AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,91

sur 340 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Mon premier Hervé le Corre et un énorme coup de coeur !

Quel souffle anime ce roman total qui embrasse tous les genres romanesques sans entrer dans aucune case !

- un polar : on suit la traque d'un tueur en série atypique qui commet d'atroces crimes en hommage à l'oeuvre de son ami, le poète Isidore Ducasse, Les Chants de Maldoror signés sous le nom du Comte de Lautréamont, dans laquelle il lit une prophétie des temps à venir. Cette idée assez géniale est parfaitement maitrisée, on retrouve même plusieurs fois Isidore Ducasse dans le roman, c'est même lui qui accélère la résolution de l'enquête.

- un roman noir : l'identité du sérial killer est rapidement dévoilé, pas de faux suspense, mais une plongée assez stupéfiante dans sa psycho délirante. Un peu comme si la créature avait échappé à son Frankenstein de créateur, belle métaphore de la puissance de la littérature.

- un roman historique : la toile de fond de ce roman est le Paris de 1870, à la veille de la chute du Second Empire de Napoléon III, dans une ambiance fin de règne où tout se délite et où tous les espoirs sont également possibles. On découvre un autre Paris, celui des faubourgs ouvriers, des bas-fonds. L'inspecteur Letamendia a du mal à supporter les priorités de sa hiérarchie obnubilée par la répression des émeutes ouvrières. Sur la fin du roman, on glisse vers la guerre contre les Prussiens et vers la naissance de la Commune.

- un roman social : la classe ouvrière est magnifiquement décrite, exploitée, réprimée, vivant dans la misère mais solidaire, avec de superbes personnages, d'Etienne l'ouvrier républicain plein de révolte à Sylvie, digne prostituée dans un bordel fréquenté par le tueur. Y a du Zola dans l'évocation de ces prolos, y a du Hugo dans la description des émeutes organisées par les syndicats et l'Internationale ouvrière.

Le tout porté par une superbe écriture à la fois travaillé et gouailleuse.

Dense, passionnant, très impressionnant !
Commenter  J’apprécie          8612
Nous sommes à Paris, en 1870. Un tueur en série - dont nous connaissons dès les premières pages l'identité et le mobile - s'inspire des “Chants de Maldoror” de son ami Isidore Ducasse (Comte de Lautréamont), dont l'oeuvre, à peine publiée, est alors quasiment inconnue, et sème sur son passage un cortège de crimes particulièrement atroces qui mettent la police sur les dents et la population en émoi. Et nous suivons pas à pas les efforts des enquêteurs, tandis que le meurtrier s'enfonce tranquillement dans sa folie et continue à répandre autour de lui des cadavres toujours plus sanglants et une terreur toujours plus profonde…

“L'homme aux lèvres de saphir” est un polar rondement mené, qui nous emporte dans ses filets et qu'on ne lâche plus. Mais c'est aussi - et peut-être surtout - le portrait d'une époque et d'une ville : bien loin des beaux quartiers, des plaisirs et des fêtes, c'est le Paris des gargotes, des bordels, des coupe-gorges et des ruelles obscures où tente de survivre au jour le jour une population besogneuse ou interlope d'artisans, d'ouvriers, de putains, d'artistes et de malfrats ; une ville de miséreux et de crèvent la faim, souvent “montés” de la province pour y chercher fortune, exploités jusqu'à plus soif et recrus de fatigue, placés sous la coupe d'une bourgeoisie triomphante et cynique, et d'une police omniprésente, brutale et corrompue.

Avec “L'homme aux lèvres de saphir”, Hervé le Corre dresse un portrait au vitriol du Paris de Napoléon III juste avant la guerre franco-prussienne, la chute du Second Empire et la Commune - là où précisément s'enracine toute l'oeuvre de Zola - avec en arrière-plan la présence lumineuse de Louise Michel et le peuple exsangue qui commence à gronder…

Avec une écriture remarquable, une restitution socio-historique saisissante, des personnages hauts en couleurs, criants de vérité, avec lesquels nous entrons en immédiate empathie, et une intrigue originale et bien construite, Hervé le Corre va, dans “L'homme aux lèvres de saphir”, bien au-delà du simple polar et nous offre, tout simplement, un excellent moment de littérature.

Un livre que j'ai beaucoup aimé, et que je recommande sans réserve !

[Récompensé en 2005 par le Grand Prix du Roman noir français au Festival de Cognac, et le Prix Mystère de la Critique.]

PETITE NOTE EXPLICATIVE POUR MIEUX COMPRENDRE LE ROMAN :

Le crime de la place Vendôme, qui ouvre le livre, est la retranscription par Hervé le Corre du meurtre commis par Maldoror sur la personne d'un adolescent, Mervyn, à la fin du 6ème des “Chants de Maldoror”. C'est également là que se trouve l'explication de l'énigme du crabe tourteau (que Le Corre n'élucide pas), tout comme le titre du roman, “l'homme aux lèvres de saphir” :
“Le Tout-Puissant avait envoyé sur la terre un de ses archanges, afin de sauver l'adolescent d'une mort certaine.(...) Pour ne pas être reconnu, l'archange avait pris la forme d'un crabe tourteau (...). L'homme aux lèvres de jaspe (...) épiait l'animal, un bâton à la main (...). Le crabe tourteau (...) aperçut notre héros (...) “O Maldoror, est-il enfin arrivé le jour où tes abominables instincts verront s'éteindre le flambeau d'injustifiable orgueil qui les conduit à l'éternelle damnation !” (...) Mais l'homme aux lèvres de saphir a calculé longtemps à l'avance un perfide coup. Son bâton (...) va frapper à la tête l'archange bienfaiteur (...). Et Maldoror, penché sur le sable des grèves, reçoit dans ses bras (...) le cadavre du crabe et le bâton homicide !”

P.S : Petite info, que je viens de découvrir : une suite ("Dans l'ombre du brasier") paraîtra le 2 janvier 2019...
Commenter  J’apprécie          507
Cela commence par une scène de crime magistralement écrite et tout le reste est du même tonneau. Il y a du souffle, de la noirceur, de la sueur, de la poésie, de la terreur, du romanesque dans ce roman noir, très noir, qui nous transporte - le mot est faible tant l'auteur réussit à nous immerger dans ce Paris aux prémices de la Commune - aux trousses d'un sérial killer, comme nous le nommerions aujourd'hui. Personnages extrêmement complexes, rythme, écriture, intrigue, tout est excellemment ciselé. Et quelle géniale idée de se servir du personnage d'Isidore Ducasse , dit Le Comte de Lautréamont, et de sa fin mystérieuse !!
Je recommande très très vivement ce livre. Et bonne nouvelle, on peut retrouver le personnage principal, Henri Pujols, dans l'autre excellent livre d'Hervé le Corre : Dans l'ombre du brasier.
Commenter  J’apprécie          410
Il y a plus d'anthracite que de saphir, dans ce roman d'un noir profond.
Un tueur joue de la lame, dans le Paris de 1870, zigouillant de façon abominable -mais au nom de la littérature- les malheureux qui croisent sa route. Heureusement, la police mène l'enquête.
J'ai adoré ce roman, malgré sa lecture éprouvante. Hervé le Corre décrit de façon étourdissante la vie sous le Second Empire, au sein de cette ville-monstre qui pulse, gonfle, palpite comme un corps enivré. On glisse des taudis aux bordels, en passant par les prisons et les cabarets survoltés. On se grise de bruits, d'odeurs, de lumières, d'alcools -et de sang. On se heurte à des flics crétins et bornés, on croise des poètes effrayés, on entraperçoit des catins fatiguées. On balance des pavés, on se fait tabasser, on inspire la terreur aux bourgeois. Surtout, on rencontre de belles âmes ouvrières qui rêvent de la Révolution à venir, et qui prennent le temps de savourer le pain de l'amitié au cours d'un déjeuner plein de soleil.
L'écriture de le Corre m'a subjuguée. Elle est gouailleuse, mouvante, vivante, au point de me faire penser aux peintures impressionnistes : en quelques mots comme autant de touches de pinceau, elle saisit l'instant présent et crée des éclats de lumière comme autant de lueurs d'espoir et d'humanité dans toute cette noirceur. Quel talent !
C'est un ouvrage à conseiller aux amateurs de polars durs, aux passionnés d'Histoire, et aux fans De Lautréamont. Mais attention à avoir le coeur bien accroché avant de le lire !
Commenter  J’apprécie          3113

Voilà tout à fait le genre de roman que j'aime : une intrigue bien ficelée et une écriture qui plonge le lecteur dans une époque, ici l'année 1870.

Un homme, Henri Pujols, amoureux de Isidore Ducasse et de son oeuvre Les chants de Maldoror veut rendre hommage à son idole en recréant ses crimes dans la vie réelle. Les ouvriers et ouvrières ainsi que les prostituées qui le croisent n'en sortent pas indemnes. Car dans ce livre, il est surtout question du petit peuple, celui qui ne mange pas tous les jours à sa faim, qui vit souvent dans des taudis, se fait tirer dessus lorsqu'il revendique des droits comme au Creusot, par exemple, ou en ce 20 avril où il manifeste contre le sénatus-consulte, contre l'empereur Napoléon III en fait.
Il y a de beaux personnages tels Etienne venu de sa province après le décès de sa mère et à qui Fernand tend la main, X orpheline recueillie par un oncle qui la maltraite, Sylvie qui officie dans une maison close fréquentée par des hommes politiques, sous le nom de Clarisse et s'évade le samedi pour aller voir sa fille, et l'inspecteur Letamendia moins hostile aux ouvriers et prostituées que ses collègues et traque le tueur en essayant de réfléchir autrement…
Le Corre précise leur destin après cette funeste histoire si bien qu'on a l'impression qu'ils ont réellement existé. On croise aussi des noms célèbres tels celui de Louise Michel ou de Blanqui.

J'ai hâte de me plonger dans “A l'ombre du brasier” qui se passe en 1871 pendant la “semaine sanglante”. Puis dans “Après la guerre" dans le Bordeau des années 50.
Commenter  J’apprécie          210
Publié il y a de cela près de quinze ans, à une époque heureuse où les blogs littéraires n'existaient pas, L'Homme Aux Lèvres de Saphir bénéficie d'une nouvelle attention avec la parution de Dans L'Ombre du Brasier, dernier roman très attendu d'Hervé le Corre, devenu désormais l'une des grandes figures de la littérature noire française qui reprend quelques personnages du premier opus évoluant à Paris en 1870 durant l'époque trouble de l'effondrement du Second Empire marquant la fin du règne de Napoléon III. Si les deux ouvrages peuvent se lire indépendamment l'un de l'autre, L'Homme Aux Lèvres de Saphir se situe aux prémices de la période insurrectionnelle de la Commune alors que Dans L'Ombre du Brasier dépeint les événements de la Semaine sanglante qui marque l'achèvement de cette épopée révolutionnaire. C'est au coeur de cette atmosphère crépusculaire que l'on assiste aux exactions d'un étrange tueur qui trouve son inspiration dans Les Chants de Maldoror, un texte en prose terrifiant d'Isidore Ducasse plus connu sous le pseudonyme de Comte de Lautréamont.

A Paris en 1870, on trouve de bien étranges cadavres dans les rues de la capitale. Une série de crimes aussi terribles qu'absurdes présentant d'étranges similitudes avec ceux dépeint dans un texte sulfureux qu'un écrivain méconnu a publié à compte d'auteur et qui semble stimuler cet étrange meurtrier. Bien plus promptes à réprimer la canaille ouvrière qui se soulève, les forces de police paraissent complètement dépassées par ces crimes déconcertants d'autant plus que le tueur ne semble pas dénuer de raison lui permettant ainsi d'échapper aux inspecteurs de la sûreté qui le traque sans succès. Chargé de l'enquête, l'inspecteur Letamendia va parcourir les rues grouillantes d'une ville qui bruisse de fureur et de révolte réprimées dans le sang. Des bordels luxueux des grands boulevards aux ruelles crasseuses des quartiers populaires, l'assassin va bouleverser les destinées de tous ceux qu'il est amené à croiser dans sa quête sanglante qui rend hommage à celui qu'il considère comme le plus grand poète du XIXème siècle.

Avec Hervé le Corre, on pourrait parler d'écriture pendant des heures. le mot est précis, la phrase subtile et soignée pour composer une texte équilibré et saisissant de réalisme permettant ainsi au lecteur de s'immerger dans ce labyrinthe dantesque des rues de Paris durant la période du Second Empire avec cette sensation de fin de règne émanant d'un mouvement de fronde populaire qui prend racine au détour des cafés enfumés et des ruelles sombres des quartiers populaires. Pour restituer une telle atmosphère, l'auteur a su exploiter une documentation conséquente qu'il distille subtilement tout au long d'un récit qui parvient à saisir le contexte de l'époque sans jamais verser dans le verbiage historique pontifiant. Ainsi l'ouvrage se décline sur trois registres que sont la trame romanesque intégrant parfaitement la toile de fond historique mettant à son tour en évidence une dimension sociale sans fard d'un milieu ouvrier surexploité et opprimé.

L'Homme Aux Lèvres de Saphir emprunte donc son titre à un extrait du texte d'Isidore Ducasse, le Chant de Maldoror devenant la source d'inspiration d'un criminel d'un genre nouveau qui sévit dans les rues de Paris en éviscérant quelques victimes innocentes en fonction de ses envies et de son aspiration à illustrer la prose du texte qu'il revisite à sa manière. Centré autour du parcours de ce tueur que l'on identifie très rapidement, l'auteur met en scène une traque captivante qui nous permet de parcourir les lieux emblématiques de la capitale et de découvrir les différents protagonistes qui vont croiser sa route. le récit s'articule donc essentiellement autour d'un chassé-croisé entre le tueur Henri Pujol, l'inspecteur Letamendia, un enquêteur plein de ressource s'appuyant sur de nouvelles méthodes d'investigation, et Etienne Marlot, un jeune ouvrier qui vient de débarquer à Paris en manquant de se faire étriper par le meurtrier qu'il est en mesure d'identifier. Adoptant, au gré des chapitres, le point de vue de ces trois personnages, on assiste à ces rapports de force qui basculent parfois en fonction des événements qui s'enchaînent à un rythme palpitant coïncidant avec l'époque mouvementée dans laquelle ils évoluent. Ainsi les crimes perpétrés par Pujol, l'assassin solitaire, prennent une autre résonance lorsque l'auteur dépeint ces insurgés qui se font massacrer sur les barricades qu'ils ont érigées pour faire face aux forces de l'ordre. Une époque sanglante propice aux tueries massives ou solitaires. Mais la représentation ne serait pas complète s'il n'y avait pas ces portraits de femmes magnifiques qui traversent le récit à l'instar de Garance, cette jeune ouvrière révoltée accompagnant Etienne tout au long de son périple ou de Sylvie, cette prostituée courageuse qui nous invite dans les arcanes feutrées des bordels de Paris et qui va apporter son aide à l'inspecteur Letamendia, ceci au péril de sa vie. Loin d'être des faire-valoir, ces femmes de condition modeste apportent un éclairage édifiant sur leurs conditions effroyables dans un monde où l'inégalité devient une norme sociétale qui ne laisse place à aucune forme d'espoir comme on le constatera d'ailleurs au terme d'un récit sans concession.

Récit d'aventure combinant la dérive sanglante d'un tueur, aux terribles événements qui ont jalonné la période mouvementée de la fin du Second Empire, L'Homme Aux Lèvres de Saphir est un roman ample et somptueux donnant, à n'en pas douter, ses lettres de noblesse au roman populaire comme son auteur n'a d'ailleurs jamais cessé de le démontrer au gré d'ouvrages tels que du Sable Dans La Bouche, Prendre Les Chiens Pour Des Loups ou Après La Guerre et bien d'autres qu'il faut découvrir impérativement. A lire ou à relire.

Hervé le Corre : L'Homme Aux Lèvres de Saphir. Editions Rivages/Noir 2004.

A Lire en écoutant : Est-ce ainsi que les hommes vivent ? interprété par Léo Ferré. Album : Les chansons d'Aragon. Barclay 1961.
Lien : http://monromannoiretbienser..
Commenter  J’apprécie          200
Je me suis régalé à la lecture de ce récit !
* Les descriptions sont si bien faites que je me suis VU dans ce Paris du XIX° siècle, avec V. Hugo, Louise Michel et Isidore Ducasse
* Bravo pour la documentation !
* Des descriptions truculentes : « Ils descendent une volée de quatre marches et poussent une lourde porte de bois armée de gros clous noirs. Chaleur, fumée, vacarme, ils sont un instant arrêtés par cette purée compacte dans quoi s'arsouillent, s'agitent, bondissent, s'enlacent, se frottent, se culbutent derrière les tables deux ou trois cents furieux. Ça chante et ça gueule, ça s'engueule et ça s'enchante. Sourires, grimaces, gorges déployées, mains tendues, poings dressés. On saute, on tournoie, on dérape, on se rattrape au bras d'un inconnu, on s'accroche à un cou de hasard, on louche sur un corsage qui passe. Trois violons, deux trompettes, un tuba, une grosse caisse. Et un boucan grinçant, strident, fiévreux, trépidant. Un cul de jatte retrouverait ses jambes de jeune homme pour se faire une polka. »
* des morceaux épiques, lors des combats et les charges des forces de l'ordre
Bon, certains diront que l'intrigue passe un peu au second plan ; ils n'ont pas tort ! Mais on ne peut pas être bon partout…

Une histoire ancrée dans l'Histoire, très agréable à lire.
Commenter  J’apprécie          160
Très belle découverte que cet homme aux lèvres de saphir ,un livre incroyable à mi-chemin entre le roman historique/social et le polar,un polar historique donc en quelque sorte qui n'est pas sans rappeler aux premiers abords l'histoire de Jack l'éventreur et ses adaptations littéraires, même si le récit est ici plus vaste, plus large.
Contrairement à celle de son homologue britannique l'histoire de l'homme aux lèvres de saphir malgré une couleur historique forte n'est pas basée sur des faits réels mais née de l'imagination d'Hervé le Corre l'un des spécialistes du roman noir français.
Similitudes evidentes niveau époque car les deux histoires se déroulent fin du 19e siècle ,à chaque fois on plonge en apnée dans les bas-fonds sombres, miséreux et crasseux d'une capitale européenne Paris ici Londres là-bas, dans les pas surtout de tueurs sanguinaires et sauvages d'un genre nouveau pour l'époque qu'on appellera un siècle plus tard, suivant la terminologie américaine des tueurs en série, tueurs récidivistes qui plongent alors les populations et les autorités dans l'horreur et le dégoût par un enchaînement de meurtres particulièrement atroces semblant suivre un mode opératoire élaboré ,méthodique.
Cet homme aux lèvres de saphir construit son intrigue et son originalité à travers la personnalité troublée d'un être particulièrement derangé, Henri Pujol (on connaît son identité) qui se veut une sorte dartiste sanguinaire, singeant à travers ses méfaits le maléfique Maldoror son idole, monstre vénéré et vicieux né sous la plume du contemporain et ami Isidore Ducasse. Pujol lilluminé croit sublimer l'oeuvre imaginaire du poète en endossant le rôle de Maldoror , en enchaînant avec une froideur rare un sadisme et une folie difficilement croyables des crimes particulièrement abjectes, epouvantant et fascinant tous ceux et celles qui vont croiser son chemin ou le sentir tapi dans l'ombre, cette galerie de personnages, hommes du peuple, prostituées, ivrognes,policiers, que l'on croise dans cette fresque fabuleuse du Paris populaire de 1870 .
Car c'est en cette année charnière de l'histoire de France que le Corre a décidé de planter le décor de cette sombre chasse à l'homme.Ce faisant l'auteur choisit de donner à son récit une dimension historique forte car 1870 marque on le sait la chute du second empire après la défaite de Sedan à l'automne,la capture de Napoléon III et la proclamation de la République.
L'homme aux lèvres de saphir en ce qu'il nous promène dans le Paris populaire d'alors se veut donc aussi un récit social et politique,on y perçoit un régime à bout de souffle,la souffrance du peuple, on se laisse vite emporter par la contestation populaire qui a déjà franchi le point de non retour et se répand avec fureur dans les esprits et les rues.On pressent la chute future du régime impériale et la naissance quelques mois plus tard dans ces mêmes rues de la commune de Paris...L'internationale socialiste est déjà en action.
Voilà un roman fabuleux car l'immersion est totale,Le Corre nous offre un tableau social à la Hugo,Zola, il ya du Jack l'éventreur évidemment mais aussi du Rougont Macquart,du Germinal,du Bazar de la Charité dans cette fresque haletante et incroyable,on s'y croirait,les décors superbes,les personnages attachants, jusqu'au vocabulaire ,argot,de l'époque parfaitement restitué, comment ne pas se sentir transporté et saisit à la gorge au fur et à mesure que l'intrigue et la fureur du récit prennent toute leur ampleur sous les accès de folie croissant du tueur de la place Vendôme .La tension va crescendo à mesure que l'histoire s'emballe le final est étouffant, époustouflant.
Un grand très grand roman .
Commenter  J’apprécie          160
À Paris au printemps 1870, l'Empire vit ses derniers mois mais ne le sait pas encore : tout à leur poursuite de l'agitation ouvrières, les autorités sont peu attentives aux véritables problèmes, trop contentes de voir dans le peuple une racaille à mater. C'est dans ce contexte qu'arrive de sa province Étienne qui espère trouver le logement chez un parent installé dans la capitale. Mais à peine se retrouve-t-il sur la place Vendôme avec la charrette sur laquelle sont entassés les meubles de sa mère qu'il est confronté à une vision d'épouvante ; Un cadavre éventré est suspendu au Pied de Napoléon au sommet de la colonne. Pis : Étienne se retrouve face à face avec le criminel.
Il est emmené au poste et traité davantage comme un coupable que comme le seul témoin de l'horreur. Heureusement, dans cet univers pourri par les préjugés et la routine, un jeune inspecteur basque, aidé du médecin légiste, pense qu'il a affaire à une nouvelle espèce de criminel : un homme qui tue pour le plaisir.
Dans le même temps, Henri Pujols, originaire du sud-ouest fréquente assidûment son ami Isidore Ducasse ; il se voit comme l'incarnation de Maldo-ror, chargé de mettre en oeuvre ses agissements criminel. Il est aussi un habitué de la maison de la mère Pellerin où il terrorise Sylvie, une jeune prostituée qui ne rêve qu'à échapper à sa condition pour élever honorablement sa fille.
Ce roman fascinant met en scène un poète dont on sait quelle a été par la suite l'influence sur la postérité. Présenté sous des traits falots, Lautréamont est accompagné d'une âme damnée – au sens propre du terme. le roman brosse une fresque très réaliste de la fin de l'empire et des débuts de la Commune, mettant en évidence les dysfonctionnements – comme on dirait aujourd'hui – d'une société gangrenée, où la police préfère se laisser corrompre et poursuivre l'ouvrier miséreux que s'attaquer au crime réel dont elle ne soupçonne pas l'existence.
À côté de ces tableaux très réalistes de la société française, les scènes atroces de meurtres raffinés dans leur barbarie se multiplient et de perversité qu'on ne peut plus, hélas, qualifier d'inouïes après les événements que l'actualité criminelle nous a fait vivre. Se multiplient aussi les scènes au bordel de la mère Pellerin, hanté par des policiers corrompus, des politiciens plus ou moins véreux, d'authentiques mauvais garçons.
C'est un vrai roman populaire car, bien sûr, à côté de toute cette fange, on retrouve le policier, justicier au grand coeur, l'ouvrier pauvre mais honnête, décidé à faire justice lui-même pour les beaux yeux de sa bien aimée à qui il a évité le trottoir, la prostituée au grand coeur, qui élève sa fille honnêtement et dont tombera amoureux le flic qui voit plus loin que le bout de son nez…
La langue est riche, tantôt gouailleuse comme le bon peuple de Paris, tantôt raffinée comme le style des poètes décadents ; les descriptions de foules en colère, pourchassées par la troupe sont réellement épiques. Et au détour de l'une ou l'autre page, on pense tantôt aux Misérables, tantôt à la grève de Germinal.
À lire absolument, même si l'on sait que la violence et la crudité de certaines scènes peuvent heurter.
Commenter  J’apprécie          140
Dès les premières lignes, on entre dans les rues de Paris, pleines de brouillard et de nuit, derrière la charrette à bras d'un jeune ouvrier, Etienne Marlot, guidés par le son de ses sabots qui claquent et la brume de son souffle court. le comité d'accueil n'est pas très au point en ce matin de 1870, c'est un pendu qui l'attend, et dans l'ombre de la colonne de la Place Vendôme, celui qui vient de l'assassiner. Etienne a même le temps de l'observer, ses yeux d'une noirceur fauve, son profil anguleux et la lame de son grand couteau...Et puis le jour se lève enfin, et l'histoire est en marche.

Dès cette fabuleuse première scène, le Corre donne vie aux rue de Paris, aux faubourgs, aux cabarets mal famées, il nous invite dans les bordels, les cafés où les ouvriers étanchent leur soif et leur besoin de rêver à des jours meilleurs. L'Empire tremble sur ses fondations, les idées socialistes se répandent comme de la poudre, on croise Louise Michel, on se bat à coups de pavés et le peuple se fait massacrer, hommes, femmes, enfants. Dans ce dédale d'impasses et d'arrières-cours, la langue de le Corre s'enhardit, elle prend le goût des tripots et on se délecte à entendre les conversations des ouvriers harassés, les délires nihilistes d'un tueur en série habité par les visions de Maldoror, et l'espoir fou d'une société plus égalitaire qui naît dans le coeur d'Etienne et de la communauté ouvrière, qui prend corps sous nos yeux. Mais le mal guette, le tueur de la Place Vendôme n'en a pas fini avec Etienne et avec le chaos qu'il appelle de tous ses voeux.

J'ai été balayée par le souffle romanesque de ce polar historique, plus roman social que thriller d'ailleurs, par l'incroyable restitution du Paris des années 1870,par les personnages vibrants qui se démènent pour une vie meilleure, par la cruauté de ce tueur en série que rien ne semble pouvoir arrêter. Par la camaraderie aussi, et la solidarité d'une main tendue, les rires et l'espoir qui jamais ne s'éteint.

Définitivement, ce sont les romans historiques de le Corre que j'affectionne le plus. Avec "Après la guerre", celui-ci entre directement dans mes préférés et je ne peux que vous encourager à le découvrir!
Commenter  J’apprécie          130





Lecteurs (728) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2877 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}