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Voilà un livre jubilatoire. L'auteur a attaqué la montagne Rimbaud, par une voie inconnue, celle du frère méprisé, effacé des tablettes. le résultat est si bon, qu'on se félicitera que Pierre Michon, qui en avait eu l'idée ait finalement abandonné le sujet, tout en la soufflant à l'auteur, alors que celui ci écoutait une émission de France culture.
Comment se fait il que nous n'avions pas vu l'absent, rayé des photos officielles comme les gens qui dérangeaient en URSS ?...Pourquoi les biographes ont ils préféré dériver sans cesse vers les chemins balisés de l'errance, plutôt de poser les questions qu'un enfant pose, en regardant un album photo de famille ? Comme dans cette nouvelle d'Edgar Poe : La lettre qu'on cherchait partout était au milieu de la table, au visu de tous.
Sans doute avions nous préféré ne pas voir ce qui nous dérangeait, et entretenir ce mythe romantique du poète aux semelles de vent, sans nous attarder sur le coin originel des Ardennes..
Cette histoire, c'est celle d'une manipulation réussie! Depuis 150 ans un fils a été jugé génial, intouchable, et l'autre non grata !. Si indigne qu'il a d'ailleurs totalement disparu, comme le héros de « L'homme qui rétrécissait » de Richard Matheson .
Pour ma part, moi qui ai lu tout de même quelques livres sur le sujet, je m'interroge sur ma cécité. Peut être elle elle apparue dans le point aveugle du nerf optique ?….En tout cas en voyant la jaquette du livre de David le Bailly, j'ai été saisi d'un grand trouble, comme si moi aussi j'avais été complice du crime.
Sans doute préférions nous regarder le démiurge de 15 ans, toujours sidéré par « le bateau ivre » et autres « poètes de sept ans » . C'est cet « arrêt sur l'image » qui a fait envisager le transfert des cendres du poète au Panthéon, avec ceux de Verlaine. En oubliant le trafiquant d'armes, cet aventurier douteux et avare , complice de la mère dans le rejet de Frederic.
Un peu fort de café, ce projet de panthéonisation, à l'heure où l'on déboulonne les statues de Vauban, ou l'on change le titre du livre d'Agatha Christie « les dix petits nègres » . Si le mot « Nègre » nous effraie par ce qu'il peut signifier, alors comment peut on oublier nos valeurs morales en séparant Arthur Rimbaud de son oeuvre ? .
"L'homme aux semelles de vent" avait tout du scaphandrier au semelles de plomb, quand il ne voulait pas quitter "son or" qui l'accompagnait partout, caché sur lui. Huit kilos qui n'ont pas du arranger sa jambe. "L'autre Rimbaud". ...N'est ce pas celui ci aussi, l'étranger au monde de la sensibilité qu'il avait, s'étant amputé de ses idéaux de jeunesse?..
David le Bailly a réalisé là un travail remarquable, pratiquement archéologique, en revenant sur les lieux de la scène primitive : le village, la maison, la personnalité de la mère, intransigeante, cassante, castratrice, distribuant les rôles. Il nous la montre mettant tout le monde au pas, méprisant les gens de peu, ou en profitant, en cheffe de ces Tenardier locaux.
Comment se construit la dynamique d'une famille ? Cette histoire nous interroge sur nos histoires propres, comme l'auteur le fait d'ailleurs lui même, sur la sienne. Enfant unique, il a souffert de cette absence de frère, fantasmant sur cet élément manquant, comme tant d'autres avant lui. « Toi le frère que je n'ai jamais eu, sais tu ce que nous aurions fait ensemble ! » Chantait Maxime le Forestier.
.Les deux frères Rimbaud firent beaucoup de choses ensemble, dans leur enfance, au pont d'être inséparables, et la dérive sur le bateau ivre qu'Arthur mettra en vers plus tard, s'est peut être bien fait sur le cours d'eau local, comme le suggère l'auteur.
La distanciation s'est faite insidieusement, liée aux résultats scolaires, servant à la mère de séparer le bon grain, Arthur, de l'ivraie, Frederic.. Car cette femme excelle par son histoire et son éducation aux opérations de clivage. Ce n'est pas une mère, mais une DRH cassante, ayant récupéré l'autorité du père absent, ce capitaine dont finalement les deux fils suivront un moment son exemple en s'engageant. Arthur désertera très rapidement de l'armée Hollandaise, et Frederic honorera la durée de son contrat, en Algérie. C'est un raccourci saisissant sur la personnalité des deux frères, l'un emporté, et l'autre résigné et respectueux.
Arthur est prédestiné au plus grandes promesses, et supplante son aîné dans l'attente. Ce n'est pas rien à cette époque dans le monde rural, où c'est normalement le plus âge des garçons qui est investi dans la succession.
de cette adoration de la mère, s'explique sans doute une part de la personnalité d'Arthur, réagissant souvent comme un enfant unique, trop gâté. Et tout autant celle de son frère, longtemps effacé et fataliste, jusqu'à sa révolte motivée, qui ne fera qu' exacerber son rejet complet, avec la complicité d'Arthur. .
De fait, la correspondance entre le fils adoré et la mère ne laisse aucun doute sur leurs idées communes au sujet de Fredéric.
 L'enfer c'est les autres…. « Pourquoi  ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont — nous ont donnés — de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d'autrui entre dedans. » (Jean Paul Sartre-interview, à propos de « l'enfer c'est les autres)
L'auteur ne l ‘a pas fait pas délibérément, mais au fur et à mesure qu'il sort Frederic de l'ombre, Arthur perd de sa brillance et de son mystère. On le pensait victime. Il se révèle complice écoeurant d'une mère abusive, qui continue, malgré les milliers de kilomètres, à entretenir sa place « d'enfant roi » au centre de la famille,
En ramenant Frederic dans le portrait de famille, cela réajuste les positions de chacun. La fille se révélera copie conforme à la mère, toute aussi vigilante avec son mari opportuniste et matois, à s'approprier les droits exclusifs de la succession littéraire !
Mais c'est tout autant à ses qualités de romancier, et même de « voyant » qu'il vole à Rimbaud, que l'auteur parvient à élever ce livre vers les sommets, se jouant de l' omerta, des culs de sac, et des secrets de famille qui ont balisé la route de tous ceux qui se sont attaqués à ce sujet lambda, où les pancartes vous indiquent les directions à prendre : Paris, Londres, Java, Aden. Mais sûrement pas celle de « Roche », où la mère s'est appropriée la source du village, et échangera tant de lettres avec Arthur. Bien qu'il soit en Afrique, il est bien plus près d'elle que Frederic.
S'il faut « absolument être moderne ». pour paraphraser Rimbaud, alors il ne faut pas se tenir comme tant d'adorateurs au garde à vous devant la statue.
L'aventurier en rupture des parapets de la vieille Europe pesait infiniment plus lourd dans la légende que son frère, ce conducteur de diligence honnête en tous points, et brave homme, fier de son état , menant son chemin, mais ayant oser affronter la mère dans une joute homérique et judiciaire qui laisse ahuri.
On l'a donc tué d'abord au niveau au niveau symbolique, puis chassé de toute représentation, et de tout intérêt financier. Les sous pèsent beaucoup plus que les alexandrins dans cette histoire.
Frederic mènera tout de même une existence digne, et aura oser s'affirmer face au moloch familial, méprisant le chantage qu'elle induit, préférant sa liberté, sans avoir besoin de se perdre en Afrique.
Ce livre est une opération d'exhumation iconoclaste, qui, si il brouille l'image de la statue sacrée, et perturbe les Rimbaldiens, fait un bien fou  par sa valeur régénératrice, en remettant la famille Rimbaud en perceptive. .
A ce jeu là, Arthur apparaît bien vulgaire et méprisable. Frédéric est le révélateur de la vilenie de cette famille d'esprits bas, penchée sur leurs bénéfices, avec la mère en chef de clan.
La sympathie autour d'une oeuvre nous met souvent bien peu critique de la valeur humaine des hommes. Celine a longtemps bénéficié d'une certaine bienveillance, en dépit de sa scélératesse, pour avoir écrit un chef d'oeuvre : le voyage au bout de la nuit.
Il semble que nos esthètes aient du mal à dire qu'un génie littéraire soit proche de la débilité au niveau de l'émotionnel et de l'empathie, et que des pudeurs de convention sociale pratiquent une forme d'autocensure. L'auteur aborde aussi ce sujet, lié au mépris de classe. Les minuscules deviennent parfois si insignifiants, qu'ils ne leur reste plus qu'à endosser un gilet jaune pour exister! .
Au fur et à mesure de la lecture, j'ai pressenti l'exaltation de l'auteur, débordant du sujet, tant le sujet Rimbaud est sorti du cadre de l'enfant génial, pour être signifiant du cercle de famille, et même au delà, des rôles distribuées par la société de classes. .
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En avril 2020, j'avais lu "Azur noir" d'Alain Blottière qui racontait, sous forme de roman, la rencontre de Rimbaud et Verlaine à Paris. La description du poète était déjà bien loin de l'image du brillant poète, dont l'art enthousiasme encore des générations d'admirateurs.
C'est donc avec grande curiosité que j'ai abordé cette biographie romancée, pour approfondir la connaissance de l'homme, Arthur Rimbaud, et non du poète à travers l'intimité de sa famille. Arthur n'est pas le personnage principal mais c'est son frère aîné Frédéric, qui est mis en lumière.
Alors que les deux frères s'entendaient à merveille enfants, qu'une grande complicité les unissait, l'âge adulte va les éloigner et Arthur n'aura de cesse de dénigrer ce frère, appuyé en cela par leur mère, Vitalie Cuif, et leur soeur cadette, Isabelle.
Elles vont s'acharner à le spolier, à le mépriser car il avait déchu en devenant conducteur d'omnibus et en épousant une femme en dessous de sa condition sociale, à essayer de le gommer de l'histoire familiale afin que ne soit pas terni le mythe d'Arthur, créé de toute pièce par les deux femmes et entretenu par les admirateurs rimbaldiens.
L'auteur, lui, n'hésite pas à montrer le poète, qui a arrêté d'écrire à 20 ans, sous son vrai jour : un homme orgueilleux, égoïste, qui part dans les colonies pour amasser une fortune en faisant du négoce et de la vente d'armes.
Ce qui est émouvant dans cette enquête-roman c'est l'empathie de l'auteur, David le Bailly, pour Frédéric dans lequel il se reconnaît; il semble que, lui aussi, ait souffert de l'absence du père et d'une mère autoritaire, dure, avec laquelle les relations étaient plus que tendues. L'auteur intercale régulièrement dans le roman, des pages où il explique pourquoi il a voulu faire sortir Frédéric de l'ombre et le réhabiliter, sa démarche, ses recherches difficiles.
Passionnant et émouvant.
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De David le Bailly, j'avais beaucoup aimé La captive de Mitterrand, l'histoire d'Anne Pingeot et du président français. L'autre Rimbaud m'a, lui, complètement emballée.

🌻Comment une famille de riches propriétaires terriens peut-elle effacer un des siens, parce qu'à ses yeux il est un raté? Comment une mère, celle d'Arthur et de Frédéric peut-elle à ce point haïr le second qu'elle fera tout pour lui nuire, sa vie durant? C'est ce que raconte L'autre Rimbaud qui se consacre au frère du grand poète.

🌻Alerté par l'absence totale de Frédéric dans l'histoire littéraire, David le Bailly a mené l'enquête sur ce frère dépossédé de tout. Avec une plume alerte et vive, il raconte les secrets rances des familles, s'attarde sur la vie d'Arthur en Afrique, sur la supercherie littéraire commise par Isabelle, la soeur, et son mari, souhaitant donner d'Arthur l'image d'un saint, demeuré catholique jusqu'à sa mort. Et sur la terrible disparition de Frédéric. C'est passionnant, d'un bout à l'autre et très vivant.

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On plonge dans ce livre comme dans un abîme sans fond. L'auteur a mené une enquête très difficile sur le frère d'Arthur Rimbaud, Frédéric Rimbaud. Très difficile, pourquoi ? Parce que ce frère qui ne correspondait pas aux attentes de la famille a été complètement gommé des archives familiales avec une volonté destructrice sans pareil. Trahi par sa mère par sa soeur et par son illustre frère avec qui pourtant il avait tissé des liens forts pendant son enfance. En effet ils avaient un an de différence. On l'a même fait disparaître de la célèbre photo de communion sur laquelle il pose avec Arthur. Et pourtant il a mené un combat contre une mère toxique , méchante, injuste, manipulatrice, et il a réussi à en sortir vainqueur même s'il l'aura à le payer très très cher. C'est donc une vie de misère que Frédéric Rimbaud mène. L'icône "Arthur Rimbaud" est écorné dans ce récit glaçant bien que ça n'ôte rien à son génie, bien entendu. C'est donc un très beau récit romancé dont on ne ressort pas indemne que nous livre David le Bailly.
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Il s'agit ici d'un livre vers lequel il était évident que j'allais me diriger. Déjà le titre m'interpellait car je me demandais qui pouvait être cet autre Rimbaud je me doutais qu'il s'agirait de quelqu'un de la famille et cela aiguisait d'autant plus ma curiosité : y-avait-il eu un autre "génie" dans la famille, un peu à la manière des Claudel, Camille et Paul? et puis cette couverture, cette silhouette auprès du poète... déjà j'étais charmée.
Cet autre Rimbaud donc, c'est Frédéric, le grand frère d'Arthur, il n'est pas un autre "génie", il est plutôt considéré comme "l'idiot" de la famille, il est celui qu'on effacera des biographies et même des photos, celui dont on a honte.
David le Bailly redonne ici existence à cet oublié.
Le livre alterne entre son histoire et l'enquête menée par l'auteur pour récupérer des informations.
Pour être honnête la vie même de Frédéric n'est pas passionnante, ce qui est en revanche très intéressant ce sont les rouages de cette famille capable d'encenser un enfant et d'en piétiner un autre, c'est cette capacité à faire disparaître ce qui pourrait entacher la réputation du célèbre poète, même s'il s'agit d'un membre de la famille... Frédéric n'était peut-être pas parfait mais Arthur non plus, loin de là!
C'est donc une lecture assez intéressante, de celles qui s'attachent à montrer l'envers d'un décor bien travaillé.

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Qui ne connait pas Arthur Rimbaud ou l'un de ses poèmes ? On connait également sa vie d'excès, ses amours tumultueux. Mais pour ma part, je n'avais pas eu la curiosité de fouiller sa vie, sa jeunesse, sa famille. David le Bailly, l'a fait pour moi, pour nous. Il nous raconte avec beaucoup de pudeur et d'admiration l'enfance d'Arthur Rimbaud mais également celle de Frédéric. le grand frère, celui qui disparait, car trop proche du père ou sans ambition, sans le côté fantasque du petit frère qui prend tout l'espace.

"Chez les frères Rimbaud, ce qui me surprenait, c'était le contraste entre leur proximité durant l'enfance et leur indifférence à l'âge adulte. (…) Et pourtant cette histoire , il y eut bel et bien un bon fils, sanctifié par sa famille (Arthur), et un mauvais fils, sacrifié, puis dépossédé (Frédéric). Arthur n'a pas tué Frédéric. Mais son désintérêt, son mépris, ont contribué à son bannissement."

Nous connaissons parfaitement la photo de gauche où l'on voit Arthur en tenue de communiant. Seul, le regard franc, Arthur à 11 ans. Ce que l'on découvre bien plus tard, c'est la photo originelle. Celle de droite ! Celle où l'on voit Frédéric au regard doux. Celle que la famille a modifiée afin d'effacer un enfant, un fils, un frère. Pourquoi ?

Pour sa famille, pour les anciens du collège, Frédéric avait déchu.

"Conduire une calèche ? Charger des bagages dans un hôtel? Un travail de domestique!

Conducteur d'omnibus à la gare d'Attigny, c'était un beau titre pourtant. de ceux qui vous posent un homme. Qui vous distingue. Il n'y en avait qu'un, et c'était lui, Frédéric Rimbaud"

L'auteur choisit de nous offrir ses heures de recherches sous la forme d'un magnifique roman. Quoi de mieux afin de redonner toute l'ampleur , les joies et les souffrances de ce frère isolé de tous. Ce frère qui n'avait aucune chance face à un jeune homme talentueux et exubérant qu'était Arthur. Et malgré tout le tumulte qu'il causera à sa famille, celui-ci aura tous les égards. Alors que Frédéric, homme effacé, homme simple et honnête ne brillera jamais aux yeux des siens. Face à sa marâtre de mère, sa soeur élevée dans la haine de celui-ci et d'un frère qui aime être le centre de tout, Frédéric choisira l'exil affectif.

Un très beau roman afin de découvrir l'envers du décor de la famille Rimbaud.
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Qui était le frère d'Arthur Rimbaud? Ce fameux frère invisible qui n'apparaît pas sur les photos, ni dans les livres, ou présenté comme un incapable, accablé de reproches?
Ce livre met en lumière la véritable personnalité de Frédéric : sa vie et ses tourments, ses difficultés...
Sa vie familale n'étant pas propice à son épanouissement, moins aimé que son frère, il a bravé de multiples défits, et s'est effacé, au fil des ans, derrière Arthur, dont la pooularité s'est accrue après la mort.

David le Bailly livre une enquête précise et objective de la vie de Frédéric. Il fait la biographie de cet homme, qui fut révolté, engagé, travailleur. Un homme courageux.
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J'ai toujours aimé cette idée de parler de “l'autre”, celui qui vit dans l'ombre du “un” qui brille aux yeux du monde. L'auteur ici tente de décrire ce qu'a été la vie du frère oublié d'Arthur Rimbaud, Frédéric. Plutôt qu'oublié, on pourrait dire trahi, banni, renié. Par sa mère, par sa soeur mais également par ce frère à la vie romantique, adulé par des générations.

Alors, oui, l'auteur prend indéniablement le parti de ce frère inconnu. Fort de ses recherches sur la famille Rimbaud, il recrée son histoire, de manière romanesque, en donnant la part belle à Frédéric et en écornant au passage l'image d'Arthur.

Le Frédéric qui nous est raconté ici souffrira toute sa vie d'avoir perdu ce frère avec lequel il était si complice, voire inséparable, lorsqu'il était enfant et qu'il sent s'éloigner, changer; ce qui creuse en lui le sentiment irréversible d'une immense perte. Frédéric refuse de transiger face à la légende familiale, refuse de mentir, refuse de tirer des bénéfices de la gloire de son frère, quitte à tout perdre. Il regarde, désabusé, les femmes de sa famille se transformer en mantes religieuses, arranger la réalité, négocier, sauver les apparences, pour, peut-être, se faire éclabousser de quelques gouttelettes de l'aura d'Arthur Rimbaud, alors même qu'elles n'en ont pas lu une ligne.

Elle me laisse un goût amer, l'histoire de Frédéric Rimbaud. L'auteur le perçoit comme un “juste”, mais malmené, incompris, déshonoré et qui ne parviendra pas au bout de sa quête, qui ne parviendra pas à se faire aimer des siens, qui ne parviendra pas non plus à se construire un foyer chaleureux et rassurant.

David le Bailly avait besoin d'écrire ce livre qui présente des échos avec sa propre histoire, tel qu'il le dit lui même. Avais-je besoin de le lire ? Je crois, oui, car j'aime les histoires qui sonnent juste, même si elles sont tristement justes...
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L'autre Rimbaud est sorti le 19 août. J'avais prévu de le lire et de le chroniquer pour cette date mais je n'ai pas réussi à me plonger dans la grisaille de Charleville-Mézières alors que tout autour de moi sentait les embruns. J'ai donc abdiqué après quelques dizaines de pages avalées sans intérêt, préférant remettre cette lecture à un moment où elle serait plus de circonstance : la rentrée. Et je crois que j'ai bien fait car ce deuxième essai fut concluant, j'ai englouti l'histoire du frère caché d'Arthur Rimbaud en deux jours.

Dans toutes les familles il y a de vieilles histoires. Des pères, des fils ou des frères que l'on porte aux nues (plus rarement des mères, des filles ou des soeurs notez bien), d'autres que l'on préfère effacer de nos mémoires parce que leurs agissements nous font honte et qu'ils jettent le discrédit sur le nom que l'on porte. En général se cachent derrière cela des comportements jugés déviants ou des faits répréhensibles, la famille se transformant en tribunal populaire pour évincer de son sein ceux qu'elle ne juge plus digne d'y figurer.

Dans la famille Rimbaud, c'est le cadet, Arthur que la mère encense et l'aîné, Frédéric, qu'elle méprise et ignore. Pourtant s'il y en a bien un qui sort du rang c'est Arthur mais le poète trouvera toujours grâce aux yeux de sa mère, Vitalie, et de sa soeur, Isabelle. On pardonne tout à l'enfant prodige des lettres. On s'assure de sa loyauté au moment où l'aîné refusera de plier l'échine. Difficile de comprendre cette haine que Vitalie déploie à l'encontre de Frédéric. Une haine féroce qui mènera tout de même à rayer ce pauvre bougre de l'histoire familiale et, plus hallucinant encore, de l'effacer purement et simplement de la célèbre photo d'Arthur Rimbaud enfant.

Les histoires de famille ont ceci de fascinant qu'elles n'épargnent aucun milieu ni aucun nom. Celles de la famille Rimbaud ont de quoi surprendre parce que tout aurait dû mener à ce que ce soit Arthur l'enfant maudit, incompris, rejeté. Mais non, son intelligence supérieure l'aura protégé de la foudre maternelle. C'est assez « moderne » comme vision des choses et je me suis surprise d'un côté à m'en réjouir. Pour une fois, un jeune homme issu d'une famille terrienne du XIXe siècle n'a pas été renié pour son homosexualité et sa vie sans attaches et un peu bohème. Mais c'est tout de même assez étonnant d'imaginer que Vitalie et Isabelle aient pu percevoir de suite ce qu'il y avait d'aussi exceptionnel chez ce garçon pour passer outre ses agissements. Une sorte de 6e sens, peut-être ? D'un autre côté, ce don d'Arthur aura fait le malheur de Frédéric, ce frère à qui l'on reprochera sa banalité et son incapacité à s'élever intellectuellement. Comment vit-on dans l'ombre d'un être exceptionnel ? Comment faire sa place quand l'autre prend déjà tout l'espace ? Un sujet fascinant qui reste d'actualité pour tous ceux confrontés à la célébrité d'un proche. Un sujet dont David le Bailly s'est emparé avec brio.
Lien : https://www.lettres-et-carac..
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Dans la famille Rimbaud, David le Bailly voulait l'autre fils, l'aîné Frédéric, le frère qui partagea son enfance et fit les quatre cent coups avec Arthur, qui subit l'extrême rigueur d'une mère rentière et l'absence d'un père militaire. Mais de Frédéric on ne sait pas grand chose, et pour cause : aussi peu bon élève qu'Arthur était brillant, aussi peu voyageur - hormis une campagne militaire en Algérie puis ses trajets de conducteur d'omnibus à Attigny, qu'Arthur s'est fait une réputation d'aventurier...

L'autre Rimbaud est un livre assez vertigineux, une biographie romancée de l'homme effacé dont les chapitres consacrés au récit familial alternent avec ceux de l'enquête réalisée par l'auteur et ses motivations personnelles. Et c'est presque une contre-biographie d'Arthur Rimbaud qui se lit en creux : finalement un garçon nerveux, qui n'hésita pas plus tard à dénigrer son frère, à accepter de participer à l'effacement familial de Frédéric, littéralement gommé de la photo de fratrie. Les deux frères ont en commun d'avoir chercher à fuir cette mère odieuse, à s'échapper du destin familial des Cuif au domaine de la Roche. Pour Frédéric ce fut au prix de plusieurs batailles judiciaires pour que la mère daigna qu'il se marrie à Blanche ; pour Arthur, ce furent ses voyages, mais l'intérêt médiatique que sa figure de poète représentait lui a permis de devenir le petit protégé aidé, porté aux nues, célébré, quitte à travestir quelque peu la réalité et bâillonner à jamais le frère Frédéric.
Une sacrée histoire de famille qui nous plonge dans une ambiance de la petite bourgeoisie provinciale chère à Chabrol et pose la question du prix à payer pour bâtir une légende.

J'ai pris plaisir à lire ce livre, qui m'a touchée par le parti pris de faire la lumière sur la vie d'un homme ordinaire, commun, et en plus renié et quasiment déshérité.

Lien : http://chezlorraine.blogspot..
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