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4,11

sur 1483 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce n'est pas le premier livre que je lis de Kundera, j'avais déjà lu L'insoutenable légèreté de l'être qui compte parmi mes romans préférée bref, je n'avais pas peur de l'écriture de cet auteur, mais plutôt de l'histoire. Allait-elle être à la hauteur de ma première lecture ? A vrai dire, La plaisanterie est un roman bien différent de l'insoutenable légèreté de l'être, même si l'on peut retrouver un même cadre spatio- temporel.
La plaisanterie est un roman profondément ancré politiquement dans le communisme, pas n'importe lequel, celui qui censure, qui empêche tout individualisme et revendication, le communisme dogmatique de Staline. Comment une lettre issue d'une simple plaisanterie peut gâcher la vie ou du moins dix ans de l'existence d'une personne ? Cela paraît impossible pourtant l'histoire est basée sur cette plaisanterie qui va changer du tout au tout Ludvik Jahn étudiant en sciences talentueux et membre du parti. Pour ce roman Kundera à choisi un point de vue un interne, de ce fait les émotions, les impressions, les pensées des personnages nous arrivent plus directement. C'est un roman assez narratif notamment dans les passages du service militaire injuste. Ce qui est incroyable et que je retrouve dans cet oeuvre c'est la sincérité des personnages, leur véracité et leur crédibilité qui nous donne l'impression qu'ils existent et on s'y attache. La narration et la forme du récit qui impliquent chacun des personnages est superbement maniée, on ne s'ennuie pas, on entre dans l'univers de chaque personnage qui s'avère être très différent et riche; chacun amène quelque chose à l'histoire et, chacun détient une part de vérité.
Encore une fois mais bien différemment Kundera donne une place plus ou moins importante à l'amour ( ici il s'agit de Lucie, figure de la femme idéalisée qui devient même une obsession pour Ludvik) il sépare l'amour de l'âme et l'amour du corps en y ajoutant le perpétuelle incompris qui née toujours dans un couple.
La dernière partie de l'histoire s'attarde sur l'après du service militaire-exclusion du parti et fac de sciences de Ludvik, dix ans on passés pourtant, Ludvik est guidé par une haine, une envie de vengeance qui atteint son paroxysme car sa vie s'est basé sur la haine et la vengeance. Quand il croit s'être vengé de tous les torts qu'on lui à fait, il réalise que sa vengeance n'a pas aboutit elle n'était rien de plus qu'un leurre car, ni la vengeance ni le pardon ne réparont les torts commis à la place ce sera l'oubli. Ce n'est qu'à la fin que Ludvik comprendra qu'il à gâché sa vie, sa mission est maintenant d'oublier pour recommencer a vivre comme un homme normal. La fin n'est pas optimiste elle n'est pas non plus défaitiste, elle apprend une réalité humaine plutôt pessimiste et une leçon de vie au personnage et au lecteur . La fin est incroyable, l'écriture de Kundera est magnifique, chaque mot est bien choisit pour décrire un sentiment, les mots transpercent l'âme du lecteur, sincèrement ce livre est grandiose et figure dans ma liste de coup de coeur, a lire donc.
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Certains livres se vivent comme une histoire d'amour passionnée. On s'enferme, décide que plus rien ne compte plus au monde que cet instant passé avec lui, décline les invitations, oublie de se nourrir si ce n'est de ces mots qui créent la fièvre.
Je crois bien être amoureuse de Kundera et c'est par sa Plaisanterie que j'ai succombé il y a quelques années.
Il y a dans ce livre le charisme des gens délicieusement intelligents qui ont l'humilité des gentlemen et se refuse à l'ostentation.
Il y a le goût d'un nectar de vin qui enivre juste ce qu'il faut sans être dénaturé par un excès de sucre.
Il y a un peu de perfection qui force au respect jusque dans nos révoltes.
Nul doute qu'il sera sur mon île déserte. Ou dans un métro bondé. Ou partout où j'irai en fait.
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Milan Kundera est un de mes auteurs vivants préférés, avec Modiano et Auster, et sans nul doute celui dont je me sens le plus proche, dont je partage la vision du monde.
C'est aussi le seul dont j'ai lu toute l'oeuvre, y compris essais et théâtre; il faut dire que la production de Kundera n'est pas abondante, car si l'on excepte son oeuvre poétique de jeunesse qu'il a renié, il y a tout au plus 11 romans, 4 essais et 1 pièce de théâtre. Mais tout y est d'une très grande qualité, même s'il y a une certaine frange de la critique littéraire de notre pays (ah, les dégâts de la critique parisianiste!) qui déprécie son oeuvre écrite en langue française depuis les années 1990.

La relecture de ses textes est toujours pour moi, redécouverte et émotion, et je suis toujours saisi par "l'humanité" de leur propos.
Ainsi en est-il de la Plaisanterie, son premier roman, que je viens de terminer à nouveau le coeur serré.

Ce qui m'a frappé cette fois, plus que dans la première lecture, c'est son extraordinaire beauté formelle.
Il y a d'abord l'extraordinaire construction de ce roman. Un récit à plusieurs voix, dont celle principale de Ludvik, victime d'un traitement inique au début de l'ère communiste en Tchécoslovaquie, et de trois autres: celles de Jaroslav, Kostka et Helena. Ces voix vont apparaitre dans un ordre qui mêle une narration au présent (Ludvik revient dans sa ville natale pour se venger de Zemanek, celui qui l'a exclu du parti et de sa vie, en le trompant, du moins c'est ce qu'il croit, avec sa femme Helena) et des retours sur le passé, dans un ordre très subtil.
Ces voix deviendront une vraie polyphonie dans le dernier chapitre.
Celui-ci conclura, sur un rythme effréné et dans le temps présent, l'histoire des protagonistes, sous une forme qui fait penser à l'acte final d'une tragi-comédie, avec, comme dans une pièce de théâtre, une série de quiproquos ironiques et désespérés, jusqu'à une fin d'une incroyable douceur et humanité (on retrouve la même douceur finale, belle à pleurer, dans L'Insoutenable Légèreté de l'Etre).
Et l'auteur imprime à tout le récit un rythme changeant, parfois calme, parfois très rapide. Il y a quelque chose de musical dans tout cela, ce qui n'est pas étonnant si l'on sait que Kundera fut musicien et son père un grand musicologue et compositeur.

Et la relecture du texte m'a révélé aussi une infinité de petits détails merveilleux (un exemple, ce porte-manteau assimilé à un personnage esseulé qui apparaît plusieurs fois dans le dernier chapitre).
Oui, un chef d'oeuvre d'écriture.

Et puis il y a les thèmes abordés par ce récit, d'une très grande richesse et d'une grande complexité.

D'abord, le thème majeur de la dévastation, qui est bien analysée par François Ricard, le commentateur "attitré" des oeuvres de Kundera.
Un thème que Kundera déclinera de différents façons dans ses oeuvres futures.
Le héros, Ludvik, et, dans un registre différent, d'autres protagonistes, Jaroslav, Kostka, Lucie, sont des êtres déclassés, aux illusions perdues, à la jeunesse perdue. A l'opposé, il y a celles et ceux qui croient toujours aux valeurs du communisme (Helena), ou qui sont suffisamment opportunistes pour toujours maintenir leur pouvoir (Pavel Zemanek).
Mais Ludvik réalise à la fin que sa révolte, son désir de vengeance, ne sont que vanité et n'ont pas de sens. La simple conscience de vivre dans un monde de dévastation personnelle, et avec comme corollaire, la volonté d'oubli, l'acceptation du passé pour tel qu'il est, c'est à dire un monde perdu, en un mot, le détachement, permettent de retrouver le bonheur.
En ce sens, on pourrait dire que Kundera est un auteur qui rejoint les préoccupations et les aspirations actuelles, de celles et ceux qui prônent le retour aux valeurs simples de recentrage sur soi, du refus de l'égoïsme, de l'individualisme forcené. Mais chez lui, c'est plus que cela, je pense, car ce sont toutes les valeurs fortes de nos sociétés modernes qui sont sinon discréditées, au moins mises à distance, relativisées. Cela ne plait pas à tout le monde, et certains, dont je ne suis pas, critiquent ce qu'ils considèrent un côté passéiste et moralisateur.
Il y a d'autres aspects de la désillusion. Pour Jaroslav, l'exaltation dans sa jeunesse pour le retour aux racines profondes de la musique populaire, ainsi qu'aux traditions populaires, soutenus par la révolution communiste, fait place à l'amertume de se voir passé de mode aussi bien par le pouvoir, que par les gens, y compris son fils. Pour Koska, il y a la perte de la foi en une convergence entre christianisme et communisme, le doute sur sa sincérité dans sa relation avec Lucie.

Et puis le roman aborde d'autres thèmes. J'en cite quelques uns. Un thème troublant, qui reviendra dans d'autres livres (dont "La vie est ailleurs"), celui de l'intolérance de la jeunesse, de son fanatisme et de sa cruauté. Un autre, celui de la disproportion entre le caractère anodin pour nous de nos actes et leurs conséquences terribles (par exemple dans La Valse aux Adieux). Celui aussi de l'importance du lien avec la nature qui traverse tout ce roman. Celui de la relativité de la réalité selon les points de vue des êtres et le temps qui passe. Et enfin, bien entendu, celui de l'amour, à la fois de toutes ses méprises et de toute sa magie, un thème omniprésent dans l'oeuvre de Kundera.

Mais, pour autant, je ne voudrais pas que mon propos laisse croire qu'il s'agit d'un roman ou d'une oeuvre philosophique. Rien de moins, toute l'histoire racontée et tous les personnages sont d'une incroyable vérité et nous marquent avec force.
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La plaisanterie, c'est cette carte postale envoyée par défi à une amoureuse indifférente et la pathétique vengeance qu'imaginera Ludvik pour châtier Pavel Zemanek, celui qui a brisé sa vie. Mais le livre, naviguant entre particulier et universel, semble suggérer que bien au delà de son titre et de son intrigue,c'est le monde, L Histoire qui sont une vaste et absurde plaisanterie.

Dans la Tchécoslovaquie d'après guerre, la révolution communiste est en marche, l'effervescence règne dans les universités pragoises où se croisent les différents personnages du livre. Étrangement aucun ne semble s'être inscrit au parti communiste par idéologie, chacun cherchant un sens à sa vie dans l'appartenance à un groupe. Pour Ludvik, adhérer au parti, c'est scandaliser une famille bourgeoise qu'il exècre. Pour Héléna, le parti est un dieu vivant, celui qui la console de ses échecs et de ses frustrations. Pour Jaroslav le musicien,le doux rêveur réfugié dans un monde imaginaire, si le coup d'état communiste lui est apparu d'abord comme l'avènement de la terreur, le gouvernement fit tant pour son orchestre de musique populaire qu'il prit sa carte. Quant à Pavel, l'opportuniste, qui nanti de la faveur des anges, savait si bien tourné sa veste en fonction de l'esprit du temps, il trouva là le terrain de jeu idéal pour faire ce qu'il aimait le plus : être admiré, retenir l'attention de tous.

A travers le destin de Ludwik, exclu du parti et de l'université puis condamné à travailler dans les mines, c'est toute la vie qui semble une plaisanterie, oscillant de la farce à la tragédie. L'Histoire plante le décor et sur ces scènes improvisées s'agitent des jeunes gens immatures dans de pervers jeux de rôle, s'appropriant des modèles qui leur plaisent : le môme commandant en héros d'airain, de jeunes étudiants en révolutionnaires ascétiques et inflexibles, la jolie et un peu sotte Marketa en amante salvatrice inspirée du cinéma. Quand à Pavel Zemanek, il est tout à la fois fabuleux metteur en scène et acteur vedette de l'histoire avec ses talents d'orateur et son physique de jeune premier. La grande faute de Ludvik dans ce théâtre là, c'est peut-être de ne pas avoir voulu jouer son rôle jusqu'au bout, son scepticisme devenant trahison.

Avec une précision de chirurgien, Kundera déchiffre, décrypte ce qu'est une vie,il dénoue patiemment l'écheveau des sentiments, des comportements, des motivations humaines.
Comment rendre intelligibles les actions humaines quand tous avancent masqués, quand l'individu, esclave des normes ou par orgueil de troupeau se soumet si facilement à la mentalité d'une génération, s'invente une solidarité suivant la pression des circonstances ou l'instinct de conservation ?
Comment démêler l'illusion de la réalité quand des autres nous ne savons rien ou presque, que ce qui nous apparaît dans un temps et un lieu donné, quand ils ne sont que des miroirs dans lesquels on cherche l'image de son propre sentiment ? Pire même,quand on peut vous affubler d'une image, comme celle du traître pour Ludvik, image devenant infiniment plus réelle que lui, condamné à en être l'ombre ?

A faire se succéder les visions de chaque personnage sur les mêmes événements, Kundera entraîne le lecteur dans un tourbillon de questions, le renvoie à ses propres interrogations jusqu'à en avoir le vertige, le confronte avec l'absurde. Même si au final le jeu risque d'être un peu vain puisque « rien ne sera réparé, tout sera oublié. »
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De trop nombreuses années que je me jurais de lire d'autres Kundera après avoir adoré L'Insoutenable Légèreté, de trop nombreuses années à repousser... Je me saisis de la Plaisanterie cet été, son premier roman, dont je savais qu'il y comportait des échos thématiques, notamment le regard cynique sur l'histoire comme farce, la répression stalinienne, et je me suis régalé. J'y ai retrouvé tout ce que j'avais adoré chez l'auteur et dont je sais qu'il s'agit véritablement de ses thèmes de prédilection que j'affectionne : Sa façon de créer des personnages dont toute la vie, destinée, est mue par une croyance, une idée obsessionnelle, un leitmotiv qui régit toute leur existence, et pourtant, on y croit à fond, ils vivent véritablement pour le lecteur. L'impossibilité à communiquer et la différence totale de perception des expériences, relations, anecdotes qui deviennent moments déterminants et vice-versa selon le personnage. La redécouverte avec sidération, effarement et horreur de l'emprise écrasante des régimes totalitaires d'extrême-gauche au fonctionnement digne des pires sectes ou dérives religieuses extrêmistes. La sexualité, l'amour avec un grand A, l'humour constant malgré les circonstances, les personnages qui croient s'inscrire dans un grand schéma, un grand destin, et qui jouent une partition tout au long de leur vie, jouent un rôle, répliquent un schéma qui les a influencés, littéraire ou autre... Qu'est-ce que j'aime Milan Kundera.

Ici, le personnage de Ludvik, dans les années 40, est banni du parti communiste et de l'université après une simple blague sur le socialisme sur une carte postale écrite à sa petite amie d'alors. de là, toute sa vie va partir en vrille, avec notamment la mine et le camp de travail pour châtiment, en plus de projections obligatoires d'endoctrinement... Même cette partie-là, sur laquelle Kundera s'attarde beaucoup, est formidablement tournée en dérision, grâce au ridicule des personnages qui entourent Ludvik, obéissant à la logique décrite plus haut, le feuilleton de son grand amour déçu avec Lucie...

Ludvik sort du camp en voulant se venger, avec un plan jouissif et totalement inattendu. Dès le début du roman, on le voit louer une chambre, demander à son ami Kostka son appartement, on a le point de vue d'Helena amoureuse de lui... Mais les liens entre cette escapade sexuelle et son passé ne sont véritablement révélés que dans la quatrième partie, où l'on prend un pied fou. La description de la scène de sexe est un moment inoubliable de drôlerie dans le roman, comme on en a rarement lu, mais avec Kundera, comme d'habitude, on se prend à vouloir souligner, relever, des citations incroyables, quasiment à chaque page... Outre la dissonance entre les points de vue de Ludvik et Helena qui ne vivent pas du tout la même expérience, on a ceux de Jaroslav et Kostka, qui ont une relation bien spécifique dans leur tête avec Ludvik qui n'est pas du tout celle que lui ressent, ce qui est encore une fois hyper intéressant. Kundera rend ces personnages encore plus crédibles en différenciant complètement le style de leur narration à la première personne : L'obsession amoureuse d'Helena par ses phrases à rallonge parfois proches du courant de conscience effréné, un Jaroslav lunaire qui vit dans ses traditions tchèques de façon obsessionnelle et qui ressemble à un personnage de Terry Gilliam aussi excité qu'un patriarche alcoolisé de roman russe, et enfin, Kostka, dont Ludvik sous-estime l'importance qu'il accorde à leurs désaccords philosophiques, très croyant et communiste, dont le point de vue nous dévoilera de façon incroyable l'envers du feuilleton avec la mystérieuse Lucie. En parlant de Lucie, découvrir pour elle le vrai sens de son attachement aux fleurs après avoir vu la perception de Ludvik rappelle plus que jamais la partie "Les mots incompris" de L'Insoutenable Légèreté de l'être et ces malentendus éternels qui régissent les relations humaines chez Kundera. Toujours dans la partie dédiée à Kostka, il y a un passage incroyable où il sermonne en pensée Ludvik et son comportement, et l'on se prend à la fois à désapprouver son côté moralisateur, obsessionnel, fermé, et à la fois à voir la pertinence de sa critique... Il n'y a que Milan Kundera pour parvenir à faire vivre de telles subjectivités, qu'il a pourtant inventées, et qui ont beau être mues par des idées fixes, n'en ressortent que plus vivantes... Avec Kostka, je note aussi de très beaux passages sur la campagne...

Le climax du roman, lors de la Chevauchée des Rois, m'a beaucoup rappelé la fameuse Grande Marche de L'Insoutenable Légèreté de l'être, en plus traditionnel et rural, mais c'est la même farce. Je ne m'attendais pas à cette fin pleine d'humour et avec un nouveau départ possible pour Ludvik grâce au concert. La fin d'Helena ne prend également pas le virage dont on aurait pu se douter, on s'attend au requiem tragique et l'on tombe dans la farce rabelaisienne... Quoi de mieux avec cet auteur pour qui nous nous évertuons à singer, à recréer des destinées romanesques comme des pantins afin de donner sens à nos vies misérables qui n'en ont pas, et pour qui Dieu fait caca ? :)

J'ai pris une résolution : J'ai fait main basse sur un certain nombre de ses autres romans, et pour la première fois depuis des années, vais enchaîner avec un autre plutôt que de changer complètement de genre, d'époque... Avec sans doute La vie est ailleurs.

Qu'il soit encore longtemps parmi nous. Je souhaiterais pouvoir lui témoigner de vive voix toute l'ampleur de ma passion pour lui et son oeuvre de longue date...
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Un étudiant communiste est renvoyé de l'université, exclu du Parti et enrôlé de force dans l'armée, sans une compagnie réservée aux "traitres" pour travailler dans les mines. Son crime est d'avoir osé écrire une carte postale à sa petite amie du moment « L'optimisme est l'opium du genre humain ! L'esprit sain pue la connerie ! Vive Trotski ! ». Ce qui n'était pour lui qu'une plaisanterie l'oblige à prendre un nouveau destin et d'abandonner ses rêves de physicien. Après des années passées dans la mine, il décide de se venger de l'ancien étudiant qu'il tient responsable de sa sentence d'alors. Ses actes n'auront pas l'effet escompté.

Mon avis
J'ai ce livre dans "ma pile à lire" depuis 5 ans et c'est à l'occasion du décès de l'auteur que j'ai eu envie de le lire. Bizarrement je m'attendais à un roman pompeux et philosophique rempli de notions et de citations inconnues et je tombe sur un roman rare de beauté, de vérité, de cruauté, à chaque page. Et dans un style qui me plait beaucoup.

Faisant parler tour à tour quatre personnages, l'auteur coud patiemment un motif de vengeance et de rédemption sur le linceul de sa jeunesse et de ses idéaux perdus.

Il y a Ludvik l'étudiant musicien, dégradé de son avenir scientifique par sa plaisanterie.
Son meilleur ami Jaroslav, musicien également, très attaché aux traditions.
Helena, une journaliste, qui se trouve être l'épouse de cet étudiant qui a été le plus vindicatif à son encontre et a précipité son exclusion de l'université et du parti.
Enfin, Kostka, un ancien comparse de Ludvik à l'université qui est très croyant.

L'auteur débute le récit avec Ludvik et achève le roman encore avec lui, une vingtaine d'années plus tard, après qu'il ait passé 5 ans dans les mines en tant que soldat puis civil (la mine paie bien). Ludvik a alors pu trouver un travail plus dans ses aspirations. le point d'orgue de ce roman vers lequel l'auteur nous fait progresser est "La Chevauchée des Rois", une attraction festive traditionnelle durant laquelle nos quatre personnages se croisent, se retrouvent, s'avouent, s'expliquent.

A noter que l'auteur a repris lui-même la traduction française en 1985 et c'est cette version que j'ai lue.
Lien : https://lecturesencontrepoin..
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Pourquoi lire « La plaisanterie », le génial premier roman de l'immense et discret Milan Kundera ?

– le contexte de l'action du roman est passionnant. Il s'agit d'une immersion dans l'Europe de l'Est de l'après 2ème Guerre Mondiale, où la société praguoise et morave se couvre d'une utopie humaniste (le communisme) qui la transforme en régime totalitaire, soit un contexte d'absence d'humour et de la non-nuance. le point de départ du roman est l'exclusion du parti et de la faculté d'un jeune homme suite à l'envoi d'une carte postale au texte humoristique et sarcastique (« L'optimisme est l'opium du genre humain ! L'esprit sain pue la connerie »). Après des années d'enfer à la mine, il ne songera qu'à se venger en courant désespérément après ce passé perdu.

– Ce n'est pas un livre politique, ni moralisateur. Il l'est devenu malgré lui. C'est bien plus intelligent que cela : un roman. Son but est d'éclairer la complexité de la condition humaine. C'est un livre existentialiste et relativiste, qui donne place à l'individu au sein d'un régime totalitaire : il n'y a pas une vérité qui ressort, mais une multitude d'approches, de vécus et de visions. Cela se traduit par la présence de plusieurs narrateurs, de plusieurs points de vue.

– « La plaisanterie » est un grand livre sur le temps. Il monopolise l'action des personnages, qui veulent l'inverser, le venger ou simplement l'oublier. Les différents protagonistes du roman ont tous un rapport particulier à la mémoire et au passé. Mais tout est résumé dans ce passage : « la plupart des gens s'adonnent au mirage d'une double croyance : ils croient à la pérennité de la mémoire (des hommes, des choses, des actes, des nations) et à la possibilité de réparer (des actes, des erreurs, des péchés, des torts). L'une est aussi fausse que l'autre. La vérité se situe juste à l'opposé : tout sera oublié et rien ne sera réparé. le rôle de la réparation (et par la vengeance et par le pardon) sera tenu par l'oubli. Personne ne réparera les torts commis, mais tous les torts seront oubliés. »

– C'est également un grand roman sur l'amour, l'attente et le désespoir amoureux. L'auteur analyse tant l'amour physique que l'amour de l'âme et des idées. le grand talent de Kundera est de mélanger philosophie et description minutieuse d'une action. C'est souvent drôle, parfois touchant, mais toujours très intelligent
Lien : http://evanhirtum.wordpress...
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Ecrit en 1965, ce roman est paru en Tchécoslovaquie en 1967 et en France en 1968.
La première édition parue en France était préfacée par Louis Aragon où il pointait le contenu politique du roman. Lors d'interviews ultérieurs, Kundera s'en est toujours défendu, disant « C'est essentiellement une histoire d'amour », jusqu'à supprimer plus tard la préface signée Aragon. J'ai beaucoup de respect pour la parole de l'auteur, cependant, j'y pose une nuance, car le contexte, la chronologie et les comportements des personnages (même les amoureux !), sont totalement imprégnés du communiste dogmatique de Staline qui empêche toute contestation, individualisme et revendication ; leurs actions étant toutes influencées par la doctrine nationale en place. Alors, questionnement.
Originaire de Moravie, Ludvick Jahn, communiste, est un étudiant brillant à la faculté de sciences à Prague en 1948. Il courtise Marketa, également étudiante et communiste, mais plus réservée dans ses épanchements, et à l'humour inhibé. Durant les vacances où elle fait un stage de 2 semaines de formation du parti, il lui adresse une carte très connotée anti-parti : « L'optimisme est l'opium du genre humain ! L'esprit sain pue la connerie ! Vive Trotski ! ». Ce sera la cause de son jugement « contre-révolutionnaire » dont une tendance à l'existentialisme, exprimé à la majorité par ses camarades étudiants, dont Pavel Zemanek, un ami. La conséquence du châtiment sera l'exclusion du parti, l'interdiction de poursuivre ses études et la condamnation à travailler dans les mines à Ostrava pendant 3ans. Durant les sorties du casernement, il rencontrera Lucie, et l'aimera d'un amour tendre, puis passionnel, mais impossible à concrétiser charnellement car elle se refuse à lui. Les relations avec les exilés comme lui, reclus dans ce monde noir, sans éclat, sans loisir et sans culture, seront viriles. Ici encore l'autorité mortifère du jeune commandant accable les hommes et les conduits à la révolte intérieure, où chacun (jusqu'à sa perte), invente un stratagème pour s'éclipser un temps de cette forme d'enfer. Les 7 années où y restera Ludvick, seront celles de sa perte d'identité politique et celles d'un désir de vengeance à l'égard de sa destitution.
La construction du roman est originale car il donne la parole à chacun des personnages principaux. Ainsi leurs avis, observations, attitudes, croyances et orientations précisent ou contredisent la posture politique ou sociale de Ludvick qui, 15 années plus tard, évoluent avec le temps !
Jaroslav est un ami d'enfance du village, joueur de cymbalum il est attaché aux traditions folkloriques et selon lui, l'art a été passé au rouleau compresseur par la propagande.
Kostka, est médecin, catholique. Il rencontre Lucie, la séduit et la convertit à la foi, cependant sans jamais qu'il sache sa relation passée avec Ludvick. Pour lui, la religion doit remplacer l'idéologie communiste.
Helena sera la victime de Ludvick. Bien que son couple avec Pavel Zemanek, infidèle, (le juge de Ludvick) soit à la dérive, elle est son épouse, mère de leur fille et ne souhaite pas divorcer. Séduite par Ludvick qui l'utilise comme l'arme de son châtiment, elle s'abandonnera à lui et tentera de mettre fin à ses jours.
Ce texte est celui d'une ruine des hommes, commise par une idéologie dévastatrice qui non seulement abolit les valeurs de l'histoire, mais celle des traditions et de la culture séculaire.
Alors livre politique ou histoire d'amour ?
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Ecrit par Kundera au moment d'une libéralisation du régime communiste dans les années 60 (déstalinisation), publié et devenu un grand succès en Tchécoslovaquie, ce roman a ensuite été mis au pilori (son auteur aussi) après l'invasion soviétique en 68 et la reprise en main du régime.
C'est un roman où l'on suit les itinéraires de plusieurs personnes qui ont (ou ont eu) des interactions fortes. Les différences de points de vue des personnages est la clé du roman qui ouvre toutes sortes de réflexion sur le passé, ses conséquences, son oubli ou sa survivance. C'est clairement un roman existentialiste et non politique, où les personnages sont mués par leur haine, leur amour, leur déception, leur paresse, leur vengeance, leur rêve, etc.
Un des personnages, Ludvick, est le pivot du roman autour duquel s'enroulent tous les autres témoignages qui diffèrent tant de son point de vue qu'on touche du doigt son enfermement dans une pensée solitaire depuis qu'il a malencontreusement fait cette fameuse plaisanterie qui a fait basculer sa vie.
Tragique par son pessimisme, sa vision de la vie, sur le destin des hommes et leur insignifiance.
Un personnage (Lucie) qu compte tant dans la vie de Ludvick hante le livre sans que jamais son point de vue ne soit exprimé. Elle devient ainsi, par son absence, le symbole de l'incommunicabilité, du malentendu et de la méprise entre les humains.
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Un premier livre de Milan Kundera que j'ai découvert et une belle surprise. le style direct et la construction du roman si particulière entre changements de points de vue à chaque personnage nous touchent particulièrement et nous font nous plonger dans la vie du héros Ludvik Jan , qui se voit exclu du Parti communiste en Tchécoslovaquie avant le Printemps de Prague, et de l'université à cause d'un écrit se voulant être «  une plaisanterie ».
De cet événement, la vie du héros s'en trouve complètement perturbée et il se pose des questions légitimes sur sa destinée et sur la portée de ses actions. Les autres personnages, qui ont chacun un point de vue différent, éclairent en quelque sorte les questionnements de Ludvik et les nôtres aussi sur nos propres choix de vie.
On pourrait tout d'abord penser à un roman politique mais de l'aveu même de l'auteur, il semblerait que ce soit davantage un roman d'amour puisque , pour lui, c'est l'amour seul qui peut nous aider à vivre et à nous extraire de notre condition.
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