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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Sam Zabriski traverse le premier chapitre du nouveau roman d'Erwan Larher sans que l'on sache si c'est un homme ou une femme. Par réflexe, je l'ai imaginé homme. Puis, arrivée au troisième chapitre, je suis allée relire le premier pour vérifier et obtenir confirmation : à aucun moment le genre de Sam n'apparaît, une jolie prouesse d'écriture. Par la suite, nous apprendrons que Sam est neutre. Ni homme ni femme. Nous devrons nous adapter aux drôles d'articles et autres terminaisons grammaticales inventées pour permettre à ce genre neutre d'exister. Un peu ahuris, incrédules. Sourire sarcastique au coin des lèvres. Neutre ? Nan mais qu'est-ce qu'il ne va pas nous inventer... Il a fumé la moquette ou quoi ? Neutre, ça n'existe pas ! Et pourtant, Sam débarque bien dans le village de Saint-Airy, en plein coeur de cette France rurale qui oscille entre préservation des vieilles pierres témoins de son riche passé historique et nécessaire adaptation à la vie moderne. Les habitants sont bien moins accueillants que les lecteurs habitués aux facéties de l'écrivain et aux libertés offertes par la fiction, non les habitants ne rigolent pas, étranger et neutre, ça ne colle pas bien avec l'image qu'ils se font de la normalité d'une vie bien tranquille. Peu importe, Sam a l'habitude. Sam se méfie des humains. La chaleur, ce sont les vieilles pierres qui la lui apportent. Et justement, dans le bourg de Saint-Airy c'est le coup de foudre pour celle que l'on appelle La maison du disparu. Sam la ressent au plus profond de son corps, Sam la veut, Sam l'achète, Sam s'installe. Et Sam emmerde pas mal de monde.

Dans ce roman étrange et protéiforme, Erwan Larher fait de Saint-Airy une sorte de laboratoire d'étude de la société française et même de la communauté humaine. Sam est le corps étranger qui vient perturber les petites affaires du clan du pouvoir, un être sans passé, mystérieux et différent. Autour de lui vont se cristalliser toutes les haines, les convoitises et autres intolérances. Mais son arrivée va également influencer les initiatives, donner à certains le courage d'entreprendre et de changer les choses. Ce qui offre à l'auteur l'occasion de développer pas mal de thèmes sociétaux et politiques tout en s'appuyant sur des personnages et une intrigue à haut pouvoir romanesque qui flirte parfois avec le fantastique. Sam Zabriski a des accents du Nicholaï Hel de Trevanian, toutes proportions gardées. Sam est peut-être de ceux qui fuient, comme le fameux Jo qui se cache pas très loin de là (voir Pourquoi les hommes fuient ?), les mafieux ne sont pas l'apanage des grandes villes et les murs de pierres multi centenaires sont de parfaits abris pour les trafiquants en tous genres. Il y a les apparences, celles et ceux qui vont au-delà et les autres. Et dans ce texte foisonnant à la densité aussi intelligente que tourmentée il y a une profonde interrogation sur l'existence et sa réalité. Sur ce qui définit un être vivant. Un genre ? Un passé ? Une appartenance ? Des idées ? Un comportement ?

"Elle a l'impression que ça n'existe pas quelqu'un. Il y a des moments de quelqu'un, des facettes de quelqu'un, des instantanés de quelqu'un. Elle n'est jamais une, elle se sent multiple, mouvante."

Faire un bout de chemin avec Sam est une drôle d'expérience dans laquelle on retrouve avec plaisir quelques ingrédients de l'univers d'Erwan Larher en plus de croiser certains personnages de son précédent roman. A la fois nouvelle et ancrée dans une oeuvre qui se construit livre après livre. L'expérience d'un langage, d'une immersion dans un monde parallèle qui ressemble pourtant étrangement au notre. Cette expérience a quelque chose d'un peu désespéré par ce qu'elle reflète de la communauté humaine par le prisme d'un regard devant lequel semblent être passées trop de déceptions. de désillusions. Trop d'articles de journaux sur la Fête des fleurs. Sam a bien raison et je l'adore : "Il faudrait ne pouvoir vivre que des premières fois".
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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J'ai toujours rêvé de caler « protéiforme » dans une chronique et j'ai trouvé le roman parfait. Avec un « grand » mot comme ça, immédiatement ton petit avis gagne en crédibilité et en légitimité.

Dans « Indésirable », Erwan Larher mélange les fils narratifs et livre un roman protéiforme qui n'entre dans aucune case, si ce n'est celle du roman addictif.
Est-on face à un roman sociétal ? un polar ? une fiction politique ? Peu importe après tout. Peu importe, tout comme le sexe du personnage principal, Sam.

L'installation de Sam dans le village de Saint-Airy va venir remuer bien des choses. Ici tout est un peu figé, très traditionnel, très archaïque même. le conseil municipal fait la pluie et le beau temps, les notables mènent leurs petites magouilles, si besoin on ferme les yeux sur les maris violents, on regarde d'un sale oeil ceux qui mangent bio, etc… Alors l'arrivée de Sam dont on n'arrive pas à savoir si c'est un homme ou une femme, autant vous dire que ça n'a pas fini de faire parler, d'alimenter les conversations au café comme chez la coiffeuse, de perturber l'entre soi et la routine qui convient à certains. Les tensions ne vont faire qu'augmenter pour finir en véritable guerre.

Un roman très riche dans lequel Erwan Larher va intelligemment aborder un large panel de sujets qui font notre époque : l'identité sexuelle, l'altérité, la différence, l'intégration, le changement politique, la possibilité d'une autre forme de gouvernance. Un fourmillement de questions sociétales et politiques qui sont autant de fils conducteurs dans cette histoire qui brouille les pistes en se présentant dans un premier temps comme une simple querelle à Clochemerle.
Rythmé, fin, amusant, insolent, plein de trouvailles, « Indésirables » ne vous lâche pas et nous rappelle au passage que le collectif peut engendrer le pire comme le meilleur.

Impossible de ne pas conclure en parlant de l'écriture et du tour de force de l'auteur qui jamais ne fera de faux pas, jamais ne tranchera entre le « il » et le « elle », choisissant le « iel », déroulant toute la grammaire et la syntaxe qui vont avec.
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Saint-Airy, petit village champêtre.
On y boit des coups au Crystal entre vieux amis, on cancane les uns sur les autres, on se réjouit de la célébrité que va bientôt apporter l'émission L'amour est dans le pré. Et on rêve au jour où on aura enfin un McDo !
Alors, quand Sam, au genre pas bien défini, débarque dans leur village, et décide de rénover une maison et de participer à la vie de la commune, autant dire que ça en fait grincer des dentiers !

Dès la description de Sam, je me læ suis imaginæ sous les traits de Job dans Banshee, pour ceux qui ont vu cette excellente série B. La suite de ma lecture m'a souvent amenée à y repenser d'ailleurs.
Les personnages ne sont pas toujours ceux qu'ils paraissent être, le village est en réalité animé par des moteurs aussi différents que l'envie, la trahison, la soif de pouvoir, la quête d'argent, ou encore le besoin d'authenticité, l'altruisme, le désir, le besoin affectif.

Cela-dit, Indésirable ne se limite pas à quelques luttes de pouvoir plus ou moins musclées au sein d'un village rural.
Il aborde aussi et surtout le sujet de la différence, de l'acceptation et de la peur de ce qu'on ne connaît pas. L'obsession à Saint-Airy devient vite de savoir ce que Sam "a entre les jambes" tandis qu'iel refuse de se définir par un genre ou un sexe.
L'étroitesse d'esprit est présente dans les petits villages comme ailleurs et l'auteur la dépeint avec beaucoup de véracité.

Avec Indésirable, je découvrais l'écriture d'Erwan Larher, à défaut de son nom, et j'ai été séduite. J'ai aimé sa manière de manier les mots, en jongleur habile. J'ai aimé plonger dans plusieurs univers lors d'une seule lecture, sans que la cohérence du récit en soit affectée.
L'écriture du genre neutre ne m'a pas dérangée, au contraire, j'en ai découvert les subtilités tout au long du roman et j'ai trouvé cet aspect fascinant, et sa lecture plutôt fluide.

Erwan Larher est un excellent conteur et je n'ai pas boudé mon plaisir durant ces plus de 300 pages que j'ai englouties en quelques heures !
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Micro-politiques locales et vieilles pierres, grand banditisme international et utopies concrètes, politiques de genre et émancipations quotidiennes : un roman explosif et audacieux au confluent exact de l'intime et du politique, du sauvage et du domestique.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/05/25/note-de-lecture-indesirable-erwan-larher/

En nous offrant « Indésirable », avec sa double prise d'appel sur l'amour authentique de la vieille pierre (métaphore rare d'un chemin de déliquescence pourtant déroulé en permanence sous nos yeux) et sur l'hybridation savante des motifs du chevalier d'Éon et de la princesse Saphir avec ceux, rugueux, sauvages et pourtant extrêmement disciplinés, des « Citoyens clandestins » de DOA, Erwan Larher développe une fascinante expérience pleinement romanesque, sans glose ou presque – en dehors des situations de débat « normal » cher aux autrices et aux auteurs se préoccupant sincèrement de l'avenir collectif à travers le prisme de la prise de parole politique, qu'ils l'avouent ou non : que l'on songe au Kim Stanley Robinson de « S.O.S. Antarctica » ou au Mathieu Larnaudie de « Acharnement » -, de la fusion de la politique à l'échelle la plus locale (avec une saveur comique et tragique qui se garde pourtant soigneusement de la farce et de la parodie, toujours tentantes en la matière) et de l'utopie la plus concrète, avec ses risques, ses erreurs et ses possibles fourvoiements.

Un plaisir supplémentaire et une admiration indéniable viendront ici se nourrir de la prise de risque ajouté inscrite au coeur du langage mis en oeuvre : comme en résonance avec le travail de Ketty Steward dans sa nouvelle « Lozapéridole 50 mg comprimée pelliculée » (recueil collectif « Sauve qui peut la santé », La Volte, 2020), Erwan Larher opère avec minutie pour inscrire dans chaque interstice loisible de son roman la possibilité d'une grammaire du neutre qui soit à la fois pratique et élégante, au-delà de l'effet salutaire de surprise initiale et de grande peur des bien-pensants réactionnaires. Et c'est ainsi que l'écriture se fait toujours le soutien souterrain d'une avancée psychologique et politique, en action littéraire.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Saint-Airy, petit bourg provincial, calme, trop calme. Environ 2500 âmes. Quand soudain débarque Sam. Sam est un personnage au genre neutre, physiquement entre homme et femme, ne souhaite pas entrer dans les détails de sa propre intimité, et achète une vieille maison au passé sordide. Les habitants de Saint-Airy sont partagés : nouvelle recrue qui va donner un souffle nouveau au village ou par sa possible intersexuation donner une mauvaise image et voir rappliquer des intrus importuns. Les passions de Sam sont les vieilles pierres (et le potentiel patrimonial du village est énorme) et le théâtre. Ainsi il serait envisageable de rendre le village attractif par la restauration des ruines où bâtiments endommagés ainsi que créer une troupe théâtrale pour rendre Saint-Airy touristiquement visible tout en distrayant les autochtones, qui se demandent sans répit si Sam est femme ou homme.

Victor, un veuf du village, cherche l'âme soeur et va bientôt passer à la télé dans une émission populaire. L'excitation est totale à Saint-Airy, l'animation bat son plein. Mais ce n'est rien à côté de ce que Sam ne va pas tarder à déclencher…

Ce nouveau roman d'Erwan LARHER est audacieux sur plusieurs points. Tout d'abord, la diversité des ambiances forme une palette assez conséquente, entre farce rurale, préjugés, bêtise ordinaire sur les liens de la terre, mais aussi sa modernité par l'arrivée intempestive d'une personne indéfinissable et mystérieuse. Sans oublier le crescendo très sensible jusqu'à ce que l'intrigue bascule en vrai thriller. Mais le plus hardi des choix de l'auteur est bien celui d'avoir rédigé ce roman en écriture inclusive pour le personnage de Sam. Si le style peut parfois gêner, il se révèle pourtant rapidement fort adroit et diablement original. « Si j'étais sentimentæl, je serais triste, inquiæt, anxieuz ».

« Indésirable » pointe le doigt sur le choc des cultures, entre population réactionnaire tenant à sa tranquillité, quitte à ce qu'elle soit rébarbative, et de l'autre des éléments novateurs prêts à bousculer les habitudes et faire d'un village une expérience sociétale, y compris politiquement. Sans compter qu'il n'est pas aisé de se défaire des ragots, toujours bourgeonnants et pas toujours fondés. Certains des habitants du village possèderaient un passé un peu trouble. Ce qui pourrait être aussi le cas de Sam.

Saint-Airy va avoir droit à la horde journalistique, à vous de découvrir pourquoi et dans quelles circonstances, et aussi parce que « le modèle politico-économique de Saint-Airy est de plus en plus étudié, voire copié. Certains experts se demandent comment on n'y a pas pensé avant : une commune qui appartient à ses habitants, quelle révolution ! ». Car il commence à souffler un petit vent libertaire au-dessus de Saint-Airy. Avant les drames…

Roman moderne par sa forme d'écriture, mais aussi par les sujets : le harcèlement sexuel (allusion au mouvement #MeToo), le choix du genre chez une personne, la place de la culture dans son implantation locale, le féminisme ou encore l'expérience de la démocratie participative. Derrière les interrogations actuelles, restent les sujets presque intemporels, comme la corruption et les connivences en politique, les préjugés raciaux, sociaux et sociétaux, les difficultés de vivre en société et l'attrait pour une vie plus autarcique. Et ce rappel dur comme un roc : dans la vie tout n'est pas négociable.

« Indésirable » vient de sortir chez les excellents Quidam et pourrait bien être l'un des premiers exemples de la littérature qui nous attend dans les prochaines décennies. Novateur et audacieux dans le mélange des genres (sans jeu de mots), il ne s'interdit rien, et une force originale et déconcertante en résulte.

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Dans un futur assez proche, le personnage central Sam Zabriski s'installe dans un petit village. On nous promet une guerre sans merci, et, dès le début, j'imagine un crime de haine envers cette personne de la part des villageois que l'Auteur décrit très bien. J'ai retrouvé toute cette ambiance des villages perdus, de l'entre soi, de la médisance, de la peur et du rejet de l'autre. Les premiers chapitres ne m'ont guère emballé car ils me plongeaient dans ma propre enfance, vers des souvenirs que le temps a recouvert : la souffrance d'être l'étranger et non conforme à la norme machiste. Au-delà des chapitres d'exposition, une fois le décor et les caractéristiques des protagonistes posés, la réelle intrigue est lancée. A partir de ce moment, il est difficile de se détacher du livre. On monte crescendo dans une histoire rocambolesque, on choisit son camp, on veut abattre la vieille garde. On soutient Sam et ses amis, on veut faire reculer l'ignorance et ancrer la culture là où elle est encore limitée à la chasse humaine. de chapitre en chapitre, on suit le dessin que Sam esquisse pour St Airy. L'écriture inclusive est parfois compliquée à lire, mais on finit par s'y adapter. Elle aide à déplacer l'intrigue. On s'occupe moins du genre réel ou supposé de Sam pour focaliser réellement sur ce qui sera le nerf de la guerre. La fin est inattendue. La morale est propre à ces contrées sauvages.
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