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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Cela rimerait-il a quelque chose de juger sous le seul critère de la morale, un homme qui a quitté femme et enfants pour pouvoir s'adonner à sa passion - qui devient sa raison d'être -, pour réaliser son oeuvre, une oeuvre de peintre, qui se sait unique, quand cela n'est plus d'actualité de jouer les censeurs, même si la tentation à condamner l'acte et non pas l'individu peut exister, parce que ne pas le faire serait donner la personne en exemple ? Ne soyons pas plus moralistes que de raison. D'ailleurs, comment, avec le recul, qualifier de tels actes quand, dans l'autre plateau de la balance, il y a le poids d'une oeuvre artistique. Car, si la morale c'est l'action, alors Paul Gauguin a choisi, selon ses propres critères.
L'écriture très littéraire et presque "picturale" adoptée par Bertrand Leclair nous invite d'ailleurs à changer notre regard, et non à faire un procès, totalement inutile, puisque l'on ne peut revenir sur ce qui a été fait ni l'effacer.
Et nous voici devant l'homme et l'artiste Paul Gauguin, pour lui poser la seule question qui vaille : est-ce par la faute de votre épouse et à cause d'elle que vous êtes devenu ce que vous avez été ? Soyez honnête, Monsieur Gauguin, au moment de planter là votre chère (puis maudite) Mette, la Danoise, n'est-ce pas plutôt grâce à elle que vous avez fait cette mue et que vous êtes devenu vous-même ? Si elle ne s'était opposée à vous, l'auriez-vous fait ce pas ?
Tout était-il écrit d'avance ? Rien de moins sûr. C'est, à lire Bertrand Leclair entre les lignes, un véritable coup de pouce (et un coup de pied aux fesses), un électrochoc que Mette a donné à son époux, Paul Gauguin, mais certes pas pour le résultat qu'elle escomptait : elle voulait qu'il renonçât à ses chimères, à ses ambitions artistiques, pour conjurer le mauvais sort et redresser une situation plus que compromise par une mauvaise gestion dans l'entreprise de fabrication de toiles de bâche imputrescibles qu'il aurait dû conduire au succès commercial. Des toiles ? Oui, il va en produire, et compter grâce à elles, mais des toiles d'un autre genre, comme le dit avec humour Bertrand Leclair.

Mais cela c'est l'écorce. Et l'arbre alors ?

L'arbre de celui qui aurait pu s'y pendre, d'abord. Car Gauguin cherchait désespérément à éviter de se mettre une corde suicidaire au cou. Déjà qu'il avait celle du mariage. La même ? Comment donc ne pas en finir avec la vie ? En peignant.

Songeons que Gauguin, même libéré de ses obligations matrimoniales et paternelles par un simple départ - ou une
simple fuite - , n'a pas allongé pour autant ses jours en faisant ce qu'il aimait : né en 1848, il est mort en 1903. Sous ce rapport, Gauguin ressemble à Mozart et à Rimbaud : vie pleine, remplie par l'art seul, pour lui par la peinture qui mange tout, et un amour addictif du tabac et de l'alcool, et peut-être d'autres plaisirs destructeurs. Positionnement de rupture aussi en matière artistique, un défi à relever et un risque à courir comme il le découvrira. le succès ne peut être immédiat pour lui puisqu'il refuse de faire de la peinture bourgeoise, de la peinture prisée par ceux qui raffolent de l'art affadi du Salon officiel. Il ne veut pas se rendre aimable. Strindberg le note : "Cette personnalité se complaît dans l'antipathie qu'elle suscite". Même ce qu'il aime, il veut pour lui-même le brûler : l'Impressionnisme est en vie, et déjà il veut le dépasser, l'enterrer. Au moins ses attaques contre la peinture de salon (et du Salon) sont compréhensibles, car cette peinture est morte avant de voir le jour et figée comme un squelette dans sa fosse. Mais
peut-on en dire autant avec l'Impressionnisme ? En réalité, Gauguin ne condamne pas cette École : il se demande comment faire pour aller plus loin et quoi faire de mieux ? Pourquoi n'est-il donc pas satisfait ? Parce qu'il "prend" la peinture comme certains hommes veulent étreindre les femmes, et cela à un moment où la peinture semble prendre
un coup de vieux, car Gauguin sait bien que la peinture est maintenant sérieusement concurrencée par la photographie. Quelle place va-t-il se faire dans la famille des grands peintres - car il ne doute pas de devenir un peintre au-dessus du lot grâce à son oeuvre - et que va devenir la peinture avec lui ? Ne sera-t-il qu'un "autodidacte à l'ambition brutale", dont la Grande Peinture pourrait se passer ? Quelle vision a-t-il ? Il ne peut pas la traduire immédiatement dans ses toiles : le rejet de ce qu'il fait et de ce qu'il pense par son épouse, sa famille et par des milieux dont il pourrait espérer une aide le plonge un moment dans une stérilité qui le fait enrager. Mais impossible d'en rester là. de quel côté va-t-il tomber ? Dans une existence petite-bourgeoise conforme aux attentes de son épouse ? Ou "vertigineusement" dans la création artistique ? Suit une question rationnelle : Gauguin pourra-t-il vivre de sa peinture ? Il ne sait pas plus que les autres ce qui l'attend. Déjà qu'il a dilapidé l'héritage de sa mère en tableaux de valeur. En fuyant dans la peinture dès qu'il a une minute de libre, au lieu de s'occuper de redresser les comptes de son entreprise, qui est en train de baisser pavillon, il fait le désespoir de son épouse, à qui il a fait cinq enfants en dix ans. Pour sa belle-famille danoise - car tout cela se passe à Copenhague où Gauguin a accepté de suivre Mette -, il est devenu la bête noire, d'autant qu'il ne fait rien pour arranger les choses et qu'il ne cesse de remettre de (la peinture à) l'huile sur le feu ! On l'a pourtant aidé à démarrer, on lui a mis un pied à l'étrier, on lui a tout facilité, mais, soit incapacité soit malchance, il n'a pas su ou pas voulu faire. Et chacun de se demander : quand va-t-il remonter le courant ? Quand va-t-il se reprendre ? Jamais ! On le voit bien, il est indécrottable. Et de plus, c'est un incroyant, qui n'a pas peur de le clamer haut et fort et d'afficher son certificat d'athéisme dans une terre pétrie de protestantisme. le bruit s'en répand partout, achevant de le discréditer aux yeux de la bonne société. Qu'il est désespérant cet homme ! Et pourtant, on a pu croire en lui, car il a fait des efforts. Il a même semblé avoir d'autres centres d'intérêt que la peinture : il s'est un temps passionné pour la graphologie, mais ça a été bientôt pour dire le rapport qui pouvait exister entre elle et la peinture. Toujours la peinture ! Et puis le voilà qui emprunte, non pas pour tenter de remettre son affaire à flot, mais encore et toujours pour satisfaire son goût pour la peinture et s'acheter le matériel nécessaire.
Il lui prend même l'idée d'exposer ses oeuvres, mais pas les meilleures aux yeux des autres, le plus provocant plutôt ! Et ce qui vient, à la suite, ce ne sont pas les railleries, la furie ou l'indignation, mais le silence accusateur et assassin, ou le dédain. Il n'aura droit qu'à une comparaison sous la plume d'un critique, mais pas à son avantage. Il réagira en se présentant comme un génie non reconnu, que l'on veut blesser et humilier. Pour les spécialistes, le jugement est sans appel : ce peintre est un barbare, on le maudirait presque. Un damné vous dit-on !
Il n'en a cure et se dit qu'il n'est la cible que des béotiens et des sots. Car même si on ne veut pas de sa peinture, celle-ci est toujours là, seule ligne de fuite, seule trouée de ciel bleu dans un environnement ténébreux. Et que produit-il alors, au sortir d'un long hiver ? de la beauté pure, une peinture aux couleurs éclatantes. Une image du parc du Moulin-de-la-Reine, à Ostervold.
Est-ce gagné ? Va-t-il s'enraciner au Danemark, accepter la réalité en retrouvant sa sérénité ? L'illusion est de courte durée. Après ce moment de plénitude, de jouissance, d'accomplissement, dans l'éternité d'un instant, et même s'il veut trouver quelque chose de profitable à tous, pour rester sur place, malgré ce qu'il lui en coûte, il ne pourra résister longtemps. C'est que dans son sang coule un peu celui de sa grand-mère, Flora Tristan, une femme qui n'a jamais
voulu se laisser dicter sa conduite. Ah! Si seulement Mette était une artiste, rien ne les séparerait. Lui remontent à la mémoire les souvenirs des jours heureux, des heures insouciantes, de l'époque où il était amoureux et acceptait d'avoir un fil à la patte, du rôle de Gustave Arosa qui l'avait fait entrer à la Bourse, cela juste après six années en mer sur un navire de guerre et des bâtiments de toutes sortes. Il n'a finalement revu Paris qu'en 1871, après la Commune. Il fait la connaissance de Mette grâce à Arosa, et il flambe pour elle. Se succèdent alors des fêtes et des bals costumés. C'est le temps des rires, des amusements, du bonheur simple. Mette aussi était amoureuse, et malgré leurs disputes actuelles, elle ne l'a pas oublié. Il lui arrive encore - elle se surprend à le faire - de prendre la défense de Gauguin devant sa famille. Mais à présent, c'est l'enfer. On ne peut plus se voir en peinture. Ceux qui s'aimaient sont devenus l'un pour l'autre des étrangers. En raison des difficultés financières, la peinture est devenue, entre Mette et Paul, un fossé de séparation aux bords infranchissables. Gauguin est mis soudain devant un choix de clarté : ou Mette et leurs enfants ou la peinture.
Une fois le choix fait, le chemin emprunté sera sans retour. Et si la manie de peindre ne quitte pas Paul Gauguin, qu'il aille au grenier ou au diable !

François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)

Je pourrais prolonger cette critique sur des pages et des pages : j'en garde quelques-unes que je glisserai en commentaires.
La découverte de ce livre fort, de cette lecture marquante, je la dois à Piatka, que je remercie ici de tout mon coeur.
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Gauguin débarque à Copenhague en 1885 pour y rejoindre sa femme Mette et ses cinq enfants. Il vient de lâcher son emploi de courtier en bourse à Paris et débute une carrière de vendeur de bâches. Mais c'est la peinture qui l'obsède. Bien avant Pont Aven et Tahiti, les débuts sont difficiles. La reconnaissance tarde à venir, les soucis financiers s'accumulent, la vie danoise l'éreinte et les relations avec sa femme et sa belle-famille deviennent insupportables.


La peinture comme refuge. La peinture qui seule, « lui rend le présent habitable, [...] lui est tout à la fois la clé de l'avenir et ce qui permet d'en suspendre un instant le couperet. » La peinture qui, également, scellera la fin de son couple : « La peinture n'est plus un prétexte aux agressions ou aux rapprochements amoureux, elle est réellement devenue le nom de ce qui les sépare, irrévocablement, cela même qui bloque le balancier conjugal en position d'hostilité perpétuelle. »


Larguer les amarres. Gauguin va y consentir après moult hésitations. Une décision brutale, un couperet qui tombe d'un seul coup. Il part subitement pour la France avec son fils de 6 ans, Clovis, abandonnant les siens : « Il s'est sauvé du soir au matin, peut-être, et avec lui la peinture, comme le voudrait la légende, aussi bien sur son versant doré (l'homme qui a tout sacrifié à sa passion irrépressible pour la peinture) que sur son versant noir (l'homme qui a abandonné femme et enfants pour propager la syphilis en Polynésie au nom de l'art). »


Et parce qu'il manque une lettre, la première adressée par Gauguin à sa femme après leur séparation, on ne saura jamais les véritables raisons de ce départ brutal. Alors Bertrand Leclair interprète. Il déduit à partir des lettres suivantes, il imagine. Et sans doute parce qu'il est en empathie totale avec l'artiste, il a bien du mal à lui donner tort. Pour lui c'est le mépris de sa belle-famille danoise qui l'a poussé à partir. Gauguin ne serait donc pas un salaud ayant abandonné les siens et son départ était la seule solution, la seule réponse à cette question radicale vers laquelle son expérience danoise l'avait mené : peindre ou se pendre ?


Un séjour à Copenhague douloureux mais nécessaire pour la maturation de l'oeuvre à venir. L'artiste s'est construit dans cette épreuve, face aux jugements des autres mais aussi face à sa propre culpabilité de mari et de père incapable d'entretenir sa famille. Les doutes, les hésitations face à cette volonté de larguer les amarres en butte aux conventions sociales et à la bien-pensance, tout cela est parfaitement restitué dans le récit de Bertrand Leclair. La langue est belle, d'un lyrisme contenu. Un superbe texte qui éclaire d'un jour nouveau un épisode peu connu et pourtant essentiel de la vie de Gauguin.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Dans la collection "un endroit où aller", Actes Sud, j'aime ce livre (roman précise l'éditeur en couverture) où Bertrand Leclair se penche sur une courte période de la vie du couple que formèrent Paul Gauguin et Mette Gad. Une narration très dense de douze petits chapitres transportant à Copenhague où le couple déposa ses valises et changea plusieurs fois d'adresse en 1884 et 1885. Les raisons de cette installation sont tout d'abord exposées, il faut bien des explications pour réussir à comprendre comment ces deux-là, qui s'étaient rencontrés en 1873, puis mariés et qui vécurent ensuite si "bourgeoisement" à Paris, déménagèrent une première fois à Rouen pour des raisons pécuniaires avant d'opter enfin pour ce repli danois. La vie d'artiste ? Pas tout à fait, car à ce moment là, Gauguin n'est pas le créateur qu'il deviendra plus tard. Non, il a perdu son emploi de courtier en bourse suite au krach de 1882 et il prétend depuis qu'il sera peintre. Mais Gauguin est bien le seul à y croire. C'est un amateur que Pissarro a pris un temps sous son aile. L'élève a insisté, persisté. Gauguin était aussi un collectionneur avisé (il possèdait des oeuvres de Cézanne, Renoir, Manet). du côté de Mette ce retour au pays, elle qui avait bagarré auprès de sa mère pour épouser Paul, était peut-être une assurance de sécurité pour l'avenir de leurs cinq enfants nés en dix ans : Emil, Aline ("La petite rêve"), Clovis ("L'enfant endormi"), Jean René et Paul Rollon le plus jeune. Cinq témoins muets de cet épisode de la vie de leurs parents dont le dernier chapitre dévoilera le destin.

Une mutation (reconversion) de Gauguin se joue à Copenhague mais pas celle qu'espérait probablement Mette. le déménagement avait été soigneusement balisé mais Paul avait-il imaginé de tels déchirements à venir ? La famille Gad n'a pas ménagé ses efforts et fait jouer ses relations pour que Gauguin devienne représentant exclusif pour la Scandinavie d'une compagnie de toiles de bâches imputrescibles ! L'avenir paraît radieux et pourtant rien n'est acquis. C'est la chronique d'un désastre annoncé pour ceux qui ont entendu parler de Gauguin, de son fameux tempérament, de ses mauvaises manières... Oui, on lit bien un roman, une histoire dont on met vite de côté le dénouement connu au profit d'un angle de vue différent. S'appuyant sur l'oeuvre peint, les divers écrits et correspondances de Paul Gauguin ainsi que sur certains témoignages contemporains, le regard de Bertrand Leclair se pose, sensible et pénétrant, sur cette parenthèse de 1884/1885 pendant laquelle Gauguin ayant quitté sa vie d'avant s'apprête à devenir le peintre qu'il voulait être. Métamorphose d'un autodidacte en artiste. Ce peintre qu'il veut être enrage d'être ici, ce père qu'il veut rester se désespère aussi. Période décisive et terrible, captée avec intensité par Bertrand Leclair, entre les premières tentatives impressionnistes et juste avant la révolution de Pont-Aven, celle où tout a vacillé. Moments de vertiges personnels, intimes, collision entre l'homme et l'artiste.

Les difficultés matérielles s'accumulent, car il devient par trop évident que Paul Gauguin n'a pas la fibre commerciale, ne fait aucun effort pour apprendre une langue que ses enfants maîtriseront bientôt. Nouveaux déménagements dans Copenhague même, pour encore plus petit, toujours moins cher. Pressions de la belle famille, humiliations danoises, doutes et incertitudes empoisonnent le quotidien familial et participent au délitement conjugal. Mette donne des cours de français pendant que lui, réfugié dans son atelier-mansarde, au-dessus du salon, interroge son talent, sa paternité, hanté peut-être, selon Bertrand Leclair, par les démons d'une généalogie dominée par l'absence d'un père, mort prématurément, la violence d'un grand-père maternel dont la femme (Flora Tristan) a demandé le divorce très tôt. Un croquis de cette époque montre une soupière de laquelle il a fait émerger la tête de quatre de ses enfants, celle de Mette et la sienne : le mot mélasse est inscrit sur la panse. C'est dire comment il se voit avec sa famille. Il peint peu à ce moment là, "Le moulin de la reine", un autoportrait en train de se peindre, "Nature-morte dans un intérieur", et commence à écrire. Mais la peinture alors le dissuade de se pendre ; a-t-elle été la seule cause de sa séparation d'avec ses enfants (sans jamais que le couple ne divorce) ? Rien n'est moins sûr. Paul quittera Copenhague accompagné du plus jeune de ses enfants...

Loin des légendes de tous ordres ayant circulé sur le peintre, ce roman d'un petit pan de vie de Paul Gauguin et Mette Gad, réussit finement à éloigner des portraits à charges ou des stéréotypes trop fréquents dont nous usons trop souvent par facilité pour définir nos goûts et juger les artistes.




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Tout d'abord, je tiens à remercie Babelio et les éditions Actes sud pour l'envoi de ce titre. D'après mon ressenti, le vertige danois de Paul Gauguin de Bertrand Leclair est plus proche d'une biographie romancée que d'un roman. Toutefois la lecture en est aisée et vivante. le récit est admirablement documenté, captivant et animé notamment grâce à l'emploi de citations de la correspondance de Gauguin. Des recherches sur la critique picturale et l'époque nous immergent dans ce Danemark de la fin du XIXè siècle avec réalisme. Ce livre est un hommage à la persévérance de Paul Gauguin qui a dû faire face à d'énormes difficultés pour maintenir sa vocation picturale. Il n'avait pas l'appui de ses proches, bien au contraire, il était dénigré. Il n'avait plus de statut social bien établi, ce n'était plus le pilier de famille. Il était méprisé par sa belle famille autant dans son rôle social que dans la voie picturale qui était la sienne, bien éloignée de l'Ecole danoise et des ventes qui auraient pu subvenir au bien être de ses enfants. La fiction remplit les blancs qui ne sont pas exposés par la correspondance, la pudeur parfois du peintre quant à son malaise et à une partie de ses difficultés. Au contraire nous sommes en présence du portrait d'un homme torturé et à la fois puissant dans sa conviction que la peinture est toute sa vie.
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Beau roman de Bertrand Leclair sur la période où Gauguin a vécu avec sa femme et ses cinq enfants au Danemark. On découvre la passion dévorante de Gauguin pour son art, son incapacité à faire autre chose et à gagner de l'argent pour nourrir sa famille, le désespoir et la colère de sa femme devant ce manque d'argent. L'auteur nous dévoile les tensions du mariage, les jugements radicaux de la belle famille du peintre. Il nous décrit un homme déchiré, mal dans sa peau, vivant dans une perpétuelle crise et dans un environnement de colère permanente et mépris. Il s'agit aussi d'une période où Gauguin écrit, nous parle de peinture et quels mots, nous sommes heureux de les lire et de partager sa vision de son art.


En outre, Bertrand Leclair écrit très bien et c'est un plaisir de découvrir ses phrases et ses réflexions sur la peinture. Je recommande. Les pages se tournent avec aisance.
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Contraint de rejoindre sa femme et leurs cinq enfants à Copenhague, en novembre 1884, Gauguin est confronté à l'hostilité qu'il génère. Il est donc contraint de quitter ce pays 6 mois plus tard suite à la pression sociale et au doute.
Ce roman nous décrit le mal-être du peintre durant cette période difficile, tiraillé entre le fort désir de peindre et la nécessité de subvenir aux besoins de sa famille.
L'auteur s'est appuyé sur les correspondances de Gauguin avec ses proches pour mener son enquête. Ce roman est court mais très bien écrit, l'ambiance pesante qu'a dû connaitre Gauguin est bien restituée.
Entre roman psychologique et biographie, ce petit livre vous plongera dans les pensées et réflexions de Paul Gauguin
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Certains destins présentent une véritable dimension romanesque. En littérature comme en art, il suffit d'égrener quelques noms pour que, soudain, des images nous viennent à l'esprit. Arthur Rimbaud, ses fulgurances poétiques et ses amours impossibles. Frida Kahlo, son accident et sa bissexualité assumée. Andy Warhol, ses amis célèbres et ses frasques. le meilleur exemple reste Vincent van Gogh dont la vie passionnée a longtemps éclipsé la peinture dans l'esprit du grand public. Paul Gauguin est également la source d'un filon visiblement inépuisable de publications, de la monographie à la bande dessinée. Dans sa vie, vous trouverez tous les ingrédients pour un livre, du plus passionnant au plus exécrable. Ses origines, ses ruptures, ses accidents … D'abord pilotin sur un bateau, puis agent de change, pour finir en peintre postimpressionniste. Et que dire des lieux servant de décors à ses aventures : le Pérou, Panama, le Danemark, Pont-Aven, Tahiti et les Marquises ? Ils sont tous teintés de cet exotisme sauvage qui auréole les grands baroudeurs du genre Henry de Monfreid (dont Gauguin connaissait le père). de plus, il sacrifie confort occidental et sécurité familiale pour un monde plus originel, plus naturel, moins frelaté (du moins, le croyait-il). Paul Gauguin, le colocataire de van Gogh à Arles. Paul Gauguin, l'amateur de belles Polynésiennes. Aussi « le Vertige danois de Paul Gauguin » présente-t-il le mérite de romancer une période très peu documentée de la biographie officielle de l'artiste. En 1884, il est à Copenhague en famille. Il n'est guère apprécié par ses beaux-parents. Et tout se joue en ces quelques mois de remise en question, il prend la décision d'abandonner femme et enfants pour devenir peintre, au risque d'être jugé amoral. Ce sont donc les étapes d'un parcours introspectif, plutôt lent, avec ses replis sur lui-même jusqu'à la prise de décision finale, le départ avant de rejoindre la Bretagne. Ce n'est donc pas une monographie supplémentaire mais bien une tentative d'explication d'un choix existentiel, ce genre de choix qui conditionne toute une vie.

Mais le filon romanesque se tarira-t-il, un jour ? Je ne le pense. Il y aura toujours une certaine fantasmagorie autour des personnalités trop grandes pour le monde où elles vivaient.

Je tiens à remercier l'amie qui m'a offert ce livre.
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