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Comme une mule qui apporte une glace au soleil » Sarah Lapido Manyika (10/18, 140pages)
Sarah Lapido Manyika, née en 1968 au Nigéria, a grandi en Angleterre, et enseigne aujourd'hui la littérature aux USA. Ce titre très appétissant, baroque à souhait, est celui de son premier livre traduit en français.
C'est le portrait de Morayo Da Silva, 75 ans, Nigériane, professeur de littérature à la retraite, qui vit seule à San Francisco (une sorte d'auto-portrait en projection de l'auteur dans 25 ans ?). Morayo est une femme attirante, excentrique, qui regrette ses étudiants d'autant plus qu'elle n'a pas d'enfant, amoureuse des livres, attachée à ses tenues vestimentaires multicolores, au joyeux désordre qui règne dans son deux pièces, à sa Porsche dans laquelle elle trace dans les rues de San Francisco - avec la crainte que sa vue déclinante ne lui interdise bientôt la conduite ; bref c'est une gourmande de la vie. Au moment où elle se prépare à fêter son anniversaire avec trois fois rien, une mauvaise chute l'envoie directement dans un hôpital/centre de rééducation/maison de retraite (sic), dans une chambre collective.
C'est donc le portrait par touches successives de ce personnage optimiste, drôle, qui décline mais ne s'abaisse pas, le récit de quelques-uns de ses souvenirs. Elle prend la parole ici en son nom propre comme narratrice d'elle-même, mais différents personnages apportent leurs regards respectifs à la première personne du singulier, offrant d'autres points de vue : son ex-mari -ancien ambassadeur vivant au Nigéria, sa voisine -aidante dévouée mais un peu trop « dirigiste », le jeune cuistot de la maison de retraite qui la fait fantasmer, le mari d'une résidente qui vient voir chaque jour son épouse atteinte de la maladie d'Alzheimer… autant d'occasions de nouveaux courts portraits attachants.
Ce roman sur la vieillesse est plutôt drôle, léger, en tous cas d'un parti-pris optimiste, et j'aurais trouvé le livre un peu court pour son sujet qui méritait sans doute d'être plus fouillé (il est d'ailleurs présenté parfois comme une nouvelle) ; mais j'ai été assez déçu par l'écriture. Les phrases sont souvent lourdes, peu soignées, avec des répétitions, comme un premier jet au brouillon qui aurait largement mérité d'être peaufiné avant d'être publié. C'est surprenant, et surtout dommage ; mon plaisir en a été gâté, et ça questionne ce «prix des libraires sélection 2019».