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EAN : 9780244484798
410 pages
Mallard (12/05/2019)
5/5   8 notes
Résumé :
Un Festival d'intelligence

Ce sont les mots de Pierre Assouline qu'on est obligé de reprendre:

"Peu d'écrivains français prennent comme lui la peine de réfléchir à ce que lire et écrire veulent dire, et plus rares encore sont ceux qui manifestent un tel goût des autres écrivains. Sa conversation dont on retrouve le discret reflet, l'écho assourdi dans ses entretiens: un festival d'intelligence, de finesse, d'humour, de culture où un cer... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Vous savez ce qu'est une coïncidence? le monde est plein de coïncidences, de "synchronicités". Mais pour les voir, encore faut-il accepter (je reprends les termes d'Emmanuel Legeard), "de se soustraire à cet état artificiel d'effervescence stérile qui maintient les masses à coups de déclics dans un instant zéro sans dimensions, sans passé, sans avenir, afin d'assurer leur contrôle total" - encore faut-il refuser "la tyrannie du présentisme", la dictature de l'"actualité" (c'est-à-dire des fake niouzes d'Etat)… Encore faut-il revendiquer, catégoriquement, d'être I.N.A.C.T.U.E.L !

Il m'est arrivé d'entendre un mot pour la première fois de ma vie, puis d'ouvrir une encyclopédie de 50000 pages n'importe où et de tomber dessus. Il m'est arrivé de penser à un ami d'enfance que je n'avais plus revu depuis 20 ans et de le rencontrer à la minute près en sortant du métro Saint-Lazare, à Paris.

Et aujourd'hui, alors que j'avais résolu de prendre des vacances plus que prolongées de Bab El Oued et de ses vargasseries (oui, j'ai une vie sociale, une vie professionnelle, et même une vie sportive, alors maintenant qu'on est sortis de l'hiver, hein… écrire des critiques gratis pour faire fructifier le business d'une plate-forme de régies publicitaires, ça m'attire à peu près autant que de me casser une jambe)...

Voilà le moment que Legeard a choisi pour publier ses célébrissimes entretiens en recueil! Et ça faisait 10 ans qu'on réclamait! Et ça faisait 10 ans qu'on attendait! Je ne pensais même plus voir ça un jour.

Le mot approprié? Génial. Faut-il que j'en fasse plus que ça? Non, j'écris cette critique plus pour marquer le jour d'une pierre blanche. En effet, mes critiques, je viens de l'apprendre à l'instant, ne sont plus visibles, donc personne ne verra celle-ci. Ca doit être mon amour débordant pour notre cher Président qui est cause de cette disgrâce (ha! tu parles, comme si j'en avais quelque chose à…! :))) )

En tout cas: bravo aux éditions Mallard (dont je n'avais jamais entendu parler avant)!
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C'est ma troisième lecture, et je remercie Fred et Marie d'avoir attiré mon attention sur ce livre totalement insolite dans le panorama désolant de la littérature française en 2019.

Pour être tout à fait honnête, j'ai commencé par le laisser traîner sur la grande maie du salon pendant deux semaines. Je l'avais ouvert une fois, d'une main, j'avais fait tourner les pages avec le pouce, et j'ai cru que ça ressemblait au Métier d'écrire de Jean-Luc Delblat. Je m'attendais donc à m'ennuyer ferme, et je différais de jour en jour l'instant d'y jeter un coup d'oeil.

Finalement, comme on me le réclamait, la mort dans l'âme, je me suis dit qu'après tout, si c'était assommant comme du Delblat, autant le prendre au lit et s'administrer trois pages comme somnifère. A une heure du matin, j'y étais encore. Voilà ce qui arrive quand on confond le Donormyl et le Maxiton.

La grande différence tient principalement à ce que l'auteur du Métier d'écrire est un fils à papa bien coulé dans le moule PC et qui a su faire une carrière gauche caviar au sein de la jet-set germanopratine, entre Jack Lang, le Monde, le Magazine littéraire, les régates de voile à Deauville et la plongée dans les calanques.

L'autre est né dans le quartier le plus dur de France, il s'est physiquement battu pour survivre, il n'a jamais fait de compromis moral avec des institutions qu'il tient toutes pour véreuses, et on sent pour lui le respect de ceux qu'il interroge, qu'il s'agisse de Michel Butor, de Léo Malet, de Fred Kassak. . . ou de Lemmy Kilmister! Et ce dernier exemple est particulièrement frappant, car l'interview de Kilmister n'est pas la moins intelligente ni la moins intéressante, et bat en brèche tous les préjugés stupides.

Les choix, qui peuvent paraître hétéroclites à première vue, contribuent en fait à dégager l'unité d'un socle commun qui n'est autre que la pensée de l'auteur. Aussi, je définirai ce livre non comme un recueil, mais comme une recherche au moyen d'auteurs divers, recherche qui présente une profonde unité d'intention, et fait graduellement émerger une personnalité peu ordinaire. Emmanuel Legeard ne discute pas avec "n'importe qui", au hasard des rencontres. Il n'interroge au contraire que des personnalités qui présentent des affinités électives qu'il pense fructueuses. Et, chose réellement exceptionnelle, il se moque totalement de ce qu'on en pense et s'il n'est "pas convenable" de parler à une star du heavy metal comme on parle à un néo-romancier mythique ou à l'auteur du Brouillard au Pont de Tolbiac.

L'aspect délibérément maïeutique n'est pas contestable. L'aspect anarchiste non plus. Et d'un anarchisme qui n'est pas spécialement de gauche.

L'épigraphe résume l'attitude générale comme un "coup de 'ricain":

"I don't like the way you are / I despise what you hold dear / Don't you try to make me change / I'll haunt you for a thousand years"

La grande classe. La classe dangereuse.
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Ce qui fait que Legeard a de plus en plus de lecteurs, j'en suis sûre, c'est d'une part qu'il est plein de surprises, d'autre part qu'il n'en recèle nulle part de mauvaises. En effet, même quand je me laisse piéger à lire Untel ou Uneautre, je ne me relaxe jamais complètement, à moins qu'il ne s'agisse d'un auteur appartenant à une France humainement effacée des cartes. Il y a toujours ce tonus résiduel, lancinant et désagréable, de la fille qui se dit: "Pour l'instant, ça va, mais ne t'abandonne surtout pas, au moment où tu t'y attends le moins, tu vas avoir le droit au couplet réchauffiste, génocidaire, féministe, etc." Bon, en même temps, on est tombé si bas que la "dictature des tuyaux" (merci Jean-Pierre Ohl) nous impose désormais la merde standardisée à 80 de QI dès le titre, ce qui nous évite d'avoir seulement à commencer la lecture.

Mais avec Emmanuel Legeard, qui n'exprime jamais d'opinions politiques ou "sociétales" mais dont le ton viril et le style très pur, devenus rarissimes, me font suspecter qu'il n'est, mais alors, pas DU TOUT contaminé par le libéralo-libertarisme cosmopolite, on peut s'abandonner au pur plaisir de lire, de rire, de réfléchir, et de découvrir non seulement des aspects totalement ignorés de Michel Butor ou d'Antoine Blondin, mais encore - chose que je trouve personnellement exaltante - des auteurs exceptionnels qu'on connaissait par leurs productions sans du tout savoir qu'on les connaissait. Exemple: Fred Kassak.

Comme à peu près tout ceux qui parlent de Fred Kassak en 2019, et surtout sur Babelio, c'est par Emmanuel Legeard que j'ai appris son nom, son existence, et que je me suis lancée dans la lecture de ses livres (ou le visionnage de ses films, comme le génial L'Assassin connaît la musique).

Dans Les Entretiens Inactuels, c'est toutefois l'interview d'Antoine Blondin qui m'a le plus frappée. J'ai relu tout le recueil plusieurs fois, mais ce sont les propos de Legeard et Blondin qui continuent de me trotter dans la tête comme autant d'aphorismes inusables… Blondin, qui souvent optait pour le rôle du farceur futile, avec Legeard, change d'attitude. Il devient grave et partage des considérations essentielles sur les hommes, les bêtes, l'instinct, la solitude… C'est très intéressant.

A noter que ce livre, comme celui de Christian Combaz Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos, a été publié difficilement. Des "White males", pensez! Si vous trouvez que c'est inouï en termes de logique commerciale, parce que Combaz et Legeard ont leur public, qui est large, et que leur valeur assure qu'ils écouleront leur production, c'est que vous n'avez encore rien compris au fonctionnement des grandes multinationales néo-libérales (donc mondialisatrices) qui se sont emparées des principales maisons d'édition entre 1990 et 2000 et qui, comme le dit Noam Chomsky, n'obéissent pas à la logique de l'offre et de la demande. Ce sont "de vastes institutions de tyrannies privées" dont la langue officielle est le politiquement correct et qui ne tiennent aucun compte de la demande: ils imposent l'offre. Voir à ce sujet Jean-Pierre Ohl et ce qu'il explique de la "tyrannie des tuyaux". A nous, lectrices et lecteurs de lutter. Dictature? Samizdats!

"Emmanuel Legeard, un sacré tempérament d'écrivain" (Jean Raspail, Le Figaro littéraire)
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Très haute tenue intellectuelle, une lecture hors pair comme seul M. Emmanuel Legeard peut encore en donner l'occasion dans notre pauvre France "post-civilisée" (autrement dit, retombée dans la barbarie).
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C'est GENIAL!
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Etre inactuel, c'est se soustraire à cet état artificiel d'effervescence stérile qui maintient les masses à coups de déclics dans un instant zéro sans dimensions, sans passé, sans avenir, afin d'assurer leur contrôle total, c'est refuser la dictature de l'"actualité", la tyrannie du présentisme, l'obligation de disponibilité à l'excitation télécommandée.
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"J'ai eu un chien. C'était un chien très intelligent, qui détestait les uniformes et les étrangers. Il appartenait à la race la plus française: le berger des Pyrénées. C'était le modèle dont Buffon, dont Buffon je crois, s'était servi pour commenter les chiens de berger. Eh bien j'ai découvert avec lui la force de la race. Justement. Parce qu'il était né dans les vestiaires du stade de Lourdes. Je l'ai adopté, et je l'ai emmené à Paris où, fatalement, il est devenu plutôt chien de bar. Ce chien, donc, n'avait jamais vu une vache ou un mouton. Or, quand je suis retourné à Linards, dans la Haute-Vienne... eh bien, à la première vue des ruminants, il s'est mis d'instinct, par un repli d'atavisme, à les rassembler en troupeaux. C'est la vérité." (Antoine Blondin)
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"Je n'écris jamais qu'au dernier instant. C'est une torture qui n'a rien d'exquis. Je commence par être malade. Ensuite j'écris d'un trait, définitivement. Je ne me relis jamais. Mais je n'étais fait que pour écrire, car je le vois bien, je tiens de ma mère qui était, comment dire? un "poète séculier"... mais je crois que je m'efforce surtout de réaliser l'écrivain que mon père portait en lui. D'ailleurs, je sais le voir aussi chez les autres; par exemple, vous, c'est la même chose. On voit bien que vous avez beaucoup de talent, jailli du sol. C'est le miracle de la génétique, c'est pénible et beau à la fois. A cause de ce qu'on attend de vous." (Antoine Blondin)
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"(Léo) Malet m'a lancé un regard de côté:
- T'es de la même espèce que moi, toi, hein.
-Ah?
-Un anarchiste. Le type qu'on fusille sous tous les régimes."
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"Le passé est de plus en plus imprévisible."
(A propos de la réinvention idéologique de plus en plus délirante de l'Histoire par la propagande officielle).
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