers épisodes sont écrits par
Gerry Conway. Kirby est le responsable éditorial de la série jusqu'à l'épisode 33, succédé par Conway à partir du 34. D. Bruce Berry encre les épisodes 21 à 38,
Mike Royer encre les épisodes 38 à 40. Kirby réalise les couvertures des épisodes 21 à 33, celles des épisodes 34 à 40 sont réalisées par
Joe Kubert.
Ces épisodes continuent de narrer les aventures extraordinaires de Kamandi dans un monde post apocalyptique où les humains ont été ravalés à l'état d'animaux sans intelligence, et où les animaux ont acquis une intelligence, certains ayant évolué vers une forme anthropomorphe. Dans les épisodes 21 à 29, Kamandi poursuit ses pérégrinations dans ce monde ravagé, se retrouvant dans des situations extraordinaires. C'est ainsi qu'il va aider un humain à porter son maître dauphin jusqu'à la mer, qu'il va bénéficier de l'aide de Ben Boxer, Steve et Renzi à défendre une communauté de dauphins contre
le Baron Rouge (un orque). Il va lutter contre des manifestations surnaturelles dans une maison hantée (épisode 24). Il va fuir en compagnie de Ben Boxer vers le Canada à bord d'un aéroglisseur. Arrivé dans un éden, il se heurte à des léopards saccageant la flore à grand coup de défoliant. Dans les épisodes 27 et 28, il embrigadé dans une cavalerie de bouledogues luttant contre une infanterie de léopards. Épisode 29 : Ben Boxer lutte pour se montrer digne d'une relique du passé, le costume de Superman.
Les épisodes 30 à 40 s'articulent autour d'un fil conducteur qui est la présence de Pyra, une extraterrestre, et son vaisseau spatial. Kamandi, le docteur Canus et Pyra luttent contre des gorilles pirates, voyagent dans l'espace jusqu'à une station Soyuz, reviennent sur terre pour s'installer dans un complexe hôtelier, et découvrent quelques humains dotés d'une espérance de vie de 5 ans.
Par rapport à l'inventivité débridée du premier tome de Kamandi, le début de celui-ci semble un cran en dessous. À l'évidence, le lecteur n'éprouve plus l'effet de surprise de la découverte.
Jack Kirby prolonge les aventures de Kamandi, dans le même mode narratif, à destination des enfants. Les transitions d'une aventure à l'autre peuvent être abruptes, tout est oublié de l'une à l'autre (ou presque). Les apparitions et disparations de certains personnages (essentiellement Ben Boxer) peuvent sembler également arbitraires, leur présence étant surtout dictée par l'intrigue, plus que par la cohérence de leurs objectifs. Kamandi reste un personnage sans réelle caractéristique psychologique, autre que son courage, et une forme d'entêtement à considérer que la race humaine doit retrouver sa splendeur passée, car elle était manifestement supérieure à celles en place (bien qu'elle ait causé la destruction de la planète).
La nature des mutations des animaux est également dictée par les facilités de scénario, plus que par une logique interne. Comme dans le premier tome, les animaux dotés de conscience maîtrisent pour partie des technologies conçues par les êtres humains d'avant le désastre. Là encore Kirby s'arroge le droit de faire perdurer certaines technologies, en dépit de toute cohérence (à commencer par l'approvisionnement en carburant, tout en faisant fi de la dégradation de certains matériaux, ou de l'absence de maintenance). En ce sens, il s'agit d'une forme de narration infantile qui ne s'embarrasse pas de logique ou de cohérence.
Le lecteur vient donc chercher l'inventivité débridée de
Jack Kirby, sa capacité à mettre en image des concepts fantastiques, séduisants par leur côté licence poétique, transportant le lecteur dans un ailleurs à la force magnifiée par des dessins bruts et viscéraux. Or par comparaison avec le premier tome, la densité de moments merveilleux capables de réenchanter le monde semble un peu moins importante. Il faut attendre le deuxième épisode pour découvrir une civilisation aquatique de dauphin. Mais la découverte de la forme très infantile de l'orque fait retomber le récit dans un niveau un peu bébête. Il reste heureusement l'encrage qui rend bien compte de la force primale des eaux tumultueuses.
L'épisode 24 s'ouvre avec un dessin pleine page du visage apaisé de Kamandi, où D. Bruce Berry applique un encrage qui trahit franchement l'esthétisme de Kirby. Heureusement le dessin sur 2 pages qui suit propose une vision superbe d'une vieille demeure en ruine, nimbée d'une lumière spectrale envoutante, avec un encrage respectueux de Berry. Kirby retrouve toute sa verve inventive et visuelle dans les épisodes 26 à 28, où Kamandi se retrouve enrôlé dans une cavalerie improbable à lutter pour la survie d'un écosystème paradisiaque, dans une fable écologique primaire, mais de toute beauté. L'épisode suivant rend hommage à la légende de Superman, de manière assez touchante, avec une très belle pleine page où Kamandi hurle le nom de son ami Ben Boxer en voyant une salve de balles passer devant ses yeux.
Dans les épisodes 29 à 34, le lecteur sent que Kirby a retrouvé l'inspiration en incorporant un extraterrestre très particulier, un vaisseau spatial aux ombres géométriques des plus abstraites, et des gorilles pirates luttant contre les forces du Prince Tuftan. C'est reparti pour des péripéties à la logique bancale (pourquoi un extraterrestre fait d'énergie a-t-il besoin d'un vaisseau spatial aux instruments manipulables par des êtres anthropoïdes ?), mais aux images incroyables, à l'invraisemblance naïve assumée. Qui plus est, D. Bruce Berry s'est amélioré en tant qu'encreur et il respecte avec plus de soin les formes abstraites et l'ombrage expressionniste de Kirby.
À partir de l'épisode 34, le lecteur peut ressentir l'arrivée de
Gerry Conway en tant que responsable éditorial, dans la mesure où les récits commencent à être plus canalisés, ne partant plus dans tous les sens au gré de la fantaisie de Kirby. Il reste encore de bonnes idées (cette savoureuse lutte étrange pour les étages du complexe hôtelier) et des images défiant l'entendement, surréalistes, purement dédiée à l'expression d'un merveilleux déconnecté des contraintes de plausibilité, de véracité ou de cohérence. À partir du moment où Conway reprend la responsabilité du scénario, le lecteur retrouve les conventions d'une histoire plus linéaire (avec les origines "secrètes" de Pyra), avec une volonté de transcrire les sentiments des personnages, plutôt que de s'en tenir à leurs sensations. Conway sait quand même tirer partie de l'environnement incroyable créé par
Jack Kirby, sans l'étouffer dans une narration trop conventionnelle.
Ces 20 épisodes contiennent leur lot de concepts et de moments estampillés "
Jack Kirby", provoquant un ré-enchantement du monde, dans une narration ne s'embarrassant pas de vraisemblance ou de cohérence, relevant plus d'une forme de poésie un peu naïve. Toutefois, l'effet de surprise du début de la série est passé, et ces moments magiques sont moins systématiques que dans les 20 premiers épisodes.