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sur 2589 notes
Que dire à propos de ce témoignage ?

Certes, on ne peut qu'éprouver de la compassion pour cet homme marqué dans sa chair, de l'admiration pour son courage dans les épreuves douloureuses qu'il a traversées, et du respect pour son rejet des sentiments faciles et simplistes, la haine, l'amalgame, le rejet, le repli sur soi …
Toutes les victimes d'accident (dans le sens d'événement tout à fait inattendu), même dans des circonstances moins exceptionnelles, sans retentissement médiatique ni portée politique, se retrouveront dans le récit des minutes qui ont suivi le choc: cette difficulté (ou peut-être est-ce du refus, du déni ?) à comprendre ce qui se passe dans un premier temps, cette cohabitation pendant quelques minutes des deux « moi », l'ancien moi qui s'estompe peu à peu pour laisser la place au nouveau qui surgit de nulle part, prend de plus en plus de place et va vivre avec ce corps amoindri, expérience hors du temps, où on est à la fois acteur et spectateur. Véritable petite mort suivie d'une renaissance, expérience métaphysique. Puis le cerveau qui tourne en roue libre et s'accroche à ses vieux schémas de pensée … ne pas oublier d'aller chercher les enfants à l'école, prendre rendez-vous chez le dentiste pour le petit dernier, prévoir le repas pour le soir, préoccupations dépourvues de sens dans les circonstances …. L'onde de choc qui se propage dans l'entourage les jours suivants, les amis et la famille qu'on croyait fidèles qui se détournent, d'autres – heureusement - qui se révèlent tout à coup généreux et fiables. Puis la convalescence, la reconstruction, l'impossibilité de se plonger dans la lecture de romans, de fictions, comme si la « vraie vie » comblait entièrement notre besoin de fiction ….

D'un point de vue « littéraire », mon avis est plus nuancé … Bon certes il y a deux trois passages assez poétiques, comme le touchant hommage à Bernard Maris. Mais globalement j'ai trouvé le récit très bavard, trop long, par certains côtés inintéressant, comme lorsque l'auteur parle de ses ennuis sentimentaux, de ses déboires avec sa chirurgienne, et parfois trop intime. Et puis je suis mal à l'aise avec l'idée ce livre qui existe parce que l'auteur a vécu quelque chose d'extraordinaire. Est-ce que du coup cela lui donne la légitimité d'en faire un livre ? Mal à l'aise avec l'idée de faire de cette expérience un produit – qu'on le veuille ou non le livre est avant tout un produit - un produit qui se vend, qui engendre du bénéfice en surfant sur la vague d'émotions qu'ont suscité les attentats des dernières années …

Je reste donc avec une énorme question: quel est l'intérêt de ce genre de récit pour le lecteur ?
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Voilà un livre qui m'interpelle depuis sa sortie.
Pourtant, je n'avais pas envie de le lire.
Une razzia à la bibliothèque avant le second confinement, et hop, le voilà dans ma PAL.
Alors je l'ai lu, avec réticence.
Je n'en ai pas éprouvé de plaisir, loin de là.
Une immense compassion pour ce long calvaire hospitalier qui fut le résultat du massacre de Charlie.
Philippe Lançon a été touché, mais il s'en est sorti avec de multiples blessures, dont la mâchoire fracassée.
La reconstruction de cette mâchoire a duré plusieurs années.
Il nous raconte tous les faits, toutes les étapes de la reconstruction, toutes ses pensées, tous ses souvenirs….
C'est bouleversant, mais je ne me sens pas assez intime avec Philippe Lançon pour partager tout ça.
C'est trop pour moi.
Je me sens intruse dans sa vie, dans son intimité.
C'est tout à fait ce que je craignais.
Et pourtant je suis admirative de son courage, de sa pugnacité.
De plus, j'ai apprécié l'écriture, la précision, la sincérité, la lucidité…….
Malgré mes réticences, toutes personnelles, j'ai trouvé ce livre fort, puissant même, et plein d'espoir.
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"Je pleure sur ma vie perdue, je pleure sur ma vie future, je pleure sur ma vie obscure, mais vous ne me verrez pas pleurer." Page 417

N'attendons donc pas dans le lambeau d'y lire la complainte d'un homme qu'une pulsion meurtrière aura brisé. C'est le récit de quelqu'un qui veut échapper à la condition de victime, de quelqu'un qui voit en l'écriture le meilleur moyen de s'extraire de lui-même pour analyser, comprendre un événement hors du commun. C'est le récit d'une naissance. Celle d'un autre homme.

Ai-je contribué, en lisant son ouvrage, à la construction de ce nouveau personnage qu'est devenu Philippe Lançon depuis la tuerie de Charlie Hebdo? Car de re-construction il n'est pas question dans son propos. le Lambeau est un ouvrage entre deux vies. J'ai compris en avançant dans cette lecture que le dénommé Philippe Lançon, né cinquante ans plus tôt, devenu journaliste reporter, était mort avec ses amis de Charlie Hebdo. J'ai compris que celui qui en a réchappé ne sera plus jamais, sauf pour l'état-civil, ce Philippe Lançon-là, entré le 7 janvier 2015 avec l'insouciance du quotidien dans le local de la mort. La froideur administrative n'envisage pas qu'un homme puisse en devenir un autre, au point de se trouver mal lorsqu'après des mois d'hôpital il remet les pieds dans ce logement qui était son chez-lui. Comme un parent revient dans la chambre d'un enfant disparu.

J'ai hésité avant de le lire ce livre. Certain d'endurer à sa lecture le malaise que peut générer la vue des chairs déchirées, des os fracassés, des gestes médicaux pour recoller tout ça. Je n'ai, je l'avoue, pas beaucoup de courage pour être spectateur de la souffrance des autres. Je me suis pourtant laissé convaincre. Je ne le regrette pas. Car il est une chose que je n'ai pas trouvé dans cet ouvrage, c'est le désespoir et l'abandon. Ni la plainte, la colère ou la condamnation. Encore moins la soif de vengeance.

Le lambeau est un ouvrage écrit, entre autres intentions, pour saluer l'abnégation, l'amitié, l'amour, de ceux qui ont aidé son auteur à surmonter l'épreuve : le corps médical bien sûr, la famille, les amis, les policiers aussi qui l'ont protégé jour et nuit pendant des mois. Quant à ceux qui lui ont infligé cette épreuve, il ne dit rien. Il ne fait qu'un constat : "qui veut punir les hommes de leurs plaisirs et de leur sentiments au nom du bien qu'il croit porter, au nom d'un dieu, se croit autorisé à faire tout le mal possible pour y parvenir."

Philippe Lançon interpelle aussi son lecteur. Il ne lui épargne rien de tout ce qui pourrait le faire défaillir. Une manière de le mettre à l'épreuve et le convaincre que son propos n'est pas exhibitionniste, propre à satisfaire un voyeurisme mal venu. Une manière de le mettre en garde aussi, lui, moi, lecteur élevé dans le mirage du virtuel, gavé d'invraisemblances numériques et désormais convaincu d'invulnérabilité. Lecteur insouciant, sans doute plus encore qu'il ne l'était lui-même Philippe Lançon avant le 7 janvier, car son métier l'avait déjà impliqué à la souffrance humaine. Moi, comme les autres contemporains de ce siècle de certitudes, d'urgences, assénées à grands renfort de harcèlement médiatique. Convaincus de liberté par les exigences que nous dicte notre monde mercantile. Sûrs de notre bon droit quand nous revendiquons le confort, le plaisir, le refus de la douleur.

Lui, Philippe Lançon, a enduré. Au-delà du courage. Et quand le courage est dépassé il devient inconscience. Elle même maîtrisée devient leçon de vie. Il a tenu le coup, soutenu dans son parcours par ceux qui ont écrit, peint, mis en musique toute la palette des sentiments humains : Proust, Baudelaire, Kafka, Mann, Bach, Velasquez. Stimulé par ceux-là et tant d'autres qui avec la maîtrise de leur art ont dépassé la condition humaine. Quand tous les discours ont échoué à conjurer le tourment, que l'idée de la mort fait son chemin dans un corps qui suffoque et semble abandonner la partie, ne reste alors que la poésie pour s'extraire de ce corps devenu douleur. Baudelaire pour un dernier souffle :
"Ô Mort, vieux capitaine ! Il est temps ! Levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, Ô Mort ! Appareillons !
Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau !"

Le Lambeau est tout sauf le parcours événementiel d'un calvaire, d'une complainte, d'une rancoeur. C'est une leçon de vie. Et une vraie oeuvre littéraire.
C'est un livre entre deux mondes: celui de la légitime naïveté et celui de la noire réalité. le monde des gestes quotidiens auxquels on ne prête plus attention et celui de corps inertes baignant dans leur sang, d'un crâne duquel a jailli la cervelle.

C'est un livre entre deux dates : 7 janvier 2015, Charlie Hebdo. 13 novembre de la même année, le Bataclan. Ce n'est pas dévoiler l'épilogue que de dire qu'il se termine sur cet autre épisode funeste. On ne connaîtra pas la réaction de Philippe Lançon à cette nouvelle. Mais à la fermeture de son ouvrage on peut parier qu'en dépit de tout cela, il ne sera pas question de haine. de la stupéfaction, de l'incompréhension encore, mais pas de haine. Autre leçon de vie.
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Ça y est.
Je l'ai terminé ce soir.
Pas mécontente car ce fut, et j'ai un peu honte de l'avouer, une lecture très éprouvante, car très suivie et très concentrée.
Livre admirable et magistral.
Sans doute le plus beau et le plus prenant que j'aie jamais lu. Et avec une telle empathie !
Mais où donc cet homme hors du commun a-t-il pu trouver tant de courage, de pérsevérance pour rester en vie après cet attentat de Charlie Hebdo qui a fait de lui une "gueule cassée" avec la mâchoire inférieure emportée par les balles ?
Je ne sais. Je n'ai pas la réponse malgré une lecture soigneuse comme les pansements dont il a fait tant et tant usage.
Et quelle clairvoyance ! Quelle écriture magnifique, presque magique, mais peut-on parler de magie quand tout meurt autour de soi ?
J'ai eu une réelle et profonde admiration pour le personnel soignant, avec sa douceur, sa force, sa patience mais aussi ses faiblesses, ses errements et ses erreurs. Et ce sont des hommes et des femmes, en somme des humains malgré tout.
À aucun moment, Monsieur Lançon ne nomme par leur nom les deux terroristes. Il écrira : les frères K.
La scène de l'attentat est monstrueuse de véracité, d'horreurs, mais surtout de clairvoyance, cette monstrueuse clairvoyance qui a fait de lui une victime à jamais.
La peur ne le quittera jamais vraiment, résurgence de l'ignoble attentat. Peur des deux jambes noires, des cris et du bruit des balles. Saleté de SPT (stress post-traumatique)...
Il aura subi de multiples opérations et, détail touchant, il partait toujours au bloc avec ses "doudous" : des livres pour la plupart, comme Lettres à Milena de Kafka, La mort de ma grand-mère de Proust ou bien La montagne magique de Thomas Mann. Ils lui tenaient compagnie pendant cette horreur de reconstruction de son visage. Il parle même de prière proustienne préopératoire, comme un mantra destiné à le protéger... Et, toujours, Bach lui tient compagnie, même au bloc...On pourrait dire que la culture, sa culture l'a beaucoup aidé.
Mais ce n'est pas que le récit de sa reconstruction, il y a beaucoup de digressions très intéressantes.
Pourquoi le lambeau ? C'est le nom de l'opération magistrale, la plus importante, qui consiste à faire une greffe du péroné sur la mâchoire, avec une re-vascularisation.
C'est sans compter sur les innombrables opérations dues à des multiples problèmes post-opératoires...
Et toute cette douleur, ces souffrances permanentes, mais comment a-t-il fait ?
Je m'arrêterais là, je ne peux continuer.
Alors oui, c'est dérangeant, oui ce n'est pas gai, mais c'est le récit du combat d'un homme pour redevenir humain, alors que le terrorisme veut faire de nous des bêtes.
Je n'ai qu'un dernier mot en refermant ce livre d'une rare magnificence : Chapeau Monsieur Philippe Lançon !

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Livre audio lu par Denis Podalydes de la Comédie française

Que dire après plus de 400 critiques allant de 5 à 1 étoile ?
Je comprends très bien ceux qui ont abandonné après une centaine de pages rebutés par le sujet ou par la narration de Philippe Lançon. Ceux qui l'ont décrit comme un chef-d'oeuvre et l'ont inclus dans leur palmarès des meilleurs livres parus en 2018.

Pour ma part, je préfère toujours un peu de recul, me disant qu'un bon livre est comme un bon vin, il vieillit bien. C'est l'attentat contre Salman Rushdie qui m'a incité à commencer à écouter pendant la canicule d'août cette histoire glaçante d'une vie qui bascule suite à la tuerie à Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 qui fera une douzaine de morts. Philippe Lançon, 51 ans, est grièvement blessé au visage. Suit une longue série d'interventions chirurgicales et une longue convalescence.

Un seul bémol : j'ai cru qu'il manquait un chapitre dans la version audio tellement la fin m'a parue étrange.

Challenge Pavés 2022
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Les 130 premières pages de ce livre m'ont ennuyé. La 131ème je ne saurai jamais puisque c'est le point où j'ai abandonné la lecture. Compte-tenu du sujet je me sens un peu coupable de ma réaction et prie P.Lançon de m'excuser.
Le sujet est grave, le style est travaillé, la matière est réfléchie. D'où me vient donc cet ennui ? Trop de détails, trop de longueurs qui finissent par tenir le lecteur à distance ? Un travail trop poussé de distanciation de l'auteur par rapport à ce qu'il a vécu qui finissent par neutraliser toute forme d'empathie ? Trop d'auto-observation des actes, des pensées, jusqu'au moindre SMS, trop d'auto-mise en scène qui finit par générer de l'irritation ?
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Les mots me manquent pour dire à quel point ce livre tient du miracle. Miracle de la survie et de la reconstruction de l'auteur, mais aussi miracle de l'écriture.
Je m'attendais à un témoignage bouleversant, j'en avais presque peur à vrai dire, et sur ce point, je n'ai pas été déçue, certains passages étant impossibles à oublier et l'ensemble de l'ouvrage étant profondément marquant.
Mais je ne m'attendais pas à une telle qualité d'écriture, la force littéraire de cette oeuvre étant tout simplement prodigieuse.
Philippe Lançon livre un témoignage d'une force et d'une sensibilité incroyables, dont l'intelligence triomphe de la barbarie et de la haine.
Dire que ce livre est indispensable à lire est une évidence. Et je l'ai refermé bouleversée, touchée et profondément admirative de Monsieur Lançon, que je remercie pour les moments de grâce, de réflexion et d'émotion que j'ai traversés en lisant son livre.

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« Il y a des fois où les absents ont toujours raison. »

Le sept janvier deux mille quinze, Philippe Lançon était dans les locaux de Charlie, il a été blessé, il a été témoin, il s'en est sorti.

Dans le lambeau, il met des mots sur l'avant, sur l'après et sur le pendant; ce chapitre quatre ... effroyable, insoutenable parfois et qui hante à jamais.

Extra terrestre ce livre, ce témoignage. Extra ordinaire.

Les souffrances du corps, celles de l'esprit, le parcours d'un "blessé de guerre", défiguré, un patient, relié à des tuyaux, des tuyaux bienveillants, écrit-il, qui lui apportaient finalement la vie, la survie et le soulagement, qui doit se reconstruire et reprendre le fil de sa vie. Et qui in fine nous livre un "putain" de récit, brut, profondément humain, d'une grande intelligence et servi par une très belle plume.

Une lecture poignante, vraie, sincère.
Troublante. Splendide. Passionnante.
Bach m'accompagne souvent, et de nouvelles idées lecture ont fleuri depuis cette lecture.
Merci Monsieur Lançon.

« La forme la plus extrême ne pouvait être exercée que par des ignorants ou des illettrés, c'était dans l'ordre des choses, et c'était exactement ce qui venait d'avoir lieu : nous avions été victimes des censeurs les plus efficaces, ceux qui liquident tout sans avoir rien lu. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Je ne noterai pas ce livre, car c'est un rescapé qui donne son ressenti suite à l'attentat de Charlie Hebdo et donner une note à un tel livre ce serait donner une note à Philippe LANCON.

Et ça, je ne le conçois pas.

Philippe LANCON dit ses pensées, ses douleurs, tant physiques que morales. Il s'étale et c'est ce qui va lui permettre de se reconstruire.

Mais voilà, c'est son histoire. Difficile de ne pas se lasser, mais j'admets tout à fait qu'il ait eu besoin d'écrire ce qu'il a écrit pour exorciser son drame et essayer de passer à autre chose, sans oublier ce qu'il a vécu.
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Philippe Lançon est un des survivants de la tuerie du 7 janvier 2015 qui a ravagé la rédaction et le personnel du journal Charlie Hebdo. Parce qu'il a préféré assister à la première conférence de rédaction de l'année au lieu d'aller directement chez Libération, mais aussi parce qu'il s'est arrêté dans un bureau pour parler de jazz au lieu de repartir immédiatement après la réunion, il a frôlé la mort et a perdu – outre des amis – sa mâchoire. « Désormais, toute parole, toute phrase me faisait sentir son prix. Ma mâchoire détruite avait une gueule de métaphore et ce n'était pas plus mal comme ça. » (p. 143) Philippe Lançon était sur le point de s'installer pour six mois à New York pour enseigner à Princeton et retrouver Gabriela. Désormais, tout est suspendu à cette mâchoire décrochée. Commence le long ballet des infirmières et des soignants, sous la surveillance ininterrompue des policiers qui gardent la chambre et filtrent les entrées. Après de nombreuses opérations et d'aussi nombreuses complications, Philippe Lançon retrouve un visage entier et réapprend à parler et à manger. Gueule cassée d'une guerre sans tranchée, il reprend l'écriture d'articles pour les deux journaux qui l'emploient. « Écrire, c'était protester, mais c'était aussi, déjà, accepter. » (p. 92) Après des mois à l'hôpital, entre les murs d'une chambre dont il a fait son cocon, il doit aussi réapprendre à vivre dehors, à sortir, à prendre le métro, à aller au théâtre. Sans trembler et en ignorant les regards. « L'irruption de la violence nue isole du monde et des autres celui qui la subit. » (p. 59)

Puissant et pudique, sans fard, mais sans voyeurisme, ce récit médical porte un éclairage nouveau sur l'après Charlie Hebdo, du point de vue original d'un journaliste devenu sujet de l'actualité. « La chirurgie est un livre qui n'en finit pas. » (p. 181) Dans La légèreté, Catherine Meurisse raconte ce qu'il en est pour ceux qui ont par hasard échappé à l'horreur. Philippe Lançon met des mots sur ce qu'il en est pour ceux qui l'ont éprouvé au plus profond de leur chair. « Je n'éprouve que peu de bonheur à être là, et, contrairement à certains de mes amis de Charlie, qui n'ont pas été blessés, aucune culpabilité à avoir survécu. » (p. 222) Ces deux oeuvres se complètent, tant par leur propos que par leur forme : du dessin au texte, de la rescapée au miraculé, le tableau général gagne en profondeur à mesure que les témoignages se croisent, se répondent, se heurtent. Et même si tous échouent en quelque sorte à comprendre l'atrocité, tous clament l'absolue nécessité de continuer à vivre pour faire la nique aux censeurs. « Toute censure est bien une forme extrême et paranoïaque de critique. La forme la plus extrême ne pouvait être exercée que par des ignorants ou des illettrés, c'était dans l'ordre des choses, et c'était exactement ce qui venait d'avoir lieu : nous avions été victimes des censeurs les plus efficaces, ceux qui liquident tout sans avoir rien lu. » (p. 68)
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