Très belle découverte que cet homme aux lèvres de saphir ,un livre incroyable à mi-chemin entre le roman historique/social et le polar,un polar historique donc en quelque sorte qui n'est pas sans rappeler aux premiers abords l'histoire de Jack l'éventreur et ses adaptations littéraires, même si le récit est ici plus vaste, plus large.
Contrairement à celle de son homologue britannique l'histoire de
l'homme aux lèvres de saphir malgré une couleur historique forte n'est pas basée sur des faits réels mais née de l'imagination d'Hervé le Corre l'un des spécialistes du roman noir français.
Similitudes evidentes niveau époque car les deux histoires se déroulent fin du 19e siècle ,à chaque fois on plonge en apnée dans les bas-fonds sombres, miséreux et crasseux d'une capitale européenne
Paris ici Londres là-bas, dans les pas surtout de tueurs sanguinaires et sauvages d'un genre nouveau pour l'époque qu'on appellera un siècle plus tard, suivant la terminologie américaine des tueurs en série, tueurs récidivistes qui plongent alors les populations et les autorités dans l'horreur et le dégoût par un enchaînement de meurtres particulièrement atroces semblant suivre un mode opératoire élaboré ,méthodique.
Cet homme aux lèvres de saphir construit son intrigue et son originalité à travers la personnalité troublée d'un être particulièrement derangé,
Henri Pujol (on connaît son identité) qui se veut une sorte dartiste sanguinaire, singeant à travers ses méfaits le maléfique Maldoror son idole, monstre vénéré et vicieux né sous la plume du contemporain et ami Isidore Ducasse. Pujol lilluminé croit sublimer l'oeuvre imaginaire du poète en endossant le rôle de Maldoror , en enchaînant avec une froideur rare un sadisme et une folie difficilement croyables des crimes particulièrement abjectes, epouvantant et fascinant tous ceux et celles qui vont croiser son chemin ou le sentir tapi dans l'ombre, cette galerie de personnages, hommes du peuple, prostituées, ivrognes,policiers, que l'on croise dans cette fresque fabuleuse du
Paris populaire de 1870 .
Car c'est en cette année charnière de l'histoire de France que le Corre a décidé de planter le décor de cette sombre chasse à l'homme.Ce faisant l'auteur choisit de donner à son récit une dimension historique forte car 1870 marque on le sait la chute du second empire après la défaite de Sedan à l'automne,la capture de
Napoléon III et la proclamation de la République.
L'homme aux lèvres de saphir en ce qu'il nous promène dans le
Paris populaire d'alors se veut donc aussi un récit social et politique,on y perçoit un régime à bout de souffle,la souffrance du peuple, on se laisse vite emporter par la contestation populaire qui a déjà franchi le point de non retour et se répand avec fureur dans les esprits et les rues.On pressent la chute future du régime impériale et la naissance quelques mois plus tard dans ces mêmes rues de la commune de
Paris...L'internationale socialiste est déjà en action.
Voilà un roman fabuleux car l'immersion est totale,Le Corre nous offre un tableau social à la Hugo,
Zola, il ya du Jack l'éventreur évidemment mais aussi du Rougont Macquart,du Germinal,du Bazar de la Charité dans cette fresque haletante et incroyable,on s'y croirait,les décors superbes,les personnages attachants, jusqu'au vocabulaire ,argot,de l'époque parfaitement restitué, comment ne pas se sentir transporté et saisit à la gorge au fur et à mesure que l'intrigue et la fureur du récit prennent toute leur ampleur sous les accès de folie croissant du tueur de la place Vendôme .La tension va crescendo à mesure que l'histoire s'emballe le final est étouffant, époustouflant.
Un grand très grand roman .