Si on observe aujourd’hui dans le monde entier une renaissance de la pensée métaphysique, c’est parce qu’elle répond à une exigence de la conscience que le positivisme et la théorie de la connaissance ont pu pendant longtemps nous faire oublier, mais sans réussir jamais à l’ensevelir. Pour la satisfaire il faut ne pas craindre d’affirmer que le propre de la philosophie est de nous faire remonter jusqu’à la source émouvante de notre être individuel et secret, qui cherche toujours, disait Kierkegaard, sa relation absolue avec l’Absolu.
Il ne faut pas s’étonner que, dans une époque troublée comme la nôtre, l’âme humaine, qui se sent presque toujours menacée, livrée à elle-même dans l’abandon ou l’insécurité, et qui fait peut-être l’apprentissage d’un état violent et douloureux dans lequel il semble souvent qu’elle se complaise au lieu de chercher à s’en affranchir, se tourne de nouveau vers la philosophie pour lui demander les clefs de cette aventure dans laquelle elle se sent emportée.
La philosophie commence avec l’acte de réflexion : elle a la même étendue que lui ; dès qu’il cesse, elle cesse aussi. Il serait vain de croire qu’il est possible de surpasser la réflexion, car, si elle est le pouvoir de tout remettre en question, il n’y a rien qui puisse être justifié ni possédé autrement que par elle.
La défiance que l’on éprouve à l’égard de la métaphysique pro-vient moins sans doute de l’impossibilité où l’on croit que se trouve la pensée de percer l’apparence pour aller jusqu’à l’être, que de l’impuissance où l’on voit l’être fini d’embrasser adéquatement le tout dont il fait partie et qui de tout côté le surpasse infiniment.
En tant que phénomène ou que corps, je fais partie du monde, mais en tant que moi je n’existe que dans l’acte par lequel je me crée, je participe à une puissance créatrice que je limite et qui est elle-même sans limitation