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EAN : 9782743649739
560 pages
Payot et Rivages (08/04/2020)
3.65/5   355 notes
Résumé :
La "semaine sanglante" de la Commune de Paris voit culminer la sauvagerie des affrontements entre Communards et Versaillais. Au milieu des obus et du chaos, alors que tout l'Ouest parisien est un champ de ruines, un photographe fasciné par la souffrance des jeunes femmes prend des photos "suggestives" afin de les vendre à une clientèle particulière. La fille d"un couple disparaît un jour de marché. Une course contre la montre s'engage pour la retrouver.

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Critiques, Analyses et Avis (110) Voir plus Ajouter une critique
3,65

sur 355 notes
Dans un Paris insurgé, Hervé le Corre nous glisse dans l'ombre du brasier

En 1871, la Commune fait feu de tous les espoirs pour les laissés-pour-compte de Paris. du jeudi 18 au dimanche 28 mai, c'est une galerie de personnages enflammés d'une révolte exaltée que nous suivrons dans ce roman passionnant, relatant avec une acuité romanesque rare les dernières braises de ces journées d'espérance.

De nombreuses expériences politiques à l'appui : socialistes, communistes, ou anarchistes, Paris s'enflamme à la lueur de nouvelles espérances. La Commune de Paris est instituée le 18 mars 1871. L'organisation municipale est centralisée autour du Comité de Salut public. La Garde nationale en sera le bras armé.

Dans ce Paris insurgé, les espoirs les plus fous peuvent se libérer, mais les instincts les plus vils, aussi, se déchaîner...

Un roman noir qui a la couleur du sang...

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La Commune de Paris comme tu ne l'as jamais lue, même si tu t'aies déjà bien immergé grâce au Cri du peuple de Tardi. Comme tu ne l'as jamais ressentie.

Hervé le Corre a eu l'excellente idée de resserrer son action sur les derniers jours de cette insurrection populaire née le 18 mars 1871 dans le lourd contexte qui suit le siège de Paris par les Prussiens. le brasier du titre, c'est en fait la Semaine sanglante, ce moment terrible où le gouvernement républicain de Thiers lance une puissante répression qui va balayer le mouvement social. On n'est plus dans l'euphorie d'une utopie réaliste qui verrait s'accomplir justice sociale et équité pour un monde meilleur, on n'est plus dans l'espérance mais dans la désillusion. Non, les Communards savent que c'est la fin.

Un terrain de choix pour insuffler du romanesque à tout va. le lecteur est complètement immergé dans la poussière des immeubles qui s'effondrent sous les obus des Versaillais, dans le fracas des combats, dans les odeurs des cadavres. Il est dans les pores de l'Histoire. La narration chemine sur le même plan que les personnages, un peu comme Fabrice del Longo à Waterloo ( la Chartreuse de Parme, Stendhal ) ou Tannhauser lors de la Saint Barthélemy ( Les 12 Enfants de Paris, Tim Willocks ). L'auteur fait montre d'une remarquable aisance à ressusciter la sueur et la rage de ce chaos côté Communards ; sa plume est superbe, ample et lyrique comme il fallait qu'elle soit avec un sujet si puissant.

Les héros sont formidablement attachants, tous à se dépasser face à un Destin plus grand qu'eux, comme le trio le Rouge, Adrien et Nicolas, soldats de la Commune prêts à tout pour défendre leur idéal ; même si la mort est au bout, ils l'affrontent avec de la grandeur dans la fatalité. le combat aura été mené, la dignité retrouvée au moins pendant quelques semaines face au mépris des Versaillais.

Mais en fait, le vrai héros de ce roman, c'est le peuple de Paris qui gravitent autour des personnages principaux et les aident, ces anonymes qui prennent les traits d'un patron de caboulot, d'un gardien de cimetière, d'une vieille femme, d'une infirmière d'un de ces hôpitaux de fortune. Ou plutôt, c'est Paris, cette « ville a un génie unique pour la révolte et la révolution, on l'a affamé, bombardé, humilié et quand les importants la croyait morte, elle s'est redressée, rebelle, généreuse, défiant le vieux monde et appelant, par delà les remparts assiégés, au salut commun et à la République universelle ».

Du coup, dans cette geste tragique, la trame polar est quelque peu délaissée, ce que j'ai regretté quelque peu. Il y a bien une enquête menée pour retrouver des jeunes filles enlevées , mais c'est plus un soutien à la dramaturgie orchestrée autour de la Commune, une façon de nourrir la colère, comme si le chaos de la guerre civile faisait sauter tous les verrous sociaux, laissant échapper les remontées toxiques enfouies en tant normal. On aurait presque pu se passer du retour de l'affreux tueur en série, Henri Pujols ( échappé de L'Homme aux lèvres de saphir ).

Un roman flamboyant, à la fois fiévreux et mélancolique, la fin est superbe.
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« Paris sera à nous ou n'existera plus », avait déclaré Louise Michel. Paris brûle au cours de la « Semaine sanglante ». Les Versaillais bombardent la ville depuis le Mont-Valérien, et les Insurgés ripostent. Rue Royale, rue Vavin, rue du Bac, les Buttes-Chaumont, c'est un tiers de la capitale qui part en fumée.
Dans l'ombre de ce brasier, du jeudi 18 Mai au dimanche 28, des Communards poursuivent la lutte, même si elle semble désormais sans issue. C'est un chant du cygne, un rêve qui s'effondre dans le sang et les éclats d'obus.
Trois camarades du 105ème bataillon fédéré, le sergent breton Nicolas Bellec, le Rouge, un grand rouquin et le jeune Adrien, apprenti boucher au Bourget, se battent sans relâche sur les barricades.
« -Qu'est-ce qu'on attend? demande le Rouge.
- J'en sais rien. C'est une drôle de question, non? En principe, on sait ce qu'on attend, tu crois pas? Ou alors, on espère quelque chose et c'est vague.
- du pain pour les mioches et des écoles pour qu'ils soient moins couillons que nous?
- Par exemple.
- Mais ça suffit pas d ‘attendre. C'est pas comme un train. Si tu vas pas le chercher, ça n'arrive pas tout seul. La Commune c'est ça, je crois. On est allés la chercher sans attendre encore des siècles que ça nous tombe tout rôti dans la gueule."

Au coeur du chaos ambiant, certains ne perdent pas l'occasion d'assouvir leurs vices. Monsieur Charles, photographe érotomane versant dans la pornographie a bien compris que les évènements lui offrent l'opportunité de dépasser ses limites. Plus besoin de payer les putains des bordels pour des clichés scabreux. Il lui est désormais possible de profiter de la Semaine sanglante pour enlever de très jeunes filles, les droguer, les mettre en scène dans des poses dégradantes et les revendre aux Prussiens qui attendent aux portes de Paris. C'est grâce à Pujols, le tordu des Pyrénées, déjà croisé dans le roman L'homme aux lèvres de saphir, que la petite affaire prospère, jusqu'à ce que des parents désespérés aillent porter plainte au commissariat.
Antoine Roques, un relieur nommé inspecteur par un comité de citoyens a été chargé de retrouver ces jeunes filles enlevées sous la mitraille. Quand l'une des victimes s'avère être Caroline, une infirmière volontaire, fiancée à Nicolas Bellec, le sergent du 105ème va tenter lui aussi de rechercher la femme qu'il aime.
A l'ombre du brasier c'est l'amour au temps des barricades, et le grand roman populaire qui nous manquait sur la Commune, celle qui fut « dans son fond la première grande bataille rangée du Travail contre le Capital. Et c'est même parce qu'elle fut cela avant tout qu'elle fut vaincue et que, vaincue, elle fut égorgée. » comme l'écrira Jaurès.

Vivante, vibrante, terrible, elle revit sous la plume de Le Corre, qui nous offre des pages magnifiques sur cette période méconnue de notre histoire. Quand on pensait aux barricades, on songeait à Gavroche et à Marius au mois de juin 1832. On songera désormais aussi à Nicolas et Caroline, fuyant la "curée froide", cette répression épouvantable qui s'abat sur les Insurgés, rue par rue, maison par maison, quand le "moulin à café", la mitrailleuse, exécute sans discontinuer.
Dans l'ombre du brasier est un grand roman sur le réveil des crève-la-faim dont les enfants tombent comme des mouches le ventre vide, des femmes qui ne veulent plus être ni invisibles ni exploitées, sur le désir de justice sociale qui va se payer au prix fort. Décidément Hervé Le Corre n'est jamais là où on l'attend, et c'est tant mieux, le plaisir de la lecture n'en est que plus grand. Lire Dans l'ombre du brasier vous consume par son souffle et son ampleur.

« La Commune, au moins, aura été une éclaircie dans la pénombre des jours et des années endurés dans leur morne enchaînement. Elle aura montré au peuple qu'une clarté existe dont il faut alimenter la flamme. Une braise qui longtemps dort et tremble sous les cendres, qu'il faut songer à réveiller. Un feu qu'il faut porter parfois dans le désert à des aveugles qui n'en veulent pas ».
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Dans ce roman , on pénètre dans un enfer , l'enfer de la derniére semaine des combats opposant la Commune et les Versaillais , un combat sans espoir , un combat dont on connait l'issue , un combat sans pitié , sans merci . Ils sont Communards , trois amis , unis comme les doigts de la main . Il y a Nicolas , le Rouge et Adrien . Elle, puisqu'il y a une " elle ", c'est Caroline , la fiancée de Nicolas et elle aura la malchance de croiser la route de Pujols et de Clovis , des personnages qui tirent profit de la situation plus que cahotique qui oppose les belligérants.
L'enfer , on va le vivre tout au long de ce long roman . de barricade en barricade , de bâtiment en ruines en bâtiment en ruines , on va en rencontrer des gens , des bons , des mauvais , des héros, des lâches , des traîtres, des hommes , des femmes qui survivent et réclament simplement le droit de vivre dignement , quitte à y perdre leur misérable vie...Quant aux Versaillais , il en est fort peu question ,ils sont "en face ", redoutés et redoutables , vainqueurs sans ambiguïté.
Alors , oui , c'est peut-être un roman historique , mais un roman historique qui a choisi son camp un livre historique qui présente , et fort bien , la " petite histoire " vue de l'intérieur. . Oui , ça sent la poudre , c'est violent , sans concession , sans prisonniers, pas de quartier!
Pour moi , c'est un roman qui nous place au coeur de l'action . Nous sommes forcément impliqués autour des héros Communards et ce n'est pas à proprement dire un roman historique mais un roman engagé ce qui , du reste , ne me pose aucun problème.
Les personnages sont " beaux " et nous sommes pleins d'empathie pour eux et soucieux de leur devenir bien incertain .Quant à Pujols et Clovis , je vous laisse juges...
C'est un roman travaillé, bien construit , sans faille . Tout au plus regretterai -je , pour ma part ,une certaine longueur dans la description des combats quotidiens et disproportionnés entre les deux camps . J'ai parfois " trouvé le temps long et répétitif " sans pour autant m'ennuyer , quoique , parfois.....L'intrigue " policière " , si je puis m'exprimer ainsi , disparaît , noyée dans " le cadre " , intéressant , certes , il faut bien le dire , mais sans grande référence historique non plus. J'aurais aimé un peu plus d'allant ,un peu plus de " vitesse d'exécution " .
Ensuite , et surtout , il y a le style de Hervé le Corre , et là , c'est brillant , rutilant .Des phrases complexes d'une rare clarté . Incontestablement ,ce monsieur sait écrire , adapter son rythme phrasique à la situation , phrases courtes , longues , nominales ou purement verbales se succèdent avec bonheur et c'est superbe ...
Au final , un bon roman avec quelques restrictions en ce qui me concerne mais cet auteur chevronné nous surprend encore une fois par ces choix , preuve d'un remarquable éclectisme.
Un petit regret , quelques erreurs d'orthographe émaillent cette fiction . Désolé mais , pour moi , c'est un élément important , la langue française n'admet aucune faille et le livre est son principal vecteur , donc....
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"Sauf des mouchards et des gendarmes,
On ne voit plus par les chemins,
Que des vieillards tristes en larmes,
Des veuves et des orphelins.
Paris suinte la misère,
Les heureux mêmes sont tremblants.
La mode est aux conseils de guerre,
Et les pavés sont tout sanglants.

Oui mais, ça branle dans le manche
Les mauvais jours finiront
Et gare à la revanche
Quand tous les pauvres s'y mettront! "

La Commune de Paris m'a toujours fascinée, passionnée.

Elle m'a aussi broyé le coeur. Comme cette chanson, sur des paroles de Jean Baptiste Clément.

La Commune, avec ses rêves, son utopie faite réalité  pour deux petits mois seulement-  après la défaite de Sedan, la Commune de Paris est assiégée par ses ennemis historiques, les Prussiens, objectivement alliés à ses ennemis naturels, les "Versaillais" de Thiers et Mac-Mahon, qui affame les insurgés avant de les écraser. S'ensuit une répression impitoyable.

Et sanglante. Comme les pavés de la chanson...

La Commune et la Semaine Sanglante: une page d'histoire tellement honteuse que pendant des années,  celles de mon enfance, en tout cas, les manuels scolaires se gardaient bien de la mentionner..

Seules des chansons en véhiculaient alors la mémoire.

"On l'a tuée à coups d' chassepot,
A coups de mitrailleuse,
Et roulée avec son drapeau
Dans la terre argileuse
Et la tourbe des bourreaux gras
Se croyait la plus forte.

Tout ça n'empêch' pas,
Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !"

...me chantait de sa belle voix de basse Marc Ogeret qui avait repris cette chanson,  avec d'autres de la même période.

Autre chanson, dont le refrain, comme celui de la chanson de Clément, laisse espérer une résurrection, une survivance, un espoir de renaissance. Une revanche.  

 Je me suis souvent demandé à qui pouvait ressembler le Nicolas auquel le chansonnier tente de remonter le moral contre massacres et  désespoir.

Désormais, pour moi,  il a les traits du jeune Nicolas imaginé par  Hervé le Corre, dans l'Ombre du brasier...

Un Nicolas qui tout en faisant sauter les canons ennemis parvenus aux portes de Paris, en sautant de barricades en embuscades, tente de retrouver sa belle, Caroline, indépendante et forte, infirmière d'occasion, ouvrière comme lui, enlevée par un dangereux maniaque,  Pujols ,  un nouveau Maldoror, violent et pervers, dont les crimes sanglants passeraient presque inaperçus dans le carnage ambiant...Clovis, une sorte de Quasimodo, velu et muet, hanté par un passé lourd, est l' homme de main de Pujols dans l'exécution de ses basses oeuvres.

Un ouvrier du livre ,  Antoine Roques, que la Commune   a fait officier de sécurité a, de son côté,  pris sa nouvelle fonction au sérieux et tente, malgré l'apocalypse annoncée, de mettre la main sur le criminel. Au risque de se perdre.

Un Marius, une Cosette, un Frolo, un Quasimodo, un Javert...Hugo n'est pas loin, ni celui des Misérables avec un Paris insurgé et rebelle,  ni celui de Notre Dame de Paris, avec ses icônes du Mal ..

On pense aussi à Vallès, à Sue..mais chez le Corre, les personnages, attachants, moins simplistes qu'on ne pourrait l'imaginer, sont pourtant des silhouettes perdues dans une tourmente qui les habite et les dépasse. 

 Hyper documenté,  écrit avec un lyrisme visionnaire et un réalisme très cru, Dans l'ombre du brasier est un incendie tragique  où s'agitent sans espoir de petites existences menacées d'extinction.

Plus encore que la survie, les retrouvailles, la rédemption ou le châtiment qui les attend, c'est le ballet fou de leur chassé-croisé dans cet enfer que le lecteur suit avec une terreur mêlée de pitié. C'est ainsi que je l'ai lu -dévoré et aimé ! -  pour ma part.

Et comme tout finit par des chansons, voici le dernier couplet  de la Semaine sanglante de J. B. Clément. ..

"Le peuple au collier de misère
Sera-t-il donc toujours rivé ?
Jusques à quand les gens de guerre
Tiendront-ils le haut du pavé ?
Jusques à quand la Sainte Clique
Nous croira-t-elle un vil bétail ?
À quand enfin la République
De la Justice et du Travail ?"
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critiques presse (5)
LeJournaldeQuebec
29 avril 2019
Grande voix du roman noir français, l’écrivain Hervé Le Corre cadre son nouveau roman au cœur d’une période euphorique puis extrêmement dramatique de l’histoire de Paris, la Commune.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Lexpress
03 avril 2019
Roman de sang, de fureur, de guerre et d'amour... Nos jurés ont été conquis par ce polar historique, signé Hervé Le Corre, aux accents de fresque populaire épique et foisonnante. Dans l'ombre du brasier, un récit... qui fait mouche. Les voilà emballés !
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeDevoir
25 février 2019
La véritable histoire que raconte ici Hervé Le Corre est celle, toute de sang et de fureur, de la fin du soulèvement utopique que fut la Commune.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LeMonde
14 janvier 2019
L’écrivain s’empare de Paris au printemps 1871 pour ajouter une touche de noir à la « semaine sanglante ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
Liberation
07 janvier 2019
On marche dans les gravats en glissant sur les flaques de sang sous le bruit du canon dans un Paris en partie disparu et l’on éprouve chaque instant de la tragédie.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (83) Voir plus Ajouter une citation
– Vous savez, a dit Roques, Paris est perdu. Thiers nous envoie peut-être soixante mille hommes et nous ne sommes, en face, que dix mille, au plus. Mal organisés, mal commandés. Des barricades ont poussé partout, construites sans aucun plan d'ensemble : la plupart seront contournées. Encore heureux si certaines ne se font pas face. Et pourtant, derrière chacune d'elles, il y a des hommes, des femmes, aussi, ils ne sont parfois qu'une poignée, persuadés qu'ils pourront tenir et qu'ils repousseront l'ennemi. Ils pourraient tous rentrer chez eux et écouter, leurs volets clos, défiler les troupes de Versailles. Ils auraient probablement la vie sauve. Ils verraient grandir leurs enfants, ils vieilliraient tranquilles, chacun chez soi, le soir devant son assiette de soupe. Et pourtant, ils restent là. Ils attendent l'assaut. Je ne sais pas s'ils sont courageux ou fous. Je ne sais pas bien, aujourd'hui, la différence entre ces deux mots, dans les circonstances présentes. La seule chose que je sais, c'est qu'ils font ce qu'ils ont à faire. Ce qu'ils croient non pas raisonnable, mais juste. Ils savent l'issue. Ils connaissent la fin. Mais ils ont l'espoir. De vaincre. D'en sortir vivants. Persuadés, sinon, de ne pas mourir pour rien. Voilà ce qui nous mène, nous autres. Ça n'est certainement pas raisonnable.

Pages 344-345, Rivages/Noir, 2019.
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Je mourrai seule. Sans toi. Personne ne le saura et je disparaîtrai sans laisser aucune trace qu'un squelette qu'on découvrira dans quelques mois et qu'on jettera dans une fosse commune et toi tu me chercheras peut-être quelque temps puis tu t'habitueras à mon absence mais j'espère que tu te souviendras de moi par moments parce que je ne sais pas, sinon, si quelqu'un gardera un souvenir de mon existence. Ils m'en ont tellement voulu au village quand je suis partie pour venir trouver du travail à Paris, mes sœurs, mon frère, qui ne comprenaient pas que je laisse nos morts derrière moi, nos parents tués à a tâche, couverts de dette, les deux petits emportés par les fièvres, la bicoque où nous avons grandi les uns sur les autres, heureux finalement parce qu’on s’aimait, on s'aimait, je ne connais pas d'autre mot pour dire ça, même dans les mauvais jours, quand la soupe était claire et qu'autour de la table on ne souriait pas, n'osant parler ni même lever le nez de notre assiette, même dans ces moments-là il y avait quelque chose qui nous tenait ensemble et rendait peut-être les paroles inutiles parce que parfois parler ne sert à rien surtout quand on ne trouve pas les mots, c'était comme une grande main qui nous tenait tous dans son creux, dans sa chaleur.

Pages 293-294, Rivages/Noir, 2019.
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Il sait que l'insurrection sera vaincue, que cette parenthèse inespérée sera bientôt refermée. Il n'empêche. Cette ville a un génie unique pour la révolte et la révolution. On l'a affamée, bombardée, humiliée, et quand les importants la croyaient morte elle s'est redressée, rebelle, généreuse, défiant le vieux monde et appelant, par-delà les remparts assiégés, au salut commun et à la république universelle. Roques laisse tourner dans son esprit les grands mots qui disent les grandes idées et ce manège lui fait du bien, rapide, rafraîchissant. Pas question de quitter cette cité de tous les lendemains, surtout en ce moment. Ce serait faire comme ces salauds qui abandonnent leurs femmes quand elles sont grosses ou sur le point d'accoucher. Il ne sait pas ce que la Commune engendrera, il ne sait pas quels petits, une fois terrassée, elle laissera à l'Histoire. Mais il faut être là. Avec Paris. Peut-être parce qu'un tel prodige ne peut s'accomplir qu'ici : montrer au monde travailleur des humbles et des opprimés la voie à suivre. Laisser derrière soi, peut-être, des enfants rouges qui feront fructifier l'héritage.

Pages 192-193, Rivages/Noir, 2019.
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– Quand on ne croit à rien, il est facile de se gausser.
– Je ne me gausse pas. Je respecte les gens comme vous, ou comme ces milliers d'autres qui ont pensé qu'un monde nouveau s'ouvrait enfin devant eux et qui meurent et vont mourir sur les barricades sans aucun espoir de vaincre. Je ne me gausse pas, non... Je me contente de dire ce qui est. Mais il est vrai que je n'arrive pas à croire qu'on pourra un jour changer le cours des choses. Vaincre l'injustice, supprimer la misère, établir l'égalité entre tous... Il faudrait changer les hommes d'abord pour qu'ils renoncent à dominer, à profiter des autres, à faire souffrir. . . Et cela, je ne crois pas que ce soit possible.
– Mais c'est la société, qui les pousse à tout cela. Quand on oblige les hommes à survivre en s'épuisant au travail, on ne peut attendre d'eux qu'ils s'élèvent tout seuls au-dessus de la condition qui leur est faite. A trop courber l'échine, le nez dans la mangeoire, on prend des habitudes, et l'on devient bossu. Ou bien on se met debout. C'est le 14 juillet, c'est juin 48, c'est le 18 mars... C'est imprévu. Pourquoi ces jours-là et non plus tôt, ou plus tard ? La Commune, c'est une idée. C'est par cette idée qu'on peut, justement, s'élever. Rêver plus haut... Et se battre jusqu'à la mort pour ça.

Page 393, Rivages/Noir, 2019.
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Nicolas fouille les poches du mort, trouve du tabac et des morceaux de biscuit et contre son cœur, plié dans de la toile cirée, un portefeuille de cuir où sont rangées les photos d'une femme et d'un petit garçon endimanchés, une lettre qu'il n'ose pas ôter de son enveloppe, une coupure de journal, un bout de chaînette en or. Il tient un moment dans sa main ouverte ces bribes de vie dont il ne sait que faire et pose les yeux sur le visage de l'homme noirci de fumée, les joues piquées de quelques poils de barbe blancs et il aimerait savoir pourquoi il est venu mourir ici, loin des siens, et il s'aperçoit qu'il ne sait rien, au fond, de ce qui pousse encore ces femmes et ces hommes à se battre et à tenir encore la ligne quand tout commence à s'effondrer, quand ils n'espèrent plus qu' avoir la vie sauve. Faut-il donc que le rêve que font ensemble les prolétaires d'Europe soit à ce point puissant qu'il transporte des cœurs vaillants par-delà fleuves et monts, abandonnant ceux qui leur sont chers ? Ce songe est-il assez fou qu'on soit prêt à mourir pour que d' autres le réalisent un jour ?

Page 117, Rivages/Noir, 2019.
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Vidéo de Hervé Le Corre
Nous avons eu le plaisir d'interviewer Hervé le Corre autour de son roman « Traverser la nuit » pendant le festival Quais du Polar. Ce roman lu par Ariane Brousse est en lice pour le Prix Audiolib 2024. Découvrez notre interview !
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