Linda Lê a reconstitué dans ce court
roman l'univers mental d'une crise de délire paranoïaque.
Le parallèle est clairement établie avec les climats de terreur instaurés pas les dictatures nazies et communistes : sont en effet évoqués deux suicides "politiques", celui d'un écrivain allemand en septembre 1940,
Walter Benjamin, après l'entrée des troupes nazies dans Paris et celui d'une poétesse russe résidente un temps à Meudon et qui se suicida lors de son retour en URSS (
Marina Tsvetaïeva en Août 1941).
L'auteure souligne ainsi de façon efficace les relations de la dictature avec la folie : ce qu'imagine le paranoïaque devient réalité à l'occasion de la mise en place de régimes persécuteurs.
Dans les deux cas, seule la mort compatissante peut dispenser le retour à la sérénité.
Ce petit texte est bien écrit, poétique (hard) et évocateur, mais sans véritable originalité. J'ai cependant bien aimé le rapprochement entre un esprit malade qui se pense persécuté et une société malade qui pratique la persécution.
Les deux rouages, individuel et collectif, sont complémentaires et obéissent à des lois mécaniques effroyables qui préexistent au déchaînement des pathologies : il suffit que survienne un évènement qui grippe l'engrenage, et c'est l'autoroute de l'enfer (ou l'Apocalypse, comme le dit
Linda Lê).