Hergé occulte : La ligne sombre

L'auteur, par son parcours personnel dans le monde de l'édition, connaît bien Hergé et son parcours. le jeune Georges Rémi alias Hergé a créé Tintin (et l'a envoyé en URSS pour dénoncer le communisme) dans le Petit Vingtième en 1929, supplément du journal le Vingtième Siècle dirigé par l'abbé Wallez, admirateur de Charles Maurras et de Mussolini, mentor du jeune Hergé, ancien boy-scout inspiré par sa vision complotiste du monde que l'on retrouve dans la mystérieuse organisation occulte qui réunit des cagoulés dans les Cigares du Pharaon.
Hergé, le créateur avec les albums de Tintin, d'un imaginaire qui a imprégné des générations en tout cas parmi ceux de plus de 50 ans, avait une part d'ombre : la ligne sombre. Allusion à son attirance pour l'étrange, mais aussi son activité de dessinateur dans les pages du Soir "volé" durant l'occupation. L'album L'Etoile mystérieuse paru à cette époque sombre, en 1941-1942, oppose, dans la recherche d'un fragment d'aérolithe, une équipe scientifique européenne, très "aryenne" à une équipe américaine financée par Blumenstein, banquier juif new-yorkais. Hergé a fait preuve d'anti-américanisme (dans Tintin en Amérique, il prend le parti des Indiens) mais pas que : Blumenstein sera retouché en Bollewinkel après la guerre. L'auteur revient sur bien d'autres aspects de la personnalité et du parcours complexe d'Hergé : les Dupont/d sont inspirés par son père et son jumeau, de père inconnu : sa grand-mère est tombée enceinte alors qu'elle était servante chez la comtesse Hélène Errembault de Dudzeele, avant d'épouser Philippe Rémi. Ce secret de famille aurait inspiré l'ascendance aristocratique d'Haddock. La Syldavie du sceptre d'Ottokar, publié en 1938, c'est la Belgique d'avant guerre, menacée par de puissants voisins mais unie derrière son roi, le jeune Léopold dont la réputation va elle aussi souffrir des années de guerre. Hergé se réinvente après 45, influencé à nouveau par son époque : la guerre froide dans l'affaire Tournesol, la fascination pour l'Orient : le Tibet et la magie tibétaine, le matin des magiciens (paru en 1960) inspire Vol 747 pour Sidney. Une lecture agréable qui propose une approche chronologique par un biais original, l'occulte dans l'oeuvre d'Hergé .

Tandis qu'il fixe la momie de Rascar Capac qui semble tout droit sortie des pages dessinées par Hergé, le jeune visiteur de la remarquable exposition, le Musée imaginaire de Tintin au Palais des beaux-Arts de Bruxelles, ignore encore que quelques années plus tard, fraîchement sorti de l'Université de Louvain, tout auréolé de ses études de philosophie, devenu libraire il croisera…

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Comme l'auteur l'écrit dans les premières pages de son ouvrage : « je me souviens avec précision des circonstances dans lesquelles, enfant, j'ai découvert pour la première fois le personnage créé par Hergé. C'était par une nuit d'orage, dans une grande maison perdue au fond du Brabant wallon. Il s'agissait du Lotus bleu : à peine eussé-je ouvert ces pages, sous la couverture rouge au souple dragon noir, que je partis pour l'Extrême-Orient… Peut-être n'en suis-je pas vraiment revenu. »

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S'il n'a pourtant pas eu le bonheur de rencontrer Hergé, Arnaud de la Croix roulera sa bosse et telle une boule de billard lancée sur le tapis vert des hasards, il rencontrera, croisera, fréquentera des proches du célèbre illustrateur.
Au fil des années, curieux de tout et devenu féru d'histoire, il découvre et recoupe bien des faits qui le poussent à étudier de plus près certains personnages marquants de l'Histoire de notre pays. Son expertise le mènera à la rédaction de multiples ouvrages qui permirent à de nombreux lecteurs de découvrir ce qui sommeillait dans les ténèbres de notre mémoire.
Et, dans cette nuit noire des souvenirs oubliés, un leitmotiv lancinant le guide inconsciemment. Un personnage revient sans cesse, de part et d'autre de ce qui semblerait être un fil d'Ariane. Au bout, devant, derrière, il se passe ou il s'est passé quelque chose. Arnaud de la croix nous guide avec prudence vers cette ligne sombre.
En quatrième de couverture on peut lire :
« Hergé était fasciné par l'occulte et il a vécu une vie aventureuse et même secrète », écrit Numa Sadoul dans sa préface. Arnaud de la Croix, longtemps éditeur chez Casterman, a rencontré nombre de proches collaborateurs du dessinateur et recueilli, au fil des années, leurs confidences au sujet du créateur de Tintin. Il a également eu accès à des documents inédits. Au fil de son enquête, on découvre un Hergé bien différent de la façade lisse et rassurante qu'il offrait au public. Cet homme tourmenté, épris d'inconnu, a laissé une oeuvre qui recèle bien des secrets. Peut-être même constitue-t-elle un véritable parcours initiatique. Dans ce parcours, il nous sera parfois donné de côtoyer l'abîme, après Hergé lui-même. Et comme son héros.

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Au fil des pages, Arnaud de la Croix investigue, débusque les anecdotes, démasque les individus, comme intitulé en entête d'un de ses chapitres, « de la course au trésor à la chasse aux traîtres ».
Sa mise en boite du sujet est magistrale, tant l'écriture toute personnelle de l'auteur est fluide, comme animée de la gestuelle du tribun qu'il est naturellement.
Un ouvrage solaire nourri de champignons explosifs.

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