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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Si la vie humaine était éternelle, la mort ne nous serait jamais venue à l'esprit. L'existence se déploierait en dehors de toutes urgences, de tous termes. La temporalité serait comprise comme étant le mouvement en général.
Mais alors, la vie non plus n'apparaîtrait pas à l'esprit. C'est en effet parce que l'on meurt que l'on vit et parce que l'on vit que l'on meurt. La vie et la mort sont consubstantielles.
L'existence humaine réelle se déploie à partir d'un passé, dans lequel on ne peut revenir autrement qu'en souvenir, pour passer en un présent insaisissable vers un futur inconnu, alors que la mort peut constamment survenir. Or il y a tant de moyens de se distraire existentiellement, de vivre comme si l'on était éternel, comme si seuls l'expression et la connaissance comptaient, en dehors de toutes considérations pour notre finitude.
Et c'est pourquoi j'aime tant Kundera. Il s'attaque si bien aux illusions humaines qui nous distraient d'une conscience authentiquement propre à la condition humaine concrète!
Ici, citant de nombreux poètes, c'est au monde de la poésie lyrique qu'il s'attaque, ce « champ magique [où] ... toute affirmation devient vérité pour peu qu'il y ait derrière elle la force du sentiment vécu. » (402)
Le poète fuit l'angoisse de l'existence humaine réelle dans les rêves de l'imagination pure, où sa liberté débridée lui permet de s'égarer avec une force de séduction quasi irrésistible pour son entourage si le hasard veut qu'il soit talentueux. C'est que cette fuite infantile, immature, veut être adorée comme le Dieu éternel qu'il était enfant dans le petit cercle familial rempli d'amour maternel (Kundera cite Wolker sur ce point (323)).
Derrière l'idéologie politique, la volonté d'être « moderne », la jalousie (sur ce point, Kundera cite Keats(319) et Hugo (331)), se manifeste l'exigence de l'absolu au présent qu'implique le refus d'une prise de conscience de ce qu'est la condition humaine.
Ces douces folies, d'apparence innocentes et charmantes se déploient ainsi dans une innocence dont l'irresponsabilité absolue passe à côté de la vie et de la mort : « le mur, derrière lequel des hommes et des femmes étaient emprisonnés, était entièrement tapissé de vers et, devant ce mur, on dansait. Ah non, pas une danse macabre. Ici l'innocence dansait! L'innocence avec son sourire sanglant. » (401)
Oui, si la vie humaine était éternelle, la mort ne nous serait jamais venue à l'esprit, mais nous ne sommes pas éternels, alors méfions nous des modes d'existences qui se déploient comme si c'était le cas. Notre innocente cruauté envers notre entourage pourrait bien mener à notre propre chute (Kundera mentionne l'exemple de Lermontov (449)) et ce, de manière aussi vaine que ridicule.
Évidemment, l'histoire rapportée par le roman est triste, pathétique même, mais le message en vaut la peine et dans ce court espace où Kundera introduit le quadragénaire, on y aime aussi certains personnages, le temps d'une « pause tranquille, où un homme inconnu a allumé soudain la lampe de la bonté. » (428)
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Naissance et vie d'un poète à Prague à l'époque du changement de régime. D'un très grand poète aux yeux de sa mère. Vient l'adolescence où l'on se cherche. Comment écrire sur l'amour quand on est encore puceau ? Comment faire dormir une fille dans sa chambre quand on a la sensation de vivre chez sa mère. Cette maman trop aimante et possessive qu'il adore et déteste à la fois. Histoire d'un poète maudit qui admire Rimbaud qui ne doute pas de lui. Des scènes sérieuses, tendres, risibles, terribles, sensuelles.
Un grand Kundera sur le passage de l'enfant à l'adulte.
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C'est un peu comme si, à mesure que le niveau culturel d'une civilisation se montre de plus en plus sophistiqué, le péril qu'elle encourt devient à son tour plus grand. Rien de nouveau sous le soleil : culture et barbarie sont les deux pôles d'un même axe.


Une grande culture dans de petits esprits, des idées qui prennent toute la place et qui ne laissent plus rien pour l'humanité, voilà le péril. Croire savoir des choses alors que l'on n'a fait qu'assimiler la pâture que nous lance la société du spectacle. Croire pouvoir devenir quelqu'un d'important alors qu'on ne fait que jouer le jeu des autres.


Poésie et politique entretenaient un rapport étroit fut un temps, nous dit Kundera. Imaginez que l'on clame encore des poésies dans les journaux ou sur les places publiques. Quelle merveille, qu'on se croit imaginer, alors qu'on n'y pige que dalle ni à la poésie ni à la politique, mais on aime penser qu'il pourrait y avoir quelque chose derrière tout ça. Seulement que ce n'est pas la création qui est une merveille, mais l'utilisation que l'on en fait, le rapport que l'on entretient avec. Kundera nous parle d'une instrumentalisation silencieuse de la poésie qui en fait un outil de propagande et de lobotomisation aussi efficace que la télévision ou les réseaux sociaux aujourd'hui.


Comme si les êtres humains se précipitaient tous instinctivement vers tout ce qui peut exister pour cesser de vivre aux yeux des uns les autres.
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Milan Kundera, né à Brno (Moravie), seconde grande ville de la République Tchèque, vit en France depuis 1975, pays dont il a obtenu la nationalité en 1981. La vie est ailleurs a donc été écrit dans son pays d'origine et c'est par petites touches que l'auteur nous fait sentir tout ce qui, finalement, l'a incité à fuir.
Il s'attache au pas de Jaromil qu'il appelle « le poète », un enfant couvé par sa mère : « elle veillait sur toutes les activités du petit corps avec passion… L'animalité de son fils, élevée au-dessus de toute laideur, purifiait et justifiait à ses yeux son propre corps. »
L'enfant grandit : « il comprenait qu'il était un enfant qui prononce des paroles remarquables. » S'il a un an d'avance à l'école, « l'amour de sa maman le distingue des autres » et ses meilleurs amis sont son papa, son grand-père et Alik, « un petit chien fou. »
Hélas, arrive la guerre et les chars allemands sont à Prague. Son grand-père meurt. Dans une station thermale, Jaromil fait la connaissance d'un professeur de dessin, un peintre, et dessine des hommes à tête de chien… Plus tard, il choque sa mère en dessinant des femmes nues sans tête.
L'assassinat du maître allemand de la Bohême déclenche la répression de la Gestapo pendant que Jaromil fantasme sur Magda, la bonne, et sa mère culpabilise à cause d'une histoire d'amour avec le peintre. Son fils lit Eluard, Nerval, Desnos, Bieble et d'autres grands poètes tchèques surréalistes. Il écrit à leur manière « sans rythme et sans rime. » Quand il trouve un poème beau, il le tape à la machine et en écrit d'autres, inspiré par Magda.
Jaromil a beaucoup de problèmes avec les filles car il ne supporte pas son visage puéril : « Il marchait avec une tête triste et étrangère sur son épaule et avec un clown étrange et railleur entre ses jambes. » Sa mère est jalouse des femmes aimées par son fils : « elle se disait que les maîtresses peuvent être innombrables mais qu'une mère est unique. »
Arthur Rimbaud obsède le jeune poète qui milite à l'Union de la jeunesse et observe les profs non communistes : « C'était en fait l'examinateur plutôt que l'examiné qui subissait un examen. » Une jeune fille rousse, simple caissière, lui accorde ses faveurs mais elle ne plaît pas à maman…
Enfin, La Revue littéraire publie ses poèmes qu'il a lu « pendant la soirée chez les flics !... Au fond, qu'est-il resté de ce temps lointain ? Aujourd'hui ce sont pour tout le monde les années des procès politiques, des persécutions, des livres à l'index et des assassinats judiciaires… le poète régnait avec le bourreau. »


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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La vie est ailleurs.
J'ai lu ce livre lorsque j'habitais à Paris, pendant une difficile et longue période de grève des transports où il me fallait traverser la moitié de Paris à pied pour aller et revenir du travail. C'est le titre qui m'avait attirée tant il ressemblait à la situation que je vivais avec cette grève. La lecture a largement dépassé cette situation. Bien que la vie de Jaromil soit angoissante ( voir la superbe critique de Darkcook) j'ai lu le livre avec beaucoup d'intérêt et enchaîné avec plusieurs autres titres de Kundera.
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Ce roman retrace la vie d'un poète praguois, et particulièrement ses plus jeunes années. Ce héros est ici plutôt un antihéros, auquel il est difficile de s'identifier, un fils à maman, isolé, un peu vain et arrogant. L'auteur semble dresser ici un portrait au vitriol non pas de cet individu en particulier, mais du poète en général, quels que soient son époque, son pays, son courant, etc.. Il en ferait presque un profil psychologique, sans en avoir l'air. le régime révolutionnaire communiste est également indirectement décrit et critiqué. C'est peut-être finalement l'homme au sens de « tout homme » qui est ici mis en cause, comme la postface tente de le démontrer. J'ai trouvé cette oeuvre très intéressante, et elle n'a pas été sans me rappeler un roman qui m'a marqué : "Ferdydurke" de Gombrowicz.
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Milan Kundera / La vie est ailleurs/Prix Médicis étranger 1973
Tout d'abord, explication du titre : il faut se rappeler qu'en 1968, les étudiants de la Sorbonne avaient écrit sur les murs : « La vie est ailleurs ». En réponse au constat de Rimbaud dans « Une saison en enfer » : La vraie vie est absente. »
La poésie est le leitmotiv de ce roman, de l'enfance de Jaromil à son adolescence. Une adolescence qui ressemble en tout point à une épopée lyrique et ironique allant à l'encontre des valeurs taboues que sont l'enfance, la maternité, la révolution et même la poésie. Jaromil est un vrai poète, mais un poète un peu ridicule et maladroit. Il se dit être Rimbaud ou Lermontov, pris dans la révolution communiste dans son pays, la Tchécoslovaquie. de trochées en ïambes et dactyles pour des distiques élégiaques, Jaromil étonne son entourage.
Après avoir goûté à la peinture et au dessin, il s'adonne totalement et exclusivement à la poésie sous l'oeil vigilant et possessif de sa mère, une mère qui sacrifie tout pour son fils. Curieusement, Jaromil a la nostalgie des vers qu'il n'a pas encore écrits ; de ceux qu'il a déjà écrits il se souvient avec délectation comme on se souvient des femmes.
Adolescent il a bien du mal avec les filles puis les femmes : quelques scènes sont assez cocasses qui le montrent emprunté et timide, volontaire mais hésitant. Il en vient même en forme d'exutoire à s'imaginer un double de lui-même, Xavier, qui vit une vie aventureuse et rêveuse.
Plus tard, engagé politiquement, il évolue dans un pays, la Bohème, qui considère l'art moderne comme la manifestation monstrueuse de la décadence bourgeoise. Jaromil se demande s'il doit trahir l'art moderne ou bien la révolution dont il se réclame. Comme Rimbaud, il veut être moderne, choquer, surprendre.
Quand il fait le point, Jaromil voit derrière lui s'étendre le monde clos de son enfance, et devant lui le monde des actes, un monde étranger qu'il redoute et auquel il aspire désespérément. « Ce tableau exprime la situation fondamentale de l'immaturité et le lyrisme poétique est une tentative de faire face à cette situation ; l'homme expulsé de l'enclos protecteur de l'enfance désire entrer dans le monde, mais en même temps, parce qu'il en a peur, il façonne à partir de ses propres vers un monde artificiel et de remplacement. » À mesure que Jaromil mûrit, sa mère veut se déployer autour de lui comme une étreinte éthérée ; elle épouse ses opinions, elle admire l'art moderne, elle se réclame du communisme, elle a foi dans la gloire de son fils. Jaromil est d'emblée ridicule, enfant couvé par sa mère et il apparaît au début comme une caricature du poète, mais seulement pendant un temps. Au fil des chapitres, on voit Jaromil montrer un réel talent. La gloire de Jaromil sera éphémère car le destin est cruel.
C'est dans une écriture simple et dépouillée que Milan Kundera nous fait vivre un personnage étrange difficile à cerner quelque peu factice toutefois souvent subversif, dans une Tchécoslovaquie en plein bouleversement politique. Il n'est pas douteux que ce roman comme toute l'oeuvre de Kundera est une dénonciation virulente du stalinisme. Il faut avouer qu'il est parfois un peu difficile de suivre les voies de ce roman. On a affaire à un personnage central peu sympathique, égocentrique, peu intelligent dont les actions et réactions déconcertent le plus souvent. Il semble finalement que la poésie n'est pour lui qu'une posture. Ce roman pourrait bien être une satire de la poésie.
Un livre à lire pour mieux connaître Kundera, mais j'avais préféré « l'‘insoutenable légèreté de l'être », plus consistant, plus prenant.

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J'ai acheté ce livre de Milan Kundera a cause du titre, j'avais 17 ans, mon premier Kundera !
Je l'ai adoré et j'ai lu et acheté tous ses livres. C'est mon écrivain préféré.
Ce livre c'est la jeunesse, l'adolescence. L'histoire de Jaromil ce jeune homme proclamé poète par sa mère.
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L'histoire d'un petit garçon trop couvé par sa mère, qui devient poète mais ne sait pas comment devenir un homme, le combat entre l'art et la politique, les révoltes illusionnistes de la jeunesse, le printemps de Prague comparé à mai 68, Rimbaud et Pouchkine en modèles...il y a un peu de tout dans ce roman, avec toujours la même pensée desabusée de Kundera sur l'illusion du bonheur, le kitsh, les dangers des idéaux qui mènent au totalitarisme...ça m'a marquée adolescente, je ne sais pas ce que j'en penserai aujourd'hui, mais cela reste un livre à lire
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Une lecture prometteuse, qui finit néanmoins par s'essouffler en milieu de course, en raison d'une redondance qui commence à ralentir la lecture.

À travers ce personnage du poète Jaromil, on perçoit en filigrane le jeune Kundera, qui fait ses armes et affûte sa plume, en présentant déjà certains leitmotiv de ses oeuvres à venir— notamment la sexualité, une approche poético-philosophique, et un auteur marionnettiste, qui se plait à interrompre sporadiquement son récit, afin de rappeler l'artifice de la mise en récit. Les personnages sont ce qu'ils sont : des personnages. Par leur biais, l'auteur peut expérimenter d'autres vie que la sienne, vivre les possibilités inachevées de sa propre existence.

La relation oppressante et désespérée qu'entretiennent mère et fils est captivante, révoltante, fascinante. On est porté par les multiples relations amoureuses de ce personnage complexe, qui désire mener sa vie, tout en se rêvant parfois être un autre.

En arrière-plan, la guerre n'est jamais loin. Kundera évoque aussi les printemps de Prague à travers le regard des artistes, des étudiants, ceux qui s'engagent pour un avenir meilleur. Ceux pour qui "la vie est ailleurs".
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