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11 nouvelles de différentes longueurs. J'en ai aimé le côté humour noir, les histoires en quelque sorte inversées ou décalées. Elles nous montrent souvent l'absurdité de nos codes de la société. Comment, par la traduction d'un roman, devenir voleur ? Comment dilapider de l'argent qu'on ne veut pas ? Comment faire croire qu'on comprend une langue étrangère ? Comment grossir la clientèle de son magasin ? Comment faire pour que les autres s'aperçoivent de votre présence ? Comment dormir tranquille ? Comment rire sur du tragique ? Comment dormir en réunion et se faire apprécier ? Comment faire le deuil de son chapeau ? Comment un médecin soigne sans ausculter ? Réponses en lisant les aventures de Kornél Esti. Merci à Erik35 et Bookycooky qui, par leurs critiques, m'ont fait découvrir un singulier auteur.
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KORNEL ESTI OU L'ANARCHISTE DÉLICAT

Petit chef d'oeuvre d'humour noir et lumineux tout à la fois, Dezsö Kosztolànyi donne la pleine mesure de son talent dans ces onze nouvelles où il met en scène sont quasi alter ego, un certain Kornel Esti. Personnage tendrement anarchiste, décalé, portant un regard sévère mais sans aménité sur le monde qui l'entoure et sur la société de la Budapest des années 30, ce double pas tout à fait exact - plus justement rêvé, idéalisé de lui-même - nous entraîne dans de petites scénettes en tout point parfaites tant elles sont rythmées, élégantes, crédibles jusque dans le plus incroyable, désespérées, sans doute, mais avec juste ce qu'il faut de distance, de raffinement, d'ironie pour ne pas sombrer dans un humour plus sombre, plus violemment cynique. Sans trop se tromper, on trouvera sans doute une certaine communauté d'esprit avec l'auteur tchèque un peu plus proche de nous dans le temps, Milan Kundera. On songera aussi, pour l'humour, à un Marcel Aymé et autre Alphonse Allais. Et bien que contemporain de Franz Kafka, l'originalité de Dezsö Kosztolànyi le place plutôt du côté de la poésie du monde, même parfaitement absurde et insensé, que de l'épouvante moderne dressée et exprimée par l'immense auteur de la Métamorphose.

Anarchiste, le double de cet écrivain, poète, essayiste, traducteur, chroniqueur (etc !) des années de l'entre deux guerres, reconnu à sa juste valeur aussi bien dans son pays, la Hongrie, que par un Thomas Mann qui préfacera même l'un de ses ouvrages, il l'est assurément. Mais d'un anarchisme sans programme, sans violence inutile, sans ire ni revendication. Son message, s'il y en a un, est bien plus subtil, qui offre à notre regard la perversion du monde, les ambiguïté de nos sociétés, les malheurs que nous savons si bien provoquer nous-mêmes. Une bien belle leçon et des instants de pure grâce dont on redemanderait bien encore plus d'une page !

Ci-après, un très bref résumé des onze nouvelles constituant ce recueil publié une première fois en 1994 aux éditions Viviane Hamy. Pour être parfaitement précis, cet ouvrage est une sélection parmi toutes les nouvelles dans lesquelles on peut retrouver ce fameux Kornel Esti. L'ensemble représente en réalité deux ouvrages plus longs : "Kornel Esti" et "Les Aventures de Kornel Esti".

► le traducteur cleptomane : En compagnie d'amis, Kornel Esti évoque le souvenir de poètes et d'auteurs disparus. La discussion dérive sur le destin étrange et tragique du traducteur et ancien ami Gallus dont le drame -ainsi que le sournois vice - était d'être cleptomane. Finissant par se faire attraper, il est condamné à deux ans de prison. Son ami Kornel se démène pour lui retrouver du travail et fini par lui obtenir la traduction d'un polar sans intérêt et peu payé mais toujours mieux que rien. Hélas, notre homme est à ce point sous l'empire de son vice que sa traduction en pâti à chaque lignes. Ainsi disparaissent, du texte original vers la traduction, des dizaines de bijoux, des milliers de livres-sterling, des valises, des montres-gousset, jusqu'aux fenêtres et aux cheminées des châteaux décrits... Quand ce ne sont pas les châteaux tout entiers qui s'engouffrent dans les abîmes de cet esprit fin mais dévoyé ! Impossible, dès lors, et malgré la grande finesse du reste de la version, de payer le moindre sous à ce bien étrange traducteur dont notre narrateur finira par perdre totalement la trace.

► L'argent : où, comment se débarrasser discrètement d'une somme de deux millions de Marks dont on a hérité, dont on ne veut pas, parce lorsque l'on se prétend poète, à Budapest, on ne peut raisonnablement pas être argenté. Kornel Esti est absolument définitif sur ce point : «Écoute, un poète riche, chez nous ? C'est une pure absurdité. À Budapest, quiconque aura un tant soit peu d'argent, on se le représentera toujours bête comme une courge.» Mais de comprendre aussi très vite que se débarrasser peu à peu et régulièrement d'une telle somme, sans la dépenser et en ne faisant confiance qu'au seul hasard mais sans jamais se faire repérer, ce n'est, contrairement à ce qu'il semblerait, pas du tout un mince affaire... Et l'on risque même de se faire pincer comme un vulgaire... voleur !

► le contrôleur bulgare : où Kornel Esti parvient à tenir une conversation avec un contrôleur de train de nuit, tout au long de celle-ci, et sans pourtant connaître plus de deux ou trois mots -dont le "non" et le "oui" - dans cette langue.

► La ville franche : Kornel Esti eût aimer pouvoir habiter une telle ville, où la franchise va si loin que nul mensonge ne peut y séjourner, pas même sous forme de bienséance ni de courtoisie de base ; une ville dans laquelle les commerçant annoncent la couleur sur la mauvaise qualité ou le peu d'intérêts de leurs articles ; une ville où les médecins ne se force même pas à reconnaître leur ignorance face à la maladie ; une ville d'où l'on se fait exclure si l'on remercie trop diligemment par habitude polie...

► La disparition : L'histoire d'un homme, énorme, qui pourtant disparaît mystérieusement et sans explication possible ; que l'on regrette vivement, dont on plaint la triste destinée et les mauvaises affaires... Jusqu'à sa réapparition tout aussi saugrenue, et le rejet par ses anciens amis qui s'ensuit.

► le pharmacien et lui : où comment un insomniaque tâche de guérir de son trouble en se procurant chez un pharmacien cacochyme un remède contre la toux ainsi qu'un anti-transpirant puissant...

► Misère : l'histoire d'une descente aux enfers d'un poète de plus en plus désargenté, de plus en plus miséreux mais auquel ses proches font de moins en moins attention, sont de moins en moins sensible, au fur et à mesure de sa chute.

► le manuscrit : être critique littéraire et donner son avis, aussi subtil que complet sur un livre dont on n'a pas ouvert la première page - mais dont on connait l'autrice, d'un ennui fatal - peut s'avérer devenir un exercice des plus jubilatoires et profitables...

► le président : Il n'est pas donné à tout le monde d'être un model de présidence d'une association culturelle organisant colloques, lectures et autre conférences. Celui que Kornel Esti nous présente-là est doté d'un don exceptionnel : il s'endort à l'instant même où il a achevé la présentation de son invité, parvient à ne jamais sombrer au point de s'étaler sur le bureau devant lui et se réveille invariablement quelques instants avant la fin de l'intervention du causeur. Mais les temps changent, et la jeunesse qui pense toujours tout savoir et mieux faire que ses illustres anciens fait souffler un vent de révolte contre cet homme pourtant débonnaire...

► le chapeau : C'est le récit du décès, atroce et accidentel, du chapeau melon de Kornel Esti tandis que ce dernier traversait une route. de se souvenir de son couvre-chef comme s'il évoquait une personne connue.

► La dernière lecture : où Kornel Esti raconte les péripéties presque kafkaïennes qu'il vit dans l'hôtel où il est venu faire une lecture de ses textes... Et qui pourrait bien s'avérer la dernière...
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Un cleptomane incurable qui dérobe même des objets dans les textes qu'il traduit, réduisant le nombre de chandeliers dans une pièce, ou le montant que contient un portefeuille ; un heureux héritier qui veut vivre comme avant et qui n'arrive pas à gaspiller son argent ; un critique littéraire qui parvient à donner une analyse complète et brillante d'un livre qu'il n'a pas lu ; un président de conférence qui s'endort après avoir présenté l'interlocuteur du jour, et se réveille juste à temps pour chanter ses louanges.

Chacune des onze nouvelles nous surprend, nous bouscule, nous amuse, nous charme. Cet ouvrage est une petite perle à déguster sans modération !
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Quand, au hasard d'une recherche dans une bibliothèque, visage en biais pour lire la tranche des livres, on trouve un petit ouvrage « le traducteur cleptomane » écrit par un inconnu, on ne peut être qu'intrigué. Quelques lignes au hasard….et de suite cette impression de tenir en main quelques heures de plaisir, quelques heures de découverte..L'envie d'en lire plus
Onze petites nouvelles, onze petits bonheurs, onze petites occasions de sourire de notre monde. Écrites il y a plus de quatre-vingt ans elles restent, malgré tout, toutes intemporelles. Elle sont toutes là pour nous faire sourire de notre monde, des comportements humains, de notre rapport à l'argent. Toutes choses qui ne varient pas avec le temps.

Qui n'a pas connu, un jour ou l'autre, un président de conférence ou de séance qui somnole pendant la conférence et arrive à faire l'éloge du conférencier. Et si les commerçants affichaient « Vêtements chers et de mauvaise qualité. Prière de marchander car on vous gruge »....Comment détruire un texte quand on est à la fois traducteur et cleptomane incorrigible ?
Déjantées, fantasques ou fantastiques, ces nouvelles pince-sans-rire, repoussant parfois les limites de l'absurde rappellent souvent l'humour d'Alphonse Allais, de Philippe Geluk, de Coluche, de Marcel Aymé…Pardon pour ces apparentements
Peut-être la découverte de l'humour hongrois
« Les Francais filent «à l'anglaise» et les Anglais «à la française». Il existe toutefois une autre sorte de disparition, et, sans pour autant flatter à l'excès, partialité qui se comprendrait, notre vanité nationale, nous pouvons dire qu'elle est, cette sorte là, notre spécialité. Si quelqu'un qui n'a pas d'emploi, pas de travail, qui en a plus qu'assez de ne pas manger à sa faim, quitte sa famille, et les plaisirs qu'elle représente, et si du haut d'un pont, cinq ou six kilos de pierres dans les poches, il se jette tout droit dans la Danube, ou s'il plonge du cinquième étage, la tête la première, sur les dalles de la cour intérieure, alors il disparaît celui-là, «à la hongroise». »(P. 65)
Quelques heures de sourire assuré et de philosophie aussi
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Un plaisir. Un pur bonheur de lecture. Dezsö Kosztolanyi. Humour, fantaisie, poésie. Un style. Une élégance. Imprévisible , terriblement drôle, tendrement efficace, d'une intelligence redoutable. Folie du monde, absurdité des hommes. Insuffisance, abondance, tout est dans l'action. Dans le rêve, dans l'abandon. Rien n'est prétexte, tout est occasion. Ce « Kornel Esti » nous manque déjà. Vite ! le retrouver ! Lire encore, retrouver ce plaisir, sourire « à nous », à la vie, à ce que nous file entre les doigts. Ce temps qui emporte si vite, si loin, nos devenir les plus fous.
Il y a bel et bien des chefs d'oeuvre à Budapest. En voilà quelques nouvelles !!!

Astrid Shriqui Garain
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J'ai passé un excellent moment avec Dezsö Kosztolànyi, que je découvrais avec ce livre. En entrant et en fouillant dans les rayonnages de la librairie L'invit à lire (Paris, 10è), je suis tombé sur cet ouvrage dont le titre m'a immédiatement tapez dans l'oeil.

Nous suivons les aventures de Kornél Esti, sorte de double littéraire de l'auteur si l'on en croit la postface et qui dans une cinquantaine de nouvelles permit à l'auteur de dire ou de faire ce qu'il ne pouvait pas dans la vraie vie.

C'est parfois loufoque, souvent drôle, touchant, profond. J'ai vraiment découvert un auteur atypique et attachant.

Dans ce recueil de onze nouvelles, comment ne pas être séduit par cette nuit dans un train entre un contrôleur bulgare et Esti ne parlant pas un mot de cette langue vont bavarder presque sans discontinuer.
Que dire de ce traducteur ayant tout perdu du fait de sa cleptomanie. Il ne pouvait pas se contrôler et ne fut pas capable de résister devant des pages à traduire à faire disparaitre chandeliers, argenterie et bijoux de famille.
Et cette visite dans une ville où tout n'était qu'honnêteté : les chausseurs annonçaient "Chaussures à s'abîmer les pieds.", le tailleur "Vêtements chers et de mauvaise qualité." et les restaurateurs "Mets immangeables, boissons imbuvables. C'est meilleur chez vous."

Tout le livre est ainsi fait, à la fois, drôle, subtil et donnant à réfléchir.
J'ai hâte de retrouver cet auteur hongrois.
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Voici un ouvrage original. Dezsö Kosztolányi, auteur hongrois du début du XXe siècle, y met en scène un personnage qui pourrait être son double, son alter ego. Kornél Esti est le fil conducteur de ces onze nouvelles. C'est souvent le protagoniste ou celui qui narre l'épisode qui s'amorce. Chacune des nouvelles de ce recueil présente une certaine sensibilité envers la langue ou la communication, on en fait l'éloge tout en y relevant les incongruités. Chaque épisode est raconté avec une certaine distance qui rend l'humour ou l'ironie encore plus décalés. Mais, derrière l'insolite, on trouve une certaine critique de la société. On met en lumière ses incohérences et, par là, les textes de Kosztolányi rappellent Kafka alors même qu'on peut y déceler une ressemblance avec Calvino. J'ai adoré cette incursion dans le monde étrange de Kosztolányi et me promets d'explorer d'autres aventures de cet énigmatique Kornél Esti.
Lien : https://rivesderives.blogspo..
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Ce recueil de onze nouvelles écrites dans les années 30 a pour personnage principal Komel Esti qui nous conte des histoires absurdes, pleines d'un humour grinçant, parfois noir ou simplement bizarres. Il y a bien sûr celle du traducteur qui pousse la cleptomanie jusqu'à son comble en volant les biens, propriétés, bijoux, argent dans les textes qu'il traduit, mais aussi celle d'un personnage très riche qui décrit les mille et une façons de distribuer sa fortune, celle d'un voyageur qui converse en bulgare avec un contrôleur de train alors qu'il ne connaît pas cette langue, celle d'une ville où la vérité est reine et dicte tous les actes. Les textes sont grinçants, parfois féroces, ils bousculent les codes, montrent à la lumière les incohérences de nos sociétés. C'est assez salutaire et souvent surprenant !
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Traduites du hongrois, ces onze nouvelles se déroulent dans la Hongrie des années 30. Onze nouvelles dans lesquelles, Kornel Esti, le personnage principal raconte des histoires à ses amis, petits contes philosophiques tous plus loufoques et absurdes les uns que les autres.
Un traducteur à la cleptomanie si aiguë qu'il ne peut s'empêcher de faire disparaître argent, bijoux ou propriétés du texte qu'il doit traduire... Un poète hérite d' une fortune dont il ne sait quoi faire car il veut continuer à vivre modestement, et use de mille subterfuges pour parvenir à se débarrasser du trop perçu... Un voyageur qui ne sait pas un mot de bulgare parvient à soutenir une conversation dans cette langue avec un contrôleur de train... Quelque part existe une ville où tout le monde met un point d'honneur à ne dire que la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. La vie en est-elle plus agréable ?...
Une observation attentive, désabusée et bienveillante des comportements humains à travers de bien étranges petites histoires...
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Superbes nouvelles sur les hommes et la vie.Ma préféré est "L'Argent".C'est l'histoire d'un homme qui ne sait que faire avec l'héritage qui lui tombe dessus à l'improviste...il va le distribuer d'une manière fabuleuse.
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