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EAN : 978B0014UPXKC
303 pages
Flammarion Évreux, impr. Hérissey (30/11/-1)
3.5/5   2 notes
Résumé :
Ce beau roman posthume de l'auteur de Pays d'Ouche, de Nez de Cuir, du Centaure de Dieu et de tant d'autres chefs-d'œuvre s'ouvre sur le portrait de la famille Rudel de Blaynes, dont les terres sont en "Bretagne de bordure", c'est-à-dire à la limite de la Normandie et du Perche. Ancien zouave pontifical, héritier des traditions chouannes, Hyacinthe Rudel, qui règne sur sa femme et ses cinq fils, n'admet pas la loi de Séparation et veut interdire l’entrée de l'église... >Voir plus
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Il balayait avec application, comme tout ce qu'il faisait, après avoir arrosé l'allée centrale et créé un courant d'air, la porte ouverte, quand il fut surpris, touché, un peu délié, délivré : deux chiens jappant, lancés à fond de train venaient de surgir dans la nef et fonçaient sur le bonhomme : deux chiens bien différents de taille, mais presque à égalité tellement le petit en mettait : Nora et Pickwick ; Nora, la belle chienne setter gordon, et Pick, le héros des fox-terriers. M. Rudel fut assailli, couvert de caresses. Nora avait mis les pattes sur sa poitrine et râlait d'émotion ; Pick, hors de lui, mordait à belles dents les jarrets de sa compagne, qui entre deux coups de langue, gémissait de douleur, mais ne retombait pas. Ah, les braves cœurs ! Ils avaient dû prendre la poudre d'escampette au moment où l'on nettoyait le chenil, et, après vingt-quatre heures, retrouver la piste du maître.

(...)

Hélas, ça ne pouvait durer, ces folies-là. Le chien est l'animal méconnu de l'Église, presque maudit ; un chien peut bien regarder un évêque, le dicton nous l'assure, mais un chien n'a pas le droit de regarder le Bon Dieu. Qu'il entre même dans un porche d'église, et tout le monde se lancera dessus. On pouvait pénétrer à cheval dans le sanctuaire, jadis, quand on avait bien mérité des Ordres, ou reçu la croix d'Isabelle la Catholique, peut-être même sans abandonner l'oiseau de proie, le gerfaut ou le tiercelet, perché sur le poing, mais le chien restait toujours dehors. L'être le plus aimant que porte la terre, n'a pas fait sa place ; celui qui permet de croire que le dévouement, la tendresse ne sont point des amplifications littéraires, celui-là est rejeté aux ténèbres extérieures.
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Comme sens de la beauté, le père Rudel ne connaissait guère que le contentement de voir des champs prospères, bien tenus, et des arbres bien conduits. Tout le reste était sans valeur émotive. Sa grande maison, les Boisfrancs, il ne l'appréciait qu'en vue de sa commodité et de ses espaces. Pour loger du monde et des bêtes. Des belles choses qu'il en avait héritées de famille, il ne considérait que l'origine : des merveilles tranchaient ainsi au milieu d'éléments sordides mais pratiques. Les antiquaires ne s'y risquaient plus. Le dernier qui s'était introduit aux Boisfrancs avec quelque impertinence, avait été reconduit à coups de pied dans le cul. Ces marchands voulaient-ils faire, eux aussi, l'inventaire de sa maison ?

Il aimait la campagne d'une tendresse à la fois mystique et matérielle, cultures, forêts, étangs. En grande part, la beauté de cette terre lui était due. Depuis son retour d'Italie, il vivait pour elle. Son père lui avait fait régir la propriété à moins de trente ans, et, plusieurs fois avant son mariage, il était revenu de Rome pour la surveiller. Il voulut tout de suite replanter, car la Révolution avait rageusement abattu, et maintenant, les arbres, après un demi-siècle, prenaient de l'altitude. Hyacinthe Rudel réserva cependant des bruyères et des landes qu'il ne put se résoudre à défricher, qui parlaient sourdement à son âme sauvage. Il avait drainé, réuni les eaux marécageuses dans de beaux étangs nets. L'usage, dans ces contrées, est d'ébrancher les arbres tous les dix ans pour fournir le fagot, et les chênes deviennent de laides chenilles contournées. Mais le Maître avait interdit de toucher aux têtes, et la physionomie générale était devenue plus riche, plus épanouie.
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Ysengrin tomba comme une bombe chez son frère, en train de sculpter, comme si sa vie en dépendait, un bahut gothique long de trois mètres. Ce Pascal qu'il aimait, Ysengrin le méprisait affectueusement. Il le trouvait idiot et magnifique. Pascal était celui qui rappelait le plus leur père par sa droiture, son intransigeance, sa décision, mais le père à échelle réduite. Pascal était de style, quand son père était d'époque.

- Je t'emmène, Caliban, brailla Ysengrin sans même descendre de voiture : - embarque ! Les Boisfrancs sont en crise. Papa s'est payé un coup de cœur et Maman, un coup de tête. Lâche ta gouge et pose ta mailloche, notre artisan... Bonjour ma belle-sœur. Oui, touchons du bois, le gamin semble tiré. Jeanne est fourbue mais heureuse. Elle m'a accordé une perm' de 24 heures. On saute au secours de Papa... Dépêche-toi Pascaliban, à la rescousse ! Papa, du confesseur, passe au martyr ! Tu te décrasseras là-bas. Salut, les moucheronnes [ses nièces] ; montez embrasser le tonton. Bien ; en route !

Ils s'envolèrent. Dans la grande montée, ils "discutèrent le coup".

- Ça devait finir de même, exposait Ysengrin, Papa n'est qu'héroïsme et tous les héros sont plus ou moins cinglés. Il est capable de camper jusqu'à la fin de ses jours dans la nef de Bauron et de faire une royale hécatombe de fonctionnaires. Pan ! Pan ! Pan ! Pan ! Quel procès ça donnera ! Nous n'avons pas fini de rire, mon vieux Cal, et notre mère, de râler...
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- Vous y êtes jusqu'au fond, Père. J'ai été prévenu par une estafette de Cédonc qui fait dans ses "hannes" (culottes, en gallo). Si les deux petits n'avaient été chez les d'Arlandes, nous serions venus en corps constitué pour vous fléchir, ou pour le tenter loyalement, sans beaucoup d'espoir. Cependant mieux vaut que nous parlions seuls. Vous me permettrez de vous interroger, Père, car en votre absence, il faudra probablement que j'assume pas mal ?

- Juste ! J'ai écrit à votre mère en lui demandant de te renseigner et te faire venir céans. Je suppose que ta mère rentrera demain ou samedi, et, à trois jours près, nous ne risquons pas grand chose. D'ailleurs, tu ne pouvais manquer d'être très vite au courant. Les nouvelles galopent.

- Il y aura beaucoup de questions pratiques à régler. Vraiment, Père, comptez-vous attendre l'inventaire sans démarrer d'ici ?

- À peu près, Noël. Respirer l'air assis sur une tombe ou sur le muret du cimetière, en menant bonne et vigilante garde.

- Mais ça peut durer longtemps...

- Tout ce qu'il faudra, mon p'tit.

- Même un mois, deux, six...

- Jusqu'à la fin de mes jours, s'il le faut.

Noël, un peu désarçonné, eut un regard de sondage. Le vieux ne plaisantait pas, mais pas du tout ! Le fils s'inclina :

- Je vous salue, mon Père, fit-il, à voix sourde : - c'est malgré tout, superbe !...

Une sorte de flamme réchauffa le visage tanné du bonhomme. Il sentit que son diable de fils, le plus malaisé à prendre, lui rendait justice sans l'ombre d'ironie ; cette ironie dont il goûtait parfois les jouasseries, mais qu'il n'arrivait pas à apprécier. L'ironie Argenteau...
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Les paysans s'écartèrent un peu quand parurent les deux vieilles demoiselles de Chauvelin, deux femmes hors d'âge presque hors de la vie. Elles occupaient le banc de l'autre transept, symétrique de celui des Rudel, le banc que n'avaient même pas pu obtenir les Solare. L'aînée avait quatre-vingt-six ou dix ans, et la cadette, le "sapeur", comme disaient les croquants en raillant sa fierté martiale et ses rouflaquettes grises, quatre-vingts. Il y avait plusieurs années qu'on ne les avait vues à la paroisse. On leur disait la messe dans un petit oratoire arrangé dans une armoire de leur salon, une alcôve ; leur dernier luxe. Elles s'étaient fait voiturer par un de leurs fermiers. La plus vieille, redressant son cou de tortue, s'agrippa aux immenses épaules du père Rudel et l'embrassa, mais seulement avec l'accolade, une accolade guerrière. "Nous irons te rejoindre, mon enfant" [elle l'avait vu naître], cria-t-elle, et la foule rigola franchement, cette fois, mais tendrement... "Oui, faisait l'autre ; oui, Hyacinthe, nous serons à tes côtés", et l'on pouffait que ces vieilles reliques pussent réclamer leur part de la défense paroissiale ; que ces bonnes vieilles taupes, qu'une pichenette eût collé sur le derrière, voulussent prendre leur part de la bagarre, ça chauffait le cœur et le foie.
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Vidéo de Jean de La Varende
Mademoiselle de Corday Jean de la Varende Éditions Via romana
Initialement paru en 1939, ce portrait psychologique de Charlotte Corday est l'occasion pour l'auteur, royaliste et contre-révolutionnaire, de reconnaître la diversité des oppositions à la Révolution française. Il résume l'essence de l'assassin de Marat à une identité fantasmée : fille de gentilhomme, païenne, vierge, viking et normande. ©Electre
https://www.laprocure.com/product/303006/mademoiselle-de-corday
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