L'histoire d'une langue pourrait prendre la forme d'un (ou de plusieurs) tomes rébarbatifs, et passionnants pour les initiés (il en faut).
Seth Lerer est l'un de ces initiés, mais il a le talent si rare de la conversation et de la science mêlées, ce qui fait que l'on apprend mille choses sans même s'en rendre compte. C'est l'art de Fontenelle ou de
Voltaire, mis au service du grand amour de la vie de l'auteur, l'anglais. Voilà bien une langue qui, traînée dans tous les ruisseaux et tous les aéroports, autoroutes et autres lieux, avilie, maltraitée et confondue avec le "globish", a bien besoin d'amour. L'auteur nous conduit à sa naissance, sous les aspects de ce germanique âpre, épique, intensément poétique et chrétien, nous fait vivre la Conquête de 1066 et la difficile synthèse avec le français des conquérants, en la personne de Chaucer. Nous n'échappons pas à la linguistique du "great vowel shift" qui façonne l'anglais tel que nous le connaissons, et abordons les rivages de
Shakespeare, des grands auteurs du XVII° et du XVIII°s. Puis Lerer nous envoie en Amérique, nous donne à entendre colons, esclaves, politiciens, journalistes et l'on voit, parallèlement à l'espagnol, comment une langue si profondément européenne se métamorphose au contact d'autres réalités. L'anglais d'internet, des textos, et ce fameux Globish qui est un des états de la langue, viennent clore le périple. Nous aurons fait le tour du monde en mille ans, appris une infinité de choses, et notre seul désir est d'en avoir encore. Car l'anglais est la langue même de la poésie, depuis Caedmon et Beowulf jusqu'à
Allen Ginsberg et les rappeurs.