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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
On va la faire concise : Kundera m'avait emballée dans La valse aux adieux, je me suis un peu perdue en revanche dans La vie est ailleurs. Construction déroutante, personnages baroques auxquels j'ai eu du mal à m'attacher… je m'en veux presque de n'avoir aimé qu'à moitié.

Rendez-vous un peu manqué donc – je devais être ailleurs moi aussi ce jour là – mais qui ne m'empêchera certainement pas de revenir à Kundera. Si vous avez des conseils n'hésitez pas...


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Jaromil sera poète, car sa mère se faisait (mal) baiser en regardant une statue d'Apollon, dieu des Muses. Son mari prosaïque et qui ne voulait pas d'enfant, recouvrait le dieu grec d'une chaussette. Par vengeance et idéalisme le fils sera poète, la mère sera omniprésente. le ton est donné par ce postulat narratif, et l'on pourrait suivre seulement cette piste : celle du poète ridiculement couvé et croyant à des « dons », puis les trahissant « à la Rimbaud » pour le soleil sans ombre du Réel, et, ici, le soleil de la Révolution communiste tchèque. C'est l'argument de base après tout.
Mais de lui-même le roman induit des failles dans ce récit : un double apparaît, le narrateur fait ses commentaires, glisse ses parenthèses, introduit du jeu, du recul critique et acerbe, se montre et montre de plus en plus la machinerie, s'amuse certes de la naïveté dudit « poète » mais laisse aussi des fenêtres ouvertes sur la poétique elle-même. le miroir de la poésie n'est pas lisse et des ombres se glissent dans l'onde de mercure.
Kundera ne vise pas dans ce livre à une simple dénonciation d'un mauvais poète, du poète enfant gâté passé au « réalisme socialiste », mais de la poésie lyrique dans son ensemble. Enfin non. Pas de la poésie lyrique exactement, du lyrisme et de ses dangers. du lyrisme des idées, des absolus, des abstractions.
La haine de la poésie a plusieurs visages. Celui de Don Quichotte contre les moulins, celui de Valéry, celui de Caillois et même celui de Bataille qui écrivit "La haine de la poésie" (qu'il renomma "L'impossible"). A chaque fois il ne s'agit peut-être pas tant une dénonciation et une condamnation du genre qu'une réflexion. Ici est questionné ce que Blanchot nomme la fascination de l'espace littéraire. L'espace littéraire est un piège, et le roman - comme la poésie - est un piège, une fascination trompeuse et le livre de Kundera ne cesse de le rappeler, directement à travers l'histoire de Jaromil s'aveuglant sur la poésie et la révolution, subtilement, en sapant les bases de son récit, en nous montrant peu à peu le piège narratif qui nous force à l'identification avec Jaromil alors même que celui-ci même se rêve d'autres vies, puisque « la vraie vie est ailleurs » comme disait Rimbaud. Bel enchâssement de fuites narratives.
Dans le réquisitoire de la poésie qui se lit dans « La vie est ailleurs », c'est l'opposition du réel et du rêve, de l'imagination et de l'action, qui ne tiennent pas. L'innocence du poète est un mythe, mais la poésie qui perd sa virginité sous la rudesse du réel lui-même fantasmé peut-être pire encore…
Ainsi le roman de Kundera semble dénoncer l'idéalisme propre au lyrisme, l'aspect fusionnel abandonnant l'esprit critique, d'ailleurs moins au niveau individuel (celui de Jaromil), que celui, collectif, que l'on fait jouer à Jaromil : exaltation de la « masse et de la puissance ». Cependant le pendant du rêve, de l'idéalisme et du lyrisme : l'action, dans laquelle se perd le héros est tout aussi frappée d'inanité, et se trouve même plus terriblement décevante. Là se révèle tout autant la ridicule vanité de Jaromil, son orgueil et la virilité toujours très mal placée qui culmine dans l'acte de dénonciation. Kundera ne nous libère pas de cette alternative condamnée à l'aporie. Il laisse ce dilemme non résolu, où les poètes, comme le disait Baudelaire, rêvent d'une époque où « l'action serait comme la soeur du rêve » mais que le réel (comme le roman, ici) invalide comme rêve impossible. Et cet impossible, c'est bien aussi la poésie, comme le notait Bataille. Car en creux, dans ce procès du poète, se lisent cependant tout un bel hommage à la poésie lyrique (les surréalistes, Rimbaud, Lermontov, Celan, et d'autres poètes tchèques), malgré ses écueils, ses aveuglements, ses beautés trompeuses. Même les bouts de poésie de Jaromil que l'on nous laisse à lire ont un charme certain.
Kundera joue avec son lecteur, et le pousse à revenir sur ses postulats romanesques et romantiques pour y laisser flotter l'ombre du soupçon qu'il confirme dans les derniers chapitres.
Lien : http://lucienraphmaj.wordpre..
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J'adore Milan Kundera et son style d'écriture si particulier. Même si je n'ai pas été renversée par La vie est ailleurs comme je l'ai été par L'insoutenable légèreté de l'être, j'ai beaucoup apprécié ma lecture. On y suit Jaromil, le personnage principal, dans la Tchécoslovaquie de la seconde guerre mondiale, alors qu'il découvre le monde (enfance, adolescence) et la poésie. Il découvre d'abord les relations avec des camarades de classe (différence de milieux) puis plus tard l'amour. Jaromil va grandir dans un univers où il ne sera jamais vraiment libre, ce qui va beaucoup conditionner son rapport aux autres et en particulier aux femmes.
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KUNDERA : la vie est ailleurs
Je n'ai pas aimé relire ce livre. Certains détails passés inaperçus à la première lecture — il y a de cela quelques années— et qui relèvent d'une volonté délibérée d'écrire un roman à thèse (une constante chez Kundera, mais qu'il sait souvent faire passer avec brio), m'ont laissée mal à l'aise. C'est la généralisation à outrance : on a le poète, la mère, le peintre, la rousse, la cinéaste, le quadragénaire, etc. ; une terminologie qui efface toute singularité. Seul Jaromil sera nommé, ainsi que Xavier, l'oeuvre et le rêve du poète qui apparaitra plus tard comme son double.
Je ne suis pas convaincue par cette image du poète narcissique égocentrique, en mal de distinction, prisonnier de l'amour d'une mère abusive et castratrice.
Le déroulement de l'histoire tend à être la genèse du/d'un poète :
Cela commence par la mère, une femme déçue par son amour de jeunesse, l'homme qu'elle a épousé. Enfoncée dans la frustration et dans la désillusion, elle reportera sa passion sur son fils dont elle s'émerveillera des moindres gazouillis. L'enfant fera des rimes un peu par hasard et remarquera que cela permet de focaliser l'attention sur lui. Il récidivera, et le phénomène se reproduisant toujours avec les mêmes effets, il en fera un système ; il adoptera une posture qui lui permettra de bénéficier d'une entrée dans le monde gratifiante. Mais il est désormais à la merci du regard des autres. On peut dire qu'il est tombé dans le premier piège du lyrisme ou la fiction devient réalité.
Plus tard, la mère présentera Jaromil à un peintre qui deviendra son amant. le peintre la force à lire des livres dont elle ne comprend pas le sens, tracesur son corps nu des signes cabalistiques ou des dessins à l'encre avant de faire l'amour. Il en fera sa chose, il veut la posséder en totalité, mais c'est en fait sa propre création, son propre désir qu'il adule au point de nier l'existence de la femme. Elle finira par se sentir étouffée et le quittera, prenant pour prétexte qu'elle a à coeur de ne pas choquer son fils par cette liaison.
Jaromil dont la mère a vanté les dons (il dessine des hommes à tête de chien) séduira temporairement le peintre par son originalité ; il l'initie au surréalisme et lui prête des livres, puis Jaromil échappera peu à peu à son emprise pour se fondre dans le paysage révolutionnaire de la Tchécoslovaquie, alors sous régime communisme, qui s'avère être lui aussi un autre piège tissé d 'une fiction celle de l'idéologie. Il devient le poète du réalisme socialiste.
En filigrane, le monstre maternel continue à tendre ses filets pour mieux l'emprisonner allant même jusqu'à choisir ses caleçons.
Jaromil s'avère un personnage peu sympathique, centré sur lui-même, d'une intelligence médiocre, malgré une sensibilité exacerbée et, surtout, demeure incapable de prendre son autonomie. Il finira par comprendre néanmoins que la vie est ailleurs (référence à Rimbaud). Il aspire à être un homme, et par dépit, ayant échoué dans sa première relation amoureuse à cause de l'omniprésence de sa mère, il rencontrera une femme qu'il veut à son tour posséder totalement, la rousse, dont il fera sa chose. Celle-ci a beau être simple, soumise, malléable à souhait, elle lui échappera. Et la jalousie de Jaromil le poussera à dénoncer son frère (qu'elle lui a présenté comme un révolutionnaire prêt à s'exiler en pays étranger) pour éprouver sa toute-puissance, convaincu d'avoir accompli son devoir, sans la moindre once de culpabilité.
On apprend par la suite que la rousse avait menti pour ne pas lui dire qu'elle était chez un autre homme (le quadragénaire avec qui elle venait de rompre définitivement par amour pour Jaromil). Elle devra subir des interrogatoires, sera emprisonnée par le régime en place et sortira au bout de trois ans, après la mort de son ancien amant. Son frère, quant à lui, aura disparu, sans doute éliminé par la police.
Jaromil, alors encensé et au sommet de sa gloire, se trouvera, brusquement, en situation d'humiliation à la suite d'une polémique entre poètes. Il est accusé de lâcheté (il affirme avec virulence son indifférence envers le sort du peintre qui a été taxé de Bourgeois et mis au ban de la société par les communistes). Conspué, tourné en ridicule par un de ses confrères, il se réfugiera sur le balcon, dans la nuit glaciale, pour se cacher (échapper cette fois aux regards des autres) et attrapera une pneumonie.
Il décède quelques jours après.
Mort par le froid ; autant dire dans la solitude la plus extrême.
le roman est parcouru par de nombreuses références aux poètes connus (Hugo, Rimbaud, etc. et à des écrivains tchèques.) S'il est vrai que le parallèle est parfois troublant et donne à méditer, il reste très parcellaire et ne fait pas pour autant de Jaromil un poète. Ce Jaromil a quelque chose d'inauthentique, fait preuve d'une fermeture à l'autre qui confine à l'autisme. Il n'est pas visionnaire ; il n'est pas possédé par la musique des mots au point d'en faire sa passion. La poésie n'est pour lui qu'une posture, un signe de distinction et un point de fuite parmi tant d'autres.
Une démystification du lyrisme et de la poésie? Pourquoi pas ; mais le personnage ne me semble vraiment pas à la hauteur.

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Milan Kundera a pris l'habitude de décortiquer les petites habitudes de ses semblables et d'en faire des livres. Fin observateur, il aime également faire des ouvrages à thèse, avec une idée forte, plus ou moins explicite dans le roman, qui va travailler celui ci du début à la fin. Dans La vie est ailleurs, je n'ai pas bien réussi à identifier cette thèse. Elle est là et on la sent dans les parallèles nombreux entre la vie de Jaromil et celles de poètes connus : le rapport à la mère, la vie par procuration, l'innoncence qui confine à la bétise.

Le livre est plein d'une ironie acerbe contre la figure du poète lyrique qu'incarne Jaromil. Celui-ci, pauvre type, doué pour la poésie mais nul dans tout le reste, est aussi égoïste que perdu dans une société où le totalitarisme s'installe.

Il y a de très jolis réflexions sur la poésie lyrique. Réflexions souvent dérangeantes, mais qui touchent juste. Surtout cette idée que « l'univers de la poésie est donc celui du mensonge, de la comédie, du masque, les mots ne servant qu'à tricher avec le monde » (analyse de M. Baglin).

Le livre est aussi intéressant pour ce qu'il apprend sur l'époque communiste en Tchécoslovaquie dont je ne connaissais à peu près rien.

Je ne sais pas trop quoi penser de ce livre. Des moments intéressants, mais dans l'ensemble j'ai l'impression de ne pas avoir entièrement saisi ce que Kundera essayait de transmettre. de plus, cette volonté de chercher un point commun à plusieurs poètes et les concentrer dans Jaromil m'a parfois géné ; à force ça tournait presque au ridicule de cherchait dans des bouts de vie une leçon sur ce qu'est le lyrisme en poésie.

Bref, il me manque encore L'insoutenable légèreté de l'être de cet auteur, et je vais le lire avant de me faire une opinion sur Kundera. Ce livre là ne m'a pour le moment pas vraiment convaincu.
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Vers une réconciliation avec cet auteur que j'ai eu du mal à cerner durant ces années de découvertes littéraires. Ici, c'est surtout le style et la profondeur qui me plaisent. Kundera est un auteur assez particulier mais je souhaite le découvrir à présent, après avoir longtemps galéré sur son « insoutenable légèreté de l'être » que je compte relire tout de même. La relation fusionnelle entre Jaromil et sa mère est le leitmotiv de cette histoire, avec en toile de fond le contexte politique particulier de cet après-guerre à Prague. Dérangeant par moments, ce roman est également une ode à la poésie qui ne peut laisser indifférent.
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