Lorsque j'ai vu passer une publication de Bragelonne à propos de cette trilogie (en substance : "si vous aimez: les histoires de vengeance, les trucs dark, les personnages durs, les passés violents [etc] , ce livre est pour vous !) qui semblait m'être directement adressée, ni une ni deux, j'ai sauté sur des exemplaires d'occasion. Difficile de passer à côté lorsqu'on énumère tous les mots clefs des histoires qui me font vibrer !
Si j'aime la low/dark fantasy, il faut croire que ça faisait un petit moment que je n'en avais pas lu, car ça commence directement dans le vif du sujet, et il faut dire que je ne m'attendais pas à ce que ce soit si crade d'entrée (j'avais peut être un peu perdu foi devant les différences entre les annonces et avis et le contenu même desdits livres. Chacun son échelle de valeur, après tout !).
Une fois la surprise passée, et au moins ça annonce la couleur, j'ai lu dans un temps record ce premier opus. L'écriture, sans se démarquer follement, est maîtrisée, le personnage principal est d'un grinçant au possible, dans un monde qu'on suppose médiéval mais qui se révèle bien plus que ça...
J'ai été vraiment stupéfaite de lire (ici et ailleurs) des avis et critiques où pas mal de gens semblaient complètement être passés à côté du fait que s'il s'agit d'un récit med-fan, l'univers lui est bel et bien post-apocalyptique.
Ce que certains pointent du doigt comme un manque d'originalité et d'idées, je le qualifierai volontiers de ligne directrice mais à prise à contre-pied de ce qu'on a l'habitude de lire/voir.
D'entrée de jeu, nous avons une carte qui ressemble énormément dans son découpage géographique comme dans ses noms, à notre Europe. Au début, cela ne m'a pas choquée, au lieu de penser que l'auteur ne s'était pas foulé (comme j'ai pu le lire dans d'autres avis, me hérissant le poil au passage), j'ai pensé qu'il s'agissait là d'un Moyen-Âge alternatif, certes pas très commun, mais similaire à ce que d'autres auteurs ont pu utiliser.
Ensuite, quelques indications sont données ci et là par les personnages, ça évoque
Platon,
Plutarque, ce qui jusque là corrobore la thèse du Moyen-Âge alternatif, et...
Nietzsche. Alors là, si vous n'avez pas ne serait-ce qu'un micron de bout de puce à l'oreille...
Partir du principe que l'auteur se trompe plutôt qu'il y a un réel intérêt informatif pour son écrit, c'est assez discutable. Mais passons.
Car nous avons confirmation par la suite qu'il s'agit bien de notre Europe, mais à un âge futur... qui serait ironiquement retombé au Moyen-äge ! D'autres informations sont données sur la temporalité, et on ne peut s'empêcher de décrypter avec nos yeux actuels ce que les personnages voient avec les leurs : l'acier des bâtisseurs qui ne rouille pas devient de l'inox, la pierre magiquement renforcée de fer devient du béton armé, les tunnels souterrains munis de chemins de métal se révèlent lignes de métro...
J'ai trouvé au contraire la graduation de la compréhension du lecteur très bien maîtrisée, peut-être a-t-on tellement l'habitude que tout soit expliqué, ré-éxpliqué, pré-mâché et pré-digéré afin qu'on comprenne bien tout, que lorsqu'on se retrouve face à quelque chose qui diffère de ce à quoi on s'attendait, on est perdu? Comme s'il fallait suivre des codes du genre pour que ça soit bon ! Nous ne sommes pas dans un exercice scolaire, et personnellement, j'ai trouvé ce livre prenant, incisif, exaltant par moments, en bref, très bon.
Les différents partis pris sont originaux et audacieux, surtout si l'on considère qu'il s'agit d'un premier roman.
Cela fait appel à certains sentiments qu'on peut entrevoir nous-même, surtout au vu de ce que les personnages vivent et ont vécu, et rappelle que tout est une question de point de vue.
Car si Jorg et ses compagnons paraissent brutaux et cruels, c'est parce que leurs agissements le sont d'une façon toute naturelle, dictée par leur passé et le monde dans lequel ils évoluent; à différencier du trash gratuit, la violence pour la violence, qui non seulement ne parviendrait pas à donner l'ambiance si réussie de ce récit, mais deviendrait comme un défi de lecture pour un type de personnes qui seraient insensibles à son essence même. Question de goût !
Je suis absolument ravie de ma lecture. C'est tellement rare quand un livre ne ment pas sur son emballage dans le bon sens du terme, et qu'on repart l'esprit chargé de ce qu'on était venu chercher !