Citations sur Le pingouin (146)
- C'est quoi le point commun entre le pingouin et la télé? demanda Sonia en passant la tête par la porte de la véranda.
Serguei et Victor se regardèrent.
- Ils dorment debout tous les deux? tenta Vict-or.
- Non, répondit la fillette. Ils sont tous les deux noir et blanc !
Sur quoi elle referma la porte.
- Ça c'est fait comme ça, répondit-il. J'ai pas de chance avec les femmes. Je tombe que sur des extraterrestres ; calmes, discrètes, elles restent un temps avec moi, puis elles disparaissent... J'en ai eu marre, j'ai pris un pingouin, et je me suis tout de suite senti mieux. Mais il est toujours triste, je me demande ce qu'il a... J'aurais peut-être dû adopter un chien... C'est comme même plus démonstratif, ça aboie quand tu arrives, ça te lèche, ça remue la queue...
Le silence relatif, seulement troublé par le pingouin qui déjeunait, ramena Victor au temps où ils vivaient seuls tous les deux, tranquilles, muets, sans attachement très marqué, mais avec ce sentiment de dépendance réciproque qui créait presque un lien de parenté, comme quelqu’un dont on s’occupe quand on est amoureux :
Il songea que c’était une drôle d’époque pour un enfant, un drôle de pays, une drôle d’existence, qu’on n’avait pas même envie de chercher à comprendre : juste survivre, pas plus...
Une fenêtre éclairée brillait dans l’immeuble d’en face. Il regarda mieux et aperçu une femme.
Assise à une table, elle lisait. Il était impossible de discerner son visage, mais Victor éprouva soudain une grande sympathie à son égard, comme si elle avait été sa compagne de malheur.
Il la regarder lire ; le menton entre les mains, immobile, elle bougeait simplement sa main droite pour tourner les pages.
Il s'assit et posa la feuille entre lui et la bougie. La page blanche devait être remplie. S'il avait été poète, il aurait fait courir une ligne rimée sous sa plume. Mais il n'est pas poète. C'est un écrivain enlisé entre journalisme et prose médiocre. Ce qu'il réussit le mieux, ce sont les courtes nouvelles. Très courtes. Tellement courtes que į même si on les lui payait, il ne pourrait en vivre.
[...] Micha, le pingouin, se promenait dans le couloir sombre, cognant de temps à autre à la porte fermée de la cuisine. Victor finit pas se sentir coupable et lui ouvrit. Il s'arrêta près de la table. Haut de presque un mètre, il parvenait à embrasser des yeux tout ce qui s'y trouvait. Il fixa d'abord la tasse de thé, puis Victor, qu'il examina d'un regard pénétrant, comme un fonctionnaire du Parti bien aguerri. Victor eut envie de lui faire plaisir. Il alla lui préparer un bain froid. Le bruit de l'eau fit immédiatement accourir le pingouin, qui s'appuya au rebord de la baignoire, bascula et plongea sans attendre qu'elle soit pleine.
Les idéalistes fous n'existent plus en tant que classe. Restent les pragmatiques forcenés...
Micha fut heureux de retrouver son maître. Il était déjà dans le couloir lorsque celui-ci entra et alluma.
- Salut mon grand !
Victor s'accroupit et l'observa. Il lui sembla que Micha avait sourit.
Effectivement, des étincelles de joie brillaient dans les yeux du pingouin, qui fit, maladroit, un pas vers Victor.
"Il y a au moins quelqu'un qui m'attend en ce bas monde ! pensa-t-il. Il se releva, quitta sa veste et passa dans la salle. Le pingouin le suivit en se dandinant.
Tu comprends, Sonia, il doit avoir envie de retourner chez lui, et chez lui, c'est très très loin.
- Vraiment complètement loin ?
- Oui, en Antarctique.
- Où c'est l'Antarctique ?
- Imagine que la terre est ronde. Tu y es ?
- Comme un ballon ? Je vois.
- Et bien, nous sommes en haut du ballon et les pingouins vivent en bas, presque en dessous par rapport à nous...
- La tête en bas ? dit-elle, riant à cette idée.