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sur 1273 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
D'emblée, "L'homme qui savait la langue des serpents" exsude à la fois l'étrangeté, la solitude et la tristesse. le narrateur est le dernier représentant d'un clan qui a totalement disparu. Terré dans la forêt, où il vit coupé du monde, il revient sur les événements qui ont conduit à cette extinction.

Estonie, à une époque que l'on devine moyenâgeuse...

L'invasion du pays par les puissants chevaliers allemands a conduit à une mutation sociétale. Séduits par la maîtrise du progrès technique dont se prévaut l'envahisseur teuton, le peuple estonien a quitté les forêts dans lesquelles il menait une existence quasi primitive, pour apprendre l'agriculture, l'élevage et le tissage, adopter la foi chrétienne, et couper tous les liens qui l'unissaient au monde sylvestre.

Quelques récalcitrants y sont toutefois demeurés, refusant de se plier aux coutumes des "hommes de fer", mais ils sont de moins en moins nombreux, et leur culture est sur le déclin. Leemet est l'un d'eux. Il est le dernier, grâce à son oncle qui la lui a enseignée, à parler parfaitement la langue des serpents. Cet idiome, transmis de génération en génération, permet de communiquer avec les animaux et de les asservir, exception faite des serpents, quasiment considérés comme des égaux, avec lesquels le peuple de la forêt entretient des relations séculaires et amicales.

Mais à qui Leemet pourra-t-il à son tour transmettre ce savoir ? Peu à peu, les habitants de la forêt ne se réduisent plus qu'à une poignée...

Malgré quelques défauts stylistiques qui ont parfois gêné ma lecture (le narrateur s'exprime de manière hétérogène, alternant à quelques reprises maladresses grammaticales et belles phrases au vocabulaire littéraire), "L'homme qui savait la langue des serpents" est un roman marquant. Je me suis surprise, même après l'avoir terminé, à y repenser souvent, pas tant à son intrigue ou ses personnages, qu'au questionnement qu'il induit sur la posture des individus face à l'intrusion dans leur univers d'êtres différents. L'auteur oppose, à travers ses héros, deux attitudes possibles en réaction à l'invasion allemande : celle des opportunistes qui s'adaptent aux us de l'occupant en reniant du jour au lendemain leur propre héritage culturel, et celle des réfractaires à tout changement, à toute compromission, qui s'accrochent à des traditions moribondes.
Dans les deux cas, le mode de vie, les croyances indigènes sont vouées à disparaître... ce qui amène à nous interroger sur le sens de la survie d'un peuple qui a perdu tout ce qui faisait sa particularité.
Quelle importance doit-on accorder à la sauvegarde des patrimoines -notamment immatériels- qui caractérisent les communautés ? Comment trouver l'équilibre entre l'assimilation de nouvelles technologies, de nouvelles croyances, et la conservation des savoirs hérités des aînés ?

Andrus Kivirähk n'apporte pas véritablement de réponse, et c'est sans manichéisme qu'il développe son propos. Il exprime autant d'ironie envers les villageois obtus qui se sont imprégnés sans discernement de la culture -religieuse, social, économique- apportée par l'envahisseur, qu'envers certains habitants de la forêt incapables de se détacher de vieilles superstitions invraisemblables, qu'ils imposent avec violence. Il pose sur l'ensemble de ses personnages un regard dénué de tout sentimentalisme, et ne succombe à aucun moment au travers qui consisterait à idéaliser le passé et le mode de vie ancestral des estoniens. L'existence dans la forêt, loin du rêve bucolique de quelque aspirant écolo, est ainsi décrite comme rude et parfois barbare...

L'autre intérêt de "L'homme qui savait la langue des serpents" est de mêler réalité historique et univers fabuleux. La fantasmagorie populaire s'y heurte au pragmatisme qu'imposent les contraintes du quotidien apporté par "les hommes de fer". Pendant que les nouveaux villageois se familiarisent avec les moissons et la prière, les femmes de la forêt s'adonnent à l'adultère avec des ours, serpents et individus cohabitent, pour hiverner, dans un même terrier, d'autres capturent le vent dans des sacs...

Au-delà de sa dimension "philosophique", ce roman, épopée à la fois tragique, sanglante et merveilleuse, représente donc également un véritable divertissement.
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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Aujourd'hui, au programme, un voyage en Estonie, grâce à un roman aux allures de saga fantastique. Roman que je qualifierais d'ailleurs de fantastique, sans aucun doute !

J'ai découvert ce roman lors d'un stage en librairie, en décembre dernier. On me l'avait présenté comme un roman empreint de réalisme magique (vous savez, ce petit côté de merveilleux à la Gabriel Garcia Marquéz), qui faisait plonger au coeur du folkore estonien. Je me suis donc dit que ça pouvait changer de ce à quoi j'étais habituée, alors je me suis finalement lancée.

On ne m'avait pas menti. J'ai effectivement retrouvé le réalisme magique : les estoniens "primitifs" vivaient, d'après ce roman (qui se déroule au Moyen-Âge, lorsque l'Estonie fut envahie par les soldats teutons), dans un monde peuplé de créatures surnaturelles : une Salamandre redoutable, un poisson à la barbe immense, vieux de plusieurs centaines d'années... et surtout, des serpents qui parlent ! Enfin, qui sifflent, en réalité, mais qui ont une langue bien à eux, que les humains apprennent pour communiquer avec eux (car ils sont amis), et pour contrôler les autres animaux (obligés de se plier aux injonctions de la langue des serpents).



Seulement, ce monde primitif est confronté à l'invasion des soldats teutons, qui apportent avec eux la culture moderne, notre culture occidentale. Un phénomène de mode pousse alors la plupart des estoniens à quitter la forêt, où leurs ancêtres avaient toujours vécu en harmonie avec la nature, pour aller fonder un village, labourer les champs afin de manger du pain (nourriture qui leur était inconnue, apportée par les soldats), et se convertir au christianisme. Mais quelques familles s'obstinent à rester dans la forêt, et à rejeter ces coutumes qui ne sont pas les leurs. Ils entrent donc dans un combat symbolique contre leurs pairs qui ont préféré oublier la langue des serpents : pour un bon chrétien, un ami des serpents, c'est un suppôt du Diable...

C'est donc une véritable lutte entre tradition et modernité que ce roman nous présente, le tout en portant un regard très ironique et mordant sur les fondements de notre société occidentale. L'homme évoqué par le titre sera-t-il le dernier de son espèce à connaître la langue des serpents, ou bien parviendra-t-il à transmettre à un autre la richesse de sa culture ?

Les éditions du Tripode ont eu la bonne idée de faire traduire ce roman, qui nous ouvre à une culture méconnue, et qui nous oblige à remettre la nôtre en question. On regrette juste que le roman mette du temps à commencer : le début est un peu longuet... Mais une fois lancés dans l'action, plus question de lâcher le livre !!
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C'est un livre dont il faut lire la préface et la postface.
L'histoire se passe en Estonie au XIIIème siècle. le pays païen est conquis par les chevaliers teutoniques qui amènent la religion chrétienne et l'organisation hiérarchique en château/paroisse/village.
De nos jours, on idéalise l'ancienne vie en communauté vivant au contact de la forêt...

Le roman laisse la parole à Leemet, le dernier à parler la langue des serpents. La langue qui permet de parler aux animaux de la forêt. Il raconte son histoire faite de rencontres avec ceux de la forêt et ceux des villages ... les modernes, les croyants.

Avis

En lisant d'autres avis, j'avais noté le côté pamphlétaire du roman. C'est une critique déguisée de la société estonienne contemporaine qui idéalise ces temps anciens. Il y a il est vrai de fréquents moments jubilatoires. Andrus Kivirähk se moque des croyances avec un style très affété.

Mais ce qui m'a le plus marqué c'est la solitude inexorable de Leemet.
Il est le dernier à parler la langue des serpents. Il est dernier de sa famille qui est une des dernières de la forêt. À de multiples reprises, il se dit "le dernier". C'est un roman de la perte.
Amis, famille, connaissance tout se perd et parfois brutalement. Il s'en dégage une profonde tristesse.

Les modernistes dans le roman sont les villageois qui ayant quitté la forêt vivent misérablement de l'agriculture. Ils acceptent cette nouvelle vie sous le joug de la religion chrétienne. Ils idolâtrent réellement les chevaliers, les moines, le pape ... toute leur nouvelle vie. J'aurais aimé qu'ils soient plus subtils. Ils passent aux yeux de Leemet pour des abrutis finis.

Les habitants de la forêt sont dépeints avec beaucoup plus de nuance. Il y a de vraies pourritures, des personnes qui régressent ... des passéistes dangereux. C'est la grande force du livre. Il n'idéalise aucunement la vie en communauté d'alors.

Le rythme est assez inégal. de longs chapitres parlent de la vie solitaire de Leemet et de sa solitude grandissante. Ils sont suivis, surtout en fin de livre, de chapitres de confrontations rapides et très condensés.

L'écriture est subtile. le style est incisif. La traduction est bonne. Mais malgré une bonne introduction et des notes éclairantes, beaucoup de choses m'ont échappé. Je ne connais en effet rien de l'histoire estonienne et de sa culture.

Conclusion

Un roman bien écrit mais au rythme inégal. La solitude omniprésente et irrémédiable est heureusement ponctuée de critiques acerbes et jubilatoires.
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Pour ma part, c'est plutôt une appréciation en demi-teinte...

Certes, cette histoire, que dis-je, ce conte, est ultra original et il ne ressemble à rien de tout ce que j'ai pu lire jusqu'ici. En des temps lointains, les hommes parlaient encore avec la nature, et notamment avec les serpents. Ils vivaient dans la forêt qu'ils respectaient tout en se nourrissant de ce qu'elle leur offrait : fruits et plantes, mais aussi gibier. Mais voilà que des hommes armés et casqués se sont aventurés sur ces terres isolées du monde, au fin fond de l'Estonie, et ont commencé à y semer la pagaille. Batailles d'abord entre les hommes de fer et ceux de la forêt, puis exode massif de ceux des bois vers les villages, pour devenir cultivateurs.

Leemet fait partie de la dernière génération de la forêt, même s'il a un temps vécu au village lorsqu'il était enfant. Il sera même le dernier homme à apprendre à parler la langue des serpents, initié par son oncle. Une langue qui permet de communiquer avec les serpents, mais aussi avec quelques autres animaux de la forêt, tout du moins ceux qui ne sont pas aussi stupides que les insectes ou les hérissons ! Une langue qui permet de se nourrir, également, sans être obligé de se tuer le dos en labourant comme le font les villageois. Une langue utile, indispensable pour vivre en forêt et dont Leemet ne comprend pas qu'on puisse vouloir l'oublier.

En entrant dans cet ouvrage, il nous faut, nous lecteurs, oublier nos repères et nous laisser guider, comme dans un conte de fées, car tout ici est magique, et irréel. Les femmes peuvent épouser des ours, et ceux-ci sont même parait-il de sacrés bons coups, en tout cas bien chauds et aimant la chair fraiche, on mange des élans à tout bout de champ, on vole à l'aide d'ailes faites d'os humains bouillis, on a peur des esprits, on attrape les vents, on a pour amis des australopithèques éleveurs de poux, et même un pou géant de la taille d'un chien, on rêve du retour de la salamandre ailée, on discute avec les baleines, on hiberne dans les terriers des serpents et on a des crochets à venin dans la bouche… Et encore, je ne vous raconte pas tout ! Bref, il faut se laisser porter et croire, croire en cette belle histoire qui est malgré beaucoup d'humour un peu triste. Car c'est à la fin d'un monde que nous assistons, aux derniers sursauts d'une époque, de coutumes, de croyances, à la mort d'un peuple. C'est une fable, certes, mais c'est aussi un pamphlet, comme l'auront reconnu les Estoniens qui ont salué la parution de ce livre en lui taillant un succès envié.

Car même si notre époque ne ressemble en rien à celle où vit Leemet et si nous sommes loin maintenant de la vie en forêt, nous ne pouvons pas nier être à un tournant : il faut voir à quelle vitesse et quelle facilité nous oublions nous aussi les leçons des Anciens, comment nous renions nos origines, nos croyances, notre foi, comment nous tournons le dos aux valeurs érigées par les générations précédentes… et ce, pas uniquement dans la lointaine Estonie… Et bien sûr, nous pouvons transposer la non-compréhension totale –qui devient une véritable guerre- entre ceux de la forêt et ceux du village par les murs qui se dressent entre différents pays, différentes religions, différents mode de vie ou de pensée. Les uns sont des sauvages, les autres des idiots, mais chacun ne voit que le devant de sa porte sans chercher plus loin…

Les critiques sous-jacentes de l'auteur sur la religion m'ont beaucoup amusée et j'ai adoré aussi ses descriptions de la bêtise humaine, dans toute sa splendeur. Certains dialogues sont savoureux et plusieurs des scènes totalement loufoques, absolument jubilatoires. Mais j'ai cependant été déçue par le livre dans son ensemble. Je l'ai trouvé long, très long, et lent. J'ai aussi été rebutée par certaines tournures de style qui m'ont semblé totalement incongrues, des « super chouette » ou des expressions actuelles qui m'ont semblé totalement décalées dans ce récit naïf. Bref, si l'ensemble reste une découverte intéressante, c'est loin d'être un coup de coeur.
Lien : http://liliba.canalblog.com/..
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