La littérature de Jean de la Varende est comme son âme, humble, croyante et paysanne.
Et ce livre, peut-être plus que tout autre, en est l'expression.
"La Normandie en fleurs" est une galerie de portraits, un défilé de quelques hautes figures normandes :
- le garde-chasse, le facteur, le berger, le curé de campagne et le paysan chrétien, le chaufournier, le couvreur, le charpentier, le maréchal-ferrant et le châtelain, placé en dernier comme pour fermer la marche, comme pour assurer au cortège sa cohésion.
Le livre a été écrit, à Chamblac, au château de Bonneville, entre 1941 et 1949.
Et d'avoir si bien décrit cette profusion du printemps normand, d'avoir si bien discerné, entre soleil et rosée, cet éblouissement de la nature, d'avoir signé ces quelques pages, jamais la plume de l'écrivain ne sût se faire plus normande.
Jean de la Varende, s'armant de sa littérature, est le dernier véritable chouan.
Il a du normand son esprit déductif et très raisonneur.
Comme lui, profondément chrétien, il est pourtant empreint d'un paganisme dont il ne peut se débarrasser.
Et sa tête, aussi férue de science qu'elle puisse être, ne peut se raisonner lorsque s'expriment les mystères du passé, lorsque paraît le "rebouteux" !
Chacun de ses ouvrages est une croisade où il ferraille, s'engage et se livre.
Pour lui, la séparation de l'Église et de l'État est une infamie, un vol.
L'École Normale est le subversif séminaire de l'instituteur.
Et il envoie promener l'impôt et son percepteur pour se réserver au denier du culte !
Jean de la Varende est comme ce vieil oncle, attaché à l'ancien temps et un peu original, qu'enfant l'on craint un peu mais dont aime tant emboîter le pas et suivre dans la magie de ses récits.
Et qu'importe si parfois il s'y montre un peu caricatural ou extravagant !
Mais que l'on ne s'y trompe pas, la littérature de La Varende n'est pas de celles que l'on prend à la légère.
Elle est d'une force et d'une élégance telles qu'elle rivalise avec celle des plus grands.
Ici, le maître des lieux dénonce le mensonge, par elle proféré, qui aurait fait du paysan un rustre qui mangerait, boirait et engendrerait avec gloutonnerie.
Il fustige l'injustice, mâtinée de Zola pour la luxure et de Maupassant pour la brutalité.
Ce livre est un paysage, celui de "La Normandie en fleurs".
A l'intérieur de ses pages, tout un monde y vit, un monde que l'on croyait oublié et perdu dans les brumes d'autrefois.
Et ce monde n'est pas imagination d'écrivain, mais parole de normand ...
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Alors fleurissent les poiriers.
Le poirier est le grand-père du pommier, son parent pauvre et l'aristocrate déchu, l'homme d'armes des terres ; celui qui, jadis, dans nos terroirs mouillés, vivait seul et seigneurial, prestige dont il garde encore le souvenir par sa haute carrure et sa tenue.
Il formait la gloire du pays d'Ouche.
Il y venait comme nulle part ailleurs ...
Il était parti la veille.
Il tardait à rentrer.
La femme guettait, de toute son âme et de tout son corps.
Elle a blêmi : car la feuille frémit encore mais non plus sous un seul pas libre : dans le sillage régulier de plusieurs.
C'est la civière ...
L'homme est tombé à son champ d'honneur, qui dépasse toutes les stipulations des propriétés et des propriétaires : l'honneur de la forêt et des bêtes sauvages ...
On rentre, dilaté par cet air tout neuf ; on garde le sentiment d'une fécondité heureuse : la Normandie en pleurs prépare la Normandie en fleurs ...
Le soir est limpide, et l'ombre est claire.
Rien ne révélerait l'anxiété dans le calme céruléen ; tout serait semblable ... Mais on perçoit à travers la nuit, encore, une faucheuse qui marche ...
Aujourd'hui, il n'y a plus de loups - les deux derniers furent tués en forêt de Saint-Evroult, en 1897 - et l'on sort aussi plus rapidement les moutons des bergeries, à cause des hivers moins rigoureux, des bâtiments moins vastes et moins bien entretenus ...
Mademoiselle de Corday
Jean de la Varende
Éditions Via romana
Initialement paru en 1939, ce portrait psychologique de Charlotte Corday est l'occasion pour l'auteur, royaliste et contre-révolutionnaire, de reconnaître la diversité des oppositions à la Révolution française. Il résume l'essence de l'assassin de Marat à une identité fantasmée : fille de gentilhomme, païenne, vierge, viking et normande. ©Electre
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