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EAN : 9791096997084
320 pages
Omblage Editions (12/03/2019)
4/5   4 notes
Résumé :
Reliques, trophées, objets d'art ou de commerce, avertissements aux criminels ou sujets de recherches savantes, les têtes humaines voyagent souvent longtemps après avoir été séparées de leurs propriétaires.
Au Moyen-Âge, des têtes saintes accomplissent des miracles. Pendant la Révolution, Marie Tussaud fonde le plus célèbre musée de cire du monde à l'aide des masques mortuaires de la Terreur. Au dix-neuvième siècle, les phrénologues cherchent dans les bosses... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Frances Larson, chercheuse passionnée du musée Pitt Rivers de l'université d'Oxford, célèbre pour sa collection de têtes réduites, nous plonge dans le bain de l'histoire étrange et fascinante de la tête coupée.

Lieu hautement symbolique du corps humain, la tête est décrite ici par l'anthropologue comme on ne ne la voit jamais ou presque (et pour cause, puisque séparée du corps). Siège du cerveau supposé abriter l'âme, la tête humaine qui héberge pas moins de quatre des cinq sens, et de ce fait assure le lien entre l'extérieur et l'intérieur du corps, devient ainsi sa partie la plus expressive et objet de tous les fantasmes.

En explorant les multiples manières dont l'homme obtient, utilise, met en scène une tête humaine coupée, Frances Larson cherche à percer le mystère de la fascination qu'elle exerce sur les hommes — prenant pour exemples les têtes réduites par les Shuars d'Amérique latine sensées leur transmettre leur force, ou les têtes de saints, reliques vouées à l'adoration, ou bien celles des décapités par l'épée du bourreau ou par la guillotine, dont on va essayer de déterminer l'instant de la mort.

De façon générale, des exemples qui montrent que l'homme transforme la tête en objet pour se l'approprier ou mettre à distance l'ennemi, telles les têtes trophées des soldats de la guerre du Pacifique (cf. la photo de couverture). Des têtes qui, comme au musée Pitt Rivers, peuvent aussi être considérées comme des oeuvres d'art. Au même titre que les têtes peintes de Géricault, plus inoffensives, comme le sont aussi les têtes disséquées par les étudiants en médecine ou celles soumises à la cryogénie par leur propriétaire, espérant bénéficier des progrès de la science. Une évolution pacifique, toutefois contredite aujourd'hui avec la diffusion de décapitations sur Internet, attirant des spectateurs nombreux.

Le résultat de cette étude est étonnant, quelquefois effrayant et spectaculaire. On ressort de cette lecture fasciné par les implications mises en lumière par l'historienne, relatant des anecdotes éclairantes sur nos croyances, nos pratiques et nos peurs. Un travail rigoureux, non dénué d'humour, absolument passionnant, qui nous fait voir à quel point les têtes coupées nous rappellent notre fragilité, et nous poussent à regarder en nous-mêmes à la recherche de notre humanité.
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La décapitation me glace mais en peinture où sa représentation est fréquente elle peut me fasciner. “La tête coupée dérange les classifications, parce qu'elle est à la fois une personne et une chose. C'est toujours les deux et aucune des deux », écrit Frances Larson. Si les travaux de Géricault et sa familiarité avec l'hôpital Beaujon pendant qu'il oeuvrait au Radeau de la Méduse (documentés dans le chapitre “Têtes encadrées”) m'étaient connus, l'auteur m'apporte ici des perspectives beaucoup plus vastes sur le sujet. La tête coupée est toujours celle de quelqu'un qui l'a perdue serine F. L. sans ironie tout au long de ce vaste travail de synthèse (réalisé à partir d'études et de travaux dont l'imposante bibliographie finale relaie les sources variées et transversales). C'est au musée Pitt Rivers célèbre pour sa dizaine de têtes réduites qu'elle a commencé à écrire son livre ; un regard de conservatrice, d'historienne et d'anthropologue posé sur la bizarre collection qu'elle avait sous les yeux. Mais ce sont les conditions sordides de l'exhibition de la tête de Cromwell fixée longtemps au sommet de Westminster Hall et l'histoire de sa conservation jusqu'au XXe siècle qui introduisent l'édifiante lecture.

Dans toute l'Europe des bourreaux zélés et de fort bonne éducation participèrent à la dramaturgie morbide de la décapitation publique (la dernière exécution publique en France eut lieu en 1939). Des archives informent précisément sur les spectacles d'échafaud, leurs supplices variés et le plaisir qu'ils suscitaient, qui traversent notre histoire. Mais des têtes furent tranchées également à la sauvette dans des cimetières (Haydn), des morgues ; des fosses communes furent fouillées ; des sépultures profanées ; des sites archéologiques pillés ; des indigents assassinés ; des crânes substitués, volés, vendus, achetés, collectionnés, mesurés, cartographiés à des fins pseudo-scientifiques à la fin du XIXe siècle ; des têtes de saints exposées à la dévotion des croyants. Depuis la nuit des temps guerres et conflits sont toujours l'occasion de macabres pratiques, de "ramassages" que les conventions internationales de l'âge moderne ont tenté d'interdire (la photo de couverture montre un crâne japonais qui servait de mascotte sur une vedette de l'US Navy en 1944). La chasse aux têtes, ritualisée dès le XVIe siècle dans certaines sociétés primitives d'Amérique du sud (Shuars et Ashuars), devenue sporadique, s'est trouvée revitalisée au contact des colons européens dans un commerce « têtes contre fusils ». le père de l'anthropologie britannique, Alfred Cort Haddon, était connu pour sa collection de crânes... Mais on dissèque aussi des têtes en toute légalité dans les facs de médecine, on en conserve d'autres à des fins de recherche ; des instituts de cryogénisation s'occupent de mettre des cerveaux en bocaux en attendant l'heure où il sera possible de faire repousser des corps autour !

« Nos traditions de décapitation sont profondes et persistent encore maintenant, bien qu'elles soient non dites » (p. 15), apprend-on sans trop s'étonner de ce parcours terrifiant. En témoignent tous ces spécimens détenus par des institutions scientifiques, culturelles, des musées, des facultés et leurs laboratoires, des édifices religieux. Leur provenance et les conditions souvent douteuses et illégales dans lesquelles ces « objets » furent acquis conduisent la britannique à questionner sans tabou leur nature en même temps que le geste de décapitation qui les a produits et les spectateurs que nous sommes occasionnellement devant ces “objets". Y a-t-il une forme d'humour noir de sa part derrière un sommaire à faire frémir : « Têtes réduites » ; « Têtes trophées » ; « Têtes coupées » ; « Têtes puissantes » ; « Têtes en os » ; « Têtes disséquées » etc. ? Sous la brièveté suggestive de ces « têtes de chapitre », la décapitation apparaît en ses aspects les plus troubles, les plus occultés et les plus dérangeants. L'auteur dévoile la réalité visible et invisible ; la frontière ténue entre “barbarie primitive” et “raffinement civilisé” se dissipe ; les ressorts profonds d'un geste cruel mais pratiqué de longue date et fort « apprécié » dans toutes les sociétés humaines se font jour. Passionnant.


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Du crâne à la tête, en passant par la tronche, le ciboulot ou la bobine, Frances Larson vous dira tout sur cet organe bien méconnu : une étude fascinante, inquiétante et étonnante, qui scrute le regard porté par les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs, sur ce qui apparaît, la plupart du temps, comme le siège de notre intelligence.

Des pratiques les plus évidentes aux plus incroyables, l'auteure n'a pas son pareil pour présenter les anecdotes les plus sensationnelles portant sur les têtes, perdues, coupées, volées ou conservées. Son sérieux et son savoir sont évidents et reposent sur des années de pratique et de recherches.

Si l'oeuvre fascine dès les premières lignes et nous en disent autant sur les pratiques des peuples primitifs que sur les nôtres, l'analyse se fait plus narrative et, peut-être, moins poignante sur le dernier tiers. Plusieurs coquilles retiennent malheureusement l'attention du lecteur et on pourra regretter qu'une étude d'une telle qualité n'ait pas bénéficié d'une relecture plus rigoureuse.

L'ensemble reste néanmoins captivant et nous en dit long sur notre rapport à notre propre corps et sur le regard que nous portons sur cet organe extraordinaire.

Edifiant !

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découvert grâce à la précieuse contribution des Editions Omblage lors de la généreuse opération Masse Critique de Babelio. le choix de cet ouvrage était raisonné, motivé, et dans mon imaginaire illustré de plusieurs références fictives et réelles.
entendant
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
On ne comprend pas les complexités infinies de la manière dont la personnalité interagit avec le corps, mais il y a des raisons de croire qu’on devrait se méfier de tout attribuer au cerveau et de sous-estimer le rôle du corps dans la formation des idées. ... Les recherches ont montré que des exercices physiques pendant toute la vie améliorent la mémoire, le champ de l’attention et la capacité d’apprentissage ... ce qui signifie que l’effort physique fait aussi travailler le cerveau.
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Paracelse recommandait la "mousse", ou lichen, qui poussait sur le crâne d'un mort contre les crises d'épilepsie et les "désordres de la tête" et pour panser les blessures, en croyant que "l'esprit vital" libéré à la mort serait transféré du crâne dans le lichen qui commençait à pousser à la surface. Que ces lichens poussés sur des crânes aient été assez rares ne faisait qu'augmenter la valeur du traitement. La mousse de crâne semble avoir été un remède particulièrement populaire en Angleterre et en Irlande, peut-être parce que dans ces pays, les criminels exécutés étaient souvent laissés exposés en public jusqu'à ce que leur chair pourrisse et tombe et que des choses commencent à pousser sur les os. En 1694, on signala que des droguistes de Londres vendaient des crânes bien moussus pour huit à onze shillings pièce, en fonction de la taille et de la quantité de mousse. (p. 164)

Chapitre 5, Têtes puissantes
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Naviguer sur le paysage émotionnel de la profession médicale est chargé de difficultés des deux côtés de la frontière entre l’être humain et l’objet. Dans la salle de dissection, le cadavre n’est jamais un objet comme les autres. Les étudiants apprennent à l'étudier et à le manipuler comme un objet, mais il occupe aussi d’autres mondes.
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Il est difficile de comprendre les conditions des unités de combat à Guadalcanal en 1942. Même les unités de logistique, à l’arrière du front, avaient une idée faible de ce que c’était d’être plongé dans le « hachoir à viande », où le temps n’avait pas de sens et où il n’y avait pas d’espoir de fuite ; si cela ne tuait pas, cela rendait fou.
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D’une certaine façon, les reliquaires étincelants compensaient la décomposition corporelle qui menaçait les reliques qu’ils contenaient. Quand on est une vieille boule brune et ridée de matière organique dégradée, cela aide d’être installée dans une boite dorée, incrustée de pierres précieuses et placée dans un édifice public, où les gens sont censés se comporter avec décence et respect.
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