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4,06

sur 2589 notes
Il me faudrait d'autres mots...
Des mots neufs.
Pour aller plus loin que les mots usés de la compassion.
Lors de cette lecture, j'ai voulu une certaine distanciation.
A quoi servent plaintes et pleurs?
L'émotion est là, sans sensiblerie, presque froide pour recevoir "ce qui est" sans jugement, juste accueillir l'auteur qui, comme il l'écrit, EST la souffrance.
Livre à part parmi les livres, ce témoignage, cette envie de nous dire avec ses mots, ses ressentis, ses voyages dans "le Temps interrompu", tout contribue à tenter de nous emmener dans un monde de perceptions inconnues que lui seul a vécues.
Accompagné par ses pensées, ses analyses, ses flash-back, ses auteurs (Proust, Kafka, Mann...), ses parents, ses amis les plus intimes, ses chroniques, ses descentes au bloc opératoire, ses douleurs, Philippe Lançon déconstruit émerge vers celui qu'il devient.
Il fut, est et sera.
Nous en suivons les méandres, les souffrances, la lucidité avec respect et silence.
Un livre à part, bouleversant, unique par les circonstances qui l'ont fait naître.
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Le livre se referme. 510 pages lues, appréciées et pas encore digérées. le pavé demeure intact sur l'estomac, légèrement porté sur les lèvres, accroché au coeur. Que dire ? On inspire, on respire, on reste hébété. Trop d'émotions – une force a laminé la conscience et retourné l'esprit. On inspire à nouveau, chaviré. Qu'écrire ?
Parler de la mort, de la folie des hommes. Des plaies semées au détour d'un bon mot, de l'esquisse d'un dessin ou de quelques échanges, ce 7 janvier 2015, rue Nicolas-Appert.
Reprendre les mots de Philippe Lançon. le Avant, le Après. Cette lente reconstruction de l'âme et du corps. Sa gueule fracassée, la dépendance – redevenir un enfant ; les autres – la famille, les soignants, les amis, les gardiens l'amoureuse. Et ce regard sur la vie qui change. Frôler la mort induit le bilan : celui qu'il était, celui qu'il est devenu, celui qu'il sera. Vivre avec.
Parler de l'Art qui le porte, du passé qui le tient. La lecture – Proust, Kafka…, le théâtre, les musées. Les souvenirs ; il y en a tant, Philippe Lançon a du temps pour y revenir, les observer autrement, parfois les comprendre.

Impossible. Je ne peux rien raconter. Rien en dire. Je suis muette. Abasourdie par le contenu, la plume, la sensibilité, l'humilité. Je suis subjuguée par les mots, par la force du récit.
Ce livre ne se raconte pas. Il se lit. C'est impératif. 
Lien : http://aufildeslivresblogetc..
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J'ai attendu plus d'un an pour découvrir le récit de Philippe Lançon. Je voulais le bon moment. Je savais qu'il allait me plonger à nouveau dans l'attentat à Charlie, je me souviens comme beaucoup de ce que je faisais ce jour-là, ce moment d'hébétude, puis un moment d'aberration puis de tristesse.

Mais nous étions à l'extérieur, Philippe Lançon l'a vécu de l'intérieur, le 7 Janvier 2015, un jour comme les autres, un mercredi comme les autres, la réunion à Charlie, une soirée au théâtre la veille avec Shakespeare, La nuit des rois,  un livre Blue Note dont il veut parler à Cabu car il le sait fan de jazz et puis 11h25 tout bascule..... Rien ne sera jamais pareil ensuite et comment pourrait-il en être autrement car au-delà des amis qu'il a perdus, il va vivre plusieurs mois de reconstruction, lui l'homme fracassé, défiguré.

C'est un récit bouleversant mais sans apitoiement sur lui-même, jamais, de sa lente remontée à la surface, de ses liens avec ceux qui l'ont aidé, soigné, qui lui ont redonné un visage et en particulier (et surtout) Chloé, sa chirurgienne, celle qui va patiemment redonner forme à son visage, une sorte de deuxième mise au monde.

C'est un récit humain où j'ai été surprise par la plume juste, droite, pudique d'un homme blessé dans sa chair mais aussi dans son âme, par la perte de ceux qu'il aimait, admirait pour certains. 

C'est un récit à la recherche de ses souvenirs, l'avant, l'après, de son amour de la littérature, de Proust en particulier, mais aussi Kafka et de Bach. Il trouve en eux des moyens de tenir, d'espérer, de patienter. Ce sont ses remèdes, inépuisables. Il se coupe du monde extérieur par la force des choses mais n'a souvent besoin que des livres, de la musique et du silence pour se reconstruire. 

C'est un récit sur le monde caché, peu connu des gueules cassées, des estropiés qui tentent de reprendre pied et visage dans l'ombre d'une coupole, celle des Invalides, si justement nommée.

Avec une écriture accessible il nous raconte son quotidien, tout ce qu'il a vécu, enduré, pensé pendant ces longues semaines de retour à la surface. J'ai été surprise par l'extrême pudeur de ses sentiments. Même s'il parle de son ressenti c'est toujours avec mesure, jamais de violence peut-être parce que la violence il sait ce que c'est, et son témoignage n'en est que plus fort. Pas d'apitoiement sur son sort : c'est un état de fait qu'il accepte parce qu'il n'a pas d'autre choix mais je l'ai ressenti comme de une sorte de dignité, d'humanité vis-à-vis de ceux qui sont morts.

Choisir comme thérapie l'écriture, mettre à plat ses souvenirs, remonter le temps, pas à pas, retrouver ses sensations comme on retrouve de la sensibilité sur son corps après une opération. Pouvoir exprimer sur le papier ce que l'on ne peut dire tout haut, le long chemin parcouru, les doutes, les espoirs, l'attente, le regard des autres, mais taire sa souffrance, la garder pour soi parce qu'il n'y a peut-être pas de mots pour la dire mais elle transpire malgré tout dans chaque page.

Je me suis installée près de lui, je me suis tue et je l'ai écouté. Il m'a raconté une histoire, son histoire, qui n'est pas belle car il y a des jambes noires qui en ont décidé autrement. Deux minutes trente, deux courtes minutes trente qui ont basculé la vie de huit personnes et ont changé le cours d'autres. Puis l'histoire prend d'autres couleurs : celle de la reconstruction du visage mais aussi de l'homme.

Il m'avait fallu atterrir en cet endroit, dans cet état, no seulement pour mettre à l'épreuve mon métier, mais aussi pour sentir ce que j'avais lu cent fois chez des auteurs sans tout à fait le comprendre : écrire est la meilleure manière de sortir de soi-même, quand bien même ne parlerait-on de rien d'autre. du même coup, la séparation entre fiction et non fiction était vaine : tout était fiction, puisque tout était récit - choix des faits, cadrage des scènes, écriture, composition. Ce qui comptait, c'était la sensation de vérité et le sentiment de liberté donnés à celui qui écrivait comme à ceux qui lisaient. (p366)

C'est le récit d'un cercle familial, amical, amoureux, de présences en particulier les liens qui l'unissent aux agents qui le protègent et surtout à sa chirurgienne, ils sont les garants de son existence, ils ont sa vie entre leurs mains, ils l'aident à se reconstruire, à tenir debout, à espérer.

J'ai été surprise de constater qu'il n'y a pas de colère ou elle reste mesurée, digne, jamais alors qu'il aurait toutes les raisons de l'être, mais la peur reste présente et comment pourrait-il en être autrement après un tel choc physique mais aussi psychologique.

Le lambeau est une partie de sa vie qui lui a été arrachée, ôtée comme ses amis perdus, mais aussi un morceau auquel les magiciens des hôpitaux vont redonner vie. C'est 500 pages que l'on lit en apnée,  que l'on garde longtemps en soi, un témoignage puissant sur la force et la volonté humaines à se reconstruire, sans pathos, sans larmes car je pense que cela il l'a gardé pour lui.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Le sujet est captivant. Comment se remettre de l'horreur ? Nous avons tous été choqués par ces séries d'attentats. Je trouve le début très bien mis en perspective. Sur le terrain pendant la guerre du Golfe, il fait le lien avec ces évènements et les conséquences, chez nous, des années plus tard. L'occident a semé des graines sur le terreau de la haine, que nous prenons en pleine gueule des années plus tard.
Et voilà, pour moi, l'intérêt s'arrête là. Son long cheminement vers la guérison est long, très long. Au comble du nombrilisme, il nous décrit avec moulte détails ses opérations, sa rééducation, ses soignants. Il tourne en boucle avec Proust, Kafka... Ce ne sont pas mes références, peut être est ce pour ça que j'y suis hermétique ?
On sent chez lui une érudition mais était-ce nécessaire de nous ensevelir sous ces références au détriment des émotions ?
Je suis allée au bout mais que c'était long...
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Attention, livre important, hanté par le souvenir, la perte progressive des repères, la dissolution d'un moi dans un autre : celui d'avant le 7 janvier. Et celui d'après.
Philippe lançon est un des survivants de la boucherie terroriste à Charlie Hebdo. Ce livre est plus qu'un témoignage, bien plus qu'un livre d'ailleurs, puisque Lançon a failli perdre la vie ce jour là, et que des balles lui ont arraché la bouche et la quasi totalité du menton. Il a donc toute légitimité pour dire la souffrance, les longs mois de rééducation, dans une espèce de no man's Land hospitalier qui lui tiendra lieu de point d'équilibre dans le déchaînement de violence tout autour.
7 janvier 2015, peu avant midi. Lançon montre un beau livre sur le jazz à Cabu. Elsa cayat pousse tout à coup un cri mêlé d'injures dans le couloir . Quelque chose se passe . Deux hommes vêtus de noir pénètrent dans la salle de rédaction ou Wolinski dessine de jolies gonzesses à poil et ou Maris défend , vent levé contre tous, le dernier livre de Houellebecq qui sortira ce jour là , et qui s'appelle -comme la réalité est puissante - : "Soumission."
2 hommes en noir, peu de mots. 2 minutes pendant lesquelles les balles crépitent et ou chaque corps abattu est célébré d'un "A A! " .
2 minutes suffisent , et le chaos s'abat, suivi d'un silence de fin du monde. Le corps de Maris effondré,qui colle à la peau de Lançon dans le choc , et le souvenir de sa mort là, tout à côté de lui, ne cessera de lui revenir en mémoire ensuite dans le récit..
Lancon accuse au détour de plusieurs pages ceux qui ont décidé , un jour de 2006, de tourner le dos au journal qui bravait la tempéte en publiant les caricatures du prophète. Ces gens là, ils ne les nomment pas, mais nous les connaissons bien évidemment...Se reconnaitront -ils?
Ce livre , par sa densité et son ton, trés proustien par endroits, fera date.
Achetez ce livre ou empruntez le. Vite!
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Je craignais d'ouvrir ce livre que j'avais pourtant acheté dès sa sortie en poche. Et ce ne fut pas une lecture facile, j'ai pris mon temps et j'y ai fait quelques pauses.

Pourtant, ce type de bouquin me semble nécessaire surtout que maintenant je sais comment Philippe Lançon s'est dévoilé, tout en pudeur, avec une bonne couche d'érudition pour cacher ce qu'il n'a pas voulu montrer.
Je me suis attachée à l'homme qui se reconstruit, doucement, sans en vouloir à la terre entière mais suffisamment franc pour lever le voile sur certaines de ses peurs.

J'ai éprouvé de la compassion bien entendu, même si sans doute ne voulait-il pas provoquer ce type d'émotion chez les lecteurs. Car il est fier, le journaliste, tout en assumant ses moments de faiblesse. Son regard sur ce qui lui est arrivé, sur les conséquences dans son corps et son coeur, sur son entourage, sur sa vie et la vie en général ne peuvent que forcer l'admiration.
J'ai lu certaines critiques qui lui reprochaient de s'apitoyer sur son sort... Au-delà du fait que ce type de jugement dans un tel contexte est particulièrement déplacé, j'ai justement trouvé qu'il cherchait des échapatoires, dans la littérature principalement mais pas seulement, pour rester ouvert aux autres et au monde.

Si écrire sur la tragédie qui l'a frappé lui a sans doute permis d'exorciser un peu un de ses démons, il a aussi pris le temps d'en faire un bel hommage au personnel soignant et aux forces de protection rapprochée. Et j'ai trouvé ça beau...

Respect, monsieur Lançon !
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Je n'avais pas osé écrire la critique de ce livre si bouleversant. le récit de Philippe Lançon suscite un concentré d'émotions : colère, peur, tristesse, dégoût … Si l'attentat peut faire douter de l'humanité, son témoignage passe pour un modèle de sagesse, de savoir-vivre que nous confie un homme terriblement blessé qui essaye de se reconstruire.
Nous l'accompagnons dans sa longue hospitalisation, nous souffrons avec lui, nous pleurons, nous doutons et nous nous consolons ensemble. Au fil des jours, tant de femmes et d'hommes, médecins, infirmiers, chirurgiens… vont le soigner et lui donner confiance pour permettre d'avancer. Après avoir lu le lambeau, le lecteur sera à son tour transformé.
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Le 7 janvier 2015 est une date historique sur laquelle nous avons tous quelque chose à dire.
En témoignant de sa survivance après cet attentat, Philippe Lançon ramène cette date nationale à hauteur d'individu. de lui et de ceux qui l'entourent de très, très près. Famille, amis, mais aussi soignants et policiers.
Son récit est empreint de franchise et de précision.
Du début à la fin, ce n'est pas gai et ça ne nous laisse pas croire qu'il puisse y avoir une rémission totale dans ce genre de reconstruction .
Du début à la fin, la culture, classée "non-essentielle" en 2020, est une des ses béquilles. Béquille qui finira de bouleverser le lecteur.
Assez pour qu'à la fermeture de ce livre, on n'ait plus de commentaire léger à faire sur cette date.
Qu'il en soit ainsi.
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7 janvier 2015. 2 minutes ont suffi. le monde entier va devenir Charlie...

Je ne sais pas trop pourquoi j'ai acheté ce livre. Je l'ai laissé traîner longtemps sur ma table de chevet. Pas vraiment le coeur à me plonger dans la lecture d'un fait divers sordide qui remplit tout de même plus de 500 pages ! Je le pressens ennuyeux… Puis, j'ai commencé à le feuilleter… Je n'ai pas été déçue !
Au-delà du simple témoignage, ce livre a une dimension littéraire certaine. Il dépasse largement le fait divers. Ce n'est pas non plus un documentaire sur le terrorisme ou sur l'Islam mais plutôt une méditation existentielle.
L'auteur met son âme à nu et se livre entièrement. Il nous fait partager ses peurs, sa souffrance, son cheminement intérieur, sa douleur et sa métamorphose avec une sincérité absolue.
Les mots sont puissants et l'introspection est tellement criante de vérité qu'elle nous ramène à nos propres fragilités.
Ce roman est, à mon sens, exceptionnel.

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C'est un récit sincère, transparent, sans pudeur inutile, ni voyeurisme ostentatoire, juste les émotions, les sensations restituées telles qu'elles ont été. Cet état d'entre deux mondes, ce rapport à soi et à l'acceptation pour continuer et aux autres qui ne peuvent aller au delà des sens et semblent donc impuissant à aider.
C'est un beau témoignage, il rend plus fort et plus fragile à la foi, soulève le doute et la certitude que nos vies sont éphémères, fragiles, incertaines, et résumées à peu de chose au final.
Beaucoup d'humilité et d'émotions à la clé et l'envie de remercier du partage mais aussi remercier ces artistes et orfèvres du soin et de la chirurgie qui savent réparer les corps quand nous ne savons plus réparer les relations.
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